NR. 5 |OKT. 2009 POINT OF VIEW 29
Une dérégulation de l’apoptose des cel-
lules, comme par exemple les neutro-
philes, a souvent été associée à des
maladies inflammatoires aiguës ou
chroniques telles que chocs septiques,
appendicites aiguës, colites ulcéreuses
et arthrites rhumatoïdes. Par consé-
quent, une compréhension plus appro-
fondie des mécanismes régissant la
mort programmée de ces cellules pour-
rait fournir de nouvelles cibles théra-
peutiques afin d’améliorer la qualité de
vie de ces patients ou même de les soi-
gner.
J’ai toujours été très intéressé de pou-
voir étudier les conséquences de déré-
gulations dans l’apoptose des cellules à
l’intérieur d’un organisme ainsi que
des implications immunologiques et
patho-immunologiques.
Y a-t-il des individus souffrant d’un dé-
ficit génétique en cathepsine?
Les cathepsines peuvent détruire des
tissus ou des cellules si elles ne sont
pas proprement gardées sous contrôle.
Par exemple, à cause d’une altération
de leur expression (surexpression dans
le cancer), de leur activité protéoly-
tique (quantité non balancée entre les
protéases et leurs inhibiteurs endo-
gènes) et de leur localisation (sécrétion
augmentée en dehors des cellules),
elles sont souvent impliquées dans dif-
férentes pathologies telles que cancer,
asthme bronchique, Alzheimer, ar-
thrite rhumatoïde et fibrose pulmo-
naire.
Des déficiences héréditaires des ca-
thepsines peuvent donc être pathogé-
niques. Par exemple, la cathepsine C
est requise pour activer les granzymes
par clivage protéolytique. Les patients
déficients en cathepsine C présentent
le syndrome de Papillon-Lefèvre. Cette
affection rare apparaît chez de jeunes
enfants et est caractérisée par une in-
flammation grave des gencives et une
peau sèche et squameuse qui s’infecte
facilement. Des mutations perte-de-
fonction de la cystatine B, un inhibi-
teur cytosolique des cystéines cathep-
sines (par exemple cathepsine B et C),
provoquent la maladie de Unverricht-
Lundborg, une forme autosomale ré-
cessive héréditaire de l’épilepsie. Une
déficience de la cathepsine D provoque
chez l’humain une dégénérescence
neuronale souvent fatale. Une défi-
cience en cathepsine K provoque une
maladie osseuse rare appelée pycnody-
sostose ou pycnose dont les signes cli-
niques observés sont le nanisme avec
des fractures spontanées.
Est-il possible de produire, par génie
génétique, la cathepsine D? Et pour-
raiton en donner l’accès aux patients
septiques?
Oui, il est théoriquement possible d’ex-
primer des cathepsines par thérapie
avec des anticorps capables de cibler
les cellules comme les neutrophiles
(liposomes contenant la protéine ca-
pable d’induire l’apoptose, la cathep-
sine D dans notre cas, avec à leur
surface des anticorps anti-CD16 pour
cibler spécifiquement les neutro-
philes). Cependant, pour des patients
septiques, il n’est pas nécessairement
bon de supprimer les neutrophiles car
ceux-ci sont importants pour éliminer
l’infection bactérienne. De plus, dans
les patients avec choc septique, beau-
coup d’autres facteurs entrent en jeu,
Dr Conus, pouvez-vous nous expliquer
le terme d’apoptose et pourquoi vous
vous y intéressez?
Le système immunitaire peut générer
une variété énorme de cellules et mo-
lécules capables de reconnaître spéci-
fiquement et éliminer une quantité ap-
paremment illimitée de pathogènes
étrangers. Bien que l’accumulation
de ces cellules et molécules spéciali-
sées aux sites inflammatoires aide à
éliminer efficacement ces agents pa-
thogènes, celles-ci peuvent également
amplifier la réponse inflammatoire en
endommageant les tissus environ-
nants par libération de médiateurs
toxiques. Par conséquent, l’existence
de mécanismes contrôlant très préci-
sément le nombre de cellules inflam-
matoires est essentielle, en particulier
sous des conditions inflammatoires,
durant lesquelles ces cellules stimulées
libèrent leurs médiateurs toxiques.
L’apoptose, ou mort cellulaire pro-
grammée, est un mécanisme inné par
lequel un organisme élimine de telles
cellules potentiellement dangereuses.
Au contraire de la nécrose, l’apoptose
est le mécanisme le plus physiologique
et le plus efficace pour éliminer ces
cellules accumulées aux sites d’infec-
tion et éviter une réponse inflamma-
toire accrue. Les cellules apoptotiques
sont ensuite phagocytosées par d’au-
tres cellules telles que les macro-
phages, un processus qui est associé
à la libération de médiateurs anti-
inflammatoires. L’apoptose contrôle
donc à la fois la durée et l’intensité
d’une réponse inflammatoire. De plus,
l’apoptose est un mécanisme impor-
tant qui maintient, sous des condi-
tions physiologiques, l’homéostasie
tissulaire des cellules.
Prix Pfizer 2009
Une interview de pipette1
Parmi les 21 lauréats du Prix Pfizer, pipette a choisi «Caspase-8 is activated by cathepsin D initiating
neutrophil apoptosis during the resolution of inflammation» (La cathepsine D active la caspase-8 et
induit l’apoptose des neutrophiles durant la résolution de l’inflammation) car le laboratoire analytique
pourrait assister le médecin dans le diagnostic et le traitement de certains états inflammatoires. Le
docteur Sébastien Conus, lauréat du Prix Pfizer 2009, nous en explique les raisons. Son travail a été
publié dans le Journal of Experimental Medicine [1].
1Interview menée par le Dr Nydegger, rédacteur de
pipette, le vendredi 3 avril 2009.
Peut-on doser la cathepsine par un test
de laboratoire?
Oui, il est possible et relativement fa-
cile de quantifier la présence de ca-
thepsine par ELISA dans des fluides
biologiques tels que le sang. Par exem-
ple, un taux augmenté de cathepsine L
a été mesuré dans le sérum de pa-
tientes atteintes de cancer des ovaires,
ce qui fait que la cathepsine L est un
marqueur tumoral dans ce type de can-
cer. Similairement, on a démontré que
les cathepsines B, H et L sont des mar-
queurs tumorauxdans le plasma san-
guin chez des patients atteints de mé-
lanomes. Finalement, la cathepsine D
a été démontrée être un marqueur tu-
moral dans le cancer du sein par un
marquage immunohistochimique.
Correspondance:
Dr Sébastien Conus
Senior Research Associate
Institut de pharmacologie
Université de Berne
Friedbühlstrasse 49
CH-3010 Berne
Référence
comme par exemple des problèmes
dans la circulation pour avoir un choc.
Ce que l’on propose dans notre étude
est que l’apoptose des neutrophiles est
nécessaire pour résoudre une réponse
immunitaire innée in vivo.
Par contre, on peut imaginer qu’il se-
rait bénéfique de supprimer les neu-
trophiles ou d’autres cellules dans
le cas d’inflammations chroniques
(exemple l’arthrite rhumatoïde) car ils
sont responsables en tout cas partielle-
ment de l’inflammation. Dans le can-
cer, il serait également bénéfique d’éli-
miner par un tel procédé les cellules
cancéreuses.
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Référence
1Conus S, Perozzo R, Reinheckel T, et al.
Caspase-8 is activated by cathepsin D initia-
ting neutrophil apoptosis during the resolu-
tion of inflammation. J Exp Med. 2008;
205(3):685–98.
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