LEÇON N˚ 51 : Fonctions polynômes du second degré. Pré-requis : – Dérivabilité, continuité des fonctions numériques ; – Notions d’espaces vectoriels, de sous-espaces vectoriels ; – Formule du binôme de Newton. On se place dans un corps K, généralement R ou C. On utilisera souvent l’abus de langage consistant à désigner une fonction par son expression (on parlera de la fonction x2 au lieu de x 7→ x2 ). On se place dans un plan affine euclidien P rapporté à un repère orthonormé (O,~ı,~). 51.1 Fonction puissance Proposition 1 : Pour tout k ∈ N, la fonction f k : x 7−→ xk est continue et dérivable sur K. démonstration : La fonction x 7−→ x est trivialement continue (utiliser a posteriori la définition de la continuité pour s’en convaincre), donc f k l’est aussi en tant que produit de fonctions continues. Montrons encore la dérivabilité. Soit x0 ∈ K. Alors pour tout x ∈ K différent de x0 , on a : f k ( x ) − f k ( x0 ) = x k − x0k = ( x − x0 ) k −1 ∑ xi x0k−1−i ⇒ i =0 k −1 f k ( x ) − f k ( x0 ) = ∑ xi x0k−1−i . x − x0 i =0 f k ( x ) − f k ( x0 ) = k x0k−1 = f k′ ( x0 ), x → x0 x − x0 donc f k est dérivable sur K, et pour tout x ∈ K, f k′ ( x ) = k x k−1 . Par passage à la limite, il vient alors que lim Corollaire 1 : Pour tout k ∈ N, f k est de classe C ∞ sur K. De plus, k(k − 1) · · · (k − i + 1) xk−i si i 6 k (i ) ∀ i ∈ N, ∀ x ∈ K, f k = 0 si i > k. démonstration : On procède par récurrence sur l’entier k ∈ N : Initialisation : Si k = 0, alors pour tout élément x de K, f 0 ( x ) = 1, et quelque soit l’entier i, on (i ) aura nécéssairement f 0 ( x ) = 0. Les deux points sont alors vérifiés. Hérédité : Supposons le résultat vrai au rang k et montrons qu’il l’est encore au rang k + 1. Soit x ∈ K. D’après la proposition 1, f k′+1 ( x ) = (k + 1) x k , donc par hypothèse de récurrence, f k′+1 est C ∞ , et donc a fortiori f k+1 aussi. De plus, pour tout i ∈ N, 2 Fonctions polynômes du second degré (i ) f k +1 ( x ) = H.R. = = Ceci achève notre récurrence. ( i −1) ( i −1) f k′+1 ( x ) = ( k + 1) f k (x) (k + 1)k · · · (k − i + 2) x k−i+1 si 0 si k + 1 − i ( k + 1) k · · · ( k + 1 − i + 1) x 0 i−1 6 k i−1 > k si i 6 k + 1 si i > k + 1. Théorème 1 : La famille (1, x, x2 ) est une base de l’espace vectoriel P2 (K ) (notation donnée en fin de page). démonstration : Soit (λ0 , λ1 , λ2 ) ∈ K3 . Supposons que ∀ x ∈ K, λ2 x2 + λ1 x + λ0 = 0. Alors pour tout x ∈ K ∗ (on peut se permettre d’enlever 0 puisqu’on veut faire k x k → ∞), λ 2 x 2 = − λ 1 x − λ 0 ⇒ λ 2 = − λ 1 x −1 − λ 0 x −2 . Par passage à la limite, on obtient : lim − λ1 x −1 − λ0 x −2 = 0 ⇒ kλ2 k = 0 ⇒ λ2 = 0. k x k→∞ Par suite, λ1 x = −λ0 ⇒ λ1 = −λ0 x −1 et k − λ0 x −1 k −−−→ 0, d’où kλ1 = 0k ⇒ λ1 = 0, et x →∞ l’égalité λ2 x2 + λ1 x + λ0 = 0 donne alors λ0 = 0. Nous venons de montrer que (1, x, x2 ) était une famille libre de P2 (K ). Il est évident qu’il s’agit aussi d’une famille génératrice. Corollaire 2 : a2 x2 + a1 x + a0 = α2 x2 + α1 x + α0 ⇔ a2 = α2 , a1 = α1 , a0 = α0 . démonstration : La démonstration précédente traduit le fait que : a2 x 2 + a1 x + a0 = 0 ⇔ a2 = a1 = a0 = 0. (♭) Posons alors P( x ) = a2 x2 + a1 x + a0 − α2 x2 − α1 x − α0 = ( a2 − α2 ) x2 + ( a1 − α1 ) x + ( a0 − α0 ). Alors (♭) nous permet d’écrire que a2 − α2 = a1 − α1 = a0 − α0 = 0, soit ⇔ a2 = α2 , a1 = α1 , a0 = α0 . 51.2 Fonction polynôme du second degré Définition 1 : Soient a0 , a1 , a2 ∈ K. Alors l’application P : K −→ K définie par P ( x ) = a2 x2 + a1 x + a0 est appelée fonction polynôme du second degré de la variable x. Les nombres a0 , a1 , a2 sont appelés coefficients de cette fonction polynôme. Si l’on suppose a2 6= 0, alors 2 est le degré de P (noté deg(P )) et a2 est appelé coefficient dominant de P. Notation : On note P2 (K ) l’ensemble des fonctions polynômes de degré inférieur ou égal à 2. 3 Fonctions polynômes du second degré Proposition 2 : Soient f = a2 x2 + a1 x + a0 ∈ P2 (K ), g = b2 x2 + b1 x + b0 ∈ P2 (K ) et α ∈ K. Alors (i) f + g : x 7−→ ( a2 + b2 ) x2 + ( a1 + b1 ) x + ( a0 + b0 ) max deg( f ), deg( g ) ; (ii) α f : x 7−→ αa2 x2 + αa1 x + αa2 4 (iii) f g : x 7−→ ∑ ∑ k =0 (u,v)∈∆k et au bv xk et et deg( f + g ) 6 deg(α f ) = deg( f ) ; deg( f g ) = deg( f ) + deg( g ), où ∆k = {(i, j) ∈ {0, 1, 2}2 | i + j = k} pour tout entier k ∈ {0, . . . , 4}. démonstration : Le seul point à poser quelques problèmes est le (iii). C’est donc logiquement sur celui-ci que nous allons nous attarder ! Soit x ∈ K. Alors 2 ∑ ai x i ( f g)( x ) = i =0 ! 2 ∑ bj x j j =0 ! = ( a0 + a1 x + a2 x2 )(b0 + b1 x + b2 x2 ) = a0 b0 + x [ a0 b1 + a1 b0 ] + x2 [ a0 b2 + a1 b1 + a2 b0 ] + x3 [ a1 b2 + a2 b1 ] + x4 [ a2 b2 ] ! 4 = ∑ ∑ k =0 (u,v)∈∆k xk . a u bv Notons n = deg( f ) ∈ {0, 1, 2} et m = deg( g) ∈ {0, 1, 2}, de sorte que an 6= 0 et bm 6= 0. Alors an bm 6= 0 ⇒ deg( f g) = n + m = deg( f ) + deg( g). Théorème 2 : Si f est une fonction polynôme, alors f est de classe C ∞ . De plus, si f est de plus de degré 2, alors pour tout k ∈ N, deg( f (k) ) = 2 − k si k 6 2 f (k) ≡ 0 si k > 2. démonstration : f = ∑2k=0 ak xk ∈ P2 (K ) est une combinaison linéaire de fonctions C ∞ (corollaire 1), donc est aussi C ∞ . Supposons alors f de degré 2 (donc a2 6= 0). Pour tout entier k et tout x ∈ K, f (k) ( x ) = 2 ∑ a p (x p (k) ) = ( ∑2p=k a p 0 = ( k ∑2p− =0 a p + k 0 p =0 p! ( p−k)! x p−k si k 6 2 si k > 2 ( p+k)! p! x p si k 6 2 si k > 2, et on en déduit que lorsque k 6 2, deg( f (k) ) = 2 − k. Proposition 3 : Soit f ∈ P2 (R ). Alors lim f ( x) = lim f ( x) = signe( a2 ) · ∞. x→∞ x→−∞ 4 Fonctions polynômes du second degré démonstration : Pour tout x ∈ K, on a a0 a , = a2 x 2 1 + 1 + a2 x a2 x n {z } | a2 6 =0 f ( x ) = a0 + a1 x + a2 x 2 x →±∞ −→ 1 et les deux résultats découlent de cette dernière égalité. Proposition 4 : Soit a ∈ K. La famille 1, x − a, ( x − a)2 engendre P2 (K ). démonstration : Soient x ∈ K et n ∈ {0, 1, 2}. On a simultanément n ( x − a) = ∑ (− a)n−k x k k k =0 n n n x = ( x − a) + a et ce qui suffit à démontrer le théorème. n n =∑ ( a )n−k ( x − a )k , k k =0 n Théorème 3 (formule de Taylor) : Soient f ∈ P2 (K ) et a ∈ K. Alors 2 f ( x) = ∑ k =0 f (k) ( a ) ( x − a)k . k! démonstration : f ∈ P2 (K ), donc d’après la proposition précédente, pour tout x ∈ K, il existe b0 , b1 , b2 ∈ K tels que 2 f (x) = ∑ b p ( x − a) p . p =0 Le théorème 2 et sa démonstration nous permettent d’exhiber la dérivée k-ième de f : ∀ x ∈ K, f (k) ( x ) = 2 p! ∑ b p ( p − k ) ! ( x − a ) p−k . p=k En particulier, pour x = a, l’égalité ci-dessus donne f (k) ( a) = k! bk , soit bk = f (k) ( a)/k! ou b p = f ( p) ( a)/p! pour p ∈ {0, 1, 2}, d’où le résultat. 51.3 Cas où K = R Théorème 4 : Pour tout réel x, on peut être P sous forme canonique : b 2 b2 − 4ac 2 P ( x ) = a x + b x + c = a2 x+ . − 2a 4a2 démonstration : Soit x un réel quelconque. Alors, en reconnaissant le début d’un carré, on écrit : c b ax +bx+c = a x + x+ a a 2 2 =a c b2 b 2 − 2+ x+ 2a 4a a . 5 Fonctions polynômes du second degré Définition 2 : On appelle discriminant de P l’expression définie par ∆ = b2 − 4ac. Proposition 5 : Le changement de repère défini par X = x + courbe d’équation y = a x2 + b x + c en Y = aX 2 . b ∆ et Y = y + transforme la 2a 4a démonstration : On a : b y = ax +bx+c = a x+ 2a 2 thm 4 2 − ∆ ∆ ∆ ∆ = aX 2 − ⇔Y− = aX 2 − ⇔ Y = aX 2 . 4a 4a 4a 4a Proposition 6 : Le sommet de la courbe d’équation y = a x2 + b x + c est le point b ∆ S − ,− . 2a 4a démonstration : Dire que la courbe d’équation y = a x2 + b x + c = 0, ou Y = aX 2 dans le nouveau repère induit par la proposition précédente) admet comme sommet le point S(0, 0) dans le ∆ b nouveau repère revient à dire que S − 2a , − 4a dans le repère (O,~ı,~). Remarque 1 : C’est donc dans le repère (S,~ı,~) que la courbe d’équation y = a x2 + b x + c = 0 du repère (0,~ı,~) s’écrit Y = aX 2 . Théorème 5 : Si a > 0 (resp. a < 0), alors la fonction x 7→ P( x) = a x2 + b x + c est b , et ⋄ strictement croissante (resp. décroissante) sur −∞, − 2a b ⋄ strictement décroissante (resp. croissante) sur − , +∞ . 2a démonstration : Soit x ∈ R. Grâce au théorème 4, on peut écrire que P( x ) = f 3 ◦ f 2 ◦ f 1 ( x ), avec f1 (x) = x + b 2a ; f 2 ( x ) = ax2 et f3 (x) = x − ∆ . 4a Les fonctions f 1 et f 3 sont strictement croissantes sur R. Le résultat s’en déduit du fait que les variations de la fonction carré ont été placées en pré-requis. 51.4 Racines Définition 3 : Soient f ∈ P2 (K ) et α ∈ K. On dit que α est une racine de f si f (α) = 0. 6 Fonctions polynômes du second degré Théorème 6 : Soient f ∈ P2 (K ) et α ∈ K. Alors α est racine de f si et seulement si f est divisible par ( x − α). démonstration : "⇐=" : Soit x ∈ K. Alors f ( x ) = ( x − α) g( x ) par hypothèse, donc f (α) = 0. "=⇒" : Puisque α est racine de f , on a f (α) = 0. Soit x ∈ K. Alors 2 f (x) = f ( x ) − f (α) = ∑ k =0 ak x k − 2 ∑ k =0 k −1 2 ∑ a k ( x − α ) ∑ x i α k −1− i = i =0 k =1 2 k −1 k =1 i =0 = ( x − α) ∑ ak ak αk = ! 2 ∑ ak ( x k − αk ) k =1 ∑ x i α k −1− i . Posons g( x ) = ∑2k=1 ak ∑ik=−01 xi αk−1−i , qui est un polynôme de degré 1. On a donc bien factorisé f ( x ) par ( x − α). Remarque 2 : Un polynôme de degré 2 admet donc au plus 2 racines. Lemme : Si Z = a + ib ∈ C ∗ , alors l’équation z2 = Z admet deux solutions opposées dans C. démonstration : Cherchons s’il existe z = x + iy ∈ C tel que z2 = Z. On a les équivalences : avec signe(b) = ( x + iy)2 = a + ib 1 0 −1 si si si ⇔ x2 − y2 − 2xyi = a + ib 2 x − y2 = a ⇔ 2xy = b 2 2 a x −y = √ 2 2 ⇒ x + y = a2 + b2 2xy = b s√ a2 + b2 + a x=± 2 s ⇔ √ a2 + b2 + a , y = ±signe(b) 2 b>0 b = 0 . Le résultat s’en déduit alors. b<0 Théorème 7 : Soient ( a, b, c) ∈ C3 (avec a 6= 0) et ∆ = b2 − 4ac ∈ C. Alors l’équation az2 + bz + c = 0 admet deux solutions dans C, données par : b (i) Si ∆ = 0, z1 = z2 = − ; 2a (ii) Si ∆ 6= 0, alors −b + δ −b − δ z1 = et z2 = , 2a 2a où δ est tel que δ2 = ∆. 7 Fonctions polynômes du second degré Remarque 3 : Si ( a, b, c) ∈ R3 , alors les deux solutions seront réelles si ∆ > 0 (∆ est nécessairement réel) et complexes conjuguées si ∆ < 0. démonstration : " # ∆ ( E′ ) ⇔ a − 2 =0 4a " 2 2 # δ b ⇔ a z+ =0 − 2a 2a −b − δ −b + δ z− . ⇔ a z− 2a 2a Si ∆ = 0, alors δ = 0 et z1 = z2 = − lors, on a : z1 = b z+ 2a 2 b . Sinon, le lemme assure que δ tel que δ2 = ∆ existe, et dès 2a −b + δ 2a z2 = et −b − δ . 2a 51.5 Relations entre coefficients et racines Proposition 7 : Si z1 et z2 désignent les deux racines (éventuellement confondues) de a2 x2 + a1 x + a0 ∈ P2 (K ), alors : z1 + z2 = − a1 a2 et z1 z2 = a0 . a2 démonstration : On part de l’expression des deux solutions (sans oublier la possibilité que ∆ = 0, auquel cas z1 = z2 ). Pour la somme, on a donc z1 + z2 = − a1 − δ − a1 − δ − a1 − δ − a1 + δ −2a1 a + = = = − 1. 2a2 2a2 2a2 2a2 a2 Pour le produit, on a : z1 z2 = a21 − δ2 a21 − ∆ − a1 − δ − a1 + δ (− a1 − δ)(− a1 + δ) 4a2 a0 a0 = = = = = . 2 2 2 2 2a2 2a2 (2a2 ) a2 4a2 4a2 4a2 Remarque 4 : Si on a malheureusement oublié la formule donnant le discriminant, cette proposition permet de trouver les solutions z1 et z2 (si elles existent) en fonction de a2 , a1 et a0 en résolvant un système de deux équations à deux inconnues. Exercice : Soient a et b deux nombres réels vérifiant l’inégalité |b| 6 2| a|. Montrer que l’équation ax2 + bx + a = 0 possède deux solutions conjuguées. 8 Fonctions polynômes du second degré Solution : Le calcul du discriminant donne ∆ = b2 − 4a2 = −1(4a2 − b2 ) = i2 (4a2 − b2 ). Notons que |b| 6 2| a| ⇔ b2 6 4a2 ⇔ √ 2 4a2 − b2 > 0, nous permettant ainsi d’écrire que ∆ = i 4a2 − b2 . D’après le théorème 2, les deux solutions sont donc : z1 = √ −b + i 4a2 − b2 2a et z1 = √ −b − i 4a2 − b2 . 2a ♦ Ces deux solutions sont effectivement conjuguées. Exercice : Trouver une équation du second degré à coefficients complexes ax2 + bx + c = 0 dont les solutions sont z1 = 1 + i et z2 = 1 + 2i. Solution : On peut supposer que a = 1 (car la division des deux membres de ( E′ ) par a 6= 0 ne change pas les solutions de l’équation). Il suffit alors, grâce à la proposition 1, de résoudre le système d’équations suivant : z1 + z2 = − b z1 z2 = c ⇔ −b = (1 + i ) + (1 + 2i ) c = (1 + i )(1 + 2i ) ⇔ b = −2 − 3i c = 1 + 3i + 2i2 = −1 + 3i. Une équation admettant z1 et z2 comme solutions est donc z2 − (2 + 3i )z − (1 − 3i ) = 0. c 2012 par Martial LENZEN. Aucune reproduction, même partielle, autres que celles prévues à l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être faite sans l’autorisation expresse de l’auteur. ♦