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sportifs, dès qu’ils conscientisent la chose, se réfèrent à la liste des produits prohibés. Tout le
reste des pratiques dopantes autorisées est renvoyé à l’inconscient. Il relève souvent de
pratiques passées qui ont permis d’accéder à une construction musculaire ou technico-
tactique. C’est dire qu’il est totalement inscrit au sentiment de vie du sportif. Or il y a une
chose qui n’est pas possible à la vie : se nier elle-même. Le contenu de conscience du sportif
s’en trouve tout à fait réduit. Il n’a pas conscience de se doper parce qu’à ce jour, il ne se
reconnaît pas dans la liste inerte des produits interdits. Il prétend n’être que la vie, ne faire
qu’exister dans son métier, ne pas tricher parce qu’il ne fait que vivre. D’ailleurs, à mesure
qu’il restreint son champ de conscience, ses performances s’améliorent, par conséquent son
sentiment et sa participation à celui de la communauté croissent également.
Ces considérations sur le dopage mettent clairement à jour la nécessité d’une éthique
véritable, je veux dire efficiente, qui a en elle assez de force pour orienter les actions
concrètes d’un acteur qui a en propre de désirer. Il en va d’une éthique de responsabilité, et
non pas de conviction, tant cette dernière peut aisément verser dans l’idéologie et la mise en
valeur de soi. Or le problème des considérations éthiques ordinaires, c’est qu’elles sont
inapplicables. Ce sont des énoncés éthiques statiques (de type « il faut être solidaire »), qui
ont certes le mérite d’être clairs et compréhensibles par toutes vues de l’esprit, mais qui sont
déconnectés de l’action dont ils prétendent être la cause. Les désillusions poussent alors à
adopter une posture critique : on décrie la morale comme masque de l’intérêt des hommes de
pouvoir, on la décrit comme opium d’un peuple occupé à juger des déviances aux principes
alors que ceux-ci sont utopiques, laissant le champ libre aux manœuvres des dominants. Sans
aller jusque là, il semble utile de distinguer entre le faire-comme-si et le faire-au-mieux en
matière d’éthique. Le premier est à bannir pour sa perfide perfection, le second à accepter
malgré son imperfection. Le faire-au-mieux sied en effet à l’agir sportif.
Il est en ce sens nécessaire de repenser l’éthique en tant qu’idée engagée dans un
processus actionnel. Il s’agit de se situer dans une optique dynamique où sera pris en compte
le mouvement qui va de l’éthique à l’action. Celle-ci relève autant de l’individu et du corps
que de la société, puisque la société sportive aime se penser comme « mouvement sportif ».
Mais justement, il faut initialement considérer que l’environnement social et la pulsion
individuelle sont étrangères l’une à l’autre. Je propose alors de faire l’hypothèse que ce que
l’éthique concrète peut faire, c’est d’adapter le désir au social, les rendre compatibles à même
l’individu acteur. Pour montrer la concrétude du propos, j’illustrerai ma conception en prenant
l’exemple de l’éthique de solidarité, qui a l’avantage d’être revendiquée par tous (joueurs,
entraîneurs, dirigeants). Elle signifie l’action de fédérer, faire le tout, et renvoie à une
prétendue dévotion de l’acteur. Celle-ci ne relève d’ailleurs pas nécessairement du faire-
comme-si pour autant qu’elle admette l’idée d’intérêt individuel : solidariser c’est solidifier le
tout, donc assurer sa place dans le tout. Intérêts individuels et collectifs peuvent ainsi être
solidarisés dans un certain faire-au-mieux.
Il faut ainsi commencer par considérer l’éthique véritable comme pièce du désir. Ce
n’est pas une conscience désintéressée, elle est portée par une pulsion désirante. Si d’ailleurs
elle est élément conscient du désir, elle n’est pas conscience de soi comme élément du désir.
Au contraire, elle est conscience émergente au sein des sources inconscientes que sont les
devenirs corporels et sociaux. L’éthique de solidarité naît en ce sens au sein du processus
fédéral de rassemblement des forces vives et d’intégration de nouveaux éléments : pris dans
celui-ci, les dirigeants ont tendance à se rendre en tous lieux, en toutes occasions, à serrer des
mains et à se prononcer au sujet des revendications et actions tous azimuts. L’éthique est donc
mouvement parce qu’elle naît dans le mouvement. Le responsable qui va à la rencontre de
tous les acteurs vit la fédération ou l’association comme ensemble de cellules vivantes mû par