20-reperes-juillet-2010:Mise en page 1 24/06/10 15:18 Page 241 Librairie Nathalie Heinich focalisation sur les enjeux de pouvoir, le privilège de la rhétorique et du soupçon. Mais, si elle pointe souvent les fautes logiques et les erreurs de raisonnement, elle ne célèbre pas, dans un excès inverse, la technicisation du métier : elle relève aussi de multiples exemples d’abus des chiffres, la manière de les mettre en valeur en oubliant les contextes, les échelles de comparaisons… Elle s’inquiète aussi des excès du vocabulaire technique, du décalage, qui peut mystifier le lecteur peu méfiant, entre le sens technique et le sens courant d’un terme. On voit, au fil d’exemples, à quel point, au-delà de la sociologie, l’ensemble des sciences humaines peuvent être concernées par le sujet. Finalement, l’intérêt du livre n’est pas tant de livrer un « bêtisier » que de donner, chemin faisant, un mode d’emploi de la lecture des ouvrages de sociologie, une discipline dont elle connaît les apports et les travers. Ficelles comprises. LE BÊTISIER DU SOCIOLOGUE Paris, Klincksieck, coll. « Hourvari », 2009, 154 p., 15 € Le titre de ce livre a de quoi surprendre tout sociologue. Il est vrai que l’heure de gloire de la discipline est passée et que, depuis les années 1970, les sociologues se sentent et se savent mal aimés. Mais le ver était dans le fruit puisque la discipline eut du mal à s’installer à l’université où elle est, selon Bourdieu, restée paria, soupçonnée de compromissions politiques, puisque les puissants n’en attendaient qu’un savoir subalterne. Curieux tout de même : qui songerait à publier un « bêtisier » de l’archéologie ou de la linguistique, ces autres disciplines qui ont pu se penser les phares de la connaissance en des temps plus reculés ? La sociologie souffre toujours d’avoir pour objet l’expérience et l’expression communes, sur laquelle chacun a, bien entendu, son idée, pour ne pas dire des certitudes arrêtées. Plus précisément, le propos de la sociologie est de comprendre les mécanismes de la vie sociale, les logiques de fonctionnement du vivre-ensemble, au-delà des expériences que chacun peut en avoir, d’où les malentendus possibles entre la perception « commune » et le discours élaboré du sociologue. Mais cet écart doit-il aller jusqu’à outrepasser les limites du sens commun ? Telle est la question traitée de manière le plus souvent légère et plaisante mais toujours argumentée par Nathalie Heinich, qui se revendique pour sa part d’une approche empirique du métier. Elle pointe donc avant tout le manque d’intérêt des sociologues pour le réel, particulièrement sensible dans la production française qui se marque par la faiblesse des enquêtes de terrain, la prédominance des idées générales, la Monique Seyler Esther Benbassa (sous la dir. de) DICTIONNAIRE DES RACISMES, DE L’EXCLUSION ET DES DISCRIMINATIONS Paris, Larousse, 728 p., 2010, 28 € On n’est pas surpris de voir Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias proposer ce Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et des discriminations. Il s’inscrit dans la logique d’un engagement constant qu’on leur connaît, avec leurs tempéraments complémentaires, que l’on retrouve dans l’ouvrage qui alterne passion et nuances. La quatrième de couverture de ce dictionnaire souligne qu’il vient combler un vide, alors que les questions qu’il aborde sont d’une actualité brûlante. Le dilemme est posé : si l’objet 241