La Lettre du Neurologue • Vol. XVI - n° 5 - mai 2012 | 179
Points forts
»
Tout au long de la grossesse et du post-partum, la prise en charge des céphalées doit suivre les mêmes
règles qu’en dehors de la grossesse. La première étape est d’établir un diagnostic précis. L’imagerie céré-
brale, si elle est jugée nécessaire, ne doit pas être récusée.
»Une céphalée inhabituelle doit toujours faire rechercher une cause secondaire. Certaines pathologies,
telles que l’éclampsie et l’angiopathie du post-partum, surviennent électivement durant la grossesse et
le post-partum.
»Le plus souvent, la céphalée est primaire. La migraine est la cause la plus fréquente. Le traitement de
crise est le paracétamol associé en cas d’échec à la codéïne. En cas de crises fréquentes, un traitement
de fond peut être maintenu, ou parfois instauré en cours de la grossesse. Il doit privilégier l’amitriptyline
ou le propranolol.
Mots-clés
Céphalée
Migraine
Imagerie cérébrale
Grossesse
Post-partum
Highlights
»
The management of head-
aches during pregnancy and
postpartum follows the same
rules as outside these periods.
The first step is to make a
precise diagnosis. When judged
necessary, cerebral imaging has
to be performed.
»
An unusual acute or progres-
sive headache warrants the
search for a secondary cause.
Some conditions such as
eclampsia and postpartum
angiopathy are specific to preg-
nancy and postpartum.
»
In most cases, the headache
is primary. Migraine is the most
frequent cause. Treatment for
acute attacks relies on acet-
aminophen, and in case of
inefficiency of this first-line
treatment, on acetamino-
phen with codeine. Frequent
attacks require a prophylactic
treatment. Amitriptyline and
propranolol may be used
throughout all the pregnancy.
Keywords
Headache
Migraine
Cerebral imaging
Pregnancy
Postpartum
qui n’ont pas eu de crise pendant leur grossesse, une
forte crise de migraine peut survenir dans les premiers
jours du post-partum. Si la patiente reconnaît sa crise
comme habituelle, aucun examen n’est nécessaire. Les
questions suivantes précisent le mode d’apparition
de la céphalée, brutal ou progressif, et l’évolution de
la douleur depuis son installation. L’intensité de la
douleur, son type, sa localisation, l’association à des
troubles digestifs ou à une photophobie ne permettent
pas de trancher entre causes primaires et secondaires.
En revanche, toute anomalie à l’examen clinique est
également en faveur d’une céphalée secondaire : la
èvre oriente vers une cause infectieuse, une hyper-
tension artérielle vers une éclampsie, un décit neuro-
logique focal vers une lésion du parenchyme cérébral,
une nuque raide vers un syndrome méningé.
Si une céphalée secondaire est suspectée (tableau,
p. 180), des examens complémentaires doivent
être réalisés avec une imagerie cérébrale (scanner
cérébral sans injection et/ou IRM complète d’emblée
avec séquences veineuses et angiographie) puis une
ponction lombaire (analyse du liquide et mesure de la
pression). Une hémorragie méningée est à suspecter en
premier lieu devant toute céphalée rapide ou brutale.
De nombreuses autres pathologies peuvent se révéler
par une céphalée inhabituelle, brutale ou progressive,
au cours de la grossesse ou du post-partum. Parfois,
il s’agit d’une affection dont la survenue lors de cette
période est fortuite : par exemple, une méningite virale
banale. En revanche, certaines affections doivent être
particulièrement recherchées.
Hémorragie sous-arachnoïdienne
C’est le premier diagnostic à envisager devant toute
céphalée brutale. La céphalée peut être isolée, sans
syndrome méningé (qui peut être retardé de plusieurs
heures) ni troubles de la conscience (dont l’appa-
rition dépend de l’abondance de l’hémorragie). Le
diagnostic repose sur la réalisation en urgence d’un
scanner cérébral sans injection et, dans tous les cas
où celui-ci est normal, d’une ponction lombaire (PL)
avec recherche de pigments biliaires. La principale
cause d’hémorragie méningée au cours de la
grossesse est la rupture d’un anévrysme. Contrai-
rement à une notion classique, la plupart des ruptures
anévrysmales surviennent durant la grossesse et sont
rares lors du travail et du post-partum immédiat.
Éclampsie
L’éclampsie est rare, mais demeure l’une des principales
causes de mortalité maternelle (2). La prééclampsie se
dénit par la survenue durant la grossesse d’une hyper-
tension artérielle supérieure à 140/90 mmHg et d’une
protéinurie supérieure à 300 mg/24 heures. On parle
d’éclampsie quand surviennent des crises comitiales ou
un coma. Le tableau clinique est celui d’une encéphalo-
pathie hypertensive avec céphalées, troubles de la
vigilance, crises comitiales, troubles visuels et autres
décits focaux. La céphalée précède souvent les autres
signes d’encéphalopathie. L’IRM cérébrale montre un
œdème cérébral vasogénique avec des hypersignaux
symétriques à prédominance postérieure, cortico-sous-
corticaux, en séquences FLAIR et T2 (leuco-encéphalo-
pathie postérieure). L’angiographie par résonance
magnétique (ARM) montre souvent une vasoconstriction
segmentaire et diffuse, similaire à celle observée dans
l’angiopathie du post-partum. Des infarctus cérébraux
et des hémorragies peuvent survenir. Le traitement
nécessite généralement une prise en charge en réani-
mation avec baisse contrôlée de la pression artérielle,
et parfois une interruption thérapeutique de grossesse.
Thromboses veineuses cérébrales
Elles ont une incidence voisine de 10 pour
100 000 accouchements et surviennent volontiers
durant la deuxième ou la troisième semaine de
post-partum. Les céphalées sont le symptôme le
plus fréquent (90 %) et le plus précoce. Elles sont
d’expression très variable, progressives et diffuses,
témoignant d’une hypertension intracrânienne,
brutales et intenses “en coup de tonnerre”, ou à type
de crise de migraine avec ou sans aura. La céphalée
peut être strictement isolée et, dans ces cas, le scanner
cérébral et le liquide cérébro spinal sont souvent
normaux. Le meilleur examen pour le diagnostic
est l’IRM, qui objective la thrombose elle-même
(séquences T1 et T2*), et l’obstruction d’un ou plusieurs
sinus veineux (veinographie).