collective des trois reli gions est engagée au-delà la responsabilité des individus ou des
groupes qui sont impliqués dans des actes de violence concrets.
2 C'est ainsi que trois connaisseurs, chacun des textes sacrés de sa tradi tion religieuse,
s'attachent à la lecture critique de ces versets douloureux, de la Bible juive et du Talmud,
de la Bible chrétienne et du Coran et des autres écrits de référence de l'islam.
3 Le rabbin Meyer propose une lecture critique du récit du combat des Is raélites contre
Amalek (Ex 17,8-16 et son commentaire en Dt 25,17-19) et de celui du péché de Saul qui
n'a pas voué à l'interdit les Amalécites (1 Sm 15,4 23), du sacrifice d'Isaac (Gn 22) et du
récit de la conquête du Canaan (Josué). Devant ces textes qui ont souvent incité à la
violence, Meyer élabore une « stra tégie de lecture » dont voici quelques points essentiels.
Il ne faut jamais accep ter de lire un verset biblique en l'isolant totalement du reste de la
tradition bi blique ; en particulier, le texte qui se trouve au centre de la Torah, Lv 19,18,
«Tu aimeras ton prochain comme toi-même», constitue l'orientation essen tielle de la Loi
qu'il faut respecter dans l'application de toutes les autres par ties du Pentateuque. Il faut
privilégier une lecture symbolique des textes qui risquent d'inciter à la violence concrète.
Le respect de l'esprit d'une tradition ne peut se concrétiser que dans la transgression
réelle de certaines ordonnances religieuses. Le rabbin Meyer affirme qu'il n'y a pas
d'éthique véritable sans une réflexion profonde sur la théologie de la transgression. Selon
lui, consi dérer la Loi comme un refuge, sans la questionner et sans oser la transgresser,
cela aussi s'appelle du fanatisme. Enfin, il faut oser être le partenaire de Dieu et non son
esclave ; à l'image d'Abraham qui négocie avec Dieu pour sauver les justes de Sodome, on
doit parfois considérer le commandement divin comme une provocation contre laquelle il
faut se rebeller. Il est nécessaire d'« accepter que les textes de la Torah puissent être
dangereux, car l'esprit dans lequel ils ont été donnés n'a jamais été un esprit de servitude,
mais bien plutôt de réflexion, d'engagement et de rébellion» (p. 37).
4 Soheib Bencheikh, pour sa part, propose une lecture différenciée des «versets
douloureux» des trois écrits de référence de l'islam: le Coran, les hadith, paroles et gestes
de Mahomet dont la mise par écrit ne commence qu'un siècle et demi après la mort du
Prophète, et le fiqh ou le droit musulman. Une nette distinction est à opérer entre le
caractère révélé du Coran et le caractère non révélé des deux autres écrits. Par ailleurs,
alors que le Coran fait l'unanimité des différents groupes de l'islam, les hadith ne
bénéficient pas de cette reconnaissance commune. Le fiqh, quant à lui, est un recueil de
jurisprudence évolutif. Selon Soheib Bencheikh, même le Coran doit être lu et compris
dans le contexte historique, social et politique de ses origines. Il est donc nécessaire de
situer les versets contre les gens du livre ou de l'évangile dans le cadre des conflits
d'époques diverses avec pas seu lement des juifs et des chrétiens, mais également avec des
groupes poly théistes d'Arabie aux origines de l'islam. Les conflits doctrinaux sur la
manière d'articuler la foi monothéiste marquent profondément les rapports entre les
trois religions monothéistes, comme ce fut déjà le cas des débats sur la christologie à
l'intérieur du christianisme.
5 La contribution d'Yves Simoens, jésuite et exégète, sort quelque peu du cadre de la
démarche de ses deux interlocuteurs. Plutôt que d'aborder direc tement les versets
douloureux du canon chrétien, surtout en ce qui concerne les relations entre chrétiens et
juifs, ou plutôt entre juifs chrétiens et juifs qui n'ont pas accepté Jésus comme Messie, le
père Simoens propose une lecture globale de l'évangile de Jean qui met en question
l'interprétation dite anti juive du quatrième évangile.
David Meyer, Yves Simoens, Soheib Bencheikh, Les versets doulou reux : Bible,...
Revue des sciences religieuses, 82/4 | 2010
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