FAITES-VOUS DÉPISTER !
Ancien directeur des programmes d’ARTE, Maneval revient à l’antenne pour présenter une soi-
rée dédiée à la lutte contre le sida, qu’il a proposée à la chaîne, à l’occasion de la Journée mon-
diale consacrée à cette cause.
Pourquoi avoir voulu cette «Thema» ?
Maneval : Parce que je suis investi dans la lutte contre le sida depuis longtemps, qu’il reste beaucoup
à faire, et que je trouvais que les chaînes publiques n’abordaient plus, ou alors brièvement, ce sujet. À
travers cette soirée, je veux faire passer deux messages. Un : «Faites-vous dépister !». Trop de gens*
sont porteurs du virus et l’ignorent. Dans une société aussi bien informée que la nôtre, c’est nul ! Deux :
«Protégez-vous, utilisez le préservatif !» C’est basique mais il faut le marteler parce qu’aujourd’hui les gens
se «lâchent». J’aimerais aussi que cette soirée incite les téléspectateurs à se montrer plus tolérants, plus
attentifs vis-à-vis des personnes séropositives. Le dernier Sidaction a fait un op, c’est catastrophique.
Que signifie être séropositif aujourd’hui ?
Même si les traitements actuels permettent à une majorité de gens de rester en bonne santé, on meurt
encore du sida en France. Par ailleurs, cette maladie bouleverse la vie. Dans le premier documentaire
de la soirée, vous voyez un jeune homo séropo, parfaitement accepté par sa famille. C’est exceptionnel.
Souvent, les gens sont rejetés par leurs proches et perdent leur emploi. Les bénévoles de l’association
«Les petits bonheurs» que je parraine, passent leur temps à trouver des logements, des places de
spectacles, à rendre visite à des personnes qui n’imaginaient pas se retrouver dans une telle solitude.
Cela reste une maladie «invisible», qui isole d’autant plus.
Pourquoi avoir consacré le second documentaire à l’Inde ?
Parce que dans ce pays très peuplé, l’épidémie peut s’étendre de façon exponentielle. L’Inde est aussi
emblématique des inégalités entre le Nord et le Sud. Quand vous voyez les images tournées à l’hôpital
Georges Pompidou, à Paris, le contraste avec celui de Bombay est violent. Le travail des médecins est
remarquable mais ils manquent de lits, de médicaments… Nous sommes aussi allés lmer un laboratoire
indien qui fabrique des médicaments génériques. Je voulais qu’on prenne conscience d’un scandale :
l’industrie pharmaceutique gagne des millions sur le dos des personnes séropositives et ne veut pas
céder les brevets de ses médicaments. Ces pilules génériques constituent une grande avancée pour
les pays pauvres. Ma crainte c’est que l’OMS restreigne leur diffusion.
Propos recueillis par Noémi Constans
* On estime ce nombre à environ 40 000 en France.
Jessica Forde