YearBook Santé et Environnement 2016
2. POLLUANTS ET SANTÉ Perturbateurs endocriniens
NIVEAUX DE CONTAMINATION DES ALIMENTS
La concentration du phtalate dans l’aliment a été consi-
dérée élevée lorsqu’elleatteignait ou dépassait, en moyenne,
lalimite de migration spécique de 300 μg/kg,sur la base
de la réglementation européenneconcernant l’aptitude des
matériauxau contact alimentaire. À l’opposé, une concen-
tration moyenne inférieure à 50 μg/kg a été considérée
faible.D’une manière générale, le di-iso-butylphtalate(DiBP),
le di-n-butylphtalate (DnBP),le butyl-benzylphtalate (BBzP) et
le DEHPsont fréquemment détectés dans une grandevariété
d’aliments (fréquence de détection dépassant 50 % des
échantillons analysés), contrairement aux diéthylphtalate
(DEP),diméthylphtalate (DMP), di-n-octylphtalate(DnOP) et
DiNP (fréquence de détectioncomprise entre 0 et 49%).Les
enquêtes s’accordent à retrouverdes niveaux de concentration
élevés dephtalates dans trois types d’aliments: lesvolailles,
les graisses (incluant les huiles,le beurre, la margarine et des
corps grascomme le lard) et les produits crémiers.Ainsi, la
concentration de DEHP dépasse300 μg/kg dans plus de la
moitié des échantillons de volaille. Les autres phtalatessont
généralement présents à defaibles niveaux de concentra-
tion, commedans le porc et le bœuf, qui contiennentdu
DEHP à des niveaux variables (quelquesvaleurs approchent
300 μg/kg dans le porc,et la concentration de DEHP dans le
bœufva de la limite de détection à 1 100 μg/kgdans deux
enquêtes canadiennes). Les espèces dominantes dans les
graissessont le DEHP (la concentration moyenne dépasse
300 μg/kg dans plus de la moitié deséchantillons, allant de
404 à 5 592 μg/kg), le DnBP et le BBzP (dont les valeurs les
plusélevées, dépassant respectivement 3000 et 11 000 μg/
kg, sont mesurées dans deséchantillons canadiens). Des
concentrationsélevées de DEHP (allant de 413à 1 300 μg/kg)
sont retrouvées dans lacrème fraîche, tandis que les autres
phtalates sont indétectables. Les mesures duDEHP dans la
crème glacée approchentou parfois dépassent 300 μg/kg.
Il en estde même dans le fromage, où la concentrationdu
DEHP va de 139 à 2 271 μg/kg,et où d’autres phtalates sont
détectés (DEP,DMP, DiNP).Les échantillons de yaourts, lait,
œufs,pâtes, nouilles, riz, fruits et légumes ainsique les bois-
sons sont, d’une manièregénérale, faiblement contaminés
(concentrations< 50 μg/kg). Les produits de la mer, le pain,
les céréales et les épicesprésentent des niveaux de contami-
nation variables selon les rapports.
COHÉRENCE AVEC LES ÉTUDES
Conformément aux données des enquêtesde surveillance,
les études épidémiologiques associent la consommation
deviandes et d’aliments gras, incluant lesproduits laitiers,
au niveau des métabolites urinaires du DEHP. En revanche,
alorsque les enquêtes indiquent des niveaux de concen-
tration du DEP faibles dans leslégumes et fruits frais, deux
études relient leur consommation à l’exposition au DEP.Par
ailleurs, la consommation de poissonest associée au niveau
du MiBP (métabolitedu DiBP) dans deux études tandis quela
concentration du DiBP est basse dansles échantillons de
produits de la meranalysés dans les enquêtes. Ces incohé-
rencesappellent à considérer les sourcesnon-alimentaires
d’exposition au DEP et au DiBP, ainsi que l’inuence de la
préparationdu repas (notamment cuisson et assaisonne-
ment), les aliments analysésétant généralement bruts. De
plus, à l’intérieurd’une même catégorie alimentaire,certains
produits spéciques, qu’il reste àidentier, pourraient contri-
buer fortementà l’exposition aux phtalates.Une étude d’in-
tervention montre que le passage d’une alimentation carnée
à unrégime végétarien strict entraîne une diminution rapide
et signicative du niveaudes métabolites urinaires du DEHP
ainsique des DEP, DnBP et DiBP, mais d’autresmodications
des habitudes de vie pourraientparticiper aux résultats, étant
donné le contexte de l’étude (séjour dans unecommunauté
bouddhiste s’accompagnant d’une probable diminution
de l’utilisationde cosmétiques contenant des phtalatesde
bas poids moléculaire comme le DEP). L’une des deux
études dans laquelle lessujets consommaient des produits
n’ayantpas été en contact avec des emballagesen plastique
conclut à une diminution del’exposition au DEHP tandis que
l’autremontre l’inverse, ce qui peut s’expliquerpar la décou-
verte, après analyse, deniveaux très élevés de DEHP dans les
produits laitiers frais et la coriandre.
Serrano SE1, Braun J, Trasande L, Dills R,
SathyanarayanaS. Phtalates and diet: A review of the
food monitoring and epidemiology data. Environ-
mentalHealth 2014; 13: 43.
doi: 10.1186/1476-069X-13-43
1 Center for Child Health, Behavior and Development,Se-
attle Children’s Research Institute, Seattle, États-Unis.