Tout d’abord, les résultats obtenus confirment la
pertinence qu’il y a à travailler sur le concept de
prix et la relation que les enfants entretiennent
avec lui. Cette notion est en effet loin d’être
étrangère pour eux et même les plus jeunes
(5 - 6 ans) (1) ne manquent pas d’idées pour
la définir.
La variété des définitions offerte par les enfants
met en exergue le caractère multi facettes de
ce construit. Pour les enfants, le prix n’est pas
un concept unique et apparaît plutôt pluridi-
mensionnel.
Quatre dimensions principales
émergent de leurs définitions :
- La forme visuelle du prix :
le prix est souvent
défini comme un élément visuel que beaucoup
d’enfants (de moins de 10 ans) identifient par
les chiffres qui le composent « C’est comme
12 €. C’est un numéro avec un signe qui signifie
euros » (F2. 8 ans), ou grâce à son emplace-
ment (étiquettes, codes-barres…). Les enfants
reconnaissent ainsi le prix par son apparence
numérique et manifestent ici leur capacité à
trouver l’information-prix au sein des linéaires
des magasins ou sur le produit lui-même. Ce
sultat confirme la prépondérance des attributs
visuels et saillants chez les plus jeunes.
- Un élément de la transaction économique :
le prix peut aussi être considéré comme une
information neutre mais nécessaire « Si on ne
mettait pas le prix, les personnes elles seraient
obligées de demander au marchand » (G. 8 ans)
qui fait partie intégrante d’une transaction entre
un client qui souhaite un produit et le marchand
qui le propose « Quand on veut vraiment quelque
chose, on doit aller quelque part pour l’acheter et
le payer » (F. 10 ans). Le prix est au centre d’un
mécanisme d’échange équitable qui permet le
fonctionnement du marché. Du point de vue du
vendeur, le prix est perçu par les enfants comme
le résultat d’un travail « Sert à gagner de l’argent
pour celui qui vend » (G. 10 ans). Du point de
vue de l’acheteur, il représente une indication.
Avec l’âge, les termes employés par les enfants
évoluent et leurs descriptions deviennent plus
économiques « Une somme qui permet de faire un
bénéfice sur ce qu’on a dépensé pour construire le
produit » (G. 13 ans).
- La concrétisation du prix par l’argent :
lors
d’une transaction monétaire, c’est l’argent qui
donne au prix sa dimension matérielle « C’est
quelque chose… C’est ce qu’on paie avec l’argent,
je crois » (F. 6 ans). Pour les plus jeunes, cela
permet la matérialisation d’une notion abstraite.
À partir de 10 ans, le prix semble être une no-
tion bien intégrée et les enfants ne font alors
plus explicitement référence à l’argent pour le
définir.
- La cherté et le coût liés au prix :
le prix
est synonyme de la valeur du produit « C’est
quelque chose qui explique la valeur de la chose
qu’on achète » (F. 10 ans). Il est aussi une source
d’information pour évaluer la cherté du produit.
Dès lors, la notion de sacrifice budgétaire lui
est attachée.
Ces différentes facettes du prix,
extraites de propos d’enfants
lorsqu’ils sont invités à définir le
prix, permettent d’établir plu-
sieurs constats :
Le prix est une variable connue des enfants
dès 5 - 6 ans
Ils savent le finir et lui prêtent plusieurs dimen-
sions qui rendent bien compte de son caractère
multi-facettes
Les dimensions évoquées semblent varier
en fonction de l’âge de l’enfant et de son
développement cognitif
Dès lors, le prix apparaît comme une variable
familière des enfants. Cette familiarité invite
chercheurs et professionnels à davantage in-
vestiguer, tant la relation qui les lie à elle que
les stratégies-prix qui en découlent potentiel-
lement.
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(1) Cet âge minimum a été dicté par des contraintes pratiques (e.g. la possibilité de dialoguer).
G. signifie que la citation est celle d’un garçon, F. celle d’une fille.
Que représente le prix
pour les enfants ?
À l’aune de la crise et de ses retentissements sur le pouvoir d’achat
des consommateurs, la problématique du prix à payer pour un pro-
duit est plus que jamais d’actualité. La population des enfants est
également concernée car d’une part elle est désormais considérée comme un mar-
ché à part entière et dispose d’un réel pouvoir d’achat et, d’autre part, elle représente un vivier important
de futurs consommateurs adultes. Si l’on ajoute à cela que l’enfance est une période clé de l’initiation à la
consommation, il paraît légitime de s’intéresser à la façon dont les jeunes consommateurs intègrent dans
leurs comportements de consommation les différentes variables marketing en général, et le prix en par-
ticulier. Vingt-huit entretiens individuels, réalisés auprès d’enfants de 15 à 13 ans, ont permis d’étudier la
définition du prix des jeunes consommateurs.
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Quartier libre A l’ISc PARIS ET A L’UNI VERSITE PARIS ¡ PANTHEON-SORBONNE
Que représentent le marketing, les marques
et la publicité chez les
11-20
ans ?
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© Fotolia
Par Coralie Damay, enseignant-
chercheur en marketing, ISC Paris, et
Nathalie Guichard, Maître de Conférences
– HDR en marketing, Université de Paris 1
Panthéon-Sorbonne
Quartier libre A l’ISc PARIS ET A L’UNI VERSITE PARIS ¡ PANTHEON-SORBONNE
A l’heure où l’hyperconsommation et le développement durable s’affrontent dans le conscient
collectif et où le rôle du marketing est questionné, il paraît pertinent de se tourner vers les jeunes,
déjà consommateurs et futur fonds de commerce des firmes, pour connaître leur perception
de techniques commerciales côtoyées quotidiennement : le marketing, les marques et la
publicité. Dix jeunes âgés de 11 à 20 ans ont ainsi accepté de livrer leurs impressions...
Les jeunes face au marketing
La perception du marketing par les jeunes est
souvent très parcellaire même si elle se fait plus
précise chez les plus âgés d’entre eux. Toutes
les finitions convergent vers l’idée de susciter
l’envie et la consommation de produits : « C’est
l’art de donner envie aux gens d’acheter certains
produits » (G. 11,5 ans). Les manifestations
qu’ils en retiennent sont surtout sa partie la
plus visible : marketing et publicité ne font qu’un
et l’objet commun est de « ‘‘marketer’un produit,
le mettre en valeur pour donner envie d’acheter »
(F. 14 ans). Certains évoquent aussi les bons
gratuits ou les produits tests.
Leur perception du marketing est neutre ou
négative, les arguments variant suivant l’âge.
Ils n’imaginent pas vraiment un monde sans
marketing « tout serait pareil sinon » (G. 12 ans) ;
« mais rien ne serait vraiment attirant » (G. 15
ans). Les termes qu’ils utilisent sont cependant
souvent sans équivoque : « obliger », « donner
envie ». Le marketing peut leur paraître légitime
puisqu’il permet à certains de « gagner leur vie »
(G. 11,5 ans). Seuls certains plus âgés ont un
discours tranché : « piège », « manipulation »
La place des marques
Spontanément, la marque est, pour la grande
majorité des jeunes, associée aux vêtements.
Pour les plus jeunes d’entre eux, la marque
est souvent liée à sa provenance « si on n’a
pas des marques on sait pas d’où ça provient
et on peut pas racheter » (F. 12
ans). Si certains lui asso-
cient une fonction de
repérage, d’autres la
réduisent à ses mani-
festations visuelles :
un nom, un logo ou
un imprimé sur un
vêtement. Le dis-
cours peut chez
les plus âgés se
faire plus abstrait : « elles ne renvoient pas la
même image » (F. 18,5 ans). Certains évoquent
sans conviction des différences de prix, qualité,
d’autres de style. Il y a les marques hype et les
autres, celles qu’il faut avoir au collège ou au
lycée sous peine d’être la cible de moqueries.
Le discours est cependant ambivalent, les jeu-
nes manifestent parfois une certaine résistance
à la dictature de la marque : « il vaut mieux être
nous-mêmes » (F. 14 ans) mais y sont finalement
plutôt favorables « cela offre une grande diversité,
c’est une liberté, chacun est libre de choisir » (F.
18,5 ans).
Leur rapport à la publicité
La publicité fait évidemment partie de leur
quotidien. Tous citent prioritairement la té-
lévision comme canal de transmission mais
l’affichage, l’internet et la presse magazine
sont également mentionnés, plus rarement
le cinéma. A la télévision, beaucoup pensent
qu’elle est trop présente « à la télé c’est un peu
énervant d’avoir tout le temps des pubs » (F. 14
ans), c’est aussi le cas de l’internet pour les
plus âgés « aujourd’hui les pubs nous envahissent,
surtout sur internet, c’est vraiment insupportable »
(F. 18,5 ans) mais au total l’attitude est plutôt
favorable « je trouve ça bien, j’aime bien, c’est
comme ça » (F. 14 ans).
Pour les jeunes, la publicité a pour objet d’in-
former les clients potentiels des nouveau-
tés et de manière générale de présenter les
produits sous leur meilleur jour pour inciter à
l’achat « quand on aime bien la pub, on va al-
ler dans le magasin et ont va acheter » (G. 10
ans), « on dévoile tous les atouts du produit »
(G. 11,5 ans). S’ils ne contestent pas son utilité,
au contraire, « c’est un moyen de faire découvrir
un produit. C’est un des liens entre le produit et le
consommateur». (F. 18,5 ans) –, ils ne sont pas
dupes et perçoivent bien que la réalité peut être
différente ce qui est annoncé « c’est plus pour
attirer, le sandwich dans la pub il est énorme et en
vrai il est tout petit petit » (G. 11,5 ans).
Les annonces publicitaires qu’ils préfèrent sont
celles qui les font rire, qui sont « drôles » ou
« marrantes », celles « dont la chanson accroche,
avec des blagues, c’est plus fun » (F. 18,5 ans),
les slogans ou les refrains qu’ils reprennent en-
tre eux, parfois pour parodier les marques. Ils
apprécient aussi les publicités originales et inte-
ractives « j’aime la publicité sur internet car c’est
plus vivant, on peut parfois choisir l’histoire qu’on
veut, il y a une distraction ce n’est plus uniquement
l’aspect marque » (F. 19 ans). En revanche, ils
rejettent les publicités dont ils ne sont
pas la cible « les pubs pour la
lessive cela n’a pas
d’intérêt pour moi »
(F. 15 ans).
Interrogés sur la
possibilité d’un monde
sans marketing, marque ni publicité, ils sont
partagés, sans doute parce que l’éventualité
leur paraît peu réaliste « ça serait compliqué, on
n’aurait plus les mêmes repères » (F. 14 ans).Ils
se rejoignent sur la perception d’un
envahissement publicitaire qui
les conduit fréquemment
à zapper.
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