Hourvari », 2009, 154 p., 15 € Esther Benbassa (sous

Librairie
241
Nathalie Heinich
LE BÊTISIER DU SOCIOLOGUE
Paris, Klincksieck, coll.
« Hourvari », 2009, 154 p., 15
Le titre de ce livre a de quoi sur-
prendre tout sociologue. Il est vrai que
l’heure de gloire de la discipline est
passée et que, depuis les années 1970,
les sociologues se sentent et se savent
mal aimés. Mais le ver était dans le
fruit puisque la discipline eut du mal
à s’installer à l’université où elle est,
selon Bourdieu, restée paria, soupçon-
née de compromissions politiques,
puisque les puissants n’en attendaient
qu’un savoir subalterne. Curieux tout
de même : qui songerait à publier un
« bêtisier » de l’archéologie ou de la
linguistique, ces autres disciplines qui
ont pu se penser les phares de la
connaissance en des temps plus
reculés ? La sociologie souffre toujours
d’avoir pour objet l’expérience et l’ex-
pression communes, sur laquelle cha-
cun a, bien entendu, son idée, pour ne
pas dire des certitudes arrêtées. Plus
précisément, le propos de la sociologie
est de comprendre les mécanismes de
la vie sociale, les logiques de fonc-
tionnement du vivre-ensemble, au-delà
des expériences que chacun peut en
avoir, d’où les malentendus possibles
entre la perception « commune » et le
discours élaboré du sociologue. Mais
cet écart doit-il aller jusqu’à outrepas-
ser les limites du sens commun ? Telle
est la question traitée de manière le
plus souvent légère et plaisante mais
toujours argumentée par Nathalie Hei-
nich, qui se revendique pour sa part
d’une approche empirique du métier.
Elle pointe donc avant tout le manque
d’intérêt des sociologues pour le réel,
particulièrement sensible dans la pro-
duction française qui se marque par la
faiblesse des enquêtes de terrain, la
prédominance des idées générales, la
focalisation sur les enjeux de pouvoir,
le privilège de la rhétorique et du soup-
çon. Mais, si elle pointe souvent les
fautes logiques et les erreurs de rai-
sonnement, elle ne célèbre pas, dans
un excès inverse, la technicisation du
métier : elle relève aussi de multiples
exemples d’abus des chiffres, la
manière de les mettre en valeur en
oubliant les contextes, les échelles de
comparaisons… Elle s’inquiète aussi
des excès du vocabulaire technique, du
décalage, qui peut mystifier le lecteur
peu méfiant, entre le sens technique et
le sens courant d’un terme. On voit, au
fil d’exemples, à quel point, au-delà de
la sociologie, l’ensemble des sciences
humaines peuvent être conceres par
le sujet. Finalement, l’intérêt du livre
n’est pas tant de livrer un « bêtisier »
que de donner, chemin faisant, un
mode d’emploi de la lecture des
ouvrages de sociologie, une discipline
dont elle connaît les apports et les tra-
vers. Ficelles comprises.
Monique Seyler
Esther Benbassa (sous la dir. de)
DICTIONNAIRE DES RACISMES,
DE L’EXCLUSION
ET DES DISCRIMINATIONS
Paris, Larousse, 728 p., 2010, 28
On n’est pas surpris de voir Esther
Benbassa et Jean-Christophe Attias
proposer ce Dictionnaire des racismes,
de l’exclusion et des discriminations. Il
s’inscrit dans la logique d’un engage-
ment constant qu’on leur connaît, avec
leurs tempéraments complémentaires,
que l’on retrouve dans l’ouvrage qui
alterne passion et nuances.
La quatrième de couverture de ce
dictionnaire souligne qu’il vient com-
bler un vide, alors que les questions
qu’il aborde sont d’une actualité brû-
lante. Le dilemme est posé : si l’objet
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