concepts a priori[16], c’est-à-dire indépendants de toute donnée
sensible mais cependant applicables à l’expérience sensible ;
toutefois il existe aussi pour Kant des idées qui ne sont ni
tirées de l’expérience sensible ni directement applicables à
cette expérience : ces idées ont un pouvoir de régulation sur
notre activité discursive. Pour ainsi dire, d’une part, la raison
fixe le but de la science et, d’autre part, l’entendement en
détermine la forme générale, tandis que l’expérience sensible
fournit le contenu empirique de la connaissance. Ce qui signifie
que l’expérience nous devient intelligible à travers les formes
de l’espace et du temps et simultanément à travers les
schèmes des catégories. Forme de l’activité synthétique du
jugement et « règle de la synthèse des perceptions »[17], le
concept n’est donc plus l’universel abstrait de la sensation, il
est au contraire la forme que l’entendement impose à la
matière et dont il fait un objet soumis à des lois universelles et
nécessaires.Sous le mécanisme cartésien de la nature, sévit
son dynamisme caché. Alors que Leibniz conçoit ce dualisme,
on en trouve un tout autre chez Kant entre les phénomènes
(naturels), seuls connaissables, et les noumènes (non
naturels) par définition inconnaissables : nous pensons les
noumènes ainsi que la chose en soi, mais nous ne pouvons les
connaître. Notre connaissance est bien objective, dans la
mesure où elle se réduit aux phénomènes. Ce qui fait que la
fameuse « révolution copernicienne » du sujet connaissant va
de pair avec l’idéalisme transcendantal de la connaissance de
ce sujet ; ils sont comme l’envers et l’endroit. Cette position
épistémologique éloigne de la spéculation métaphysique qui
n’est selon Kant qu’une source d’illusions, car elle nous porte
au-delà de ce qu’il nous est possible de saisir objectivement.
Toutefois, la pensée de la nouménalité de l’humain (c’est-à-
dire l’idée du sujet comme noumène[18]) n’est pas incohérente
avec la connaissance de sa phénoménalité[19] : en tant que
phénomène l’être humain fait partie du déterminisme de la
nature, mais en tant que noumène libre il en est exclu. C’est
pourquoi Kant a sapé l’argument du dessein divin qui se tient à
la base de la théologie naturelle.Dès lors, on comprendra que
Kant déclare le principe de finalité comme non cohérent avec
l’idée même d’un système de la nature. La Critique du