ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT Année 2013 LES INFECTIONS DUES À CORYNEBACTERIUM PSEUDOTUBERCULOSIS CHEZ LES RUMINANTS THÈSE Pour le DOCTORAT VÉTÉRINAIRE Présentée et soutenue publiquement devant LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL par Clémence GUINARD Née le 3 juillet 1986 à Parthenay (Deux-Sèvres) JURY Président : Pr. Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL Membres Directeur : M. Karim ADJOU Maître de conférences à l’ENVA, responsable de l’Unité de Pathologie du Bétail Assesseur : M. Henri-Jean BOULOUIS Professeur à l’ENVA LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT Directeur : M. le Professeur GOGNY Marc Directeurs honoraires : MM. les Professeurs MORAILLON Robert, PARODI André-Laurent, PILET Charles, TOMA Bernard Professeurs honoraires: Mme et MM. : BRUGERE Henri, BRUGERE-PICOUX Jeanne, BUSSIERAS Jean, CERF Olivier, CLERC Bernard, CRESPEAU François, DEPUTTE Bertrand, MOUTHON Gilbert, MILHAUD Guy, POUCHELON Jean-Louis, ROZIER Jacques DEPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC) Chef du département : M. POLACK Bruno, Maître de conférences - Adjoint : M. BLOT Stéphane, Professeur - UNITE DE CARDIOLOGIE - UNITE DE PARASITOLOGIE ET MALADIES PARASITAIRES Mme CHETBOUL Valérie, Professeur * M. BLAGA Radu Gheorghe, Maître de conférences (rattaché au DPASP) Mme GKOUNI Vassiliki, Praticien hospitalier M. CHERMETTE René, Professeur * M. GUILLOT Jacques, Professeur - UNITE DE CLINIQUE EQUINE Mme MARIGNAC Geneviève, Maître de conférences M. AUDIGIE Fabrice, Professeur M. POLACK Bruno, Maître de conférences M. DENOIX Jean-Marie, Professeur M. BENSIGNOR Emmanuel, Professeur contractuel Mme TRACHSEL Dagmar, Maître de conférences contractuel Mme DUPAYS Anne-Gaëlle, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel Mme GIRAUDET Aude, Praticien hospitalier * Mme MESPOULHES-RIVIERE Céline, Maître de conférences contractuel Mme PRADIER Sophie, Maître de conférences - UNITE D’IMAGERIE MEDICALE Mme BEDU-LEPERLIER Anne-Sophie, Maître de conférences contractuel Mme STAMBOULI Fouzia, Praticien hospitalier - UNITE DE MEDECINE Mme BENCHEKROUN Ghita, Maître de conférences contractuel M. BLOT Stéphane, Professeur* Mme MAUREY-GUENEC Christelle, Maître de conférences M. ROSENBERG Charles, Maître de conférences - UNITE DE MEDECINE DE L’ELEVAGE ET DU SPORT M. GRANDJEAN Dominique, Professeur * Mme YAGUIYAN-COLLIARD Laurence, Maître de conférences contractuel Mme CLERO Delphine, Maître de conférences contractuel - DISCIPLINE : NUTRITION-ALIMENTATION M. PARAGON Bernard, Professeur - UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE M. FAYOLLE Pascal, Professeur M. MAILHAC Jean-Marie, Maître de conférences M. MOISSONNIER Pierre, Professeur* M. NIEBAUER Gert, Professeur contractuel Mme RAVARY-PLUMIOEN Bérangère, Maître de conférences (rattachée au DPASP) Mme VIATEAU-DUVAL Véronique, Maître de conférences M. ZILBERSTEIN Luca, Maître de conférences - UNITE DE REPRODUCTION ANIMALE Mme CONSTANT Fabienne, Maître de conférences (rattachée au DPASP) M. DESBOIS Christophe, Maître de conférences M. FONTBONNE Alain, Maître de conférences Mme MASSE-MOREL Gaëlle, Maître de conférences contractuel (rattachée au DPASP) M. NUDELMANN Nicolas, Maître de conférences M. REMY Dominique, Maître de conférences (rattaché au DPASP)* M. MAUFFRE Vincent, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel, (rattaché au DPASP) - DISCIPLINE : URGENCE SOINS INTENSIFS - DISCIPLINE : OPHTALMOLOGIE Mme ROUX Françoise, Maître de conférences Mme CHAHORY Sabine, Maître de conférences * DEPARTEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES ET DE LA SANTE PUBLIQUE (DPASP) Chef du département : M. MILLEMANN Yves, Maître de conférences - Adjoint : Mme DUFOUR Barbara, Professeur - DISCIPLINE : BIOSTATISTIQUES - UNITE DE PATHOLOGIE MEDICALE DU BETAIL ET DES ANIMAUX M. DESQUILBET Loïc, Maître de conférences DE BASSE-COUR - UNITE D’HYGIENE ET INDUSTRIE DES ALIMENTS D’ORIGINE M. ADJOU Karim, Professeur * M. BELBIS Guillaume, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel, ANIMALE M. HESKIA Bernard, Professeur contractuel M. AUGUSTIN Jean-Christophe, Maître de conférences M. MILLEMANN Yves, Professeur M. BOLNOT François, Maître de conférences * M. CARLIER Vincent, Professeur Mme COLMIN Catherine, Maître de conférences - UNITE DE ZOOTECHNIE, ECONOMIE RURALE M. ARNE Pascal, Maître de conférences* M. BOSSE Philippe, Professeur - UNITE DES MALADIES CONTAGIEUSES M. COURREAU Jean-François, Professeur M. BENET Jean-Jacques, Professeur Mme GRIMARD-BALLIF Bénédicte, Professeur Mme DUFOUR Barbara, Professeur* Mme LEROY-BARASSIN Isabelle, Maître de conférences Mme HADDAD/HOANG-XUAN Nadia, Professeur M. PONTER Andrew, Professeur Mme PRAUD Anne, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel DEPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET PHARMACEUTIQUES (DSBP) Chef du département : Mme COMBRISSON Hélène, Professeur - Adjoint : Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences - UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES - UNITE DE PATHOLOGIE GENERALE MICROBIOLOGIE, M. CHATEAU Henry, Maître de conférences* IMMUNOLOGIE Mme CREVIER-DENOIX Nathalie, Professeur M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur M. DEGUEURCE Christophe, Professeur Mme QUINTIN-COLONNA Françoise, Professeur* Mme ROBERT Céline, Maître de conférences Mme LE ROUX Delphine, Maître de conférences stagiaire - DISCIPLINE : ANGLAIS Mme CONAN Muriel, Professeur certifié - UNITE DE BIOCHIMIE M. BELLIER Sylvain, Maître de conférences* M. MICHAUX Jean-Michel, Maître de conférences - DISCIPLINE : EDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE M. PHILIPS, Professeur certifié - UNITE DE GENETIQUE MEDICALE ET MOLECULAIRE Mme ABITBOL Marie, Maître de conférences M. PANTHIER Jean-Jacques, Professeur* - UNITE DE PHARMACIE ET TOXICOLOGIE Mme ENRIQUEZ Brigitte, Professeur M. PERROT Sébastien, Maître de conférences M. TISSIER Renaud, Maître de conférences* - UNITE DE PHYSIOLOGIE ET THERAPEUTIQUE Mme COMBRISSON Hélène, Professeur Mme PILOT-STORCK Fanny, Maître de conférences M. TIRET Laurent, Maître de conférences* - UNITE DE VIROLOGIE M. ELOIT Marc, Professeur Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences * -UNITE D’HISTOLOGIE, ANATOMIE PATHOLOGIQUE Mme CORDONNIER-LEFORT Nathalie, Maître de conférences* - DISCIPLINE : ETHOLOGIE M. FONTAINE Jean-Jacques, Professeur Mme GILBERT Caroline, Maître de conférences Mme LALOY Eve, Maître de conférences contractuel M. REYES GOMEZ Edouard, Assistant d’enseignement et de recherche * responsable d’unité contractuel REMERCIEMENTS Au président du jury, Professeur à la Faculté de Médecine de Créteil, Qui nous fait l’honneur de présider notre jury. Hommage respectueux. À Monsieur Karim Adjou, Maître de conférences à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort, Pour avoir accepté de reprendre si tardivement l’encadrement de ce travail, Mes remerciements les plus sincères. À Monsieur Henri-Jean Boulouis, Professeur à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort, Pour avoir accepté de participer à notre jury de thèse, Sincères remerciements. À Madame Jeanne Brugère-Picoux, Professeur honoraire à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort, Pour m’avoir proposé ce sujet et m’avoir guidée dans mon travail, Sincères remerciements. À ma famille, Pour votre soutien, merci. À mes amis, pour tous ces moments passés ensemble. À Isabelle, Marielle, Gaël, Elisabeth, Fanny, Chloé, Marie-Aude, sans vous, Alfort aurait été fade. À mon Ancienne, à mes poulots, à la promotion 2012, qui ont fait de moi une alforienne. TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ............................................................................................................................... 5 I. ÉTIOLOGIE................................................................................................................................. 7 A. Morphologie ............................................................................................................................. 7 B. Culture et identification ......................................................................................................... 10 C. Pathogénicité et facteurs de virulence.................................................................................... 10 1. Phospholipase D................................................................................................................. 11 2. Fag B .................................................................................................................................. 13 3. Sérine protéase ................................................................................................................... 13 4. Composants toxiques de la membrane cellulaire ............................................................... 14 5. CP40, une autre toxine sécrétée ......................................................................................... 14 D. Typage de la bactérie et comparaison de différents isolats .................................................... 14 1. Techniques de typage ......................................................................................................... 14 a) RT-PCR.......................................................................................................................... 14 b) ERIC-PCR...................................................................................................................... 15 c) BOX-PCR ...................................................................................................................... 15 d) RADP ............................................................................................................................. 15 e) ADSRRS-fingerprinting ................................................................................................ 15 f) Ribotypage ..................................................................................................................... 16 g) Pulse-field gel electrophoresis (PFGE) .......................................................................... 16 2. Diversité des C. pseudotuberculosis .................................................................................. 16 3. Stabilité du génome ............................................................................................................ 17 II. ÉPIDÉMIOLOGIE..................................................................................................................... 23 A. Répartition.............................................................................................................................. 23 B. Prévalences............................................................................................................................. 23 1. Afrique ............................................................................................................................... 23 2. Amérique ............................................................................................................................ 24 3. Asie .................................................................................................................................... 25 4. Océanie............................................................................................................................... 26 5. Europe ................................................................................................................................ 26 6. Cas de la France ................................................................................................................. 28 C. Modes de transmission ........................................................................................................... 28 1. Par contact .......................................................................................................................... 28 2. Aérosols ............................................................................................................................. 28 D. Facteurs de risque................................................................................................................... 28 1. Facteurs intrinsèques .......................................................................................................... 28 a) Âge ................................................................................................................................. 28 b) Sexe ................................................................................................................................ 29 c) Localisation des lésions ................................................................................................. 29 2. Facteurs extrinsèques ......................................................................................................... 29 a) La tonte .......................................................................................................................... 29 b) Le comportement ........................................................................................................... 29 c) Plaies iatrogènes ............................................................................................................. 30 1 d) e) Douches et bains antiparasitaires ................................................................................... 30 Mode d’élevage .............................................................................................................. 30 III. PHYSIOPATHOLOGIE ............................................................................................................ 31 A. Voies d’entrée de la bactérie .................................................................................................. 31 B. Extension de l’infection ......................................................................................................... 31 C. Réponse immunitaire ............................................................................................................. 33 1. Mécanismes mis en jeu ...................................................................................................... 33 2. Échappement au système immunitaire de l’hôte................................................................ 34 D. Persistance de Corynebacterium pseudotuberculosis dans l’hôte ......................................... 34 IV. SIGNES CLINIQUES ET LÉSIONNELS ................................................................................ 37 A. Signes cliniques ..................................................................................................................... 37 1. Lymphadénite caséeuse chez les petits ruminants ............................................................. 37 a) Forme cutanée ................................................................................................................ 37 (1) Description ............................................................................................................. 37 (2) Localisation des abcès............................................................................................ 37 b) Forme viscérale .............................................................................................................. 38 (1) Description ............................................................................................................. 38 (2) Localisation des lésions ......................................................................................... 38 c) Complications ................................................................................................................ 39 d) Association avec le virus de Maedi-Visna ..................................................................... 40 2. Mammites........................................................................................................................... 40 3. Lymphangite ulcérative chez les bovins et les bisons........................................................ 41 4. Dermatite ulcérative et nécrosante du pied chez les bovins............................................... 42 5. Avortements ....................................................................................................................... 42 6. Infection localisée au point d’inoculation .......................................................................... 43 7. Autres ................................................................................................................................. 43 B. Lésions ................................................................................................................................... 44 1. Aspect macroscopique des abcès caséeux ......................................................................... 44 2. Composition cellulaire des abcès caséeux ......................................................................... 44 V. DIAGNOSTIC ........................................................................................................................... 47 A. Clinique .................................................................................................................................. 47 1. Portage sain ........................................................................................................................ 47 2. Forme cutanée .................................................................................................................... 47 3. Forme viscérale .................................................................................................................. 47 B. Examens complémentaires ..................................................................................................... 47 C. Diagnostic de laboratoire ....................................................................................................... 48 1. Test ELISA ........................................................................................................................ 48 2. Microagglutination ............................................................................................................. 51 3. Western Blot ....................................................................................................................... 51 4. Test SHI ............................................................................................................................. 51 5. PCR .................................................................................................................................... 51 6. Détection de l’interféron-gamma ....................................................................................... 52 7. Spectroscopie par résonance plasmonique de surface (SPR)............................................. 55 8. Comptage monocytaire et concentration en haptoglobine sérique .................................... 55 9. Réactions croisées .............................................................................................................. 55 D. Diagnostic différentiel............................................................................................................ 56 2 1. 2. 3. 4. 5. Autres causes d’abcès ........................................................................................................ 56 Adénomégalies consécutives à des infections ................................................................... 58 Autres causes de mammites chez les bovins ...................................................................... 58 Kystes ................................................................................................................................. 58 Tumeurs ............................................................................................................................. 59 VI. TRAITEMENTS ET PRÉVENTION ........................................................................................ 61 A. Traitements médical et chirurgical ......................................................................................... 61 1. Antibiothérapie................................................................................................................... 61 2. Parage des abcès................................................................................................................. 61 B. Prévention .............................................................................................................................. 62 1. Mesures sanitaires .............................................................................................................. 62 a) Lors de la tonte............................................................................................................... 62 b) Lors des introductions et sorties d’animaux dans un troupeau ...................................... 62 c) Dans les troupeaux infectés............................................................................................ 63 2. Prophylaxie médicale ......................................................................................................... 63 a) Les différents types de vaccins ...................................................................................... 64 (1) Vaccins dirigés contre la bactérie .......................................................................... 64 (2) Vaccins dirigés contre une toxine bactérienne : la phospholipase D ..................... 65 (3) Vaccins combinés .................................................................................................. 66 (4) Vaccins vivants ...................................................................................................... 67 (5) Vaccins ADN ......................................................................................................... 68 b) Les vaccins disponibles.................................................................................................. 69 (1) Autovaccins............................................................................................................ 69 (2) Vaccins commerciaux ............................................................................................ 69 c) Hypothèses de recherche en terme de nouveaux vaccins .............................................. 70 d) Efficacité de la vaccination ............................................................................................ 70 e) Exemple de stratégie vaccinale : l’Australie .................................................................. 71 C. Importance du contrôle de la maladie .................................................................................... 72 1. Conséquences sanitaires..................................................................................................... 72 2. Conséquences économiques............................................................................................... 72 a) Inspection des carcasses et saisies ................................................................................. 72 b) Déficit de production de laine ........................................................................................ 73 c) Syndrome de la brebis maigre ........................................................................................ 73 d) Autres ............................................................................................................................. 73 D. Exemple d’un plan d’éradication : les Pays-Bas.................................................................... 73 CONCLUSION .................................................................................................................................. 75 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................. 77 3 4 INTRODUCTION Corynebacterium pseudotuberculosis, bactérie Gram positive appartenant à l’ordre des Actinomycétales, est responsable d’infections chroniques chez un certain nombre d’espèces de Mammifères, en particulier chez les ruminants. La plus répandue de ces maladies est la lymphadénite caséeuse, aussi appelée maladie caséeuse, que l’on retrouve chez les petits ruminants, ovins et caprins. Les infections à Corynebacterium pseudotuberculosis sont d’importance variable selon les pays. Cette bactérie peut y être peu présente, mais ces différences viennent aussi du fait qu’on ne s’y intéresse parfois pas depuis longtemps, ce qui est en particulier le cas en Amérique Latine. De plus, le sujet est de nouveau d’actualité dans les pays où l’élevage ovin est répandu, en particulier en Nouvelle Zélande, où ces infections sont décrites depuis longtemps, et en Grande-Bretagne, où la bactérie a fait sont apparition beaucoup plus récemment. La bactérie a été isolée pour la première fois en 1888 par Edmond Nocard, bactériologiste français, à partir d’un prélèvement sur une vache présentant une lymphangite. Puis, en 1891, le même germe a été retrouvé par Hugo von Preïsz, bactériologiste bulgare, sur un abcès rénal chez une brebis (BAIRD et FONTAINE, 2007). Nocard en a décrit les propriétés dans un article décrivant une lymphangite chez un cheval (NOCARD, 1896). Elle a tout d’abord été nommée en fonction du nom de ses découvreurs, et s’est donc fait connaître sous le nom de bacille de Preïsz-Nocard. En 1896, Lehmann et Neumann publient leur premier atlas de bactériologie, dans lequel ils décrivent la bactérie. Ils la renomment Bacillus pseudotuberculosis en raison de la ressemblance des lésions provoquées, des nodules caséeux, avec celles de la tuberculose. Puis, en 1923, à cause des similarités de morphologie et de composition des parois cellulaires, BERGEY la place dans son Manual of Determinative Bacteriology dans le genre des Corynebacterium, initialement créé pour Corynebacterium diphtheriae. Ayant travaillé à partir d’isolats provenant d’ovins, il renomme la bactérie Corynebacterium ovis. Puis, la bactérie ayant été isolée chez d’autres espèces de Mammifères, et pas seulement des ruminants, BERGEY en change de nouveau le nom pour celui de Corynebacterium pseudotuberculosis dans la sixième édition de son manuel, publiée en 1948 (BAIRD et FONTAINE, 2007). Depuis, la nomenclature n’a plus évolué, et ce nom fait partie de la Approved Lists of Bacterial Names du 1er janvier 1980 (EUZÉBY, 1997; EUZÉBY, 2005, site web). Une des caractéristiques de la bactérie est sa grande capacité à résister dans l’environnement. Si l’on ajoute à cela le fait qu’elle est encapsulée dans des abcès dans le cas de la maladie caséeuse, ce qui la rend inaccessible aux antibiotiques, on comprend qu’il est très difficile d’assainir un troupeau une fois qu’il est atteint. De plus, les moyens de détection et de lutte mis en place dans les différents pays sont très variables, selon la prévalence et les méthodes de contrôle disponibles, ceux qui existent n’étant pas toujours autorisés par la réglementation en vigueur, ou disponibles dans le commerce. Les échanges d’animaux entre pays étant fréquents, cette bactérie continue à se propager, et regagne de l’importance, en France en particulier. 5 De par ses propriétés, Corynebacterium pseudotuberculosis a parfois été qualifiée de « parasite idéal ». En effet, une fois l’hôte infecté, un mécanisme lui permettant d’échapper au système immunitaire de ce dernier se met en place, ce qui a pour conséquence une chronicité de l’infection. Celle-ci étant rarement létale, l’animal continue à vivre en excrétant la bactérie. S’il n’est pas dépisté, une grande majorité du troupeau peut être rapidement contaminée, ce qui est à l’origine de pertes économiques non négligeables. Ce travail a donc pour but de mettre en évidence l’importance des infections par Corynebacterium pseudotuberculosis chez les ruminants dans le monde, et de faire un état des lieux des connaissances actuelles concernant le dépistage et les moyens de lutte contre cette bactérie. Pour cela, les caractéristiques de la bactérie seront développées, et permettront ensuite d’expliquer l’épidémiologie des infections à Corynebacterium pseudotuberculosis, leur pathogénie, et leurs signes cliniques et lésionnels. Les moyens de dépistage et de lutte existants et en cours de développement seront enfin développés. 6 I. ÉTIOLOGIE A. Morphologie Corynebacterium pseudotuberculosis est une bactérie qui appartient à l’ordre des Actinomycetales, au sous-ordre des Corynebacterineae et à la famille des Corynebacteriaceae. Le genre Corynebacterium est composé en 2005 de 66 espèces différentes, 38 d’entre elles (Tableau 1) ayant une implication en pathologie (BERNARD, 2005). Cette bactérie est donc un bacille Gram positif, assez court : 1 à 3 µm de long pour 0,5 à 0,6 µm de large. En culture artificielle, elle peut être coccoïde. Elle est immobile, aérobie facultative ou anaérobie, non encapsulée et non sporulée. La forme bacillaire présente des granules métachromatiques qui sont absents dans les formes coccoïdes. C. pseudotuberculosis est un parasite intracellulaire facultatif qui a la capacité de survivre dans les macrophages (CHIRINO-ZÁRRAGA et al., 2006). La structure de sa paroi bactérienne est complexe, et nécessite notamment une synthèse d’acides gras pour être fonctionnelle en permanence. En réponse à un changement de température, la composition de la membrane est modifiée, ce qui permet à la fluidité membranaire et aux activités biochimiques au sein de la bicouche d’être maintenues. Ces changements sont permis par la présence de gènes régulés par la température (S. C. McKEAN et al., 2007a). Les lipides représentent en moyenne 6,52% du contenu de la paroi. Il existe des différences significatives de composition selon les isolats (MUCKLE et GYLES, 1983). Les colonies bactériennes sont blanches, régulières, et responsables d’une α-hémolyse. Le diamètre d’une colonie après 48h d’incubation est de 1 mm en moyenne. La croissance sur gélose au sang produit une odeur de souris (CONNOR et al., 2000). 7 Tableau 1 : Espèces pathogènes appartenant au genre Corynebacterium (BERNARD, 2005) Espèces C. accolens C. afermentans subsp. afermentans C. afermentans subsp. lipophilum Voies d'entrée de la bactérie, organes atteints Yeux, à partir de la conjonctive saine ou atteinte, oreilles, nez oropharynx Hémocultures; sepsis C. appendicis Hémocultures, plaies, valve prothétique lors d'endocardite (VPE), infection disséminée, abcès, conjonctive saine, empyème et abcès pulmonaires Bactériémie, sepsis, valve native lors d'endocardite (VNE), kystes pilonidaux, infection de matériel prothétique et de cathéters, plaies chirurgicales, ostéite Abcès associés à une appendicite C. argentoretense C. atypicum C. aurimucosum Cultures de gorge avec ou sans signes cliniques; cultures sanguines Inconnu Inconnu, hémoculture chez les patients atteints de bronchite; ostéite C. auris C. bovis C. confusum C. coyleae C. diphtheriae Oreilles, flore normale ou infection En général touche bovins; retrouvée dans des hémocultures chez les humains, infection des yeux, conjonctivites Abcès mammaires, infection des pieds, hémoculture Hémocultures, urogénital Gorge, nasopharynx; certaines souches peuvent être toxigéniques par production de toxine diphthérique C. durum Hémocultures, gencive, abcès; gorge chez personnes saines C. falsenii Hémocultures, liquide cérébrospinal C. freneyi C. glucuronolyticum (= C. seminale) C. imitans Pus, abcès, ulcères C. amycolatum Urogénital, hémocultures, liquides péritonéal et de dialyse; quelques souches multirésistantes aux antibiotiques Gorge, avec des symptômes semblables à la diphtérie; hémocultures C. lipophiloflavum Bactériémie; endocardite; pneumonie; infection d'articulations prothétiques; ostéite, otite moyenne; multirésistance aux antibiotiques Symptômes respiratoires tels que des expectorations, biopsie pulmonaire; abcès mammaires; lien prétendu à des mammites granulomateuses Vagin C. macginleyi Infection d'un œil, patients cathétérisés C. mactruchotii Cavité orale C. minutissimum Énophtalmie, péritonite; bactériémie; souches multirésistantes décrites dans littérature ancienne, probablement confondues avec C. amycolatum C. mucifaciens Hémocultures et autres sites stériles; infections des tissus mous; liquide de dialyse C. mycetoides Ulcères cutanés, aucun cas récent rapporté C. nigricans Vagin, associé à des avortements spontanés, ulcères vulvaires; liens génétiques étroits avec C. aurimucosum; colonies pigmentées marron ou noires C. propincuum Pathogène rare, 1 cas d'endocardite atteignant la valve native; pathogène respiratoire C. pseudodiphtheriticum Flore normale de la gorge, mais aussi pneumonies, parfois associées à la formation de pseudomembranes, kératite; conjonctivite; infection cutanée C. jeikeium C. kroppenstedtii C. riegelii Atteint ovins en général; cause de lymphadénites chez les éleveurs ovins; certaines souches peuvent être toxigéniques par production de toxine diphthérique Infections du tractus urinaire; hémocultures C. stimulans Abcès; biopsie nœuds lymphatiques; bile C. singulare Sperme; hémocultures C. striatum Méningite, septicémie; pneumonie; point d'entrée des cathéters de dialyse, ostéomyélite, ostéite, VPE, VNE C. sundsvallense Hémocultures; vagin; infections à l'aine C. thomssenii C. xerosis CDC groupe G Épanchement pleural, environnement Infections des tissus mous; ulcères; laryngopharyngite; sinusite nécrosante; certaines souches peuvent être toxigéniques par production de toxine diphthérique Infections du tractus urinaire; associé à la présence de cristaux de struvite et à un pH alcalin; bactériémie chez patients avec pyélonéphrite; néphrolithiases, VIH ou cancer; parfois retrouvée lors d'infections cutanées Peau; sepsis Hémocultures; liquide synovial; expectorations; pacemaker; plaies; peut être multirésistante aux antibiotiques CDC groupe F-1 Turicella otititidis Hémocultures; urine; col de l'utérus; plaies; yeux; liquide de dialyse Otite moyenne, liquide d'aspiration des oreilles; oreilles saines C. pseudotuberculosis C. ulcerans C. urealyticum 8 Un certain nombre de tests basés sur les propriétés phénotypiques des bactéries du genre Corynebacterium permettent de distinguer les différentes espèces (Tableau 2). Tableau 2 : Tests permettant de distinguer certaines bactéries du genre Corynebacterium, basés sur leurs propriétés phénotypiques (BERNARD, 2005) Observation Bactérie(s) impliquée(s) Commentaires Pigment jaune ou jaunâtre C. aurimucosum, C. falsenii, C. lipophiloflavum, C. mucifaciens C. aurimucosum adhère à la gélose, C. mucifaciens a une consistence mucoïde Pigment noir ou marron foncé C. nigricans (gélatine, nitrate et esculine négative) À différencier de Rothia, noire aussi, mais gélatine, nitrate et esculine positive en général Épreuve de CAMP Les Corynebactéries ressortent négatives au test de CAMP et au test de CAMP inverse, à l'exception de C. afermentans, C. pseudotuberculosis et C. ulcerans ressortent C. imitans, C. auris, C. coyleae, positives à l'épreuve de CAMP inverse C. glucuronolyticum (épreuve de CAMP toujours positive) and C. striatum (épreuve de CAMP variable) Réaction avec nitrite C. simulans positive Aucune autre espèce n'est nitrite positive Hydrolyse de la tyrosine Quelques Corynebactéries hydrolysent la tyrosine C. minutissimum, C. propinquum, C. singulare, et C. striatum sont toujours ou souvent positives Fermentation du fructose, capables de vivre en anaérobie CDC groupe G fermentent le fructose et peuvent se développer en anaérobie C. jeikeium est fructose négative et ne peut pas grandir en anaérobie Croissance faible sur gélose ou en bouillon de culture après 24h Espèce potentiellement lipophile; voir si la croissance est stimulée avec une supplémentation en lipides Penser à envoyer l'isolat dans un centre de référence pour un examen plus approfondi Résistant ou multirésistant aux traitements C. amycolatum, C. glucuronolyticum, C. jeikeium, C. urealyticum, CDC groupe G Des C. macginleyi et C. striatum multirésistants ont été décrit, mais aucune analyse génotypique menée Croissance à 20°C, fermentation du glucose à 42°C C. freneyi positive pour ces critères C. xerosis négative Résistant au disque O129, production d'acide C. amycolatum propionique, colonies sèches, multirésistance aux traitements Des tests supplémentaires sont nécessaires pour différencier C. amycolatum de C. striatum, C. xerosis et C. minutissimum C. pseudotuberculosis en particulier est capable de conduire une réaction de fermentation à partir de dextrose et de mannose, mais pas des autres sucres (LITERÁK et al., 1999). Ces résultats sont différents de ceux d’une autre étude, qui a mis en avant la capacité de la bactérie à mener des réactions de fermentation à partir de glucose, maltose, mannose et d’amidon, et même de lactose pour un des isolats (MOHAN et al., 2008). De plus, les tests d’hydrolyse de l’esculine et de la bile-esculine, de réduction du nitrate et de la production d’acétone sont négatifs pour LITERÁK et al., mais celui d’hydrolyse de l’esculine serait positif pour MOHAN et al., ainsi que les tests au rouge de méthyle, de liquéfaction de la gélatine, et d’hydrolyse de l’arginine et du citrate. Les isolats testés par MOHAN et al. produisent aussi tous du H2S sur gélose TSI (Triple Sugar Iron), sont positifs à la réaction de Voges-Proskauer qui met en évidence la voie fermentaire du butan-2,3-diol, et réduisent le nitrate. Toutes les souches testées par ces deux auteurs produisent une catalase et une uréase. 9 Les activités phosphatase alcaline, estérase, estérase lipase, lipase, leucine arylamidase, valine arylamidase, cystine arylamidase, trypsine, phosphatase acide et naphtol-as-biphosphohydrolase sont positives. Les autres activités enzymatiques sont négatives. Des chercheurs (SUTHERLAND et al., 1993) ont étudié l’action de cinq enzymes sur six isolats différents de C. pseudotuberculosis. Les fragments obtenus après digestion étaient identiques pour les cinq isolats nitrate négatif, mais différents pour l’isolat nitrate positif. Les souches testées sont toutes sensibles in-vitro à la vancomycine, l’amoxycilline/acide clavulanique, l’ampicilline/sulbactam, l’ampicilline, la pénicilline, la clindamycine, l’érythromycine, la céfazoline, le céphalothin, la céfriaxone, la ciprofloxacine, la gentamicine, la rifampine, le triméthoprime/sulfaméthoxazole, la norfloxacine (LITERÁK et al., 1999), le chloramphénicol, la néomycine, la polymyxine, et la tétracycline. Elles sont par contre résistantes à la streptomycine et à la colistine (MOHAN et al., 2008). De plus, quand on teste les souches de C. pseudotuberculosis que l’on retrouve lors de mammites, on constate que la concentration minimale d’inhibition pour la plupart des antibiotiques est généralement supérieure à celle des souches présentes dans les autres types de lésions (FERNÁNDEZ et al., 2001). B. Culture et identification La méthode de culture standard a été décrite par LENNETTE et al. en 1985. Elle implique l’utilisation d’une gélose au sang sur laquelle on étale le prélèvement, et qu’on maintient ensuite à 37°C pendant 48h (COSTA et al., 1998). En effet, les colonies sont très petites, voire invisibles après seulement 24h d’incubation. L’identification est basée sur les résultats au test de Gram, sur l’observation de la morphologie des colonies et sur des tests faisant appel aux propriétés biochimiques. Après 48h sur gélose au sang, on peut observer une bande étroite d’hémolyse autour des colonies. De plus, celles-ci sont facilement décollables de la surface de la gélose, et crépitent sous une flamme, à cause de leur important contenu en lipides (SMITH et SHERMAN, 2009). On met en évidence en particulier le caractère catalase positive et oxydase négative de la bactérie. En laboratoire, on utilise le plus souvent des tests rapides permettant d’identifier la bactérie. On peut citer l’exemple du kit API® Coryne, produit par bioMérieux. Le temps nécessaire à l’identification est alors assez court, variant de quelques heures à deux jours selon le test utilisé. Il faut cependant garder en mémoire que ces tests peuvent manquer de précision, et doivent parfois être couplés à d’autres tests, mettant en évidence d’autres propriétés de la bactérie, pour obtenir un résultat exact (BERNARD, 2005). C. Pathogénicité et facteurs de virulence L’adaptabilité de la bactérie à l’hôte est essentielle pour l’expression de son pouvoir pathogène. Celle-ci est facilitée par la plasticité du génome, qui peut être augmentée grâce à des mécanismes tels que le transfert horizontal de gènes. Les îlots de pathogénicité jouent un rôle important dans ce type de transfert. En effet, ils constituent de larges régions, acquises 10 par transfert horizontal, qui abritent des ensembles de gènes de virulence. Ceux-ci permettent notamment l’adhérence de la bactérie aux cellules de l’hôte, la colonisation et l’invasion de l’hôte, l’échappement au système immunitaire de celui-ci, et confèrent une toxicité au germe. Ces îlots de pathogénicité sont repérables grâce à un détournement de la fonction des codons, à la proportion de paires G+C ou de dinucléotides – qui diffère selon les bactéries, ce qui permet de repérer les gènes issus de donneurs, et à la présence de séquences d’insertion (Figure 1). Un outil a été développé dans le but de repérer ces îlots, et utilisé sur C. pseudotuberculosis. Sept régions probables ont ainsi pu être identifiées, qui contiennent en proportion deux fois plus de facteurs de virulence que dans le reste du génome (SOARES et al., 2012). Figure 1 : Fréquence de motifs caractéristiques des îlots de pathogénicité (PiCps), dans ceux-ci et dans le reste du génome, pour les souches 1002 et C231 de C. pseudotuberculosis (SOARES et al., 2012) 1. Phospholipase D C’est une enzyme spécifique de la sphingomyéline, qui catalyse la dissociation de cette molécule en céramide phosphate et choline. Elle est responsable de grands dommages sur les membranes cellulaires chez les Mammifères, ce qui permet à C. pseudotuberculosis de résister à la destruction dans les cellules phagocytaires. De plus, elle augmente la perméabilité vasculaire localement, ce qui facilite la dissémination de la bactérie dans l’organisme. Elle affecte aussi le chimiotactisme permettant aux neutrophiles d’accéder au site d’infection, ceux-ci sont donc moins nombreux (YOZWIAK et SONGER, 1993). La phospholipase D est le facteur de virulence principal de la bactérie (BAIRD et MALONE, 2010; SIMMONS et al., 1997). 11 Cette protéine est aussi produite par C. ulcerans et par Arcanobacterium haemolyticum. Elle a une fonction similaires pour toutes ces bactéries (SKALKA et al., 1998). Toutes les souches connues la produisent ((LITERÁK et al., 1999; MOHAN et al., 2008). Les souches bactériennes portant un mutant atténué du gène pld ne sont responsables que de symptômes mineurs et peuvent induire une forte protection contre la maladie caséeuse. De plus, l’infection d’ovins par une souche phospholipase D-négative, chez laquelle le gène pld a été inactivé par mutagenèse sur site spécifique n’entraîne aucun symptôme de lymphadénite caséeuse. Cela se vérifie toujours quand les animaux sont infectés avec une dose de bactérie mutante deux fois plus importante que la dose nécessaire à la souche sauvage pour induire la maladie (HODGSON et al., 1992). Ces données indiquent bien le rôle central de ce gène dans la pathogénie. Dans une étude datant de 2007 portant sur 42 souches de C. pseudotuberculosis provenant de différents pays, on en a trouvé trois qui ne produisaient pas la PLD. Mais on a pu montrer par PCR que ces souches possédaient en réalité le gène pld. La synthèse de cette protéine était simplement trop faible pour pouvoir être détectée par la méthode utilisée (CONNOR et al., 2007). Dans une autre étude, on a montré qu’une souche, nommée 1002, ne sécrétait pas la phospholipase D en culture. C’est une souche peu pathogène, mais tout de même capable de provoquer la formation d’abcès de localisations diverses chez les souris sensibles. On n’a pas encore pu mettre en évidence la présence ou l’absence de PLD lors de l’infection d’un mammifère par cette souche. Le mécanisme à l’origine de sa faible virulence n’est pas connu (PACHECO et al., 2011). La séquence codant pour la phospholipase D a été étudiée (McNAMARA et al., 1995). La protéine est longue de 306 acides aminés, et inclut une séquence signal supposée de 26 acides aminés. Son poids moléculaire est de 31,2 kDa. Les séquences des gènes pld de C. pseudotuberculosis biovars equi et ovis, de Corynebacterium ulcerans et de Arcanobacterium haemolyticum qui synthétisent aussi une phospholipase D, sont très homogènes. Cette similarité des séquences (de 64 à 98% d’homogénéité) suggère que ces enzymes agissent comme des facteurs de virulence déterminants de ces quatre bactéries. Il a cependant pu être démontré qu’il existe au moins une différence entre les séquences des gènes pld des biovars equi et ovis. En effet, il y a un site de restriction BamHI supplémentaire dans le génome du biovar equi. Cela pourrait être un moyen de déterminer de manière sûre l’appartenance d’une souche bactérienne à l’un de ces deux biovars, le test de réduction de la nitrate n’étant pas toujours valable (SONGER et al., 1990). Une étude a montré que pld était un gène régulé par les chocs thermiques. Il est très fortement sous-exprimé quand la température atteint les 43°C. Cette sous-expression est visible rapidement, 10 min après que les 43°C soient atteints, et le niveau minimal d’expression est atteint au bout de 20 min (McKEAN et al., 2007a). De plus, on sait que pld est régulé par la densité du milieu cellulaire. En effet, son expression augmente avec la densité. Cependant, même quand la densité du milieu varie, la régulation par choc thermique s’effectue de la même manière. La thermorégulation de ce gène est donc le point de contrôle dominant (McKEAN et al., 2007b). 12 On ne sait pas si ce gène est nécessaire lors de tous les stades de la maladie. L’hypothèse a été émise que pld ne serait pas exprimé au tout début de l’infection, car on a remarqué une hyperthermie chez des ovins infectés expérimentalement. De plus, la densité en bactéries dans le milieu extracellulaire est faible. Cependant, McKEAN et al. ont pu montrer que le gène était très fortement exprimé par C. pseudotuberculosis au sein des macrophages, et ce essentiellement de manière non régulée. On suppose que d’autres systèmes de régulation interviennent dans le milieu intracellulaire, mais ils ne sont pas encore connus. Ils ont aussi constaté que la phospholipase D produite dans le milieu intracellulaire était plus toxique pour les neutrophiles que la PLD extracellulaire. Ils ont en particulier remarqué que l’expression de PLD au sein des macrophages était suffisante pour diminuer leur viabilité, légèrement, mais tout de même de manière significative. Cela pourrait être expliqué par une réduction de l’intégrité de la membrane plasmatique du macrophage, résultant de l’activité sphingomyélinase de la PLD. La membrane plasmique des cellules eucaryotes étant asymétrique concernant le contenu en phospholipides, la PLD aurait une action essentiellement sur la demi-membrane externe. Les auteurs de l’étude on donc émis l’hypothèse qu’à sa mort, un macrophage relâcherait dans le milieu externe son contenu, dont la PLD produite en interne, et que celle-ci serait alors en position d’attaquer la membrane plasmique des autres macrophages. De plus, la PLD serait responsable d’une diminution de l’intégrité des compartiments intracellulaires, et donc d’une diffusion de la bactérie dans toute la cellule. Enfin, on pense que la PLD modifierait les marqueurs cellulaires à l’avantage du pathogène. Ces observations mènent à penser que la PLD a un rôle important dans la formation des abcès au niveau des nœuds lymphatiques, ceux-ci étant issus de cycles de phagocytose, réplication bactérienne au sein de la cellule phagocytaire, puis lyse de celle-ci (McKEAN et al., 2007a ; 2007b). Il n’a pas été possible de cultiver la bactérie chez laquelle le gène pld avait été inactivé. Cela suggère que la phospholipase D contribue à la survie de C. pseudotuberculosis in vivo. 2. Fag B FagB est un composant d’une perméase au fer, et a été identifié par BILLINGTON et al. en 2002 comme étant le second facteur de virulence majoritaire chez C. pseudotuberculosis (McKEAN et al., 2005). C’est en effet le seul autre gène dont on a pu montrer, ce qui a été fait par BILLINGTON et al. en 2002, qu’il était essentiel à l’établissement de la maladie caséeuse. L’acquisition de fer est en effet un élément majeur permettant la survie de la bactérie lors de l’infection, dans l’environnement de l’hôte. Cela est possible pour C. pseudotuberculosis grâce à la présence dans son génome d’un opéron, nommé fagABC, composé de quatre gènes, fagA, fagB, fagC et fagD. Cet opéron est peu exprimé dans un milieu riche en fer. Cette expression est multipliée par trois dans un milieu qui en est pauvre, ce qui est le cas chez l’hôte. Cet élément suggère que l’expression de l’opéron semble contribuer à la virulence de la bactérie (D’AFONSECA et al., 2008). 3. Sérine protéase Cette enzyme a été suggérée comme faisant partie des facteurs de virulence de la bactérie par WALKER et al. en 1994 (McKEAN et al., 2005). 13 4. Composants toxiques de la membrane cellulaire MUCKLE et GYLES ont émis l’hypothèse en 1983 que la bactérie posséderait des composants toxiques dans sa membrane cellulaire, qui feraient donc partie des facteurs de virulence. Ils n’ont pas identifié ces composants plus précisément (McKEAN et al., 2005). Les lipides de la membrane cellulaire de la bactérie auraient un effet toxique, ce qui lui conférerait sa résistance à la destruction par les cellules phagocytaires ((HARD, 1975; SIMMONS et al., 1997). On a en effet remarqué chez la souris que les lipides de surface de la bactérie provoquent une dégénérescence des organites des macrophages. Les premiers stades en sont une dilatation des citernes du réticulum endoplasmique, de l’appareil de Golgi et de l’enveloppe nucléaire. Cela provoque des perturbations localisées dans plusieurs des membranes de la cellule. De plus, la glycolyse est ralentie. Finalement, la mort cellulaire est accélérée. Un lipide de surface en particulier a été plus récemment mis en évidence, un acide mycolique (WINDSOR, 2011). 5. CP40, une autre toxine sécrétée Un gène sécrétant pour une protéine d’un poids moléculaire de 40kDa a été découvert. Cette protéine est probablement une sérine protéase, et est intrinsèque à C. pseudotuberculosis. Elle présente des similarités biochimiques avec la phospholipase D, les deux sont par exemple hydrophobes. Cette protéine a été retrouvée dans un surnageant de culture de C. pseudotuberculosis, indiquant qu’elle est surement sécrétée par la bactérie (WILSON et al., 1995; D’AFONSECA et al., 2008). D. Typage de la bactérie et comparaison de différents isolats 1. Techniques de typage Il est difficile de comparer l’efficacité des techniques utilisées, car elles se basent sur des principes différents. La RFLP et la PFGE s’appuient sur le clivage de l’ADN grâce à des enzymes de restriction, le ribotypage fait appel à l’hybridation de l’ADN, et la RAPD à l’amplification aléatoire du génome. Les polymorphismes observés dans chacun des cas sont donc la conséquence d’un mécanisme évolutionnaire différent. a) RT-PCR Cette méthode a en particulier permis de mettre en évidence le gène DT tox de C. pseudotuberculosis. Celui-ci est surtout connu chez C. diphteriae, et code pour la DT toxine, responsable des symptômes majeurs de la diphtérie. On savait que C. pseudotuberculosis était capable de produire cette toxine, mais le gène impliqué n’était jusque là pas connu (MANCINI et al., 2012). 14 b) ERIC-PCR La ERIC-PCR, EnteroBacterial Repetitive Intergenic Consensus Polymerase Chain Reaction est une technique permettant de typer n’importe quel isolat, sans qu’aucune connaissance préalable de certaines séquences du génome ne soit nécessaire (GUIMARÃES et al., 2011b). Des essais ont été faits avec deux amorces différentes, qui ont permis de différencier l’une 17 et l’autre 21 génotypes différents. Cette technique présente donc de nombreux avantages. Elle est non seulement sensible, mais aussi rapide et peu coûteuse. c) BOX-PCR Cette méthode consiste en l’amplification de fragments d’ADN en utilisant une amorce BOX. Elle ne nécessite aucune connaissance préalable de séquences de l’ADN du génome étudié. Elle s’est avérée être un outil utile au typage moléculaire de nombreuses bactéries pathogènes. Elle n’est cependant pas très efficace pour le typage de C. pseudotuberculosis, les motifs obtenus n’étant pas assez spécifiques. En effet, sur 62 souches étudiées, seuls quatre motifs différents ont été obtenus. On peut en déduire que les séquences des gènes codant pour les BOX présentent une grande similarité dans les différentes souches de cette bactérie, et que leur nombre et leur distribution sont aussi très semblables. (STEFANSKA et al., 2008). d) RADP Cette méthode consiste en l’amplification aléatoire d’ADN polymorphique. Un de ses avantages est qu’il n’y a pas besoin de connaître au préalable des séquences de l’ADN qu’on veut étudier. Les motifs obtenus sont de nombreuses bandes de tailles variables, ce qui permet d’identifier de manière assez fiable la bactérie. Sur 62 souches étudiées, huit motifs différents ont été obtenus grâce à cette méthode. Cette méthode est moins précise que celle du pulsefield gel electrophoresis (PFGE), mais elle est plus simple et plus rapide. Elle est cependant assez peu reproductible, et il est déconseillé en particulier de comparer des résultats obtenus par des laboratoires différents (STEFANSKA et al., 2008). e) ADSRRS-fingerprinting Cette méthode consiste en l’amplification de fragments d’ADN qui entourent des sites de restriction rares. On n’a pas besoin de connaître à l’avance des séquences de l’ADN à analyser. Comme pour la méthode précédente, les motifs obtenus sont assez spécifiques. On a pu observer dix motifs différents à partir des 62 souches étudiées. Les auteurs de l’étude préconisent d’associer la RADP et l’ADSRRS-fingerprinting pour typer de manière la plus efficace possibles les isolats de C. pseudotuberculosis (STEFANSKA et al., 2008). 15 f) Ribotypage Une quinzaine d’enzymes de restriction différents ont été testés pour l’identification de 25 souches appartenant au genre Corynebacterium. De bons résultats ont été obtenus avec trois enzymes, BstEII, SmaI et SphI. Cependant, chacun d’eux mettant en avant des caractères différents, il est essentiel d’utiliser les trois à la fois pour obtenir un résultat fiable. Pour employer cette méthode, il faut commencer par établir une banque de données, à partir de souches connues et des enzymes de restriction que l’on compte employer. Une fois cela fait, le ribotypage est une méthode d’identification assez simple (BJÖRKROTH et al., 1999). g) Pulse-field gel electrophoresis (PFGE) Cette méthode s’est avérée très efficace pour typer les différentes souches de C. pseudotuberculosis. En effet, le pulsotype obtenu est composé de différentes bandes de localisations et de largeurs diverses, caractéristiques de chaque souche (Figure 2). On peut utiliser plusieurs enzymes de restriction, mais les profils obtenus seront alors différents. Dans une étude, trois ont été testés, SfiI, ApaI et SpeI. SfiI a donné les meilleurs résultats de par le nombre de bandes obtenues et la facilité à les identifier avec précision (CONNOR et al., 2000). Le pulsotype est en effet composé de 16 à 18 bandes, réparties entre 48,5 et 290 kb (CONNOR et al., 2007). Cette méthode est la plus fiable, et celle permettant le mieux de différencier les souches de C. pseudotuberculosis, mais elle est complexe, coûteuse, difficile à mettre en œuvre, et nécessite beaucoup de temps et un équipement spécialisé. Cela constitue donc une sérieuse limitation (STEFANSKA et al., 2008). Figure 2 : Profils d'isolats ovins et caprins de C. pseudotuberculosis obtenus par PFGE (CONNOR et al., 2007) 2. Diversité des C. pseudotuberculosis Des études ont été réalisées pour comparer différents isolats, provenant de pays et régions divers, et prélevés sur plusieurs espèces. 16 Les isolats prélevés sur des ovins et caprins se sont révélés tous être incapables de réduire le nitrate, soit nitrate-négatifs. Ce n’était pas le cas de tous les isolats prélevés sur des chevaux. SONGER et al. en 1988 et SUTHERLAND et al. en 1996 avaient distingué deux biotypes (equi et ovis) de C. pseudotuberculosis sur la base de cette différence au test de réduction du nitrate. Mais l’utilisation du ribotypage avec l’endonucléase de restriction Apa I (COSTA et al., 1998) a permis de mettre en évidence une plus grande hétérogénéité qu’attendue au sein du génome bactérien. Ce test de réduction du nitrate ne permet en réalité pas de différencier de manière sûre les deux biotypes de la bactérie. Quand on s’en tient aux propriétés biochimiques de la bactérie, en comparant différentes souches du biovar ovis, aucune distinction ne peut être faite (LITERÁK et al., 1999). Cette homogénéité se retrouve dans d’autres études prenant en compte d’autres souches, présentes ailleurs dans le monde, notamment celles menées par SONGER et al. en 1988, PÉPIN et al. en 1989, ZHAO et al. en 1991, et SUTHERLAND et al. en 1993, avec des souches provenant respectivement d’un peu partout sauf l’Europe (94 isolats), de France (22 isolats), du Japon (86 isolats) et d’Australie (5 isolats). On a pu mettre en évidence grâce au ribotypage le fait que les isolats provenant d’ovins et de caprins sont bien différents de ceux trouvés chez les équins et les bovins. Ces derniers peuvent eux-mêmes être séparés en deux groupes, en fonction de leur provenance géographique, l’un étant issu des États-Unis, l’autre d’Afrique du Sud et du Kenya. De plus, on a constaté au Royaume-Uni que la plupart les souches présentes étaient assez semblables, ce qui est en faveur de l’hypothèse d’une diffusion de la bactérie à partir d’une introduction unique (BAIRD, 2003). Une étude réalisée en 2000 portant sur 50 souches ovines a conclu que 80% de celles-ci étaient épidémiologiquement reliées à la souche initialement introduite dans le pays Dans une autre étude menée en 2007, 42 souches de C. pseudotuberculosis prélevées sur des ovins et des caprins provenant de différents pays (Australie, Canada, Irlande du Sud et du Nord, Pays-Bas) ont été typées par PFGE, et comparées avec des souches provenant du Royaume-Uni déjà analysées par la même méthode. L’enzyme de restriction SfiI a été utilisé. Seuls quatre pulsotypes différents ont été obtenus, la variation provenant d’une à trois bandes sur les 16 à 18 présentes. On a pu ainsi mettre en évidence une très grande conservation du génome bactérien, chez les ovins et les caprins, indépendamment du pays d’origine de la souche, et ce malgré la diversité de l’expression clinique en fonction de l’isolat. Il a aussi été calculé que parmi ces souches, 74% présentent un degré de parenté de 100%, et le degré de parenté le plus faible trouvé entre deux souches est malgré tout de 84%. De plus, une des souches retrouvées chez des ovins est indifférenciable de la souche caprine à l’origine de la contamination du Royaume-Uni (SUTHERLAND et al., 1993; CONNOR et al., 2007). 3. Stabilité du génome CONNOR et al. ont observé en 2000 que le génome de C. pseudotuberculosis semblait être extrêmement stable, et qu’il n’y avait pas d’altération de la structure génétique lors du passage d’un animal à l’autre. Le fait que l’on puisse trouver des clones différents au sein d’un même troupeau est donc dû, selon toute vraisemblance, aux mouvements d’animaux entre troupeaux, résultant d’achats ou de ventes (FONTAINE et al., 2006). Le génome de cette bactérie n’était pas entièrement connu jusqu’à très récemment. Seules 19 de ses protéines étaient répertoriées dans la GenPept Database (Tableau 3). 17 Tableau 3 : Gènes de C. pseudotuberculosis déposés dans GenPept, National Center for Biotechnology Information (NCBI) (D’AFONSECA et al., 2008) Code (GenPept) Protéine supposée Référence ABI29892 10-kDa chaperonine GroES COELHO KS et AZEVEDO V (résultats non publiés) AAV48830 60-kDa chaperonine 1 ESTEVAM E, MIYOSHI A et AZEVEDO V (résultats non publiés) ABI75067 65-kDa protéine de choc thermique FLANDROIS JP et FARDEL G (résultats non publiés) AAB71614 AroB (3-dehydroquinate synthase) SIMMONS et al., 1997 AAB71615 AroB (3-dehydroquinase) SIMMONS et al., 1997 P96749 AroB (3-dehydroquinate synthase) SIMMONS et al., 1997 P96750 AroQ (3-dehydroquinate dehydratase) SIMMONS et al., 1997 AAL79811 FagA (protéine de membrane intégrale) BILLINGTON et al., 2002 AAL79810 FagB (transporteur de l'ion Fer) BILLINGTON et al., 2002 AAL79809 FagC (protéine de liaison de l'ATP à la membrane BILLINGTON et al., 2002 cytoplasmique) AAL79812 FagD (protéine de liaison du complexe fersidérophore) BILLINGTON et al., 2002 P20626 Précurseur de la Phospholipase D HODGSON et al., 1990 AAA64910 Phospholipase D CUEVAS et SONGER, 1993 AAA99867 Phospholipase D McNAMARA et al., 1994 CAA01541 Phospholipase D - AAA82608 Protéine recA POGSON et al., 1996 P48288 Protéine recA POGSON et al., 1996 AAS89201 RpoB (sous-unité β de l'ARN polymérase) KHAMIS et al., 2004 AAA67924 Précurseur de la sérine protéinase WILSON et al., 1995 Des techniques récentes permettent d’améliorer ces connaissances. On peut par exemple extraire l’ADN bactérien, le fragmenter, amplifier les fragments obtenus par PCR, et les insérer dans des plasmides. Pour cette étape, E. coli est souvent utilisée. On peut s’appuyer notamment sur la technique d’électroporation. Une étude visant à obtenir le meilleur rendement d’ADN plasmidique a été réalisée (DORELLA et al., 2006a). On a fait varier différents paramètres intervenant dans les procédures utilisées pour préparer les cellules électrocompétentes en routine. L’influence des conditions de culture, de la phase de croissance cellulaire, du type de solution d’électroporation utilisé et de la quantité d’ADN plasmidique ont ainsi été étudiés. Très peu d’études font état de protocoles d’électroporation concernant C. pseudotuberculosis, puisqu’une seule avait été menée avant celle de DORELLA et al., par SONGER et al. en 1991. Ils avaient pu obtenir 104 UCF/µg d’ADN plasmidique. Le protocole développé dans cette nouvelle étude a permis d’améliorer le rendement, et d’obtenir 105 UCF/µg d’ADN plasmidique. Cela implique l’introduction de glycine dans le milieu de croissance, l’application d’un choc thermique, et l’utilisation de grandes quantités d’ADN plasmidique, entre 500 et 1000 ng. En 2006, une banque génomique constituée de vecteurs de chromosomes artificiels bactériens (BAC) a été créée. Ce genre de banque est très intéressant pour construire des cartes physiques d’un génome, et aider ensuite à en isoler et caractériser les régions et gènes importants. Cette banque avait en particulier pour but l’identification de cibles pouvant être utiles au séquençage du génome de C. pseudotuberculosis. Elle contient aux alentours de 18.000 clones BAC, avec des inserts de taille variant entre 25 et 120 kb. Le système des vecteurs BAC permet en particulier de couvrir l’ensemble du génome avec un nombre 18 relativement restreint de clones. On évite aussi grâce à lui les recombinaisons entre les différents fragments d’ADN. La stabilité génétique de l’ADN cloné est sûrement l’aspect le plus important de cette technique (DORELLA et al., 2006c). Les Genome Survey Sequences (GSS) obtenues peuvent ensuite être travaillées grâce à des outils informatiques pour reconstituer des séquences plus longues. Il faut ensuite prouver que les séquences obtenues appartiennent bien à C. pseudotuberculosis, en générant des amorces complémentaires et en vérifiant leur comportement sur le génome complet de la bactérie. Ces séquences peuvent ensuite être comparées aux séquences connues de C. pseudotuberculosis, et à d’autres Corynebactéries dont le génome est connu. On a pu ainsi identifier 8% du génome de la bactérie (D’AFONSECA et al., 2010), à partir de 1000 GSS répertoriées dans des banques génomiques (Figure 3). De plus, on a constaté que C. pseudotuberculosis était plus proche des autres Corynebactéries au niveau protéique qu’au niveau génomique, et qu’elle avait plus de similarités avec C. diphtheriae, puis C. glutamicum, C. efficiens et C. jeikeium. Les mêmes résultats ont été obtenus par KHAMIS et al. en 2004. Ils avaient pour cela analysé la séquence du gène rpoB et celle d’ARNr 16S. Figure 3 : Catégories fonctionnelles des GSS de C. pseudotuberculosis d'après leur rôle biologique supposé rapporté dans la banque de données NCBI (DORELLA et al., 2006c) modification posttranslationnelle, renouvellement protéique, chaperonines; 4% fonction mixte; 2% mécanisme de défense; 2% prédiction générale de la fonction uniquement; 3% traduction, structure et biogenèse des ribosomes; 9% fonction inconnue; 28% transcription; 3% biogenèse de l'enveloppe cellulaire, membrane externe; 4% motilité cellulaire et sécrétions; 4% métabolisme lipidique; 1% métabolisme coenzymatique; 1% transport et métabolisme d'ions inorganiques; 7% réplication, recombinaison et réparation de l'ADN; 10% production et conversion d'énergie; 11% transport et métabolisme des nucléotides; 2% transport et métabolisme des acides aminés; 8% transport et métabolisme des glucides; 1% En 2006 encore, une étude a utilisé un système de transposon, TnFuZ, pour identifier les protéines exportées par C. pseudotuberculosis, et les gènes codant pour celles-ci. Beaucoup de protéines différentes ont ainsi été mises en évidence, notamment une sous-unité de fimbriae, une protéine impliquée dans la capture du fer, des adhésines, des protéines de transport, et deux protéines dont le rôle n’a pas pu être identifié. Ces protéines ont toutes une fonction importante pour la biologie de la bactérie, et les gènes correspondants pourraient donc par exemple être utilisés pour créer des vaccins vivants atténués (DORELLA et al., 2006b). 19 En janvier 2011, une souche de C. pseudotuberculosis isolée sur une vache atteinte de mammite en Israël, la souche I19, a finalement été entièrement séquencée. Le génome est constitué d’un chromosome circulaire de 2.337.730 paires de bases. La proportion de paires G+C est de 52,84% (SILVA et al., 2010). En novembre 2011, le génome d’une autre souche bactérienne, isolée sur un mouton en Argentine, la souche PAT10, a aussi été entièrement séquencé. Il se présente de la même manière sous forme d’un chromosome circulaire de 2.335.323 paires de bases. La proportion de paires G+C est de 52,19%. Il contient 2079 séquences codantes, quatre opérons ARNr, 49 ARNt, et 61 pseudogènes (CERDEIRA et al., 2011). Par rapport au génome des autres espèces du genre Corynebacterium connues, on a pu constater que C. pseudotuberculosis avait perdu un grand nombre de gènes, son génome étant finalement un des plus petits parmi les bactéries de ce genre. On a aussi pu constater d’autres différences, qui pourraient être mises en lien avec la pathogénicité de la bactérie, comme par exemple une plus faible proportion de paires de bases GC, 52%. De plus, ce génome comprend sept îlots de pathogénicité, dans lesquels on retrouve les gènes des facteurs de virulence (Tableau 4). Ceux-ci sont nombreux pour C. pseudotuberculosis (RUIZ et al., 2011). 20 Tableau 4 : Gènes présents dans les îlots de pathogénicité (PAI) de C. pseudotuberculosis (Cp) souches 1002 et C231 (RUIZ et al., 2011) PAI PiCp 1 PiCp 2 PiCp 3 PiCp 4 PiCp 5 PiCp 6 PiCp 7 Cp1002 CpC231 Protéine tnp7109-9 tnp7109-9 Transposase pour séquence d'insertion pld pld Précurseur de la Phospholipase D (PLD) fag C fag C Protéine de liaison de l'ATP à ma membrane cytoplasmique - FagC fag B fag B Transporteur Fer - FagB fag A fag A Protéine de membrane intégrale - FagA fag D fag D Protéine de liaison du complexe Fer-sidérophore - FagD mgtE mgtE Transporteur Mg2+ mgtE malL malL Oligo-1,6-glucosidase tetA tetA Transporteur supposé de l'écoulement de tétracycline cskE cskE Facteur anti-sigma sigK sigK Famille ECF sigma facteur K dipZ dipZ Protéine DipZ de membrane intégrale de la biogenèse du cytochrome de type C potG potG Système de transport ABC de la putrescine afuB afuB Système de transport présumé de la perméase (Fer) afuA afuA Protéine de liaison appartenant à la superfamille ABC (ATP-binding cassette) du fer (Fe3+) et d'un transporteur ABC glpT glpT Transporteur glycerol-3-phosphate phoB phoB Protéine de régulation à deux composants icoS icoS Protéine de sétection à deux composants, détecteur de l'histidine kinase ciuA ciuA Protéine supposée de liaison du système de transport du fer (sécrétée) ciuB ciuB Protéine de membrane supposée du système de transport du fer ciuC ciuC Protéine de membrane supposée du système de transport du fer ciuD ciuD Système de transport ABC supposé du fer ciuE ciuE Protéine supposée liée à la biosynthèse du sidérophore σ70 σ70 Facteur sigma 70 supposé de l'ARN polymérase Pseudogène Pseudogène ATPase supposée de ségrégation des chromosomes hsdR hsdR Système de restriction-modification de type III supposé pfoS pfoS Protéine de la superfamille PfoR htaC htaC Protéine de la famille HtaA guaB3 guaB3 Inosine 5-monophosphate déshydrogénase pipA1 pipB Proline iminopeptidase mfsD1 mfsD1 Facilitateur majeur de la superfamille des domaines contenant la protéine 1 dcd dcd Déoxycytidine triphosphate désaminase udg udg UDP-glucose 6-déshydrogénase lysS1 lysS1 Lysyl-ARNt synthétase alaT alaT Aminotransférase AlaT ureA ureA Sous-unité gamma de l'uréase ureB ureB Sous-unité bêta de l'uréase ureC ureC Sous-unité alpha supposée de l'uréase ureE ureE Protéine accessoire de l'uréase ureF ureF Protéine accessoire de l'uréase ureG ureG Protéine accessoire de l'uréase ureD ureD Protéine accessoire de l'uréase fepC2 fepC2 Transporteur de la superfamille ABC fecD fecD1 Perméase du système de transport du fer(III) dicitrate fecD phuC phuC Protéine de transport perméase-like du fer(III) dicitrate yusV arsR arsR1 Régulateur de la transcription de la famille ArsR 21 De plus, on a réussi fin 2011 à mettre en évidence, grâce à une méthode faisant intervenir du sulfate et du butanol appelée three-phase partitioning (TPP), les protéines relâchées dans le milieu extracellulaire par deux souches de C. pseudotuberculosis. Celles-ci sont les souches 1002, isolée sur une chèvre, et C231, isolée sur un mouton. Le but était d’identifier l’exoprotéome pour chacune, c’est-à-dire l’ensemble de ces protéines. La difficulté résidait dans le fait que certaines possèdent des signaux peptidiques classiques d’exportation, mais ce n’est pas le cas de toutes. Au total, 93 protéines différentes ont pu être identifiées, 70 pour la souche 1002 et 67 pour la souche C231. Les protéines sécrétées par ces deux souches ne sont pas exactement les mêmes, ce qui pourrait être mis en lien avec leur différence de pathogénicité. (PACHECO et al., 2012). Malgré la présence de nombreuses souches, qui ont pu être différenciées grâce à des techniques innovantes, les chercheurs ont remarqué que le génome de Corynebacterium pseudotuberculosis était assez stable, quelle que soit la zone de provenance de la souche. La bactérie se retrouvant pourtant dans un grand nombre de pays, cette constance est en faveur d’une origine commune, et permet d’élaborer des hypothèses concernant la dissémination de la bactérie à l’échelle planétaire. Ces similitudes expliquent aussi les ressemblances dans les modes de contamination, la pathogénie et les symptômes rencontrés avec des souches différentes, et dans des espèces distinctes. 22 II. ÉPIDEMIOLOGIE A. Répartition C. pseudotuberculosis est une bactérie dont la répartition est mondiale. L’intérêt qu’on lui porte est très variable. Dans l’industrie ovine de l’hémisphère sud, où elle est très répandue et où la prévalence est élevée, elle n’inquiète que moyennement. Au contraire, au Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Irlande, l’émergence de la maladie caséeuse ces dernières années a entraîné beaucoup de réactions. Cela s’explique par le fait que les signes cliniques y sont très visibles, et par la progression rapide et implacable de l’infection dans ces pays (BAIRD, 2008). La bactérie est en recrudescence dans plusieurs pays, ce qui a entraîné un regain d’intérêt parmi les chercheurs, y compris dans des pays où l’on ne connaissait pas du tout la situation vis-à-vis de l’infection. On a ainsi réalisé que les troupeaux de petits ruminants en particulier étaient souvent plus touchés que ce qu’on soupçonnait, et que l’infection avait des conséquences moins négligeables qu’attendu. On a tenté de retracer la progression de la bactérie, et découvert ainsi l’implication probable d’une race. En effet, les moutons Mérinos semblent être particulièrement sensibles à l’infection. Ils étaient au départ présents en Espagne, puis ont été exportés successivement en Amérique du Sud, Australie et Amérique du Nord, avec en plus des échanges récents entre l’Australie et l’Europe de l’Est. Cette race pourrait donc être particulièrement impliquée dans la diffusion de la bactérie au niveau mondial (WINDSOR, 2011). B. Prévalences 1. Afrique La situation concernant les infections à C. pseudotuberculosis en Afrique est très mal connue, car peu d’études s’y consacrent. Cependant, on sait qu’en Afrique du Sud, la maladie caséeuse est fréquente chez les moutons élevés dans les zones semi-arides. Elle y a été décrite pour la première fois en 1909 (MÜLLER et al., 2011). En Égypte, une étude a été menée en 2008 sur 977 ovins et 489 chèvres, pris dans différentes régions (AL-GAABARY et al., 2009). Ces animaux ont été examinés, et toutes les lésions pouvant faire penser à la maladie caséeuse prélevées pour un examen bactériologique. Les possibles lésions internes n’ont donc pas été prises en compte. La prévalence trouvée suite aux examens est de 22,10% chez les ovins, et de 7,77% chez les caprins. Toutes les études réalisées en Égypte ne concordent pas, mais les différences pourraient être expliquées par une exposition plus ou moins grande à certains facteurs de risques selon les élevages. Une autre étude a été menée en Égypte en 2010, cette fois en abattoir, sur 692 ovins et 270 caprins (AL-GAABARY et al., 2010). Elle inclut donc aussi les lésions internes, et a permis de mettre en évidence une prévalence de la lymphadénite caséeuse de 32,65% chez les ovins, et de 5,55% chez les caprins. La forme superficielle est majoritaire, avec une prévalence de 22,25%, alors que celle de la forme viscérale est de 10,40% chez les moutons. Il en va de même pour les caprins, chez qui la forme superficielle a une prévalence de 5,55%, tandis que la forme viscérale n’a pas été observée. 23 2. Amérique Une étude menée en 2003 dans un abattoir de Québec concernant 451 brebis et 34 béliers a permis d’évaluer la prévalence de la maladie caséeuse à 21% (ARSENAULT et al., 2003). Au Québec, la législation veut qu’en présence d’abcès, la carcasse ne soit condamnée que si ceuxci sont très nombreux, ou si l’on peut observer des effets systémiques associés. Sinon, seule la région atteinte par l’abcès est ôtée. Les conséquences économiques dues aux saisies pour cause de lymphadénite caséeuse sont donc limitées, les atteintes systémiques étant peu fréquentes. Les parties les plus fréquemment retirées de la chaîne pour cause d’abcès, majoritairement dus à C. pseudotuberculosis, sont le foie, la tête et le cou. Cependant, la lymphadénite caséeuse était dans les années 90 une des causes majeures du rejet des carcasses de mouton ou d’agneau dans la province d’Alberta. En effet, on a pu constater une grande incidence de contamination dans le sud de cette province, chez les ovins adultes non vaccinés (STANFORD et al., 1998). On a estimé dans cette province que 3 à 5% des condamnations de carcasses d’ovins adultes, et 0,02 à 0,03% des condamnations de carcasses d’agneaux étaient dus à la maladie caséeuse (WILLIAMSON, 2001). Dans l’Ouest des États-Unis, la maladie caséeuse est considérée comme étant la troisième cause des pertes économiques de l’industrie ovine. Elle est aussi une des causes majeures du syndrome de la brebis maigre (thin ewe syndrome), la forme viscérale y étant plus fréquente (WILLIAMSON, 2001). La prévalence dans les troupeaux caprins aux États-Unis est estimée à 8% (RADOSTITS et al., 2006) En Argentine, la bactérie est présente depuis de nombreuses décennies. On estime que la prévalence de la maladie caséeuse atteint 70% dans les zones endémiques. Cependant, une loi parue en 2001 favorise l’élevage des moutons à laine fine et de viande. Pour en développer le commerce à l’échelle internationale, on a donc commencé à s’intéresser au dépistage et au contrôle des maladies dominantes, ce qui inclut les infections à C. pseudotuberculosis (SOLANET et al., 2011). Au Brésil, le premier cas de lymphadénite caséeuse a été rapporté en 1972 par GARCIA et al.. Dans l’État de Minas Gerais en particulier, le nombre d’ovins a quasiment doublé entre 2000 et 2008, mais la quantité de viande produite reste insuffisante par rapport à la demande des consommateurs. Par conséquent, les échanges commerciaux, les introductions notamment, sont très nombreux. En 2002, une étude menée par GUIMARÃES et al. concernant la prévalence de la maladie caséeuse chez les ovins dans cet État l’estimait à 70,9%, et 95,9% des troupeaux étaient infectés. Une étude a été menée sur 805 ovins provenant de 23 élevages dans un abattoir de l’État de Minas Gerais. 100% des exploitations sont infectées par C. pseudotuberculosis, et la prévalence est de 43,7%. La maladie caséeuse est donc très répandue dans cet État. Les éleveurs sont peu informés quant à cette maladie, ne la recherchent que très rarement, et ne savent pas prendre les mesures hygiéniques adaptées. Rien n’est donc fait pour empêcher la transmission, au sein d’un troupeau, ou entre des troupeaux différents (GUIMARÃES et al., 2011a). 24 Concernant les caprins, une autre étude a été menée, concernant 676 chèvres provenant de 108 exploitations dans l’État de Minas Gerais. 98% de ces troupeaux comportaient au moins un animal positif pour la maladie caséeuse, et 78,9% des animaux au total se sont révélés être positifs. Un questionnaire était aussi fourni aux exploitants. Il n’a pas permis de prévoir les résultats, car selon les personnes interrogées, 17,5% de leurs animaux en moyenne présentaient des symptômes de maladie caséeuse. De plus, 34,4% des animaux étaient mis en quarantaine après l’introduction, et isolés quand ils présentaient des symptômes de l’infection. Dans ce pays, les animaux présentant des lésions visibles de maladie caséeuse n’ont pas le droit de participer à des expositions. Mais aucun test diagnostique n’étant réalisé, les lésions internes passent inaperçues. Ces rassemblements d’animaux peuvent donc avoir un rôle dans la dissémination de la maladie (SEYFFERT et al., 2010). Au Vénézuela, C. pseudotuberculosis a été isolée pour la première fois en 1962, sur des caprins importés des États-Unis. Une étude a été réalisée en 2005 sur 18 élevages caprins extensifs ou semi-extensifs sélectionnés au hasard. L’infection a été déterminée sur la base d’un examen clinique et de l’isolement de la bactérie à partir de pus provenant des abcès observés. La maladie caséeuse s’est avérée être présente dans 83,3% des élevages étudiés, mais avec une prévalence assez faible, puisque comprise entre 0 et 8% (CHIRINO-ZÁRRAGA et al., 2006). 3. Asie On ne connaît pas la prévalence de la maladie caséeuse chez les petits ruminants en Inde, car très peu d’études se penchent sur ce problème, mais C. pseudotuberculosis y est présente depuis quelques décennies au moins, puisque la première étude la mentionnant date de 1955 (MOHAN et al., 2008). Aucun cas de saisie de viande ou de laine n’a été rapporté, mais cela est dû au fait que les abattages sont majoritairement réalisés par des bouchers itinérants, et qu’aucun contrôle n’est réalisé. En Israël, on constate de nombreux cas d’infections à C. pseudotuberculosis chez les bovins. C’est d’ailleurs le seul pays dans lequel des études font état de ce fait. Ce nombre de est en augmentation, la bactérie étant largement diffusée (SILVA et al., 2010). La bactérie a été isolée pour la première fois en Malaisie en 1970 sur une chèvre, et en 1971 sur un mouton. Mais des symptômes de la maladie caséeuse avaient déjà été repérés au début des années soixante lors de l’inspection de la carcasse d’un mouton importé. En 2008, 579 ovins et caprins, provenant de 8 élevages différents de la région de Perak, ont été dépistés, dans le but d’évaluer la prévalence de la maladie caséeuse, aucune étude n’ayant été réalisée auparavant dans le pays. La prévalence obtenue est de 8,5% en moyenne et va de 2 à 32% selon les élevages (KOMALA et al., 2008). En Turquie, plusieurs études ont montré que C. pseudotuberculosis est présente dans tout le pays, et répandue en particulier dans les troupeaux ovins. Une étude réalisée en 2000 dans un abattoir de la province d’Elazig, sur 2046 carcasses d’ovins et 2262 carcasses de caprins, mais ne s’intéressant qu’aux lésions présentes sur les nœuds lymphatiques superficiels, a permis d’estimer la prévalence de la maladie caséeuse à 25 3,5% chez les ovins, et 1,1% chez les caprins. Cependant, la forme viscérale de la maladie n’a pas été prise en compte (ÇETINKAYA et al., 2002). Une autre étude a été menée dans un troupeau comprenant 67 chèvres entre 1 et 5 ans, dans la province d’Ankara en 2006 (URAL et al., 2008). 100% de ces animaux présentaient des abcès superficiels, dus à C. pseudotuberculosis. La prévalence de la maladie caséeuse dans cette région n’est pas connue. 4. Océanie En Australie, la maladie caséeuse est une des affections les plus fréquentes chez les ovins, et une des cinq maladies ayant le plus de conséquences économiques dans cette filière (WILLIAMSON, 2001). D’après PATON, elle occasionne des pertes économiques de l’ordre de 20 millions de dollars par an (SIMMONS et al., 1997). Une étude réalisée en 1995 par PATON et al. concernant des troupeaux ovins a permis d’évaluer la prévalence dans certaines régions. 97% des élevages seraient contaminés en Nouvelle-Galles du Sud, 91% en Victoria, et 88% en Australie occidentale. Cependant, la prévalence au sein des troupeaux est en légère régression depuis 1983, date de l’introduction du vaccin. En 1990, seuls 10 à 15% des producteurs ovins pratiquaient cette vaccination (WINDSOR, 2011). 5. Europe En Allemagne, un protocole d’éradication de la maladie caséeuse et de contrôle de l’infection a été mis en place dans les élevages caprins laitiers en 2000. Il a été assez efficace, contrairement à celui instauré quelques années auparavant dans les troupeaux ovins, qui a été abandonné en raison du manque de sensibilité du test de dépistage employé. Malgré l’amélioration des tests, aucun plan similaire n’a été remis en place dans ces élevages depuis (BAIRD et MALONE, 2010). La maladie caséeuse a été détectée pour la première fois en Irlande du Nord en 1999. L’infection s’est propagée à partir d’un lot d’ovins contaminés importés d’Écosse. On a détecté le premier cas de lymphadénite caséeuse en Irlande du Sud un an après (STAPLETON et al., 2009). Les infections à C. pseudotuberculosis ne sont apparues que très récemment au RoyaumeUni. La bactérie aurait gagné ce territoire suite à l’importation d’un lot de vingt chèvres contaminées provenant d’Allemagne en 1987 (BAIRD, 2003). Le premier cas a été décrit par ROBINS en 1990 (BAIRD et MALONE, 2010). Les Services Vétérinaires ont ensuite détecté de nouveaux cas (Figure 4), il a donc été décidé de mettre en place au niveau national un plan de contrôle et d’éradication (BAIRD, 2003; WINDSOR, 2011). 26 Figure 4 : Émergence de la maladie caséeuse au Royaume-Uni entre 1991 et 2000 (BAIRD, 2003) En Norvège, la maladie caséeuse est répandue depuis de nombreuses années parmi les élevages caprins, mais ne constitue pas un problème majeur chez les ovins, et n’est pas une cause de saisie des carcasses. En 2001, le Service de Santé Caprine a instauré un programme visant à assainir les élevages. En réaction, on s’est plus intéressé à cette infection, et des prévalences plus élevées qu’attendues ont été trouvées au sein de troupeaux ovins. Une pratique en particulier contribue à l’extension de la maladie caséeuse. Les éleveurs ovins s’échangent des béliers dans le cadre d’un programme d’élevage national. Ils font ainsi partie de ce qui est appelé ram circle. Dans le cadre du programme d’éradication, les ovins subissent un dépistage par test sérologique, et les animaux positifs sont abattus. Les éleveurs sont déterminés à prolonger cette démarche malgré le coût, les examens cliniques et analyses étant financés par le Service de Santé Ovine, mais pas les pertes dues aux réformes. Une certaine solidarité s’exerce entre les éleveurs d’un même ram circle, chacun participant lors d’une perte (HEKTOEN, 2012). Aux Pays-Bas, la bactérie a été identifiée pour la première fois en 1978 par SCHREUDER et al., qui l’ont isolée dans un poumon d’ovin. Le tableau clinique associé chez la chèvre n’a été décrit qu’en 1984, par le même auteur (DERCKSEN et al., 2000). Depuis 1996, un plan d’éradication de la maladie caséeuse est appliqué dans les élevages caprins, avec une accréditation des cheptels indemnes. En 2000, la prévalence estimée est de 5% dans les troupeaux caprins. On estime qu’elle est plus faible chez les ovins. En 2007, 605 troupeaux avaient cette qualification. Le commerce entre élevages indemnes est donc tout à fait possible (BAIRD et MALONE, 2010). En République Tchèque, la maladie caséeuse n’a été diagnostiquée qu’exceptionnellement. Seules deux études en rapportent la présence, l’une dans un troupeau de chèvres, menée par SKALKA et al. en 1998, et l’autre dans un troupeau de moutons, menée par SKALKA et LITERÁK en 1994 (LITERÁK et al., 1999). En Slovaquie, la lymphadénite caséeuse n’est que rarement diagnostiquée. la présence de cette maladie dans un troupeau d’ovins a été observée en 1981, et elle a été diagnostiquée dans deux troupeaux de chèvres, l’un des cas ayant fait l’objet d’une publication par DRAVECKÝ en 1986, l’autre datant de 1997 (LITERÁK et al., 1999). 27 6. Cas de la France La bactérie est présente sur tout le territoire, en particulier dans les élevages ovins du sud de la France. Aucun plan de dépistage n’a été mise en place, la prévalence moyenne n’est donc pas connue. Les animaux atteints ne peuvent pas être présentés dans des expositions, foires ou marchés, et les béliers en particulier ne peuvent pas être vendus à des centres d’insémination (PONCELET, 2012). C. Modes de transmission 1. Par contact La bactérie est présente dans le pus des abcès. Quand ceux-ci se rompent, elle se répand dans l’environnement, sur toutes les surfaces contaminées par le pus. Elle peut survivre longtemps dans le milieu, d’autant plus si celui-ci comporte du bois, de la paille ou des excréments. Sa survie est alors évaluée à huit semaines, mais peut aller jusqu’à huit mois dans le sol (WILLIAMSON, 2001). Tout autre animal sensible entrant en contact de cet environnement contaminé, en particulier s’il présente des lésions cutanées, a un risque de s’infecter. De plus, les abcès présents autour des voies digestives supérieures font souvent suite à l’ingestion de la bactérie, qui pourra alors entrer en contact avec des blessures dues à la rigidité des fibres constituant l’alimentation. 2. Aérosols PÉPIN et al. ont émis l’hypothèse en 1994 que certains des abcès pulmonaires se trouvant contre les parois des voies aériennes, ils pourraient, en se rompant, être à l’origine d’aérosols contaminés par la bactérie. La contamination directe des poumons par voie aérienne reste cependant anecdotique (FONTAINE et BAIRD, 2008). Mais les aérosols sont, eux, un facteur de contamination important puisqu’ils viennent infecter les plaies cutanées des animaux (PATON et al., 1996). Ils sont considérés comme une des sources de transmission majeures (WINDSOR, 2011). D. Facteurs de risque 1. Facteurs intrinsèques a) Âge Plusieurs études (AL-GAABARY et al., 2009; AL-GAABARY et al., 2010) ont pu montrer que la prévalence de la lymphadénite caséeuse augmente avec l’âge des animaux. On observe en particulier une très faible atteinte des animaux de moins de 1 an. Cela peut être expliqué par le fait qu’ils bénéficient alors encore de l’immunité passive transmise par leur mère. Le nombre d’atteints augmente après 12 mois d’âge, ce qui est en corrélation avec la perte de cette immunité passive. Après un an d’âge, le nombre d’infectés augmente, mais une étude (PATON et al., 1996) tendrait à montrer que la majorité des animaux se contaminerait entre 1 et 2 ans, alors que pour une autre (AL-GAABARY et al., 2010), l’infection 28 atteindrait surtout des animaux de plus de deux ans. Dans cette étude, l’auteur a trouvé 51,35% des ovins de plus de 2 ans infectés, contre seulement 8,84% des animaux entre 1 et 2 ans. b) Sexe Aucune prédisposition dépendante du sexe n’a pu être démontrée. Certaines études ont pour résultat une proportion de femelles atteintes plus grande que pour les mâles, mais les femelles étant gardées plus longtemps que les mâles, ces résultats sont biaisés. c) Localisation des lésions Chez les chèvres, les lésions au niveau de la tête et du cou sont plus fréquentes que chez les moutons, ce qui favorise l’entrée de la bactérie par voie buccale (FONTAINE et BAIRD, 2008). 2. Facteurs extrinsèques a) La tonte La tonte est considérée dans beaucoup de pays comme un facteur de risque majeur. En effet, elle provoque très régulièrement des plaies chez les animaux, ce qui facilite le passage de la bactérie. De plus, il y a un fort risque de percer les abcès superficiels, ce qui contamine le matériel et favorise la transmission aux animaux suivants (PATON et al., 1996). Cette étude et d’autres montrent que 75 à 80% des animaux contaminés le sont après la tonte. Cette contamination du matériel de tonte est aussi un facteur de risque important dans la transmission de l’infection d’un élevage à l’autre. De plus, le fait de garder les moutons enfermés pendant une heure ou plus après la tonte entraîne une augmentation de l’incidence de la maladie caséeuse de 2,7 à 2,8 fois (PATON et al., 1996). En effet, il y a alors dans l’air une augmentation du nombre d’aérosols contaminés par la bactérie, qui sont moins facilement dispersés qu’en milieu extérieur, et moins détruits, du fait d’une exposition moindre aux rayons ultraviolets. Enfin, les déplacements des tondeurs d’un élevage à l’autre favorisent la diffusion de l’infection entre les différents troupeaux lorsqu’aucune précaution n’est prise (BAIRD, 2003). b) Le comportement Les chèvres se battent assez fréquemment en se donnant des coups de tête. Ce comportement est à l’origine d’une augmentation des effractions cutanées au niveau de la tête et du cou, ce qui peut expliquer que ces zones soient majoritairement concernées par les lésions due à la maladie caséeuse. De plus, les chèvres se frottent les épaules contre les barrières et les murs quand elles le peuvent, ce qui peut expliquer qu’on retrouve des lésions préférentiellement au niveau des nœuds lymphatiques de cette zone (AL-GAABARY et al., 2009). 29 c) Plaies iatrogènes La castration, parce qu’elle implique une effraction dans le tissu cutané, augmente le risque d’infection de l’animal concerné. Il en va de même pour les animaux à l’attache, quand celle-ci est traumatisante. C’est ce qu’ont montré VALLI et PARRY en 1993 (FONTAINE et BAIRD, 2008). Les systèmes d’attache (colliers, cornadis), quand ils sont traumatisants, favorisent aussi l’apparition de lésions dues à C. pseudotuberculosis. Le passage à travers la peau de la bactérie est favorisé par les blessures provoquées. On a alors des lésions visibles au niveau du cou ou en avant des épaules. d) Douches et bains antiparasitaires Corynebacterium pseudotuberculosis peut résister et se multiplier dans le liquide utilisé pour les douches et les bains antiparasitaires, qu’il soit recyclé ou simplement réutilisé. Une étude (PATON et al., 1996) a montré que le fait d’utiliser une douche antiparasitaire augmentait de cinq à six fois le risque de contamination chez les ovins. e) Mode d’élevage Dans une étude réalisée au Brésil dans des troupeaux caprins, il a été constaté que les élevages extensifs étaient beaucoup plus touchés que les élevages intensifs. Cela peut être expliqué par le fait que les animaux sont moins surveillés, et donc les lésions visibles moins vite détectées, mais aussi par le fait que l’environnement est moins facile à décontaminer (SEYFFERT et al., 2010). La bactérie est donc présente dans de nombreux pays, sur tous les continents. Mais sa prévalence globale ne peut pas être déterminée à cause de l’absence de données dans de nombreux pays, et même régions, la situation pouvant énormément varier de l’une à l’autre notamment en fonction du type d’élevage. Les facteurs de risque sont quant à eux majoritairement liés à toutes les situations favorisant l’apparition de plaies ou d’abrasions cutanées, qui permettent à la bactérie de pénétrer dans l’organisme. Une fois dans l’hôte, la bactérie rejoint les nœuds lymphatiques de drainage régionaux. 30 III. PHYSIOPATHOLOGIE A. Voies d’entrée de la bactérie Dans la plupart des infections observées sur le terrain, C. pseudotuberculosis passe au travers de la peau. Cette contamination est favorisée par les plaies et micro-abrasions. L’entrée se fait plus fréquemment au niveau de la tête et du cou. En effet, les plaies y sont plus fréquentes à cause des bagarres, les béliers et les caprins en particulier utilisant souvent leur tête. De plus, les plaies faisant suite au bouclage ou au tatouage peuvent servir de voie d’entrée. C’est aussi le cas des abrasions sur les lèvres et les mâchoires, résultant de la préhension d’aliments secs et fibreux. Enfin, la bactérie pourrait pénétrer par voie orale lorsque les aliments, l’eau ou les mangeoires sont eux-mêmes contaminés par du pus ou des aérosols (BAIRD, 2003). B. Extension de l’infection Dans les quelques heures suivant l’infection, de nombreux neutrophiles rejoignent le site d’inoculation, d’où ils partent pour rejoindre les nœuds lymphatiques régionaux dans les premières 24 h. Passés les trois premiers jours, la population de neutrophiles décroît. À l’inverse, celles des monocytes et des macrophages augmentent considérablement au point d’inoculation. À partir de son point d’entrée, la bactérie migre vers les nœuds lymphatiques de drainage régionaux, grâce à un transport par des cellules phagocytaires (FONTAINE et BAIRD, 2008; AL-GAABARY et al., 2010). On qualifie de phase initiale les quatre premiers jours suivant l’infection, durant lesquels on assiste à un recrutement des neutrophiles au site d’inoculation et dans les nœuds lymphatiques de drainage. C. pseudotuberculosis est une bactérie intracellulaire facultative qui réside surtout dans les macrophages. On a essayé de mettre en évidence les interactions entre les macrophages et la bactérie grâce à un gène, gfp. Ce gène est un mutant issu d’une méduse, Aequorea victoria, qui induit une fluorescence stable, non toxique, et qui a une longue demi-vie. On s’en est servi comme marqueur, notamment pour identifier les gènes dont l’activité augmente quand la bactérie est dans le macrophage, et qui pourraient donc avoir un lien avec les facteurs de virulence. On a ainsi pu constater que la quantité de bactéries à l’intérieur du macrophage augmentait avec le temps d’incubation, et donc qu’elles se répliquaient dans ces cellules. De plus, un gène, cps, a été mis en évidence, mais son rôle exact n’est pas encore connu (McKEAN et al., 2005). Dans cette étude, l’expression d’un autre gène, pccB, avait aussi été identifiée comme étant induite par les macrophages. Mais il s’est avéré qu’un agent tensioactif non ionique utilisé dans le milieu, le Tween 80, était en réalité responsable de la régulation du gène. Pendant le premier jour, on peut observer une infection généralisée des nœuds lymphatiques régionaux, suite à l’excrétion d’une exotoxine par la bactérie, qui conduit au développement de micro-abcès en région corticale des nœuds lymphatiques. Le nombre de micro-abcès augmente pendant les six premiers jours, puis ils grossissent et fusionnent. Ces abcès contiennent des amas de bactéries, des débris cellulaires et un grand nombre d’éosinophiles, qui sont responsables de la couleur verdâtre caractéristique des abcès caséeux. L’infiltration par des cellules inflammatoires y est continue, et la perméabilité vasculaire augmentée, ce qui facilite la dissémination du germe dans le reste de l’organisme 31 (BAIRD et FONTAINE, 2007). Dans les 5 à 10 jours après l’infection, on a donc une phase d’amplification, durant laquelle le pyogranulome se développe. Elle est suivie de la phase de stabilisation. Différentes cytokines sont impliquées dans la réponse de l’hôte à l’infection. On a intervention de cytokines inflammatoires, comme le tumor necrosis factor-α (TNF-α) et les interleukines (IL) IL1-β et IL-6, qui sont exprimées au niveau du site d’inoculation. On trouve aussi des cytokines associées aux lymphocytes T, IL-2, IL-4 et l’interféron-γ (IFN-γ), qui sont exprimées au niveau des nœuds lymphatiques. L’IFN-γ est un marqueur de la réponse immunitaire à médiation cellulaire de l’hôte en réponse à une infection par C. pseudotuberculosis. Les cytokines inflammatoires sont connues pour stimuler une réponse systémique aiguë, phase dont on a déjà démontré l’existence suite à une infection expérimentale par la bactérie. Une augmentation des concentrations en haptoglobine sérique, une protéine de la phase aiguë majeure chez les ovins et autres ruminants a aussi été rapportée dans ces conditions par PÉPIN et al. en 1991. Les protéines de la phase aiguë sont un ensemble de protéines sériques produites et relâchées par le foie suite à une stimulation par des cytokines pro-inflammatoires. Elles font partie de la réponse immunitaire innée de l’hôte. Chez les ruminants, on retrouve deux protéines de phase aiguë majeures, l’haptoglobine (Hp) et la sérum amyloïde A (SAA), et notamment une protéine dont les concentrations sont plus modérément augmentées, l’alpha1 glycoprotéine acide (AGP). Cette dernière est couramment augmentée même dans des conditions de chronicité de l’infection. Dans le cas d’une infection par C. pseudotuberculosis, les trois voient leur concentration augmenter. A ce stade, l’encapsulation se fait rapidement, on a donc une diminution de l’inflammation au sein du parenchyme du nœud lymphatique. Les profils de Hp et SAA sont similaires bien que les concentrations de SAA diminuent un peu plus vite que celles de Hp une semaine après l’infection. Au contraire, AGP subit une augmentation de concentration plus progressive, suivie d’une diminution plus lente. C’est durant la phase de stabilisation que Hp et SAA retrouvent leurs taux habituels, alors que AGP est encore retrouvée à des concentrations significativement plus élevées que la norme. Cette période correspond au moment où la phase aiguë fait place à une infection chronique. La concentration en AGP reprend sa valeur normale environ quatre semaines après l’infection (ECKERSALL et al., 2007). Ensuite, la capsule subit des processus nécrotiques répétés suivis par sa reformation. Le pus est au début assez fluide, puis il prend un aspect de plus en plus solide. On peut y observer des amas de bactéries épars, et de petits nodules minéralisés. Ces nodules, de nature calcique, sont responsables d’un éclaircissement du pus, et ont tendance à s’organiser en lamelles concentriques. Cela donne à la lésion, lorsqu’on la coupe transversalement, un aspect en coupe d’oignon. Cela est caractéristique de la maladie caséeuse dans les pays où l’infection est endémique (FONTAINE et BAIRD, 2008). Cet aspect en coupe d’oignon se retrouve chez les ovins, mais pas chez les caprins, pour qui les abcès présentent un aspect uniforme et pâteux, sans aucune couche distinguable (WILLIAMSON, 2001). Les lésions de maladie caséeuse se développent lentement. Cela est dû à la formation de couches de collagène qui emprisonnent les lymphocytes en bordure du centre nécrotique. De plus, on a une migration active et un recrutement des leucocytes dans les lésions, grâce à un passage au travers de l’épaisse paroi de collagène. PÉPIN et al. ont montré en 1994 que les 32 macrophages, qui sont à la fois proches du centre nécrotique contenant la bactérie et de la couche de leucocytes, peuvent jouer un double rôle. En effet, ils ont à la fois une fonction de cellules présentatrices d’antigènes et de cellules à effet anti-bactérien, puisqu’ils peuvent produire des anticorps qui neutralisent les toxiques produits par la bactérie (AL-GAABARY et al., 2010). La bactérie peut ensuite continuer à se disperser dans tout l’organisme lorsque l’abcès se rompt, majoritairement par les voies hématogène et lymphogène. Même les poumons sont en général atteints de cette manière, bien qu’on ait pu mettre en évidence quelques cas où ils sont directement infectés par des aérosols contaminés. De plus, chez les animaux présentant des abcès pulmonaires, on a souvent une atteinte concomitante des nœuds lymphatiques médiastinaux et bronchiques, ce qui impliquerait une migration de la bactérie à partir du parenchyme pulmonaire (FONTAINE et BAIRD, 2008). C. Réponse immunitaire 1. Mécanismes mis en jeu La réponse immunitaire de l’hôte a une composante cellulaire et une composante humorale. Les anticorps intervenant lors de la réponse immunitaire à médiation humorale sont des immunoglobulines de type M plus ou moins de type G lors de la phase aiguë, et de type G uniquement lorsque la phase chronique est atteinte (BASTOS et al., 2011). L’induction d’une réponse immunitaire à médiation cellulaire durable est essentielle au contrôle de la maladie. Cette réponse peut notamment être évaluée grâce à la production d’interféron-gamma (IFN-gamma). En effet, cette cytokine a un rôle très important dans la régulation de la réponse immunitaire et du processus inflammatoire. Elle intervient dans le contrôle de l’expression des complexes majeurs d’histocompatibilité (CMH) de classes I et II, dans l’activation et la régulation de la différenciation des phagocytes et des lymphocytes T CD4+. Les IFN-gamma ont aussi un rôle fondamental dans la défense de l’hôte contre des infections par des germes intracellulaires. Il a été montré que les IFN-gamma sont produits en grande quantité suite à une stimulation de caprins par des antigènes bactériens sécrétés dans un milieu synthétique, alors que la production en IFN-gamma est basse après une stimulation par des antigènes sécrétés dans un milieu de culture synthétique. PÉPIN et al. avaient obtenu des résultats inverses en 1997, mais avaient alors utilisé une souche bactérienne génétiquement modifiée. La réponse en IFN-gamma suite à une stimulation par l’antigène sécrété est aussi plus importante chez les animaux infectés par rapport aux non infectés, quand l’antigène est utilisé à une concentration de 25 ou 50 µg/mL. Il n’y a pas de différence quand la concentration est de 10 µg/mL. De plus, certains animaux non infectés expérimentalement ont malgré tout vu leur production en IFN-gamma augmenter, alors qu’ils restaient négatifs avec un test ELISA. Cela pourrait être dû au fait qu’ils étaient en tout début d’infection, cette phase n’étant pas détectable avec un test sérologique. 33 Ces notions sont importantes pour le développement de vaccins et de tests diagnostiques plus efficaces. L’utilisation de la production en IFN-gamma pourrait être utile pour la détection d’une infection récente. La variation individuelle de la réponse immunitaire à médiation cellulaire est non négligeable. Cela pourrait être dû à des différences d’ordre génétique, ou à des expositions antérieures à certains agents pathogènes variables selon les individus (MEYER et al., 2005). 2. Échappement au système immunitaire de l’hôte C. pseudotuberculosis est capable de survivre et de se multiplier dans les macrophages, ce qui lui permet de ne pas être éliminée par le système immunitaire de l’hôte et de se déplacer dans l’organisme (FONTAINE et BAIRD, 2008). En effet, la bactérie est phagocytée, au point d’inoculation, par des leucocytes. La structure particulière de sa couche lipidique externe lui permet ensuite de survivre dans ces cellules, et d’être transportée, par voie lymphatique, vers les autres nœuds lymphatiques. De plus, la bactérie continue à se multiplier pendant ce transport, avant que la cellule hôte ne meurt et ne relargue le germe en grande quantité (AL-GAABARY et al., 2010). On a pu démontrer que le facteur sigma était un élément indispensable pour que la bactérie puisse survivre dans les cellules phagocytaires. Celles-ci créent dans les lysosomes un environnement particulier, très riche en monoxyde d’azote. Cela induit pour les cellules un stress peu favorable à leur survie, le monoxyde d’azote en grande concentration étant capable d’entraîner un arrêt du métabolisme, ce qui induit des lésions dans les composants des cellules. On a synthétisé des mutants bactériens ne possédant pas le facteur sigma. De tels mutants se sont avérés être plus sensibles à un pH acide, le pH dans les macrophages étant de 5,5. Ils réagissent aussi plus à l’action de certains facteurs de stress de surface, le SDS (Sodium Dodecyl Sulfate) et les traitements à base de lysozymes. Le facteur sigma permet aussi à C. pseudotuberculosis de résister aux stress induits par le monoxyde d’azote et par les peroxydes, et plus particulièrement à ces deux stress combinés. Ce facteur sigma est une protéine de régulation. Il permet donc de modifier rapidement l’expression génétique de la bactérie. Les auteurs de l’étude ont effectivement constaté que les protéines synthétisées par la bactérie suite à une exposition au monoxyde d’azote n’étaient pas toutes les mêmes que celles synthétisées dans des conditions classiques. Grâce à ce mécanisme, C. pseudotuberculosis est capable de s’adapter rapidement à des conditions environnementales non favorables. Sa réponse primaire à une augmentation importante de la concentration en monoxyde d’azote est l’exportation de protéines impliquées dans la captation du fer et dans le maintien d’un équilibre d’oxydoréduction. OHNO et al. ont déjà démontré en 2003 que le facteur sigma était surexprimé dans le cas d’une infection par un germe intracellulaire (PACHECO et al., 2012). D. Persistance de Corynebacterium pseudotuberculosis dans l’hôte La bactérie peut rester viable plusieurs années, encapsulée dans les abcès. Il peut donc y avoir une phase de réactivation tardive de la maladie, précédée par une longue période de dormance, au moment où la bactérie dissémine en dehors de l’abcès (FONTAINE et BAIRD, 2008). 34 Le développement du pyogranulome n’est associé qu’à une faible dissémination de la bactérie dans l’organisme. Cela démontre le double rôle des pyogranulomes lors de maladies chroniques. En effet, ils peuvent être considérés comme un mécanisme de défense, permettant de limiter la dissémination de la bactérie à quelques sites critiques et de stimuler la réponse immunitaire de l’organisme, mais ils peuvent être aussi vus comme l’expression du processus immuno-pathologique. Les mécanismes de réparation de l’ADN chez différentes espèces de Corynebactéries ont été étudiés. Il s’est avéré que l’on avait chez les bactéries pathogènes C. pseudotuberculosis et C. diphteriae l’acquisition ou la rétention de gènes absents chez les non-pathogènes. L’étude de ces gènes pourrait délivrer certaines informations concernant les mécanismes de persistance de ces bactéries dans l’hôte, ou leur pathogénicité. De plus, les Corynebactéries étudiées ne possèdent pas les protéines de réparation de mésappariement trouvées classiquement dans les organismes cellulaires. Elles sont donc plus sensibles aux mutations spontanées, ce qui peut favoriser leur adaptation dans un nouvel environnement, élément important pour leur survie dans l’hôte infecté (RESENDE et al., 2011). Après avoir pénétré la barrière cutanée de l’hôte, la bactérie peut disséminer dans l’organisme grâce à sa capacité à survivre et à se multiplier dans les macrophages. Elle atteint ainsi les nœuds lymphatiques, où la réponse immunitaire de l’hôte se déclenche. Des signes cliniques sont alors visibles. Ils peuvent varier légèrement en fonction de l’espèce concernée. 35 36 IV. SIGNES CLINIQUES ET LÉSIONNELS A. Signes cliniques 1. Lymphadénite caséeuse chez les petits ruminants Chez les petits ruminants, les infections par C. pseudotuberculosis se traduisent par des lésions pyogranulomateuses, qui peuvent prendre deux formes (FONTAINE et BAIRD, 2008). La forme cutanée semble être un peu plus fréquente que la forme viscérale (AL-GAABARY et al., 2010). a) Forme cutanée (1) Description Cette forme est aussi qualifiée d’externe, ou de superficielle. Elle se caractérise par le développement d’abcès dans les nœuds lymphatiques superficiels et le tissu sous-cutané. Ces abcès grossissent lentement et finissent par se rompre, parfois longtemps après leur apparition. On observe aussi souvent une dépilation localisée en regard de ces abcès, quand ils en sont à un stade de maturation avancé (AL-GAABARY et al., 2009). (2) Localisation des abcès Chez la chèvre, ce sont les nœuds lymphatiques de la tête et du cou qui sont le plus souvent touchés, en particulier le préscapulaire. C’est aussi le cas pour les ovins au Royaume-Uni (Figure 5). Mais ailleurs dans le monde (Figure 6), ce sont les nœuds lymphatiques thoraciques qui sont le plus souvent touchés chez les ovins (BAIRD, 2003; CHIRINO-ZÁRRAGA et al., 2006; AL-GAABARY et al., 2010). Une étude (AL-GAABARY et al., 2009) montre une atteinte majoritaire du nœud lymphatique parotidien, suivie par le nœud lymphatique préscapulaire chez les ovins (Figure 7). PÉPIN et al. ont cependant constaté en 1994 une atteinte majoritaire des nœuds lymphatiques précruraux et supra-mammaires chez un groupe d’ovins. De plus, l’atteinte des nœuds lymphatiques inguinaux et scrotaux n’est pas rare chez les béliers. Cependant, ces lésions n’ont aucun lien avec les testicules et l’épididyme. Figure 5 : Nœuds lymphatiques les plus souvent touchés lors d'infections par C. pseudotuberculosis chez les ovins au Royaume-Uni (BAIRD, 2003) 37 Figure 6 : Nœuds lymphatiques les plus souvent atteints lors d'infections par C. pseudotuberculosis ailleurs qu'au Royaume-Uni (MENZIES et MUCKLE, 1989) Figure 7 : Abcès dus à C. pseudotuberculosis, touchant le nœud lymphatique parotidien chez un mouton, et le cervical superficiel chez une chèvre (source : AL-GAABARY et al., 2009) Les nœuds lymphatiques superficiels atteints dépendent du point d’entrée de la bactérie. Ils résultent de la migration de celle-ci jusqu’aux nœuds lymphatiques de drainage régionaux (FONTAINE et BAIRD, 2008). b) Forme viscérale (1) Description Cette forme est caractérisée par la présence de lésions internes, et donc non détectables lors d’un examen clinique. De la même manière que pour la forme cutanée, on observe des abcès encapsulés, contenant un pus caséeux. Cette forme touche les nœuds lymphatiques internes, mais aussi d’autres organes. (2) Localisation des lésions Ce sont les nœuds lymphatiques internes et les poumons (Figure 8) qui sont le plus fréquemment touchés, mais d’autres organes peuvent aussi être atteints. Les lésions concernent alors en premier lieu le foie, les reins et les glandes mammaires, et plus rarement le cœur, le cerveau, la moelle épinière, les testicules, l’utérus et les articulations (FONTAINE et BAIRD, 2008). 38 Figure 8 : Abcès pulmonaire dû à C. pseudotuberculosis chez un mouton (source : BAIRD, 2003) Une étude réalisée en Égypte sur des ovins (AL-GAABARY et al., 2010) met en évidence la prédominance des abcès hépatiques dans les lésions observées. Au contraire, les poumons étaient ici assez peu souvent affectés, ainsi que les nœuds lymphatiques médiastinaux. Un cas atypique a été rapporté. Il s’agissait d’une brebis présentée à l’Université canadienne de Saskatchewan, présentant de nombreux pyogranulomes dans une glande mammaire, les poumons, le foie, les reins (Figure 9), dans plusieurs des nœuds lymphatiques de drainage de ces zones, et dans la moelle épinière. C’est cette dernière lésion qui a le plus affecté son état général, bien qu’elle ait aussi développé une mammite (SERRES et al., 2011). Figure 9 : Abcès rénal dû à C. pseudotuberculosis chez une brebis (source : FERRER et al., 2009) c) Complications Les abcès atteignant les nœuds lymphatiques médiastinaux peuvent, en grossissant, comprimer l’œsophage, ce qui provoque les symptômes d’une obstruction oesophagienne d’évolution chronique, avec anorexie, salivation et météorisation intermittente, comme le décrivent PATON et al. en 2005 dans Infectious Diseases of Livestock (FONTAINE et BAIRD, 2008) . 39 Dans les cas où les lésions sont localisées près du tractus digestif et viennent à exercer une pression sur lui, on observe une dysorexie et une émaciation progressive (AL-GAABARY et al., 2009). On peut aussi observer des périorchites suppuratives, des périépididymites et des dégénérescences testiculaires. Parfois, cela peut aller jusqu’à une absence complète de spermatozoïdes dans les tubes séminifères et l’épididyme (AL-GAABARY et al., 2010). d) Association avec le virus de Maedi-Visna Une co-infection par C. pseudotuberculosis et le lentivirus est assez courante chez les ovins. Cela conduit à une pneumonie chronique et à une cachexie, caractéristiques du syndrome de la brebis maigre. Dans une étude menée sur 280 ovins dans un abattoir de Québec au Canada en 2003, il a été remarqué que les lésions pulmonaires dues au Maedi-Visna étaient significativement plus présentes lorsqu’on avait aussi des lésions thoraciques dues à C. pseudotuberculosis. Par contre, les lésions de maladie caséeuse étaient sans corrélation avec le statut sérologique des ovins pour Maedi-Visna quand il n’y avait pas de lésions pulmonaires. En effet, C. pseudotuberculosis induit la production de cytokines inflammatoires, en particulier de tumor necrosis factor-alpha (TNF-alpha) dans les macrophages pulmonaires ovins, qui sont la première cible du lentivirus. Cela entraînerait une augmentation de la réplication du lentivirus dans les macrophages des alvéoles pulmonaires, même si le mécanisme précis n’est pas encore connu. Cela provoque aussi une progression plus importante de la pneumonie interstitielle lymphoproliférative induite par le lentivirus (BOGDAN et al., 1997; ARSENAULT et al., 2003). Le TNF-α n’est produit que dans l’environnement proche des lésions dues à la bactérie. Il n’est pas retrouvé dans la circulation sanguine. Il agit sûrement de manière autocrine, en amplifiant la formation des lésions et en modulant la croissance bactérienne. De plus, le relargage systémique de cette monokine à partir des sites locaux de production a probablement une importance centrale dans la physiopathologie de la cachexie intervenant dans le syndrome de la brebis maigre (ELLIS et al., 1995). Il a aussi été remarqué dans le modèle murin que les macrophages produisaient du monoxyde d’azote, qui possède des propriétés antibactériennes. Mais cette production est très faible dans les macrophages pulmonaires chez les petits ruminants, et n’augmente pas en présence de la bactérie. Le monoxyde d’azote n’intervient donc pas dans la défense de l’organisme contre une attaque par une bactérie intracellulaire, contrairement à ce qui a lieu chez la souris. Cela peut expliquer que celles-ci, dans les modèles expérimentaux créés, éliminent le germe beaucoup plus facilement que ce qu’on observe chez les ovins en réalité (BOGDAN et al., 1997). 2. Mammites Cette manifestation de l’infection par C. pseudotuberculosis est plus rare chez les petits ruminants. Elle résulte de la progression de l’infection à partir des nœuds lymphatiques supra-mammaires. C’est par contre la manifestation que l’on retrouve le plus fréquemment 40 chez les bovins et bisons, même si les infections dues à C. pseudotuberculosis sont rares chez ces espèces. Elle peut se présenter sous deux formes, soit une mammite aiguë suppurative, soit une mammite chronique, avec la présence d’un abcès encapsulé dans la glande mammaire (FONTAINE et BAIRD, 2008). Chez des vaches laitières auxquelles on a inoculé C. pseudotuberculosis expérimentalement directement dans le canal du trayon, on a pu constater l’apparition d’une anémie, associée à une mammite, dont les signes sont apparus en moyenne une à deux semaines après l’inoculation du germe. On observe alors une aggravation de l’anémie, une hyperthermie, et un arrêt complet de production laitière. L’anémie, au départ arégénérative, normochrome et normocytaire, devient régénérative dans les deux à trois semaines suivant l’inoculation (AROCH et al., 2003). Dans une étude réalisée au Nigéria et portant sur 300 chèvres présentant une mammite, C. pseudotuberculosis a été identifiée comme agent responsable dans 4% des cas, loin derrière Staphyloccocus aureus, responsable de 37% des cas (AMEH et TARI, 1999). 3. Lymphangite ulcérative chez les bovins et les bisons C’est la forme qui a été trouvée le plus fréquemment dans les troupeaux bovins laitiers en Israël, où les infections par C. pseudotuberculosis chez les bovins sont très étudiées. Elle touche surtout les adultes, mais a aussi pu être observée chez des veaux et des génisses. Elle apparaît majoritairement en été et en automne. La morbidité observée en Israël durant une étude portant sur plusieurs troupeaux suivis pendant 13 ans, est de 6,4%. 16,3% des animaux atteints ont dû être abattus (YERUHAM et al., 2003). Ces animaux présentent des abcès simples ou multiples sur la tête, les flancs, les épaules, l’encolure et les postérieurs, au-dessus du grasset. Cette forme cutanée peut être associée à une mammite dans 7,1% des cas, 5,9% dans une autre étude datant de 1997 (YERUHAM et al., 1997), et plus rarement, dans 1,6% des cas, à des lésions viscérales. Les nœuds lymphatiques régionaux sont systématiquement impliqués, mais aucune lymphadénite ou lymphangite généralisée n’a été observée. Les abcès atteignent en général 15-20 cm de diamètre. Ils sont entourés par une épaisse capsule fibreuse adhérente aux tissus sous-cutanés. Une fois rompu, l’abcès déverse un contenu séreux ou un pus jaunâtre, contenant l’un et l’autre des traces de sang. Il s’entoure ensuite de marges nécrotiques (Figure 10). 41 Figure 10 : Vache présentant une lésion granulomateuse ulcérative résultant d'une infection par C. pseudotuberculosis (source : YERUHAM et al., 2003) 4. Dermatite ulcérative et nécrosante du pied chez les bovins Cette forme a été observée dans deux troupeaux bovins (YERUHAM et al., 2003), chez des génisses âgées de 12 à 18 mois. Une saisonnalité marquée a été constatée, les lésions apparaissant essentiellement en février-mars. Les signes sont un œdème de l’extrémité distale des membres couplé à un exsudat, et une dermatite ulcérative et nécrosante visible entre les onglons (Figure 11). Les animaux atteints sont abattus, à cause de la douleur. Figure 11 : Dermatite ulcérative et nécrosante due à une infection par C. pseudotuberculosis (source : YERUHAM et al., 2003) 5. Avortements DENNIS et BAMFORD ont décrit, en 1966, quelques rares cas d’avortement chez des brebis dus à C. pseudotuberculosis. La bactérie peut alors être isolée à partir des tissus fœtaux (FONTAINE et BAIRD, 2008). 42 6. Infection localisée au point d’inoculation On peut observer dans de rares cas, chez les petits ruminants, une infection suppurée du derme au niveau du point d’entrée de la bactérie. Ces lésions sont alors très souvent associées aux lésions plus classiques d’abcès atteignant les nœuds lymphatiques (BAIRD, 2003). 7. Autres Dans une réserve d’Afrique du Sud, on a constaté qu’un tiers des carcasses de gnous et d’antilopes inspectées à l’abattoir présentaient des lésions similaires à celles visibles lors de tuberculose (Tableau 5). Elles se présentaient sous la forme d’abcès granulomateux encapsulés, comportant parfois des zones de nécrose et de calcification, visibles essentiellement dans les poumons (Figure 12) et les nœuds lymphatiques médiastinaux. Ces lésions ont été prélevées et mises en culture. C. pseudotuberculosis a été isolée sur les deux tiers d’entre elles. Ces lésions, trouvées sur des gnous et des antilopes, qui appartiennent à la famille des bovidés, sont pourtant assez similaires à celles observées chez les petits ruminants atteints de maladie caséeuse. On a étudié les propriétés des quatre différentes souches isolées, et constaté qu’aucune n’était capable de réduite le nitrate, cette propriété étant caractéristique de la grande majorité des souches trouvées chez les petits ruminants. Tableau 5 : Prévalence et répartition des lésions dues à C. pseudotuberculosis chez des gnous et des antilopes (autres espèces) (MÜLLER et al., 2011) Localisation des lésions avec pour chacune le nombre d'animaux concernés N, et le pourcentage correspondant (%), par rapport au total des animaux présentant des lésions Autres espèces Antilopes Total Nombre total d'animaux N 121 18 139 Animaux présentant des lésions N (%) 43 (36) 3 (17) 46 (33) Organes N (%) 31 (72) 2 (67) 33 (72) Poumons N (%) 30 (70) 2 (67) 32 (70) Foie N (%) 6 (14) 0 (0) 6 (13) Reins N (%) 1 (2) 0 (0) 1 (2) Nœuds lymphatiques N (%) 28 (65) 1 (33) 29 (63) médiastinal N (%) 19 (44) 0 (0) 19 (41) bronchique N (%) 2 (5) 0 (0) 2 (4) rétropharyngien N (%) 7 (16) 0 (0) 7 (15) sous-maxillaire N (%) 4 (9) 0 (0) 4 (9) mésentérique N (%) 2 (5) 1 (33) 3 (7) 43 Figure 12 : Lésions caséeuses dans le tissu pulmonaire chez un gnou (source : MÜLLER et al., 2011) Chez les gnous et les antilopes, l’infection est rapidement transmise au sein d’un groupe, puisqu’on a constaté dans la réserve une augmentation de la prévalence de 22% à 33% en six mois (MÜLLER et al., 2011). B. Lésions 1. Aspect macroscopique des abcès caséeux Ces abcès sont délimités par une coque fibreuse épaisse. En début d’évolution, le pus est assez liquide, verdâtre, puis il se durcit et s’éclaircit. Quand l’abcès est mûr, le pus a donc une consistance crémeuse, que l’on qualifie aussi de caséeuse. De plus, l’intérieur de l’abcès est très souvent organisé en lamelles concentriques chez les ovins, ce qui amène à le comparer à une coupe d’oignon (AL-GAABARY et al., 2009). On a pu observer une différence d’aspect selon les pays. En effet, si la structure en couche d’oignon est fréquemment décrite chez les ovins un peu partout dans le monde, elle n’est que très rarement observée au Royaume-Uni. Là, les abcès ont plus souvent un contenu épais, crémeux et sans structuration interne. Cet aspect est semblable à celui des abcès observés chez les caprins (CONNOR et al., 2007). 2. Composition cellulaire des abcès caséeux Un granulome est composé de phagocytes mononucléaires à différents stades de développement, de lymphocytes et de fibroblastes. Dans les lésions de maladie caséeuse, les macrophages constituent une fine couche autour d’un centre nécrotique. Rapidement après inoculation, quel qu’en soit le site, on peut observer des lésions dans la corticale des nœuds lymphatiques de drainage régionaux. À partir du sixième jour postinfection, on y voit des macrophages et des lymphocytes T, répartis dans des couches distinctes autour du centre nécrotique. Mais l’aspect typique du pyogranulome n’est obtenu qu’à partir du douzième jour, avec la mise en place de la capsule fibreuse. La taille de celle-ci augmente dans les lésions matures. La plupart des lymphocytes présents dans la lésion sont alors situés entre la couche de macrophages et la capsule fibreuse. Mais certains restent 44 présents près du centre nécrotique, surtout des lymphocytes T CD4+. De plus, de nombreux macrophages sont visualisables dans la couche de lymphocytes (PÉPIN et al., 1994). On peut aussi parfois observer dans ces lésions des cellules polynucléaires fragmentées éparses. Moins fréquemment, on retrouve quelques nodules calcifiés dans les lésions (ALGAABARY et al., 2010). Grâce à différents marqueurs, on a pu établir que les lymphocytes T γ/δ et les lymphocytes B étaient situés surtout dans la zone la plus externe de la couche des lymphocytes des pyogranulomes. On a aussi pu mettre en évidence de nombreuses cellules exprimant le récepteur à l’interleukine 2, dans la couche des lymphocytes comme dans celle des macrophages. De plus, la plupart des cellules expriment à haut niveau des molécules faisant partie du complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (CMH II). Cela démontre une activité cellulaire importante dans les lésions pyogranulomateuses. Il a aussi pu être démontré (PÉPIN et al., 1994) que la composition cellulaire des lésions situées dans les nœuds lymphatiques n’était pas la même que celle des lésions au site d’inoculation. Ces dernières présentent une plus grande proportion de lymphocytes T CD8+. Au contraire, les lésions provenant de différents nœuds lymphatiques d’un même mouton ont la même composition. De plus, dans les lésions immatures, les lymphocytes T CD4+ prédominent, alors que dans les lésions matures, on trouve surtout des lymphocytes T CD8+ et des cellules qui expriment les chaînes γ/δ pour les récepteurs aux cellules T. Cela a été observé en comparant une lésion à 12 jours post-inoculation, et une autre à cinq mois. Mais pour des lésions du même âge, on peut observer une variabilité individuelle importante quant aux proportions de macrophages et de cellules T. Cela est particulièrement vrai pour les macrophages épithélioïdes. Ces observations laissent à croire que les lymphocytes T CD4+ ont un rôle majeur dans les premiers stades de l’infection, puis que celui des lymphocytes CD8+ et T γ/δ augmente lorsque s’installe la phase chronique de la maladie (PÉPIN et al., 1994). L’aspect en coupe d’oignon observé macroscopiquement est finalement donné par la juxtaposition de couches de cellules parenchymateuses nécrosées (Figure 13) à des couches de lymphocytes, macrophages et granulocytes (AL-GAABARY et al., 2010). Figure 13 : Coupe d'un pyogranulome dû à C. pseudotuberculosis sur un nœud lymphatique et visualisation des différentes couches (source : AL-GAABARY et al., 2010) 45 Les macrophages ont été visualisés dans une étude grâce à des anticorps monoclonaux de trois types différents : OM1, OM2 et OM3. OM1 reconnaît un antigène membranaire exprimé par la plupart des macrophages chez les ovins, mais aucune autre cellule hématopoïétique. La fixation se fait dès que les macrophages sont différenciés. OM2 et OM3 reconnaissent une sous-population de macrophages alvéolaires, et ne sont pas spécifiques de la lignée monocytes/macrophages. OM2 semble se fixer aussi sur les endothéliums vasculaires, tandis qu’OM3 réagit avec les hépatocytes. Ces anticorps ont permis de distinguer deux types de pyogranulomes. Le premier est caractérisé par la présence de nombreux macrophages réagissant fortement avec OM2, distribués autour du centre nécrotique, et par quelques cellules réagissant avec OM3, disséminées près de la paroi de la lésion. Le second type présente au contraire de nombreuses cellules réagissant avec OM3, situées le long de la paroi de la lésion, et seules quelques cellules OM2 positives sont visibles. Ces deux motifs pourraient dépendre du statut immunitaire de l’hôte (PÉPIN et al., 1992). La forme clinique la plus courante liée à une infection par Corynebacterium pseudotuberculosis est la maladie caséeuse des petits ruminants. Elle se caractérise par une abcédation des nœuds lymphatiques, les plus atteints dépendant de l’espèce concernée. Cette bactérie peut aussi être responsable de symptômes similaires chez les gnous et les antilopes, de mammites, de lymphangites et dermatites ulcératives chez les bovins, et rarement provoquer des avortements chez les ruminants. La composition cellulaire des abcès formés est variable, et responsable de l’aspect macroscopique de la lésion. Corynebacterium pseudotuberculosis n’étant pas la seule cause d’abcès chez les ruminants, le diagnostic clinique ne sera pas toujours suffisant, d’où l’importance des recherches concernant les méthodes de laboratoires. 46 V. DIAGNOSTIC A. Clinique 1. Portage sain En 1995, PATON et al. ont évalué qu’environ 80% des animaux infectés développaient des lésions (PATON et al., 1996). Il existe donc des cas de portage sain. Ces cas sont suffisamment fréquents pour qu’une simple détection clinique ne soit pas suffisante pour éradiquer l’infection du troupeau (BAIRD et MALONE, 2010). 2. Forme cutanée Cependant, une suspicion clinique peut être établie dans le cas où l’animal présente une grosseur, de consistance ferme à légèrement fluctuante à la palpation, à l’emplacement anatomique d’un nœud lymphatique. Quand on sait que le troupeau est infecté, cette suspicion clinique suffit pour avoir un diagnostic. Quand on ne connaît pas la situation du troupeau visà-vis de la maladie caséeuse, un diagnostic de laboratoire peut être indiqué pour confirmer la suspicion (SMITH et SHERMAN, 2009). 3. Forme viscérale Les animaux contaminés par la bactérie peuvent ne présenter aucune lésion apparente. La proportion d’animaux sans abcès visible varie selon les espèces et la localisation géographique. Pour ces animaux, le diagnostic clinique est impossible. B. Examens complémentaires Dans le cas d’une forme viscérale de la maladie caséeuse, certains examens complémentaires peuvent permettre d’aboutir au diagnostic. D’après le Manuel Merck, la numération formule sanguine montre une anémie non régénérative, une leucocytose et une neutrophilie. On observe de plus une augmentation de la concentration en urée et en fibrinogène, et une diminution des protéines totales et de l’albumine. De plus, l’analyse urinaire montre une protéinurie, une pyurie, une bactériurie et la présence de leucocytes. Il n’y a pas de cristaux. L’échographie est aussi un examen de choix, puisqu’elle peut permettre de visualiser les abcès présents dans les organes abdominaux. La radiogr aphie peut éventuellement être utilisée, en particulier pour mettre en évidence les abcès pulmonaires. L’aspiration trans-trachéale peut aussi permettre le diagnostic en cas de lésions pulmonaires. En effet, les abcès pulmonaires une fois rompus, le germe remonte les voies 47 respiratoires dans des aérosols. Ils peuvent donc être capturés par l’injection puis la réaspiration d’un liquide dans la trachée (WILLIAMSON, 2001). Une atteinte rénale chez une brebis a aussi pu être diagnostiquée par prélèvement stérile de l’urine, mise en culture et isolement de C. pseudotuberculosis (FERRER et al., 2009). C. Diagnostic de laboratoire L’identification de la bactérie peut se faire avec certitude grâce à la mise en culture d’un échantillon, puis à la diagnose des colonies bactériennes grâce à leurs caractéristiques morphologiques et à leurs propriétés biochimiques. Cependant, cette méthode nécessitant du temps et étant coûteuse, les chercheurs ont essayé de mettre au point des tests rapides, utilisables sur le terrain. Une grande majorité de ces tests est dirigée contre des anticorps anti-phospholipase D, cette protéine étant le facteur de virulence principal. Leur but est de détecter les animaux porteurs, pour pouvoir les éliminer du troupeau (BAIRD et MALONE, 2010). Il faut noter que les chercheurs ne sont pas d’accord concernant l’utilité réelle des tests sérologiques, utilisés pour le diagnostic ou dans un but d’éradication des animaux infectés d’un troupeau. En effet, les anticorps maternels peuvent interférer et engendrer des faux positifs quand la bactérie est présente dans le troupeau. Il ne faudrait donc pas utiliser ces tests sur des animaux de moins de six mois d’âge. De plus, les animaux vaccinés réagissent positivement à la plupart des tests, tandis que les animaux en phase chronique d’infection, pour lesquels les abcès sont bien encapsulés, peuvent réagir négativement. L’inconvénient majeur des tests sérologiques est qu’ils ne permettent pas de distinguer les animaux qui ont été exposés à la bactérie mais qui sont guéris de ceux qui sont toujours porteurs du germe. On peut malgré tout compenser cette imprécision en refaisant un test deux à quatre semaines après le premier, et en regardant si le taux en anticorps a augmenté, comme on peut s’y attendre dans le cas d’une infection active (WILLIAMSON, 2001). Le prélèvement se fait dans la masse suspecte préalablement rasée et désinfectée, à l’aide d’une seringue et d’une aiguille stériles. Si on ne recueille aucune matière en aspirant, on injecte au préalable dans la masse du liquide physiologique, qu’on ré-aspire ensuite. 1. Test ELISA Il existe plusieurs tests ELISA, Enzyme-Linked Immunosorbent Assay, permettant de dépister les infections à Corynebacterium pseudotuberculosis. Tous n’ont pas la même sensibilité et la même spécificité. Cette différence de fiabilité peut obliger à tester de nouveau les animaux dont le résultat est douteux, avec une autre méthode choisie pour compenser les faiblesses du premier test (BAIRD et MALONE, 2010). Au départ, les antigènes utilisés dans les tests ELISA étaient des préparations de paroi bactérienne ou d’exotoxine issues de surnageants de cultures, comme dans la méthode décrite par SUTHERLAND et al. en 1987 (BINNS et al., 2007). La sensibilité était bonne, mais ce n’était pas le cas de la spécificité, à cause de réactions croisées avec des protéines étrangères à la bactérie présentes dans les cultures. Depuis, des améliorations ont été apportées, notamment grâce à des sources d’antigènes de la phospholipase D plus pures, obtenues par exemple avec des recombinants. Par exemple en 1994, MENZIES et al. ont inclus dans Escherichia coli un 48 plasmide contenant le gène pld. On a aussi découvert que la sensibilité des tests utilisant des anticorps de la classe des IgG était meilleure, l’affinité de ces anticorps étant meilleure que celle des IgM, qui sont aussi détectés avec un ELISA anticorps totaux (BAIRD et MALONE, 2010). DERCKSEN et al. ont amélioré en 2000 la sensibilité et la spécificité de la technique en développant un ELISA double sandwich à révélation indirecte (Figure 14). Figure 14 : ELISA double sandwich avec révélation indirecte par le système biotinestreptavidine Ils se sont basés sur un test de même type déjà existant, utilisant comme antigène l’exotoxine PLD purifiée issue de surnageant de culture de C. pseudotuberculosis, et des anticorps anti-PLD polyclonaux de lapin pour l’anticorps de capture. Ils l’ont modifié en diminuant la période d’incubation avec les antigènes, passant d’une nuit à une heure, dans le but de diminuer son temps de préparation, et donc de le rendre plus pratique. Ils ont aussi modifié certains composants (l’émulsifiant, le sérum) pour diminuer le nombre de réactions non-spécifiques. Enfin, ils n’ont pas utilisé l’anticorps conjugué du test précédent, mais un anticorps monoclonal, dans le même but de diminuer le nombre de réactions non spécifiques. Ils ont ainsi obtenu une sensibilité de 79% et une spécificité de 99% chez des ovins, et une sensibilité de 94% et une spécificité de 98% chez les caprins. Ces valeurs ont été obtenues en testant le sérum de 183 ovins et 186 caprins, avec ce nouveau test, un autre test ELISA double sandwich déjà existant, un ELISA détectant les anticorps de la paroi bactérienne, et un autre ceux de la phospholipase D. La fiabilité du test est suffisante pour envisager de s’en servir dans les troupeaux dans un but d’éradication de l’infection. Il a d’ailleurs été utilisé pour un programme d’éradication de la maladie caséeuse aux Pays-Bas (DERCKSEN et al., 2000; BAIRD et MALONE, 2010). Mais le test développé par DERCKSEN et al. en 2000 reste malgré tout compliqué et coûteux. De plus, testé chez des ovins infectés naturellement, il s’avère avoir une spécificité plus faible que celle indiquée par l’auteur. Dans une étude l’utilisant sur 329 ovins provenant de quatre troupeaux irlandais, la spécificité obtenue est de 55% (MALONE et al., 2006). D’autres ont donc essayé depuis de mettre en place un ELISA avec une bonne sensibilité et spécificité, qui ne nécessiterait pas de double sandwich, et serait donc plus simple et moins coûteux à fabriquer. Cela permettrait une commercialisation du test, qui est pour l’instant réservé à la recherche. 49 En 2000, un test a été conçu, possédant une sensibilité de 85% et une spécificité de 96% chez les ovins. Ce test est donc plus sensible que celui établi par DERCKSEN et al.. Cela, ainsi que l’obtention de résultats similaires concernant un test ELISA, lui aussi basé sur une phase solide contenant l’antigène, mis en place par STING et al. en 1998, laisse à penser que ce test pourrait être suffisamment fiable pour dépister les animaux atteints au sein d’un troupeau. Il pourrait donc être utilisé lors d’une démarche de dépistage et élimination des atteints (KABA et al., 2001). C’est dans ce but que BINNS et al. ont travaillé en 2007. Ils ont conçu un test ELISA indirect, les antigènes utilisés étant purifiés grâce à des ultrasons. Ils ont obtenu, pour une spécificité de 100, une sensibilité aux anticorps totaux de 71%, et aux IgG uniquement de 83%. Ce test ayant pour but de dépister des troupeaux atteints, et non des animaux individuellement, la sensibilité s’est avérée être suffisante. Mais tous les animaux atteints ne peuvent pas être dépistés avec ce test. Il est difficile d’obtenir un test suffisamment fiable pour pouvoir être utilisé sur le terrain en outil de dépistage. En 2009, un test ELISA indirect dirigé contre la phospholipase D a été développé et testé au Venezuela sur 259 chèvres, 65 d’entre elles ayant des abcès. Sur l’ensemble des animaux, 55 ,98% avaient des anticorps détectables par le test ELISA. Pour juger de la fiabilité de celui-ci, seules les chèvres présentant des abcès visibles ont été utilisées. Du pus a été prélevé pour bactériologie. Les résultats de celle-ci, considérée comme valeur de référence ont ensuite été comparés à ceux obtenus avec la sérologie (Tableau 6). Tableau 6 : Comparaison des résultats de bactériologie avec ceux d'un test ELISA indirect (CHIRINO-ZÁRRAGA et al., 2009) Isolement de C. pseudotuberculosis (confirmé par bactériologie) n + ELISA - ELISA n % n % Positif 44 32 72,73 12 27,27 Négatif 21 10 47,62 11 52,38 Total 65 42 64,62 23 35,38 Finalement, la sensibilité du test a été calculée à 72,73%, et sa spécificité à 67,74%. La sensibilité est un peu meilleure que celle obtenue grâce aux autres tests précédemment développés chez des caprins, mais la spécificité moins bonne. Les auteurs ont considéré comme valable la prévalence obtenue de 55,98%. Ce sont, malgré les valeurs relativement basses de sensibilité et spécificité obtenues, les tests ELISA dirigés contre la phospholipase D ou d’autres antigènes excrétés qui semblent donner les meilleurs résultats. Ils sont suffisamment fiables pour pouvoir être utilisés dans un but de dépistage de la maladie caséeuse dans les troupeaux caprins, quand on compare avec le coût et le temps nécessaire à une bactériologie. Cependant, ils nécessitent une amélioration car on a encore trop de réactions croisées avec d’autres pathogènes (CHIRINO-ZÁRRAGA et al., 2009). En utilisant un antigène provenant de la même souche bactérienne que celle utilisée pour infecter expérimentalement des ovins, des chercheurs argentins sont parvenus à obtenir un test ELISA avec une sensibilité de 98% et une spécificité de 100%. Cependant, il est difficile d’être dans ces conditions lors d’un dépistage diagnostique de troupeau, puisque cela implique d’avoir identifié la souche chez un ou plusieurs animaux atteints pour pouvoir 50 choisir le test correspondant, et de considérer que cette souche est la seule responsable pour l’ensemble des ovins testés (SOLANET et al., 2011). 2. Microagglutination Une méthode de dépistage de la maladie caséeuse chez des moutons et des chèvres utilisant la méthode de migroagglutination directe a été testée. La sensibilité obtenue est de 52,3% pour les caprins, 89,7% chez les ovins. La spécificité est, elle, de 64,9% et 21,7% respectivement. La méthode testée était a priori intéressante car simple d’utilisation et peu coûteuse. Cependant, elle s’est révélée trop peu fiable pour être utilisée sur le terrain en tant qu’outil diagnostique dans le cadre d’un programme d’éradication. Sa spécificité et sa valeur prédictive positive en particulier sont beaucoup trop faibles. Mais il est fréquent d’avoir des réactions croisées avec les tests sérodiagnostiques basés sur des méthodes d’agglutination (MENZIES et MUCKLE, 1989). 3. Western Blot Ce test détecte des anticorps de la Phospholipase D, une exotoxine émise par la bactérie, et un des facteurs de virulence majeurs. Il est considéré positif quand au moins deux bandes sont bien visibles, à 31 kDa et 68 kDa. Avec une ou deux bandes faiblement distinguables, le test est qualifié de non conclusif (BAIRD et MALONE, 2010). 4. Test SHI Ce test d’inhibition de l’hémolyse (synergistic hemolysis-inhibition) mesure les anticorps anti-PLD. Il a une bonne fiabilité, avec une sensibilité de 90,9%, et une spécificité de 61% chez les ovins (MENZIES et MUCKLE, 1989). Sa sensibilité est de 98% chez les caprins et 96% chez les ovins, mais il a une mauvaise spécificité, 28% des caprins ne présentant aucun abcès étant malgré tout positifs au test (SMITH et SHERMAN, 2009). Il permet de détecter l’infection à des stades précoces, et quand les lésions sont internes. Il est commercialisé aux États-Unis. Ce test ne permet pas de faire la distinction entre les animaux infectés et les animaux vaccinés. 5. PCR La PCR, Polymerase Chain Reaction, est une méthode possible de dépistage des infections par Corynebacterium pseudotuberculosis. Il faut choisir une amorce spécifique de la bactérie. Avec celle testée par ÇETINKAYA et al. en 2002, seule une réaction croisée avec Corynebacterium ulcerans a été observée. Cette bactérie peut être trouvée chez l’Homme et les Bovins, le test ne peut donc pas être correctement interprété chez ces espèces. Les deux avantages principaux de ce test sont une bonne spécificité et sa rapidité (ÇETINKAYA et al., 2002). Plus récemment, un protocole de PCR multiplex (mPCR) a été développé. Il cible trois gènes de la bactérie, le gène de l’ARNr 16S, rpoB et pld. Ce test s’est avéré efficace pour détecter la bactérie à partir de 103 UFC. Il peut donc être utilisé directement sur le pus des lésions abcédées prélevées, sans mise en culture, et a alors une sensibilité de 94,6%. Ce test est donc plus précis que celui développé par ÇETINKAYA et al. en 2002, qui ne s’appuyait que 51 sur la détection du gène de l’ARNr 16S, et qui nécessitait une culture bactérienne. De plus, ce test s’est avéré capable de différencier C. pseudotuberculosis et C. ulcerans, malgré la très forte similarité de ces deux bactéries. En effet, leurs gènes ARNr 16S sont identiques à 99,7%, et leurs gènes rpoB présentent 93,6% de similarités. De plus, la plupart de leurs propriétés biochimiques sont identiques, et C. ulcerans produit aussi la PLD. La distinction entre ces deux bactéries a malgré tout été possible à partir du gène pld. En effet, leurs séquences ne sont pas entièrement semblables. L’amorce utilisée n’étant pas complémentaire de celle venant de C. ulcerans, le gène pld de cette bactérie n’est pas amplifié, contrairement à celui de C. pseudotuberculosis. Ce test est donc très sensible et spécifique, reproductible et rapide. Il pourrait donc être utlisé comme méthode de confirmation de la maladie caséeuse, à la place de la culture bactérienne (PACHECO et al., 2007). 6. Détection de l’interféron-gamma Une alternative à la sérologie dans le diagnostic de laboratoire de la maladie caséeuse est la détection de molécules intervenant dans la réponse immunitaire à médiation cellulaire. On peut notamment, à partir du sang total, rechercher la réponse interféron-gamma (IFNgamma) aux antigènes de C. pseudotuberculosis. L’interféron gamma, chez les petits ruminants et chez les bovins, est très similaire. ROTHEL et al. ont démontré l’existence de réactions croisées entre ces deux molécules en 1990. De plus, il existe un test ELISA dirigé contre l’IFN-gamma bovin commercialisé. Ce test a été utilisé pour dépister la maladie caséeuse chez des ovins infectés expérimentalement, ainsi que sur des ovins que l’on savait sains. La sensibilité obtenue ainsi pour ce test est de 95,7%, et la spécificité de 95,5%. La vaccination répétée de certains des ovins n’a provoqué aucune interférence avec le test. Celui-ci semble donc prometteur dans le cadre de développement de tests diagnostiques, mais il faudrait vérifier sa fiabilité pour des animaux infectés naturellement. De plus, des fluctuations dans les réponses individuelles ont été observées, sur le court et le long terme, même si le passage d’une réponse positive au test à une réponse négative reste rare. Cependant, quelques ovins très sévèrement atteints peuvent ne pas répondre à ce test (PRESCOTT et al., 2002). Les chercheurs se sont aussi intéressés à l’efficacité de ce test chez des caprins infectés expérimentalement. Ils ont trouvé une sensibilité de 89,2%, et une spécificité de 97,1%. Ils ont comparé ces résultats à un test ELISA dirigé spécifiquement contre la phospholipase D de C. pseudotuberculosis. On peut en effet détecter efficacement l’infection par cette bactérie grâce à un test sérologique dirigé contre la PLD, à condition d’utiliser un antigène homologue (SKALKA et al., 1998). Avec ce test, la sensibilité obtenue était de 81%, et la spécificité de 97%. Ces résultats sont moins bons que ceux obtenus avec l’IFN-gamma bovin, mais le test plus spécifique s’est avéré avoir une meilleure prédictabilité quant à la présence de lésions lors de l’examen post-mortem. Autrement dit, le test PLD-ELISA utilisé pour l’étude détecte moins bien les chèvres infectées expérimentalement, mais détecte mieux les chèvres avec des lésions. Le test IFNgamma-ELISA semblerait, lui, mieux détecter les chèvres en début d’infection. De plus, les résultats ne sont pas affectés par la vaccination. Comme chez les ovins, des fluctuations dans les réponses individuelles ont pu être observées sur le court et le long terme. 52 Il faudrait cependant refaire le test à l’IFN-gamma bovin avec des chèvres infectées naturellement pour s’assurer de sa fiabilité (MENZIES et al., 2004). De plus, dans cette étude, la chèvre la plus atteinte cliniquement a aussi été celle qui a le moins répondu au test. Cela suggère qu’il n’y a pas de lien entre la sévérité de l’infection et la réponse en IFN-gamma. C’est l’inverse de ce qu’avaient conclu PRESCOTT et al. dans leur étude avec des ovins, puisqu’alors l’animal le plus infecté était aussi celui qui avait le mieux répondu au test. Dans une autre étude menée en 2003, aucun lien entre la réponse en IFNgamma et la sévérité de l’infection n’a non plus été mis en évidence (PAULE et al., 2003). Cependant, dans cette même étude, les caprins infectés ont pu être répartis en deux groupes selon la force de la réponse en IFN-gamma induite. En effet, chez tous les animaux, une réponse primaire a pu être observée à partir du cinquième jour suivant l’infection, possédant une courte durée de vie. Puis, à partir du seizième jour, l’IFN-gamma n’a été retrouvé que chez certains animaux. Cette production était alors forte et de longue durée, et a été nommée réponse secondaire. La réponse primaire, à court terme, refléterait d’après ANEGÓN et al. la réponse innée des IFN-gamma, impliquant surtout les cellules natural killers. La réponse secondaire serait la réponse acquise, arbitrée par les lymphocytes T. Il a de plus été observé dans cette étude que l’avidité des IgG pour les antigènes bactériens, qui oscillait initialement entre 15 et 45% selon les animaux, a augmenté d’environ 5% pendant les vingt semaines de durée de l’étude. Cette augmentation semblait très corrélée à la production d’IgG. Mais les variations d’avidité ont semblé au terme de l’étude être plutôt liées à une variabilité génétique individuelle. Cela ne serait donc pas un indicateur fiable de la progression de l’infection (PAULE et al., 2003). En 2007, des chercheurs ont utilisé un test détectant l’IFN-gamma commercialisé pour les bovins (Bovigam®, Pfizer) pour savoir s’il pourrait être utilisé dans un but d’éradication de la maladie caséeuse des troupeaux ovins, en éliminant les animaux porteurs. Ils sont parvenus, en utilisant comme antigène la bactérie entière, inactivée dans le formol, à obtenir un test dont la sensibilité est de 91% et la spécificité de 98%. Ce test est utilisable quand les ovins ont été vaccinés. Il est utile pour dépister la maladie caséeuse, tant à l’échelle du troupeau qu’à l’échelle individuelle. Il permet de détecter la plupart des ovins présentant des signes précoces de la maladie, c’est-à-dire des nœuds lymphatiques hypertrophiés et des abcès. Cependant, certains ovins ayant des abcès ouverts, en cours de guérison, n’ont pas répondu positivement au test. Finalement, ce test nécessiterait quelques améliorations pour pouvoir être utilisé dans un schéma d’éradication de la maladie caséeuse d’un troupeau. En effet, une bonne sensibilité est importante dans cette démarche, en particulier quand la maladie n’est souvent pas cliniquement apparente. Avec ce test, la stratégie conseillée par les chercheurs (Figure 15) est d’éliminer immédiatement tout animal dont le résultat au test donne une densité optique supérieure ou égale à 0,15. Les animaux faiblement positifs peuvent être abattus de suite, ou de nouveau testés un mois après. Si la densité optique est alors supérieure ou égale à 0,09, l’animal doit être éliminé. Si elle est inférieure à cette valeur, l’animal risque malgré tout de développer les signes de la maladie caséeuse. Il est donc recommandé de l’isoler pendant quatre mois. Un test négatif au bout de cette période signifie qu’on peut réintégrer l’animal dans le troupeau sans risque. Il faut aussi tenir compte du fait que la prévalence de la maladie dans le troupeau fait varier la valeur prédictive positive, ce qui peut influencer la décision, notamment dans le cas d’un animal faiblement positif au premier test (SUNIL et al., 2008). 53 Figure 15 : Algorithme proposé pour l'éradication de la maladie caséeuse avec utilisation d'un test détectant l'IFN-gamma (SUNIL et al., 2008) Le niveau en interféron-gamma a aussi été quantifié chez les ovins et caprins, dans le but de savoir si cela pourrait être utilisé en tant que test diagnostique de la maladie caséeuse fiable. Pour cela, on a prélevé des leucocytes provenant du sang périphérique d’ovins et de caprins, pris dans des zones exemptes de maladie caséeuse, chez des animaux séropositifs pour la maladie mais sans signes cliniques, et chez des animaux séropositifs présentant des abcès. Ces leucocytes ont été stimulés à l’aide d’un antigène sécrété par C. pseudotuberculosis et concentré à l’aide d’une méthode de three-phase partitioning. Puis, la production d’IFN-γ a été quantifiée grâce à un test ELISA. Les animaux infectés ont un niveau en IFN-γ plus élevé que les séronégatifs. De plus, les leucocytes provenant des ovins avec signes cliniques produisent plus d’IFN-γ que ceux provenant des ovins séropositifs sans signes cliniques. Cela n’a pas été retrouvé chez les caprins. Malgré ces résultats généraux, on a pu observer une très forte variation individuelle. La sensitivité de ce test est de 55,8% pour les caprins, et de 56% pour les ovins. Sa spécificité est de 100% et 93% respectivement. Ce test pourrait donc être utilisable, mais après une amélioration de sa sensibilité (REBOUÇAS et al., 2011). 54 7. Spectroscopie par résonance plasmonique de surface (SPR) On a testé l’efficacité d’un système de détecteur optique par résonance plasmonique de surface (BiacoreTM) pour détecter les anticorps anti-PLD dans du sérum ovin. Cette méthode a l’avantage d’être rapide, reproductible et automatisée, ce qui permet d’analyser de nombreux échantillons. Les interactions non spécifiques entre les anticorps du sérum et la puce du capteur sont par contre un risque non négligeable étant donné la nature complexe du sérum. Elles peuvent être diminuées grâce à l’ajout de certaines solutions au sérum. De plus, la puce de détection doit pouvoir être réutilisée sans que l’essai ne perde de sensibilité pour que la reproductibilité soit validée. Pour cela, le sérum doit être dilué, et de nombreuses solutions de régénération de la surface de la puce ont été testées. La sensibilité et la spécificité du test ont été obtenues par comparaison des résultats avec ceux obtenus avec un test ELISA double-sandwich et un ELISA indirect dirigé contre la PLD, de caractéristiques connues. La sensibilité calculée est de 86%, la spécificité de 76%. Finalement, cette méthode, basée sur la détection de la réponse humorale dirigée contre PLD, s’avérerait être une bonne alternative à l’utilisation de tests ELISA (STAPLETON et al., 2009). 8. Comptage monocytaire et concentration en haptoglobine sérique Les tests diagnostiques existant ne permettant pas de dépister tous les animaux atteints, des scientifiques ont tenté de trouver une méthode plus fiable. Ils se sont intéressés aux protéines de la phase aiguë, fibrinogène et haptoglobine, dont ils ont mesuré les quantités, et à des comptages leucocytaires. Ils en ont observé l’évolution en lien avec la progression de la lymphadénite caséeuse dans un troupeau ovin (BASTOS et al., 2011). Ces éléments se sont révélés ne pas être des marqueurs fiables d’une infection par C. pseudotuberculosis. Ils n’ont pas permis de distinguer les animaux séropositifs des séronégatifs. Malgré tout, les monocytes étaient présents en proportion significativement plus importante pendant la phase aiguë de l’infection. De plus, l’augmentation de la concentration en haptoglobine pendant la phase aiguë de l’infection s’est avérée être un bon marqueur d’une absence de progression clinique de la maladie caséeuse. Ces deux marqueurs pourraient donc être utiles pour l’évaluation de la progression clinique de la maladie chez les ovins. 9. Réactions croisées On a constaté en Australie que certaines chèvres vaccinées contre la maladie caséeuse réagissaient positivement à un test de dépistage sérologique de la paratuberculose. Ce test doit pourtant revenir négatif lorsqu’on veut exporter des animaux, d’où l’importance du contrôle des infections à C. pseudotuberculosis (WINDSOR, 2011). Cette réaction croisée n’a lieu qu’avec un des tests ELISA de dépistage de la paratuberculose commercialisés, il est donc préférable de ne pas l’utiliser lorsqu’on a des doutes concernant la présence de maladie caséeuse dans l’élevage. En effet, lorsque l’élevage en est indemne, ce test ELISA a une fiabilité comparable à celle des autres tests commercialisés. Mais lorsque C. pseudotuberculosis est présente dans l’élevage, on trouve 25% 55 de faux positifs pour la paratuberculose avec ce test, alors que les performances des autres ne sont affectées en aucune manière. On suppose que ces résultats sont dus à une réaction croisée entre des anticorps produits à la suite de l’infection par C. pseudotuberculosis ou de la vaccination et des antigènes de surface utilisés pour faire ce test ELISA. Ceux-ci sont probablement partagés par C. pseudotuberculosis et Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis, ces deux bactéries étant génétiquement reliées. Le test de référence pour le dépistage de la paratuberculose reste cependant la culture bactérienne à partir d’un échantillon fécal. Les résultats de ce test ne sont pas affectés par la présence de C. pseudotuberculosis dans l’élevage. Les tests ELISA étant sensibles, rapides et peu coûteux, ils sont préférentiellement utilisés dans les programmes nationaux de contrôle de la paratuberculose, notamment aux États-Unis. L’existence de réactions croisées devrait donc guider le choix du test à utiliser sur le terrain (MANNING et al., 2007). D. Diagnostic différentiel 1. Autres causes d’abcès Les Staphylocoques, Staphylococcus aureus en particulier sont des pathogènes opportunistes chez les petits ruminants. S. aureus peut être à l’origine d’abcès sous-cutanés, mais les nœuds lymphatiques ne sont pas souvent atteints (AL-GAABARY et al., 2009; BAIRD, 2003). On ne peut pas distinguer cliniquement ces abcès de ceux dus à la maladie caséeuse. Actinobacillus ligneresi est responsable d’infections sporadiques chez les ovins. Les lésions sont le plus souvent localisées à la tête. Elles se présentent sous forme de nodules souscutanés qui grossissent avant de libérer un pus épais. L’infection diffuse parfois localement jusqu’aux nœuds lymphatiques régionaux. On ne peut pas distinguer cliniquement ces lésions de celles de la maladie caséeuse (BAIRD, 2003). Parmi les Arcanobactéries, Arcanobacterium pyogenes en particulier est un pathogène opportuniste que l’on isole parfois dans des abcès sous-cutanés chez les ovins et caprins. Les nœuds lymphatiques ne sont que très rarement touchés (BAIRD, 2003). Un cas a été décrit chez une chèvre présentant de multiples abcès sous-cutanés, mais aussi dans les poumons, les reins, et la moelle osseuse au niveau des vertèbres et des phalanges. Des emboles bactériennes ont été identifiées lors de l’autopsie dans les artérioles pulmonaires et rénales. A. pyogenes a été isolée à partir de huit de ces lésions (LIN et al., 2010). On ne peut pas faire la distinction clinique entre les abcès dus à cette bactérie et ceux résultant de la maladie caséeuse. Escherichia coli a déjà aussi été isolée à partir d’abcès sous-cutanés chez des caprins (LIN et al., 2010). 56 Actinomyces hyovaginalis peut être responsable dans de rares cas d’une lymphadénite fibrinopurulente et nécrosante des nœuds lymphatiques trachéobronchiques chez la chèvre. Macroscopiquement, l’aspect est le même que lors de maladie caséeuse. Ce germe n’a jamais été isolé seul, mais toujours en association avec Staphylococcus spp. et Streptococcus spp.. On ne sait donc pas quelle est sa part de responsabilité dans les lésions observées. Il doit néanmoins être considéré dans le cas de lésions semblables à celles de maladie caséeuse (SCHUMACHER et al., 2009). Burkholderia pseudomallei est l’agent de la mélioïdose, une infection zoonotique touchant les chèvres que l’on retrouve dans certaines régions tropicales comme l’Asie du Sud-Est, la Malaisie ou les Antilles. Les symptômes sont l’apparition d’abcès et de granulomes dans les nœuds lymphatiques superficiels, le préscapulaire notamment, les poumons et d’autres organes internes. Ces abcès contiennent un pus crémeux, jaune à gris. Des cas de mammites chroniques, de perte de poids, de polyarthrites et de méningoencéphalites ont aussi été rapportés (RADOSTITS et al., 2006; SMITH et SHERMAN, 2009). Par ailleurs, suite à des bagarres, les boucs se blessent fréquemment à la tête. Les lésions provoquées peuvent s’infecter. Le germe majoritairement retrouvé dans ces conditions est Clostridium. Un gonflement débute alors près des cornes et des yeux, puis peut s’étendre au bas de la tête, au cou et au poitrail. Les nœuds lymphatiques régionaux sont aussi enflés. Les animaux sont très abattus et hyperthermes, et meurent en général dans les deux jours qui suivent (SMITH et SHERMAN, 2009). De plus, on trouve parfois chez les petits ruminants des abcès dentaires. Ces derniers sont dus à l’accumulation de corps étrangers entre les dents et les gencives. L’abcès formé n’est alors pas à l’emplacement d’un nœud lymphatique, ce qui peut permettre d’éliminer l’hypothèse de maladie caséeuse (SMITH et SHERMAN, 2009). On a aussi remarqué chez les chèvres atteintes de fortes boiteries la présence d’abcès sur le sternum. C’est notamment le cas des animaux atteints de la forme arthritique du CAEV (Caprine Arthritis Encephalitis Virus infection). Ces abcès mesurent entre 3 et 15 cm de diamètre et atteignent les tissus cutané et sous-cutané. On pense qu’ils sont liés au fait que ces animaux boiteux souffrent quand ils se déplacent, et passent donc beaucoup plus de temps en décubitus sternal, ce qui entraîne une irritation et des plaies sur le sternum, qui peuvent évoluer en abcès. De plus, le CAEV peut toucher les articulations entre deux sternèbres, et une surinfection bactérienne s’installer ensuite, ce qui entraîne la formation d’abcès. C’est la localisation des abcès qui peut permettre de différencier ces symptômes de ceux de la maladie caséeuse, plus épars (SMITH et SHERMAN, 2009). Dans les causes non bactériennes d’abcès, des lésions semblables à celles de la maladie caséeuse ont été observées chez des caprins en Australie, à la suite de la vaccination contre la paratuberculose avec le vaccin Gudair®. Elles sont vraisemblablement provoquées par l’adjuvant huileux. Le pus présent dans ces abcès contient une part liquidienne, huileuse. La palpation peut donc aider à distinguer les abcès survenus à la suite du vaccin (WINDSOR, 2011). Des observations semblables ont été rapportées concernant des vaccins contre les clostridies et contre la fièvre aphteuse (SMITH et SHERMAN, 2009). 57 2. Adénomégalies consécutives à des infections Les chèvres atteintes d’arthrite, quelle qu’en soit l’étiologie, ont la plupart du temps un accroissement associé de la taille des nœuds lymphatiques régionaux. Dans ce cas, le gonflement d’une ou plusieurs articulations peut permettre d’éliminer l’hypothèse de maladie caséeuse (SMITH et SHERMAN, 2009). Par ailleurs, la tularémie, due à Francisella tularensis, touche de nombreuses espèces, dont les ruminants, les moutons en particuliers. Les signes cliniques sont très peu spécifiques. On peut observer une hyperthermie, une anorexie, et dans certains cas une dyspnée ou de la diarrhée. Les nœuds lymphatiques régionaux peuvent être enflés, ce qui peut faire penser à la maladie caséeuse. En cas de tularémie, les signes plus aigus associés vont alors permettre de distinguer cliniquement ces deux affections (BRADFORD et SMITH, 2008). 3. Autres causes de mammites chez les bovins Tous les germes responsables de mammites sont à exclure. Cela est possible par culture bactérienne à partir du lait. Les Corynebactéries responsables de mammites, cliniques et subcliniques, chez les bovins appartiennent à quatre espèces : C. amycolatum, C. ulcerans, C. minutissimum et C. pseudotuberculosis. Elles restent souvent non identifiées, en particulier lorsqu’il s’agit de C. amycolatum ou C. minutissimum. En effet, la description de ces deux bactéries est récente, 1988 et 1983 respectivement, et elles sont souvent confondues. De plus, elles sont en général associées à des affections touchant l’Homme. La différenciation entre ces quatre germes responsables de mammites chez la vache reste malgré tout possible, en prenant en compte un certain nombre de caractéristiques. C. pseudotuberculosis n’est que très rarement la cause d’une mammite à l’exclusion de tout autre symptôme. Des lésions cutanées sont associées dans la grande majorité des cas. Dans le cas où elle provoque ce symptôme, HOMMEZ et al. ont pu montrer que la souche responsable différait des souches de référence pour les biovars ovis et equi, dans la forme des colonies, et dans leur capacité à inhiber la β-hémolysine des staphylocoques. Une différence a pu être constatée dans la production d’acide par C. ulcerans et C. pseudotuberculosis à partir de maltotriose et d’éthylène glycol. De plus, leur sensibilité à un agent vibriostatique, O129, et à la phosphatase alkaline diffère. C. amycolatum diffère des deux espèces précédentes de par une absence de croissance à 20°C, l’absence d’une α-glucosidase et d’activité d’hydrolyse du 4MU-α-D-glycoside. Cette dernière espèce s’est avérée être la Corynebactérie la plus fréquemment isolée lors de mammites chez les bovins (HOMMEZ et al., 1999). 4. Kystes Taenia multiceps est responsable de kystes chez les caprins, majoritairement dans le système nerveux central, mais aussi dans le tissu sous-cutané et les muscles. On observe alors des masses fluctuantes d’environ 15 cm de diamètre, sans localisation préférentielle. On a de 58 plus une alopécie localisée à ces masses. Le diagnostic différentiel avec la maladie caséeuse est donc clinique (SMITH et SHERMAN, 2009). 5. Tumeurs Les lymphosarcomes provoquent aussi une augmentation de la taille des nœuds lymphatiques. Cette affection est peu fréquente, mais on doit y penser si C. pseudotuberculosis n’est pas isolée dans la lésion (SMITH et SHERMAN, 2009). De nombreuses autres affections, bactériennes mais pas seulement, même si elles sont plus rares en général, peuvent être responsables de signes cliniques semblables à ceux provoqués par Corynebacterium pseudotuberculosis. Il est donc important de pouvoir les différencier, ce qui n’est en général possible qu’avec des méthodes de laboratoire. La culture bactérienne sert de confirmation, mais de nombreux tests diagnostiques ont été développés dans le but de dépister rapidement l’infection dans les troupeaux (Tableau 7). Ces tests ne sont pour la plupart pas commercialisés, en général à cause d’un manque de fiabilité, mais parfois aussi pour des problèmes de coût ou de difficulté de mise en œuvre. Le diagnostic est essentiel pour pouvoir ensuite mettre en place un plan de lutte efficace. 59 Tableau 7 : Tests diagnostiques des infections par Corynebacterium pseudotuberculosis développés Méthode Année de développement et type d'utilisation Microagglutination 1989, recherche Fiabilité Ovins Caprins Avantages/ inconvénients Se=89,7%; Se=52,3%; Réalisation facile, peu Sp=21,7% Sp=64,9% coûteux, peu fiable SHI (synergistic Commercialisé aux Etats- Se=90,9%; Se=98%; hemolysis-inhibition) Unis dans les années 90 Sp=61% Sp=96% Assez fiable, mais ne différencie pas les animaux infectés des vaccinés ELISA (enzyme linked immunosorbent assay) 2000, test développé par Derksen utilisé dans les élevages aux Pays-Bas Se=79%; Sp=99% Assez fiable, peu coûteux PCR (polymerase chain reaction) 2002, recherche mais pourrait remplacer la culture bactérienne comme test de confirmation Bonnes spécificité et sensibilité, Se=94,6% en moyenne Détection de l'interféron gamma 2002, recherche Western Blot 2010, recherche, pourrait être utilisé en Bonne fiabilité complément de l'ELISA SPR (spectroscopie par résonance plasmonique de surface) 2009, recherche En moyenne, Se=86%; Rapide, reproductible, mais Sp=76% problème de fiabilité 2011, recherche Peu fiables en tant qu'outils diagnostiques, mais pourraient être utiles pour suivre l'évolution de la clinique chez les ovins Fiable, rapide et reproductible, mais coûteux, et le résultat dépend du choix de l'amorce bactérienne Fiable, pas d'interférence Se= Se=95,7%; avec le vaccin, mais 89,2%; Sp=95,5% fluctuations dans les Sp=97,1% résultats individuels Comptage monocytaire Concentration en haptoglobine sérique Se=94%; Sp=98% Peu fiables 60 Fiable mais coûteux VI. TRAITEMENTS ET PRÉVENTION A. Traitements médical et chirurgical 1. Antibiothérapie La bactérie étant sensible in vitro à de nombreux antibiotiques (LITERÁK et al., 1999; MOHAN et al., 2008), de nombreux chercheurs se sont intéressés à la mise en place de traitements antibiotiques. Une étude a été menée en Turquie en 2006 dans un troupeau caprin (URAL et al., 2008). Un traitement à base de kanamycine injectée par voie intramusculaire à raison de 10mg/kg, une fois par jour pendant 10 jours était administré aux animaux présentant des abcès. Il a été constaté que suite à ces injections, les abcès régressaient jusqu’à disparaître au bout de 6 à 9 jours. Cette amélioration était visible à partir de 9 jours après la fin du traitement. L’état clinique de certaines chèvres n’a commencé à s’améliorer que 21 jours après la fin du traitement. De plus, après 12 mois sans introduction ni sortie d’animaux, aucun nouveau cas de lymphadénite caséeuse n’a été observé dans le troupeau. Le traitement à la kanamycine a donc dans cette étude été considéré efficace pour contrôler l’infection au sein d’un troupeau, et permettre une guérison clinique des animaux atteints. Cependant, l’efficacité des traitements antibiotiques est très controversée. Concernant la kanamycine, SHPIGEL et al. en 1993 et CONNOR et al. en 2000 l’ont trouvée active contre C. pseudotuberculosis, mais CONNOR et al. ont étudié des isolats provenant de caprins résistants en 2007. Généralement, un traitement antibiotique restera sans conséquence, ceux-ci ne pouvant pénétrer dans les abcès au travers de la capsule fibreuse les entourant. Dans une étude concernant des bovins, on n’a trouvé aucune différence de durée de guérison des lésions après un traitement local antiseptique ou un traitement antibiotique à base soit de pénicilline G à 20 IU/kg soit d’amoxycilline à 10 mg/kg par voie parentérale (YERUHAM et al., 1997). On peut conseiller un traitement à base de pénicilline ou de tétracycline pendant quelques jours après qu’un abcès se soit rompu ou qu’on l’ait percé chirurgicalement, dans le but d’éviter la dissémination de la bactérie dans les autres nœuds lymphatiques, mais l’efficacité de ce traitement n’a pas été prouvée (SMITH et SHERMAN, 2009). 2. Parage des abcès Cette pratique n’est aujourd’hui plus recommandée, mais peut encore être employée dans certains cas particuliers. En effet, l’ouverture de l’abcès favorise la dissémination du germe, il faut donc s’assurer que l’animal ainsi traité est bien isolé, dans un lieu clos, qui pourra être ensuite facilement nettoyé. Idéalement, le pus recueilli doit être brûlé. De plus, cela ne guérit pas l’animal puisqu’en général, la bactérie a déjà eu le temps de disséminer dans l’organisme. Quand l’animal est isolé, on incise l’abcès, on le vide, et on rince la cavité avec une solution iodée ou à base de chlorexidine faiblement diluée. 61 L’animal doit ensuite rester en quarantaine jusqu’à cicatrisation totale de la plaie. Cela prend en général 20 à 30 jours. Le local de quarantaine ne devrait pas être utilisé ensuite pour d’autres animaux sans avoir été nettoyé et désinfecté. De plus, un animal présentant un abcès ne devrait pas manger et boire aux mêmes endroits que le reste du troupeau. Il faudrait aussi réformer tout animal dont les abcès sont récurrents (WINDSOR, 2011). Un autre traitement a été utilisé, mais il est très controversé, et aujourd’hui interdit dans un certain nombre de pays. Il s’agit d’injecter puis de ré-aspirer environ 20 mL d’une solution de formol à 10% dans l’abcès. On renouvelle cette manipulation jusqu’à ce que le mélange réaspiré ne gagne plus en opacité. Cela entraîne un écoulement du pus hors de l’abcès dans les semaines qui suivent, mais augmente le risque de contamination de la viande et du lait. Ce traitement serait aussi cancérigène. De plus, l’injection doit être faite à l’endroit où l’abcès est fixé à la peau. S’il ne l’est pas, elle entraînera des dommages dans les tissus environnants, et sera douloureuse pour l’animal (SMITH et SHERMAN, 2009). B. Prévention 1. Mesures sanitaires a) Lors de la tonte Le jour de la tonte, une injection de pénicilline, la désinfection des plaies provoquées avec une solution de bétadine et la stérilisation du matériel de tonte à l’autoclave diminuent signicativement le nombre d’animaux contaminés à la suite de cette pratique (AL-GAABARY et al., 2009). De plus, les agneaux et les jeunes devraient être tondus en premier. Les béliers devraient passer à la fin du troupeau, suivis seulement des animaux dont on sait ou suspecte qu’ils ont la maladie caséeuse. De plus, des règles d’hygiène stricte doivent être respectées, et le tondeur devrait porter une tenue spécifique de l’élevage, ou jetable. Le matériel doit être soigneusement nettoyé et désinfecté entre chaque élevage, et même chaque animal (BAIRD, 2003). Les bains antiparasitaires ne devraient pas être réalisés dans la quinzaine suivant la tonte, pour laisser aux plaies et abrasions créées le temps de cicatriser. b) Lors des introductions et sorties d’animaux dans un troupeau Il est déconseillé d’acheter des animaux provenant de troupeaux infectés. Dans tous les cas, il est recommandé de respecter une quarantaine avant l’introduction dans le troupeau. Idéalement, il faudrait que l’animal soit testé négativement avant l’achat, même lorsqu’il provient d’un troupeau supposé indemne. Il faudrait aussi examiner les animaux nouvellement acquis, incluant les camélidés, tous les mois pendant au moins un an après leur introduction, et surveiller l’apparition de masses au niveau des nœuds lymphatiques (SMITH et SHERMAN, 2009). Concernant les exports, certains pays peuvent demander à ce que les animaux soient testés avant la vente. Il faut alors s’assurer qu’il n’y ait pas d’interaction entre le test et le vaccin, dans le cas où les animaux auraient été vaccinés. 62 c) Dans les troupeaux infectés L’incidence de la maladie caséeuse augmente avec l’âge des animaux. Il faudrait donc, dans les troupeaux infectés, renouveler 10 à 20% du troupeau tous les ans, avec des jeunes provenant du même élevage. En effet, en diminuant l’âge moyen, on diminue la probabilité de maintenir dans le troupeau des animaux infectés chroniquement, et donc susceptibles de contaminer l’environnement. Si le producteur ne veut pas se séparer des animaux infectés, il faut l’inciter à séparer son troupeau en deux lots, un lot sain et un lot contaminé, qui seraient alors gérés de manière totalement indépendante l’un de l’autre. Ils devraient notamment être élevés dans des lieux distincts (WILLIAMSON, 2001). De plus, il faudrait désinfecter les locaux contaminés (BAIRD et MALONE, 2010). Cela n’est pas toujours évident, en particulier quand certains matériaux comme le bois sont utilisés, l’irrégularité des surfaces les rendant difficiles à nettoyer. Il faudrait aussi éviter les grillages, clous et autres matériaux contondants dans les bâtiments. Le contrôle du parasitisme est luiaussi important, car le prurit entraîne les animaux à se frotter aux structures formant l’enclos, et augmente donc le risque de lésions cutanées, donc d’infection. Les animaux de valeur devraient être maintenus à l’écart du reste du troupeau. Il serait aussi préférable de retirer les jeunes de leur mère dès la naissance et de les nourrir avec du colostrum bovin, ou traité thermiquement. Cela leur évite d’être contaminés lorsqu’ils cherchent la mamelle, ou lorsque celle-ci est touchée. Il faudrait désinfecter toutes les blessures visibles, et passer de l’iode sur l’ombilic des jeunes à la naissance. 2. Prophylaxie médicale De nombreuses études ont évalué la réponse immunitaire de l’hôte après vaccination, chez la souris. On a ainsi démontré que la neutralisation de l’exotoxine produite par la bactérie, la phospholipase D, permet de limiter la propagation de l’organisme à partir du site d’infection, et protège contre les dommages tissulaires provoqués par cette toxine. Mais c’est surtout la réponse immunitaire à médiation cellulaire qui est responsable de l’élimination de la bactérie dans l’organisme. L’activation de cette voie est donc nécessaire pour tuer la bactérie, présente dans le milieu intracellulaire lorsque l’infection est récente. Les vaccins présents actuellement dans le commerce sont en général dirigés contre la réponse immunitaire à médiation humorale, donc plus utiles pour limiter la dissémination de la bactérie dans l’organisme que pour l’éliminer complètement. Le bénéfice de la vaccination réside donc essentiellement dans le fait qu’elle prévient l’établissement de l’infection chez les animaux n’ayant pas encore été exposés à la bactérie (WILLIAMSON, 2001). 63 a) Les différents types de vaccins (1) Vaccins dirigés contre la bactérie Ces vaccins sont synthétisés à partir de la bactérie entière inactivée dans le formol. CAMERON et al. ont montré dans deux études, publiées en 1972 et 1973, qu’ils conféraient une protection efficace vis-à-vis des effets létaux d’une infection subaiguë, mais n’empêchaient pas la formation des lésions survenant lors d’une infection chronique (FONTAINE et al., 2006). De plus, ils permettent de diminuer l’incidence de l’infection dans les troupeaux ovins, et on suppose qu’ils ont le même effet chez les caprins. Une autre étude s’est intéressée à l’efficacité d’un tel vaccin chez des ovins et des caprins. Un troupeau de chaque espèce a été suivi pendant trois ans. On a observé une diminution non significative du nombre de nouveaux cas dans le troupeau de chèvres, et une diminution cette fois significative chez les ovins. Dans tous les cas, le titre en anticorps a significativement augmenté après l’injection vaccinale. De plus, 29,6% des chèvres et 34,1% des moutons ont développé une enflure au niveau du site d’inoculation. Il a finalement été démontré expérimentalement que l’immunisation d’ovins à l’aide une souche virulente de C. pseudotuberculosis inactivée dans le formol, en utilisant comme adjuvant de l’hydroxyde d’aluminium, conférait une protection statistiquement significative contre une infection par une bactérie de même souche. Chez les ovins, le vaccin bloque la diffusion de la bactérie audelà du site d’inoculation, et permet de réduire l’apparition de nouveaux cas dans le troupeau (MENZIES et al., 1991). Entre 1992 et 1996, une étude incluant 3249 brebis ou agneaux a été menée au Canada, dans le but de comparer l’efficacité de plusieurs vaccins. On a d’abord comparé un vaccin expérimental obtenu à partir de bactérie inactivée associée à un adjuvant synthétique, le muramyldipeptide-sn-glyceryl-dipalmitoyl (WC+MDP-GDP) à Glanvac, le seul vaccin contre la maladie caséeuse commercialisé au Canada, qui est, lui, dirigé contre la toxine bactérienne. On a ensuite comparé ce vaccin expérimental à un autre, Case-Vac, commercialisé aux États-Unis. Finalement, on a de nouveau étudié l’efficacité du vaccin WC+MDP-GDP sur 2176 agneaux ou brebis localisés dans la province d’Alberta, où la maladie caséeuse est très présente. Les animaux ont tous reçu deux injections espacées de quatre semaines. Le taux en anticorps antiC. pseudotuberculosis agglutinants a commencé à augmenter un mois après le rappel pour les agneaux vaccinés avec WC+MDP-GDP et Case-Vac. Leur titre est resté significativement plus élevé par rapport au lot témoin pendant douze mois après la vaccination. Cependant, entre 1,89 et 7,66% des agneaux vaccinés n’ont jamais développé d’anticorps, et sont restés négatifs pendant l’année qui a suivie la vaccination. On a pu constater qu’après le sixième mois, le titre en anticorps restait plus élevé avec le vaccin WC+MDP-GDP qu’avec Case Vac. Les animaux ayant reçu Glanvac n’ont, eux, jamais développé un titre en anticorps plus élevé que celui du lot témoin pendant les douze mois ayant suivi la vaccination, mais ils ont développé plus d’abcès au site d’injection que les autres. De plus, les animaux vaccinés avec WC+MDP-GDP ont développé moins d’abcès imputables à la maladie caséeuse, bien qu’on ait pu isoler C. pseudotuberculosis dans un très petit nombre de cas. Ce vaccin semble donc efficace, si l’on met en place un protocole incluant un rappel annuel (STANFORD et al., 1998). On a aussi étudié l’efficacité d’un vaccin conçu à partir de C. pseudotuberculosis, 1 mg de cellules entières étant utilisé pour 50 µg de muramyldipeptide dans de l’huile minérale à 10%. 1 mL de ce mélange a été injecté par voie intramusculaire à des agneaux et des chevreaux, 64 deux fois à un mois d’intervalle. Aucune réaction locale n’a été observée. Ces animaux ont ensuite été mis au pré, au contact d’adultes infectés. On a pu constater une augmentation significative et durable du titre en anticorps chez les animaux vaccinés par rapport au lot témoin. Cependant, aucune différence significative n’a pu être mesurée concernant l’incidence de la maladie caséeuse dans chacun des deux groupes, même si les animaux vaccinés n’ont développé des abcès que six mois en moyenne après ceux du lot témoin. Ces résultats sont biaisés par le fait que les animaux n’ont pas été observés assez longtemps au vu de la chronicité de la maladie. De plus, aucune étude bactériologique n’a été menée pour confirmer la cause des abcès observés, et enfin, les éventuelles lésions internes seront passées inaperçues lors de l’examen clinique. Cet article ne permet donc pas de conclure quant à l’efficacité d’un tel vaccin (BROGDEN et al., 1996). Plus récemment, on a tenté d’améliorer l’immunogénicité de deux vaccins, réalisés soit à partir de surnageant de culture brut contenant une souche atténuée de C. pseudotuberculosis, soit à partir de la bactérie elle-même, en leur additionnant l’adjuvant incomplet de Freud (AIF). La souche bactérienne utilisée n’entraîne l’apparition d’aucune lésion chez les souris d’expérimentation, c’est pourquoi on s’intéresse à ses effets immunoprotecteurs. On a aussi montré dans cette étude que l’association de cette base vaccinale avec des oligodésoxynucléotides comprenant de nombreuses séquences CpG non méthylées (CpG (ODN)) permettait d’améliorer la réponse immunitaire et donc la protection induite par un tel vaccin. Un test ELISA indirect a permis de montrer que la réponse humorale était plus élevée chez les animaux immunisés par le surnageant de culture, et chez ceux inoculés avec un surnageant de culture concentré, obtenu par une méthode de partage triphasique, quand ce surnageant de culture est associé au AIF et au CpG (ODN). IOANNOU et al. avaient déjà démontré en 2002 que l’addition des CpG seuls induisait une réponse immunitaire plus faible que lorsqu’on employait aussi un autre adjuvant. Mais on a aussi montré grâce à des autopsies qu’un haut niveau en anticorps n’était pas suffisant pour induire une protection. Chez les animaux de l’étude, ceux présentant un fort taux en anticorps avaient malgré tout des lésions prouvant que la bactérie avait disséminé dans l’organisme. Cette étude a aussi mis en évidence le fait que les vaccins dirigés contre la bactérie ou la toxine bactérienne n’induisaient qu’une faible réponse cellulaire. Cela a pu être démontré en mesurant le niveau d’IFN-γ produit après la vaccination. Finalement, les caprins les mieux immunisés dans cette étude sont ceux ayant reçu la bactérie atténuée. On a montré que suite à l’inoculation, cette bactérie n’était pas complètement éliminée de l’organisme, mais persistait dans les nœuds lymphatiques de drainage régionaux pendant longtemps. On pense que ce stimulus persistant peut être à l’origine de réponses cellulaire et humorale plus efficaces (MOURA-COSTA et al., 2008). (2) Vaccins dirigés contre une toxine bactérienne : la phospholipase D C’est le cas du premier vaccin commercialisé, en 1983, GlanvacTM (BAIRD et FONTAINE, 2007). D’après HODGSON et al., 1999, les vaccins synthétisés à partir de PLD ne stimulent pas du tout la réponse immunitaire à médiation cellulaire. Ils agissent par stimulation directe de la réponse immunitaire à médiation humorale (FONTAINE et al., 2006). D’après PATON et al., en 1995, on observerait une diminution de 96% des lésions pulmonaires chez les animaux vaccinés avec GlanvacTM. Même si ce vaccin n’offre pas une protection complète, et n’empêche pas la diffusion de la bactérie dans l’organisme, son utilisation peut donc être justifiée. 65 Les vaccins dirigés contre la toxine préparés à partir du surnageant de culture bactérienne, avec des méthodes de routine, contiennent d’autres antigènes bactériens mal définis. Ceux-ci peuvent aussi participer à la stimulation de l’immunité, et contribuer ainsi à l’efficacité des vaccins (FONTAINE et al., 2006). De plus, les vaccins faits à partir de PLD provoquent une faible réponse immunitaire. Le taux d’IgG anti-PLD augmente avec chaque rappel. Au contraire, les vaccins utilisant une PLD recombinante entraînent une réponse plus rapide, mais qui ne prend lieu qu’à la seconde immunisation. On ne sait pas à quoi sont dues ces différences, mais BURRELL a rapporté en 1983 que la PLD de type sauvage serait plus immunogène que la PLD détoxifiée (FONTAINE et al., 2006). (3) Vaccins combinés Deux études menées par BURREL et al. en 1983 et par FONTAINE et al. en 2006 ont montré qu’un vaccin combiné, synthétisé à partir de PLD recombinant et de bactérie entière inactivée dans du formol, était plus efficace qu’un vaccin ne présentant que l’un de ces deux constituants, dans le cas d’une infection expérimentale avec la même souche que celle utilisée dans le vaccin (FONTAINE et al., 2006). Chez les animaux vaccinés, la bactérie ne diffuse pas dans tout l’organisme, et l’abcès présent au niveau du site d’inoculation finit même par se résorber. De plus, on n’observe pas de pyogranulomes dans les nœuds lymphatiques régionaux chez ces animaux, ce qui tend à montrer que la bactérie est tuée au niveau du site d’infection, dans un laps de temps assez court après l’inoculation. C’est aussi ce qu’avaient démontré SIMMONS et al., en 1998 en vaccinant des moutons avec la bactérie vivante atténuée par mutation des gènes AroQ et AroB, gènes impliqués dans la biosynthèse des acides aminés (D’AFONSECA et al., 2008). Ces animaux n’avaient pas pu se débarrasser des bactéries atténuées apportées par le vaccin, qui avaient migré dans les nœuds lymphatiques de drainages régionaux, et étaient alors inaccessibles, au sein de granulomes. Ce vaccin stimulerait à la fois une réponse immunitaire à médiation humorale et une réponse à médiation cellulaire. En effet, la vaccination sous-cutanée avec la bactérie inactivée pourrait initier cette deuxième voie. Une étude a été menée pour évaluer l’impact de la méthode d’inactivation de l’antigène principal de ce type de vaccin, qui reste la phospholipase D. En effet, celle-ci subit classiquement une détoxification chimique, puisqu’elle est inactivée dans le formol. Mais il existe une alternative, qui est l’inactivation génétique de la PLD. Cette méthode permet de s’affranchir d’une étape coûteuse du protocole, de diminuer le risque de toxicité du vaccin, et d’augmenter l’expression génétique, donc le rendement protéique. L’inconvénient est qu’il est difficile de prévoir l’impact de la substitution d’un acide aminé sur la réponse immunitaire de l’hôte. On a essayé dans cette étude de remplacer une histidine par une sérine. Cette histidine a été choisie car sa substitution a entraîné une diminution de l’activité enzymatique et une réduction de 60% de la production de PLD. On a alors constaté que le vaccin standard protégeait 95% des ovins immunisés, alors que celui obtenu par recombinaison n’en protégeait efficacement que 44%. Le vaccin standard était aussi responsable de plus d’abcès au site d’injection. Cela peut être attribuable au traitement par le formol, à une toxicité résiduelle, l’inactivation par le formol laissant environ 1% de la PLD active, ou à ces deux éléments combinés. Mais, quel que soit le type de vaccin employé, tous les ovins vaccinés ont connu une augmentation significative de leur titre en anticorps anti-PLD. Une telle différence 66 d’activité entre les deux vaccins n’a pas pu être expliquée par les auteurs (HODGSON et al., 1999). (4) Vaccins vivants Le gène pld de C. pseudotuberculosis a été inactivé par mutagenèse sur site spécifique, de manière à obtenir un mutant atténué, nommé Toxminus. Celui-ci ne provoque aucun des symptômes de la maladie caséeuse, mais engendre une réponse immunitaire, à médiation cellulaire comme humorale, quand il est injecté par voie orale ou en sous-cutané. Ce mutant pourrait donc être utilisé pour développer un vaccin vivant atténué contre la lymphadénite caséeuse. Il présente malgré tout un inconvénient : le gène pld étant inactivé, un vaccin issu de Toxminus n’immunise pas contre le facteur de virulence principal de la bactérie, la phospholipase D. De plus, les réponses immunitaires, humorale et cellulaire, induites après l’injection du vaccin par voie sous-cutanée sont plus faibles que celles déclenchées par la souche sauvage. Ce vaccin protège donc moins qu’un vaccin issu de la souche sauvage. Cependant, les animaux vaccinés avec le vaccin dérivant de Toxminus n’ont présenté que des signes cliniques fortement atténués, ce qui est en faveur de l’utilité d’un tel vaccin (HODGSON et al., 1992). On a aussi pu remarquer la formation d’un abcès au site d’injection. Pour s’affranchir de cet effet, on a essayé d’administrer le vaccin par voie orale. Cela n’a entraîné aucune protection efficace contre l’infection. Pourtant, ce vaccin oral déclenche une forte réponse en anticorps, qui est réactivée lors de l’exposition bactérienne. La proportion en IgG1 est plus importante, les IgG2 dominant lors de la vaccination par voie sous-cutanée. Les IgA, liés à une réponse de type Th2, n’ont par contre pas pu être mis en évidence. L’hypothèse émise par les auteurs pour expliquer la différence de protection selon la voie d’administration est qu’une réponse de type Th1 est essentielle pour que les ovins soient protégés quand il s’agit de maladie caséeuse (HODGSON et al., 1994). Ce mutant a donc servi de base à laquelle ont été ajoutés des antigènes hétérologues, dans le but de synthétiser un vaccin vivant atténué plus efficace (MOORE et al., 1999). L’expression des gènes hétérologues de ce mutant, testée avec différents promoteurs, s’est avérée être suffisante pour déclencher une réponse en anticorps spécifique dans seulement trois cas, après une injection unique du vaccin vivant dérivé de Toxminus. Les gènes hétérologues ont été exprimés suite à leur insertion dans des plasmides, ou à leur intégration dans le génome de Toxminus. Ils ont été soit exprimés dans le milieu intracellulaire, soit excrétés, sous la forme de la protéine native ou d’une protéine de fusion, et en permanence ou de manière transitoire, suite à une induction. Ces trois antigènes sont une phospholipase D inactive, un antigène provenant de Anaplasma marginale, et un autre venant de Dichelobacter nodosus (BAIRD et FONTAINE, 2007). D’autres tentatives d’élaboration de vaccins vivants ont été publiées, notamment en inactivant le gène aroQ par échange allélique. Un vaccin synthétisé à partir de ce mutant semblait prometteur après tests sur des souris. Mais il s’est avéré que chez les ovins, une telle vaccination ne déclenchait aucune réponse IFN-gamma spécifique, et n’induisait qu’une faible production d’anticorps dirigés contre la bactérie. Ce vaccin, qui a été injecté par voie souscutanée, n’est donc pas efficace pour protéger contre une infection par la souche sauvage de C. pseudotuberculosis (SIMMONS et al., 1997; SIMMONS et al., 1998). 67 (5) Vaccins ADN Il a été démontré chez la souris par DONNELLY et al. en 1997 que la vaccination avec de l’ADN codant pour un antigène donné peut être efficace dans certains cas. Il induit alors une réponse immunitaire à médiation cellulaire, et la production d’anticorps spécifiques, cela pour des antigènes d’origine virale, bactérienne ou parasitaire. Ce type de vaccin est cependant généralement moins efficace qu’un vaccin conventionnel, car la réponse immunitaire induite est le plus souvent faible et de courte durée. De plus, ils se sont révélés efficaces contre des antigènes viraux et parasitaires, mais beaucoup moins contre la plupart des bactéries testées. On soupçonne que cela pourrait être lié aux différences que l’on trouve entre les gènes procaryotes, provenant de la bactérie et avec lesquels le vaccin est conçu, et les gènes eucaryotes, le vaccin devant ensuite être fonctionnel au sein d’un tel type de cellules (CHAPLIN et al., 1999). Ces vaccins se sont révélés ne pas être très efficaces pour lutter contre la lymphadénite caséeuse chez les petits ruminants. En effet, la réponse immunitaire induite est faible et de très courte durée. De plus, la concentration en anticorps chez les animaux ainsi vaccinés n’est pas significativement plus élevée que celle des animaux non vaccinés (SIMMONS et al., 1998; DE ROSE et al., 2002). Dans une étude datant de 1999, on a tenté d’améliorer l’efficacité d’un tel type de vaccin dirigé contre C. pseudotuberculosis en introduisant l’antigène dans une protéine de fusion dont le but est d’orienter celui-ci vers les sites d’induction de l’immunité. L’antigène utilisé ici est une phospholipase D détoxifiée. On en a fait une protéine de fusion se fixant sur un récepteur membranaire des lymphocytes T, le CTLA-4 (Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen 4), appelé aussi CD152. L’introduction d’une protéine de fusion a effectivement permis d’améliorer l’efficacité du vaccin, qui est alors devenue comparable à celle d’un vaccin sous-unitaire fabriqué à partir de la bactérie inactivée dans le formol. La réponse immunitaire ainsi induite est plus forte et plus durable que celle des vaccins ADN étudiés auparavant (CHAPLIN et al., 1999). La réponse primaire en anticorps reste faible, mais croît rapidement après l’administration du vaccin. Cette réaction est fréquente chez les animaux d’élevage immunisés grâce à des vaccins ADN. Cela suggère que les vaccins plasmidiques ont une action préférentielle sur la mémoire immunitaire, et donc vont améliorer la réponse de l’hôte après une seconde infection. Ils ont par contre moins d’effet sur la réponse primaire, dont ils ne sont pas de forts effecteurs (DE ROSE et al., 2002). La voie d’injection est aussi essentielle. En effet, une étude utilisant le vaccin décrit précédemment chez des moutons a permis de montrer que l’injection intramusculaire entraînait l’établissement d’une réponse immunitaire, contrairement à celles par les voies sous-cutanée et intradermique, qui restent sans effet. On a aussi pu constater dans cette étude que les ovins protégés avaient un niveau signicativement plus élevé d’IgG2, donc que la réponse induite serait de type Th1 (DE ROSE et al., 2002). Les protéines de choc thermique (HSP) sont des protéines très conservées, synthétisées en grandes quantités, en particulier pendant les périodes de stress, à la fois chez les organismes eucaryotes et procaryotes. Ces protéines émises en particulier par une bactérie sont reconnues par le système immunitaire de l’hôte infecté, et peuvent donc induire de fortes réponses cellulaire et humorale chez les Mammifères. Ces protéines peuvent jouer un rôle double dans le développement de vaccins. Les HSP produites par le pathogène peuvent servir 68 d’antigènes vaccinaux. Les HSP produites par le pathogène et celles venant de l’hôte peuvent servir d’adjuvant. L’utilisation de ces protéines s’est révélée particulièrement utile pour la synthèse de vaccins ADN. On a essayé d’utiliser une sous-unité de Hsp60 provenant de C. pseudotuberculosis pour créer un vaccin ADN contre la maladie caséeuse, mais celui-ci s’est révélé inefficace. En effet, un tel vaccin, testé chez des souris, a entraîné une production significativement plus importante d’IgG1 et d’IgG2a dirigés contre Hsp60. Il y a donc eu l’établissement d’une réponse immunitaire à médiation humorale, de type Th2 dans les 15 premiers jours, puis évoluant au bout d’un mois vers le type Th1. Cela n’a pas empêché l’apparition des signes cliniques, qui ont évolué jusqu’à la mort des souris contaminées. Ce vaccin ne confère donc aucune protection vis-à-vis du pathogène visé, et ne prévient pas l’infection (COSTA et al., 2011). b) Les vaccins disponibles (1) Autovaccins Ces vaccins sont fabriqués au cas par cas, la souche bactérienne employée étant celle isolée dans l’élevage à vacciner. Ils ont été prouvés comme étant assez efficaces, mais ne sont autorisés qu’au Royaume-Uni, et chaque vaccin ne peut être utilisé que dans le troupeau d’où la souche a été prélevée. (FONTAINE et al., 2006; BAIRD et MALONE, 2010). Une étude a été menée en 2006 au Royaume-Uni, visant à démontrer l’efficacité de plusieurs autovaccins. Un troupeau d’ovins a été infecté expérimentalement par une souche de C. pseudotuberculosis présente dans le pays. Puis, différents types de vaccins ont été créés à partir de cette souche : un vaccin contenant la bactérie auparavant inactivée grâce au formol ; un vaccin contenant un recombinant de la phospholipase D excrétée par cette souche ; et un troisième vaccin, combiné, contenant à la fois la bactérie tuée et le recombinant de PLD. Les deux premiers ont permis d’apporter une protection statistiquement significative, et de réduire la dissémination de la bactérie dans l’organisme des animaux atteints à partir du site d’inoculation, et ce pour la majorité des animaux. Le troisième a pu apporter une protection complète, avec l’éradication de la bactérie chez tous les animaux vaccinés. Un lot d’animaux de cette étude a aussi été vacciné avec un vaccin commercialisé, GlanvacTM. Cette vaccination a permis d’obtenir une protection significative, mais n’a pas empêché la dissémination de la bactérie dans l’organisme. On n’a cependant pas retrouvé de lésions pulmonaires dans ce lot, contrairement au lot témoin, ce qui n’est pas négligeable puisque la bactérie peut alors disséminer par le biais d’aérosols (FONTAINE et al., 2006). La limitante de ce type de vaccin est liée au fait que l’on retrouve la plupart du temps plusieurs clones de la bactérie au sein d’un même troupeau, à cause des échanges d’animaux entre différents élevages. Un autovaccin conçu à partir d’une souche donné pourra donc ne pas être aussi efficace pour tous les animaux d’un troupeau (FONTAINE et al., 2006). De plus, s’il est mal préparé, ou non testé au préalable, un tel vaccin peut contenir assez de toxines pour tuer les animaux vaccinées (SMITH et SHERMAN, 2009). (2) Vaccins commerciaux Pour les mêmes raisons que pour les tests de détection, la grande majorité d’entre eux utilisent des antigènes issus de la phospholipase D (BAIRD et MALONE, 2010). 69 Le premier vaccin commercialisé est Glanvac®. Il est dirigé contre l’exotoxine. 15% des animaux vaccinés développent malgré tout des abcès après exposition à la bactérie, contre 100% des non-vaccinés. Le colostrum des mères vaccinées protège les jeunes jusqu’à 3-4 mois d’âge. La vaccination devrait donc être réalisée avant l’âge de quatre mois, mais après trois mois car on aurait sinon alors le risque que les anticorps maternels encore présents interfèrent avec le vaccin. Deux autres vaccins sont commercialisés aux États-Unis, Case-Bac® et Caseous-DT®. Ce sont des vaccins combinés, dont l’AMM n’est valable que pour les ovins, mais qui sont parfois utilisés sur des caprins. De nombreuses réactions ont été rapportées chez les chèvres adultes, notamment des chutes de production laitière sévères, un abattement, de l’anorexie, de l’hyperthermie, pendant les 24 à 48h suivant la vaccination. Cependant, rien de ceci n’est observé quand on vaccine les chevreaux à deux ou trois mois d’âge, et cette vaccination est alors utile pour réduire la prévalence de la maladie (SMITH et SHERMAN, 2009). c) Hypothèses de recherche en terme de nouveaux vaccins C. pseudotuberculosis synthétise une métalloendopeptidase, qui est un bon candidat pour la recherche vaccinale. En effet, le sérum des animaux infectés par la bactérie réagit à la protéine, contrairement à celui des animaux sains. De plus, cette protéine a un domaine membranaire, ce qui en fait aussi une cible intéressante. Un modèle en trois dimensions de la structure de la protéine a été construit (Figure 16), et sa stabilité structurale étudiée. On a ainsi pu constater que cette dernière variait peu, et donc que la métalloendopeptidase de C. pseudotuberculosis était très semblable à celles d’autres organismes. Le modèle obtenu pourrait être le point de départ au développement d’un nouveau vaccin contre la maladie caséeuse (GUIMARÃES et al., 2012). Figure 16 : Structure 3D de la métalloendopeptidase de C. pseudotuberculosis (GUIMARÃES et al., 2012) d) Efficacité de la vaccination L’aide apportée par la vaccination lorsqu’on met en place un plan d’éradication de la maladie caséeuse dans un troupeau est souvent remise en question. En effet, on observe généralement une diminution de la prévalence des abcès quand un vaccin avec une souche bactérienne autogène est utilisé, mais les éleveurs, en parallèle de la 70 vaccination, mettent souvent en place des mesures sanitaires, et éliminent les animaux qu’ils savent infectés. De plus, le test de dépistage le plus fréquemment utilisé est le test SHI. Or, celui-ci ne permettant pas de faire la distinction entre les animaux infectés et les animaux vaccinés, il est difficile de mettre en place un plan d’éradication du type test puis abattage des animaux positifs dans les troupeaux vaccinés (SMITH et SHERMAN, 2009). On estime malgré tout que la vaccination est utile pour limiter la dissémination de la bactérie dans les troupeaux ovins, quand elle est réalisée en parallèle de l’élimination des individus infectés. Les bénéfices de la vaccination sont moins évidents pour les caprins, les effets secondaires n’étant pas négligeable dans cette espèce (WILLIAMSON, 2001). e) Exemple de stratégie vaccinale : l’Australie Le vaccin Glanvac® y est commercialisé, il peut être trouvé seul ou combiné avec des antigènes clostridiens. Des essais ont montré que la protection conférée varie entre 25 et 90%. Quand on vaccine un troupeau déjà infecté, et subissant une forte pression d’infection pour la première fois, on n’empêche donc pas la contamination d’un grand nombre d’animaux, mais on diminue le nombre de ceux ayant des abcès pulmonaires. Cela, couplé à l’élimination des plus âgés, permet de diminuer la pression d’infection dans le troupeau avec le temps, et donc de diminuer le nombre de nouvelles contaminations. Ceci n’est valable que lorsque le vaccin est administré en deux injections initiales, à au moins un mois d’écart, puis lorsqu’un rappel annuel est réalisé, quelques semaines avant l’agnelage ou la tonte (Tableau 8). Des études menées par WALKER en 1996 et PATON et al. en 2003 ont montré que dans les élevages respectant ce protocole, la prévalence de la lymphadénite caséeuse pouvait retomber jusqu’à 3%, alors que dans ceux n’effectuant par exemple qu’une seule injection de primo-vaccination et un rappel annuel, la prévalence ne descendait pas en-dessous de 33%. Tableau 8 : Prévalence de la maladie caséeuse dans les troupeaux ovins en Australie, en fonction du protocole vaccinal appliqué, d'après PATON, 2003 (WINDSOR, 2011) Programme de vaccination appliqué Prévalence moyenne de la maladie caséeuse (%) Pas de vaccination Une injection de primovaccination pour les agneaux, pas de rappel annuel Deux injections de primovaccination pour les agneaux, pas de rappel annuel Une injection de primovaccination pour les agneaux, et rappel annuel Schéma complet : deux injections de primovaccination pour les agneaux, et rappel annuel 29 31 22 33 3 Les anticorps maternels interfèrent avec le vaccin. La vaccination des jeunes avant 10 semaines d’âge ne confère donc pas une protection aussi importante que lorsqu’on attend un peu. Malgré cela, le protocole classique est d’effectuer la première injection à 6 ou 8 semaines, et le rappel 4 ou 5 semaines après (WINDSOR, 2011). 71 C. Importance du contrôle de la maladie 1. Conséquences sanitaires Cette maladie ne provoque aucune dégradation de l’état général pour la plupart des animaux touchés. Cela explique qu’on ait parfois mis longtemps avant de s’y intéresser. Cependant, les conséquences sont variables selon la localisation des abcès, et peuvent parfois être graves. En effet, les abcès situés au niveau de la tête et du cou sont parfois très proches des premières voies digestives, et peuvent donc gêner la préhension ou l’ingestion des aliments. Les abcès localisés à la mamelle vont, eux, pousser la mère à refuser la tétée, et donc avoir des conséquences sur la santé du nouveau-né. De plus, celui-ci sera alors très exposé à l’infection. Les abcès présents sur les organes internes vont perturber leur bon fonctionnement, et entraîner leur dégénérescence. Les infections à C. pseudotuberculosis sont notamment une des causes du syndrome de la brebis maigre, très fréquent aux Etats-Unis. Ces conséquences sur l’état général des animaux infectés peuvent justifier qu’un contrôle soit mis en place dans les régions où la bactérie est présente. 2. Conséquences économiques Les infections à C. pseudotuberculosis ne causant que très rarement la mort des animaux atteints, l’épidémiosurveillance concernant la maladie caséeuse reste très restreinte. Pourtant, cette maladie est la cause de pertes économiques non négligeables. Par exemple en Egypte, où 10% des ovins sont atteints, SEDDIK et al. ont estimé la perte économique annuelle à 1,76 millions de dollars en 1983 (AL-GAABARY et al., 2010). Les conséquences varient quelque peu selon la localisation géographique des animaux infectés. Les pertes sont dues aux saisies des carcasses, aux baisses de production laitière et augmentation des taux cellulaires, aux pertes d’état, à la baisse de production de laine, et au coût des traitements. a) Inspection des carcasses et saisies A l’abattoir, une surveillance attentive des carcasses, en particulier des nœuds lymphatiques, est nécessaire. Toutes les zones lésées sont saisies. Cela a peu de conséquences en France concernant l’élevage caprin, puisque la consommation de cette viande est limitée. Cela est moins vrai pour les ovins, déjà en France, mais plus encore dans pays où cet élevage est très développé. En Amérique du Nord en particulier, les pertes ne sont pas négligeables car la forme viscérale de la lymphadénite caséeuse y est fréquente. Là-bas, ainsi qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande, ce sont les animaux âgés qui sont le plus atteints. Les pertes concernent donc essentiellement les animaux de réforme. Elles ont d’ailleurs été estimées à 20 millions de dollars australiens dans ce pays en 1996. 72 Au contraire, en Afrique et en Europe de l’est, les agneaux les plus beaux peuvent tout aussi bien être contaminés et présenter des lésions. Les pertes économiques sont alors plus importantes. Il faut cependant noter que les pertes économiques liées aux lésions de maladie caséeuse sur les carcasses dépendent des pratiques sanitaires en vigueur dans le pays. Par exemple, une carcasse présentant quatre ou cinq abcès en Australie sera déclarée apte à la consommation humaine, avec un retrait seul des zones lésées, alors qu’un ou deux abcès au Royaume-Uni suffisent pour que la carcasse soit entièrement saisie (BAIRD, 2003) b) Déficit de production de laine En 1992, PATON a montré que le déficit de production de laine propre dû à la lymphadénite caséeuse, chez des ovins entre 1 et 2 ans d’âge, pouvait être évaluée à 4 à 7% du volume total en Australie (PATON et al., 1996). En Amérique du Nord, cette production diminue pendant la première année d’infection. c) Syndrome de la brebis maigre L’infection par C. pseudotuberculosis peut être une des causes de ce syndrome, même si ce n’est pas la plus fréquente. Dans ce cas, l’animal devient une non-valeur économique (ALGAABARY et al., 2010). d) Autres La quantité de lait produite diminue lors de la première année d’infection chez les petits ruminants atteints en Amérique du Nord. On pense que les performances de reproduction et la qualité de peau chez les animaux touchés sont aussi moins bonnes (BAIRD, 2003). D. Exemple d’un plan d’éradication : les Pays-Bas Depuis 1992, un plan d’éradication a été instauré dans ce pays. Au départ, une détection sérologique faisant appel à un test ELISA double sandwich indirect, dont on avait rapporté une sensibilité et une spécificité proches de 100% à la fois chez les ovins et les caprins, est demandée. Ce dépistage est systématique, et couplé à des mesures spécifiques de tenue d’élevage. Grâce à ces mesures, la maladie caséeuse est éradiquée dans les élevages caprins adhérant au plan, ce qui concerne environ 13.000 caprins, en 1996. En 1999, 700 élevages caprins, représentant 47.000 animaux sont certifiés indemnes de lymphadénite caséeuse. Cependant, l’éradication n’est pas totale, car on a observé, dans un élevage caprin en particulier, des animaux présentant des abcès dans lesquels C. pseudotuberculosis a été isolée, mais dont les résultats au test ELISA employé reviennent négatifs. De même, l’éradication de la maladie dans les troupeaux ovins en suivant le même plan a été un échec, à cause de nombreux faux négatifs en réponse au test (DERCKSEN et al., 2000). 73 On en a donc conclu que la sensibilité et la spécificité du test employé étaient insuffisantes, et qu’il devait être amélioré, ce qui a été fait par DERCKSEN et al. en 2000. Lors d’un programme d’éradication, la prévalence de la maladie dans un troupeau va diminuer. La valeur prédictive positive du test employé va donc aussi être réduite. La probabilité qu’un animal testé positif soit un faux négatif sera donc plus grande. L’abattage de cet animal dépisté positif dépendra donc de l’utilisation d’un autre test, très spécifique, s’il existe. Ce n’est pas le cas pour la lymphadénite caséeuse. La décision prise aux Pays-Bas a donc été de mettre en quarantaine les animaux que l’on pense faux positifs, et de les tester de nouveau quatre semaines plus tard. S’ils sont de nouveau positifs, ils ont abattus, et une culture bactériologique est réalisée à partir des abcès trouvés. 74 CONCLUSION Corynebacterium pseudotuberculosis a aujourd’hui une répartition mondiale, même si elle n’est présente que depuis récemment dans certains pays. Les études la concernant sont surtout effectuées dans les zones où l’élevage d’ovins et de caprins tient une place dominante. Ce sont en effet les espèces majoritairement concernées par cette infection. Mais l’état général des animaux contaminés restant souvent bon, beaucoup d’éleveurs vivent avec la maladie sans essayer d’assainir leur troupeau, et les autorités ne mettent pas l’accent sur le dépistage et le contrôle de la maladie caséeuse. Seules les régions où la prévalence est très importante tentent d’éradiquer la maladie. Les Ruminants ne sont pas les seuls à pouvoir être contaminés par C. pseudotuberculosis. Les lamas et les alpagas sont aussi touchés, et développent alors une lymphadénite granulomateuse (BRAGA, 2007; BRAGA et al., 2007). Les porcs, les hérissons et les souris de laboratoire peuvent aussi être infectés. Mais l’infection par C. pseudotuberculosis n’est reconnue que comme syndrome chez trois espèces : les ovins et caprins, qui ont été largement évoqués dans ce travail, et les chevaux (WILLIAMSON, 2001). Chez ces derniers on observe alors des abcès épars, localisés en particulier dans les muscles pectoraux et la paroi abdominale ventrale, une lymphangite ulcérative des extrémités distales, ou une dermatite pustuleuse contagieuse. Plus rarement, la bactérie peut être responsable de mammites et d’avortements dans cette espèce (WILLIAMSON, 2001; CONNOR et al., 2007). Il a été démontré que les souches présentes chez les chevaux sont différentes de celles retrouvées chez les petits ruminants au Royaume-Uni (CONNOR et al., 2000). De plus, quelques cas de lymphadénites causées par C. pseudotuberculosis ont été rapportés chez l’Homme, notamment en Australie. Les individus les plus exposés sont ceux en contact avec les animaux atteints, donc les éleveurs, les tondeurs, les employés d’abattoirs et les vétérinaires. L’infection provoque le plus souvent une lymphomégalie chronique. Le diagnostic n’est en général établi qu’après isolement de la bactérie, les cas étant rares. Le traitement implique l’excision chirurgicale du nœud lymphatique atteint, et des antibiotiques, la tétracycline en général (BAIRD, 2003; SMITH et SHERMAN, 2009). Pour lutter contre les infections par C. pseudotuberculosis, les chercheurs essaient de concevoir des tests diagnostics efficaces, tant à l’échelle du troupeau que pour un individu. De nombreux tests différents ont été proposés, mais il n’y en a pas un qui soit idéal, rendant le dépistage difficile au sein des troupeaux. Des vaccins sont aussi commercialisés, et d’autres testés à titre expérimental, mais ils ne permettent actuellement que de limiter la propagation de la bactérie dans l’organisme de l’hôte. 75 La lutte contre cette bactérie est donc complexe, par manque de tests de dépistage, de vaccins et de traitements réellement efficaces. Actuellement, la meilleure méthode pour maîtriser l’infection consiste en l’élimination des animaux présentant des signes cliniques couplée à l’utilisation d’un test ELISA fiable, quand on en a un disponible sur le marché national. Il faut aussi être très attentif lors des introductions, respecter une quarantaine et éventuellement tester les animaux lorsqu’on en a la possibilité. Une sensibilisation des acteurs de la filière petits ruminants à l’échelle mondiale pourrait donc être d’une grande aide pour faire progresser cette lutte. 76 BIBLIOGRAPHIE AL-GAABARY MH, OSMAN SA, OREIBY AF (2009). Caseous lymphadenitis in sheep and goats : Clinical, epidemiological and preventive studies. Small Rumin. Res., 87, 116–121. AL-GAABARY MH, OSMAN SA, AHMED MS, OREIBY AF (2010). Abattoir survey on caseous lymphadenitis in sheep and goats in Tanta, Egypt . Small Rumin. Res., 94, 117–124. AMEH JA, TARI IS (1999). 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Les pays dans lesquels les élevages ovins et caprins sont nombreux sont donc les premiers à engager des démarches de dépistage et de lutte. Expérimentalement, beaucoup de tests diagnostiques ont été développés, mais rares sont ceux à pouvoir être employés sur le terrain, à cause d’un manque de sensibilité ou de spécificité, ou d’un coût trop élevé. De même, les scientifiques ne sont pas d’accord quant à l’utilité réelle des vaccins développés, qui n’empêchent pas l’infection, même s’ils limitent l’excrétion. Les méthodes de lutte mises en place sont donc très variables selon les pays. Ce travail a été réalisé dans le but de faire un état des lieux de la répartition des infections à Corynebacterium pseudotuberculosis dans le monde, ainsi que des méthodes de dépistage et de lutte existants ou en cours de développement. Pour cela, une recherche bibliographique la plus complète possible a été effectuée. Les données obtenues sont essentiellement tirées d’articles scientifiques, la plupart d’entre eux ayant été rédigés entre les années 1990 et 2012. Certains sont plus anciens, les découvertes décrites étant toujours d’actualité, et n’ayant pas fait l’objet de recherches plus approfondies depuis. Il s’avère donc que les infections à Corynebacterium pseudotuberculosis sont assez fréquentes dans les élevages ovins et caprins, quelle que soit leur localisation géographique. Mais le taux de létalité restant généralement faible, et les outils de lutte n’étant pas assez fiables, peu de pays mettent en place des mesures visant à éradiquer la bactérie des troupeaux. Les scientifiques étant malgré tout conscients de l’importance des pertes économiques dans les élevages atteints, la recherche d’outils utilisables sur le terrain se poursuit. Mots clés : CORYNEBACTERIUM PSEUDOTUBERCULOSIS, LYMPHADÉNITE CASÉEUSE, DÉPISTAGE, MÉTHODE DE LUTTE, RUMINANT, OVIN, MOUTON, CAPRIN, CHÈVRE Jury : Président : Pr. Directeur : Dr. Karim ADJOU Assesseur : Pr. Henri-Jean BOULOUIS CORYNEBACTERIUM PSEUDOTUBERCULOSIS INFECTIONS IN RUMINANTS GUINARD Clémence Summary : Corynebacterium pseudotuberculosis is a bacteria that can be found almost all around the world, even if there is only few data concerning Asia. The bacteria appeared only few years ago in some countries, but in others, it has been there for a long time without raising concerns. Sheep and goats are worst affected animals, with abcesses growing in subcutaneous and visceral lymph nodes, and in some organs. Countries where sheep and goats are bred are the first trying to fight the infection. A lot of diagnostic tests have been developed, but most of them lack sensibility or specificity, or are too expensive to be used in herds. Furthermore, scientists do not agree on vaccination efficiency, because existing vaccines do not stop infection, even if they limit excretion. Consequently, control methods can be very different depending on the country. This work reviews the worldwide situation regarding Corynebacterium pseudotuberculosis infections, and diagnostic and control methods, already existing or in development. Bibliographic research was performed, mostly in scientific reports from the nineties until now. Some older publications have been used, when no more recent work could have been found on a subject. Currently, Corynebacterium pseudotuberculosis infections can be found in a lot of sheep and goats herds around the world. But most of time, the fatality rate is moderate, and control method lack reliability. As a consequence, only few countries establish plans to eradicate the bacteria from herds. Despite this, research to find tools that could be used in herds still goes on, because scientists realise the importance of the economic losses caused by the bacteria. Keywords : CORYNEBACTERIUM PSEUDOTUBERCULOSIS, CASEOUS LYMPHADENITIS, CONTROL METHOD, RUMINANT, GOAT, SHEEP, OVINE Jury : President : Pr. Director : Dr. Karim ADJOU Assessor : Pr. Henri-Jean BOULOUIS