DE PARE». íki
pagnements plus compliqués qu'ils ne l'étaient jadis. Le naturel
est une belle qualité; mais
il y a
le naturel insignifiant, niais,
plat., comme,
il y a le
naturel facile, élégant, noble, élevé.
M- Boïeldieu nous semble se tenir au milieu, de ces deux naturels :
c'est la pointe d'originalité, cet inattendu
si
nécessaire pour ré-
veiller l'auditeur blasé
par les
styles
si
divers qu'on essaie
à
présent, qui fait défaut-à
M.
Boïeldieu.
Sa
muse est trop hon-
nête fille, trop décente; elle ne
se.
permet pas le plus petit écart.;
elle nous fait l'effet de considérer les muses de Beethoven,
et de
Weber comme ces dames trop hardies
du
temps
de la
régence,
qui
ne
suivaient que les caprices
de
leur imagination.
C'est parce que l'auteur de Marguerite
et
du Bouquet de- l'in-
fante est. jeune,
et
qu'il porte
un
nom éminemment musical,,
qu'il faut l'engager
à
payer tribut,
à ce
qu'on appelle l'inspira-
tion. Son ouverture, qui débute hardiment
en
soi mineur,
an-
nonçait une sorte
de
verve
et
d'entrain; mais
le
compositeur,
craiguant sans doute d'avoir crié d'une: voix trop haute
: Je
chante
le
vainqueur
des
vainqueurs
de la
terre, descend presque
aussitôt aux petites musarderies à la mode, à cette matière qua-
drillée
et
gahppée qu'on croit absolument nécessaire dans
une
partition d'opéra-eûmique. Nous savons bien que cela
est
joli,
que cela caresse, flatte f e goût
du
gros public
;
mais
si
l'on
est
obligé
de
lui payer ce tribut de mélodie, pourquoi ne pas la faire
plus neuve ou
la
relever par une harmonie plus piquante?
L'introduction
en
quatuor pour deux soprani
et
deux ténors
est fort jolie; elle finit
par un
nocturne délicieux
on ne
peut
mieux écrit pour les voix,
et
accompagné avec une heureuse so-
briété d'orchestre. Cette charmante mélodie
à
quatre voix
est
précédée d'un dialogue scénique pour
ces
mêmes voix
qui té-
moigne
du
bon sentiment
de la
déclamation musicale dans.le
compositeur. Après
ce
morceau vient
un
autre quatuor beau-
coup moins remarquable ; puis ensuite une romance louchante
:
Vous voyez hienqu'il
est mon
père, fort bien dite par mademoi-
selle Lavoye.
L'amour, l'amour console,
Et
vieiiltoutembellir;
Même quand il désoie,
est un rondo chanté par Mocker (Pasealez}
¡
d'une facture, sinon
originale,
du
moins joyeuse
et
pleine d'entrain. Audran (Don
Fabio
da
Sylva) vient chanter
un air
plus prétentieux qui com-
mence eu
ut
mineur, passe aussitôt en
tit
majeur, puis attaque
crûmenlle ton
de
mi bémol. Cela peut passer pour une modula-
tion hardie, originale
;
mais ce n'est pas cette originalité-là
que
les amateurs
de la
pureté
du
style réclament d'un compositeur.
Un chœur
de
corsaires grands seigneurs vient, après
un
petit
duo saus importance musicale, chanter une conspiration sur uu
air de gondolier et de tra,la,
la
qui nous afait penser à
la
Barca-
rolle, malencontreux opéra. On aurait préféré que ce chant des
conspirateurs rappelât, par le contraste scénique
et
musical,
le
cheeur
des
exilés
dansBéniowski.
Un
petit trio syllabiqtie, ex-
primant
la
peur qu'éprouvent Pasealez,-Ginetta
et
Gabrielle
d'être mandés
à la
cour, crainte peu logique
et
d'un drama-
tique faux, précède une cachucha d'un: caractère tout.ibérien,
et
qui a fait beaucoup d'effet. Ce morceau a été bissé;
il a
de la cou-
leur
et
plaira dans
les
salons comme
à la
scène. Après ce mor-
ceau, aussi commercial que musical, vient un
ajr
dePascalez sur
ses talents calligraphiques, dans
les
diverses écritures. Cet air
est plein de mouvement, de vie
et
de comique ;
et sur
les assu-
rances que l'écrivain donne
de son
adresse
à
tracer des billets
doux
, le
compositeur fait intervenir sur ce dernier mot une ca-
dence rompue d'un ingénieux
et
spirituel effet.
Le trio
con
cori, après l'arrestation de Fahio, lorsque
ce
per-
sonnage dit :
Lui, qui m{a
comme
un
frère prêté
son
secours, est
d'un bon style vocal
; et
puis, vient un morceau d'orgue
; et
puis
un chœur religieux assez ordinaire
; et
puis le finale peu saillant
dusecond acte. Le troisième commence par
un air
des plus bril-
lants,
chanté par Ginetta,
qui ne se
doute
pas du
danger
que
court son Fabio, car elle ne vocaliserait pas d'une façon si joyeuse.
Elle ne sait pas,
la
pauvre fille,
non
plus
que
Pasealez
et
Ga-
brielle qui viennent.Aire en
tluo.
: On
chantera,
on
dansera, que,
selon l'expression historique de M. de Salvandy,
ils
chantent
et
dansent sur un volcan. Don Fabio, condamné à.niort, vient, par
une faveur spéciale du roi, subir sa peine dans
la
petite. île où
il
esl né
;
il y
arrive dans une barque qui rappelle une situation
à
peu près pareille dans
le
Bré-aux-Clercs, situation
que la
voix
sombre du violoncelle dramatise au plus haut degré. Enfin Fabio,
qui va
s'unir
à
celle qu'il aime, chante une romance
sur
cette
antithèse
:
Ah
!
le plus beau jour de ma vie
Sera mou dernier jour!
Et le drame musical finit par cette mélodie touchante
et
noble,
fort bien dite par Audran, qui fait
des
progrès comme aclenr,
mais
qui
abuse, comme chanteur,
de la
vibration.
Ce
moyen
d'expression fait tomber celni
qui
l'emploie trop fréquemment
dans
la
sensiblerie musicale,
et
rappelle cette excellente plaisan-
terie d'Arnal
:
J'ai beaucoup couuii un mouton qui chantait ainsi.
Mocker
s'est
montré, comme toujours, chanteur gracieux, adroit,
et comédien intelligent. Mademoiselle Lavoye perd chaque jour
de son ton précieux et pointu que donne l'inexpérience des choses
tendres
et
douces, de la vie. Son talent d'actrice
y
gagne,
et !e
public aussi.
Sa
sosur, mademoiselle Marie Lavoye,
a
dit. genti-
ment son rôle
de
Gabrielle. C'est donc
un
succès d'acteurs, d'au-
teurs et de compositeur,
sur
lequel cependant aons engageons
tout ce personnel
à ne se
pas irop exaller l'imagination.
HENRI
BLAKCH-,IBD.
MARIE-THÉRÈSE,
Grand optra en 4 actes; musique de M.
X.
LOUIS.
Le bruit du succès
de
cet ouvrage nous
est
arrivé d'échos
en
échos.
M. Louis
a
tenté une chose difficile, et il
y a
mis une per-
..séyërauce qui, doit
tôt
o.u tard
le
conduire
à.
son but. Sachant
parfàït.eœen;t ;qtlë tonte, la. renommée qu'il
s'est
acquise,
que
tonte
la
popularité dont
il
jouit comme virtuose
et
compositeur
instrumental
ne
suffiraient pas encore
à lni
ouvrir
un
des deux
théâtres lyriques de Paris,
il
s'est
adressé
à
Lyon,
la
seconde
ville du royaume ;
il y a
donné d'abord un opéra-comique
en un
acte,
qui avait pour titre :
Un
duel
à
Valence. C'était
un
coup
d'essai dont, malgré
la
faiblesse
du
poème,
le
mérite
fut ap-
précié. M. Louis
y,
trouva lui-même l'avantage de s'assurer
de sa
vocation,
et
dès lors
il
se mil
à
composer quelque chose de plus
élevé, de plus fort. Il obtint de deux auteurs exercés,MM. Cormon
etDutertre,
le
librelto d'un grand opéra
en
quatre actes,
et, le
19 février dernier, Marie-Thérèse
fut
représentée pour
la
pre-
mière fois.
0
Af/teiiïensJ combien
il en
coûte pour vous plaire !
Car YOUS comprenez qu'en Imvaillant pour Lyon, l'habile artiste
avait toujours Paris en vue,
et
ne songeait qu'à s'en rapprocher.
Si son opéra-comique n'avait diminué
les
distances que d'une
vingtaine
de
lieues, son grand opéra lui en
a
fait faire au moins
soixante
ou
quatre-vingts. Maintenant le voilà tout porté
:
cent
lieues eu deux ans, ce n'est pas aller du train d'une locomotive;
mais que voulez-vous?
le
chemin
de fer de
Paris
à
Lyon n'est
pas encore établi, elle sera-t-il jamais pour la musique?
Ou
a
beaucoup parlé
de
décentralisation (pardonnez-nous ce
mot barbare, d'autant plus barbare qu'il est plus long)
;
mais
c'est Une des choses
qui se
prêchent toujours
et qui ne se
font
jamais
: là
où elles existent,
il n'y a
pas
eu
besoin
de
les prê-
cher. Faites que la France,ait dans son sein sept ou huit villes
à
peu près égales
en
importance
et
en influence, comme l'Italie
et
l'Allemagne, alors vous aurez autant de théâtres, qui se vaudront
l'unTautre,
et
sur lesquels
il
sera également glorieux, également
productif de se faire joner. Autrement Paris sera toujours Paris,
le Léviathan
des
cités
du
royaume,
la
seule capable
de dis-