Structures sémantiques des savoirs 5
2000 "Les savoirs comme champs sémantiquement structurés", Episteme, 2, Março-Abril : 61-107
question sont relativement mal assurés, la réponse à la première en est
forcément imprécise. L'une des conséquences remarquables de cet état de
faits, c'est l'hésitation sur le degré de "granularité" (Proust 1993 : 10) qu'il
convient de reconnaître aux domaines spécifiques.5
D'une position extrême qui consiste à en reconnaître un tout petit nombre
(quatre ou cinq, ou pas beaucoup plus), et en fait des structures très
englobantes, séparées par des caractères très généraux (par exemple,
s'agissant de domaines d'objets ou stimuli : êtres vivants / artefacts / corps
humain / plus certains types de stimuli - couleurs, etc.), ce qui semble être
la position d'Atran (1990), à une autre position extrême suggérant, avec
Sperber (1994) qu'il pourrait exister un "module" pour chaque concept (du
type "chien", chat", etc.), il y a de la marge pour le doute.
Ces questions renvoient de façon évidente à une problématique
classificatoire : quelle classification l'existence de domaines spécifiques
révèle-t-elle parmi l'ensemble des phénomènes sensoriels et conceptuels
(ou, si l'on préfère, quelles classes de phénomènes reconnaître, selon leur
appartenance à un domaine) ? Quels sont les types de domaines
spécifiques reconnus, en termes des types de phénomènes qu'ils
regroupent ?
Si l'on s'en réfère aux diverses énumérations partielles que donne Fodor,
concernant notamment la vision et l'audition (1986 : 68), les domaines
spécifiques sont définis par rapport aux types de stimuli ("domaines de
stimuli distincts", 1986 : 69), aux "domaines perceptuels", ou "domaines de
percepts" (1986 : 70). Ces dernières expressions ouvrent la voie à la
reconnaissance de domaines d'objets. Or il y a une grande différence, pour
ce qui nous concerne, à reconnaître que des composantes physico-
sensorielles des objets (certaines dimensions sensorielles ou attributs), par
exemple, leur couleur, leur orientation ou leur mouvement, d'une part, sont
traitées par des mécanismes physiologiques (rétiniens, neuronaux)
distincts, comme cela est avéré, et à penser d'autre part, que des
domaines d'objets, qui sont toujours définis par la conjonction (le "liage")
d'une multiplicité d'attributs sensoriels, soient cognitivement traités de façon
spéciale. Enfin, il faut considérer à part les domaines qui concernent des
5 Fodor lui-même hésite sur ce point et les exemples qu'il donne se limitent "à
illustrer les différents niveaux de détail auxquels on peut caractériser la modularité
d'un système périphérique" (Fodor 1986 : 68), ce qui revient néanmoins à définir ces
systèmes à des niveaux de granularité différents, sans arrêter l'un de ces niveaux
comme étant le plus décisif.