Conseils diététiques chez le patient en insuffisance rénale

Pour citer cet article : Dousseaux MP. Conseils diététiques chez le patient en insuffisance rénale. J Pharm Clin 2011 ; 30(4) : 253-6 doi:10.1684/jpc.2011.0198 253
Dossier
J Pharm Clin 2011 ; 30 (4) : 253-6
Conseils diététiques
chez le patient en insuffisance rénale
Nutrition advises in renal insufficiency patients
Marie-Paule Dousseaux
Service de néphrologie, Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris
Résumé. L’alimentation des patients insuffisants rénaux doit être adaptée aux stades de l’insuffisance rénale, à
la biologie et de fac¸on plus globale au profil du patient, tout en restant variée et équilibrée. Une consultation
auprès d’un diététicien est donc essentielle afin de personnaliser la prise en charge nutritionnelle. Dès l’apparition
de la dégradation de la fonction rénale, la diététique participe à la néphroprotection, en agissant notamment sur
l’hypertension artérielle, la protéinurie, le diabète, le cholestérol, l’obésité et l’hyperuricémie. De même, elle permet
de pallier le déficit du fonctionnement rénal lorsque les complications surviennent, comme les troubles de la kalié-
mie, de la phosphatémie, de la calcémie, de l’urémie et lors de la formation d’œdèmes. Ainsi, l’accompagnement
de ces patients par un diététicien au diagnostic de l’insuffisance rénale et tout au long de l’évolution de sa maladie
doit permettre de contribuer à sa bonne prise en charge globale afin de freiner la dégradation de sa fonction rénale
et de gérer les éventuelles complications qui peuvent survenir.
Mots clés : insuffisance rénale, alimentation, nutrition, diététicien
Abstract. The nutrition of patients with renal impairment should be adapted to the stages of renal fonction, to the
biology and more generally to the patient profile and always with variable and balanced aliments. Consultation
with a dietitian is essential to customize the nutritional management. At the beginning of the deterioration of renal
function, diet can be involved in the protection of kidney, including actions on hypertension, proteinuria, diabetes,
cholesterol, obesity, and hyperuricemia. It also helps to overcome the deficit in renal function when complications
arise as troubles in serum potassium, phosphate, calcium, blood urea and for the formation of edema. Thus,
a dietitian support for these patients at the diagnosis of renal insufficiency and throughout the evolution of the
disease must be able to contribute to its good overall management to slow down the deterioration of renal function
and manage the complications that may arise.
Key words: renal insufficiency, alimentation, nutrition, dietitian
Il est encore trop fréquent d’entendre des conseils
abusifs qui relèvent de croyances concernant
l’alimentation des insuffisants rénaux : suppression
de la viande rouge, sans sel...
Comme dans beaucoup de pathologies chroniques, la
diététique doit être adaptée aux stades de l’insuffisance
rénale, aux résultats biologiques, mais aussi aux habi-
tudes de chaque patient. Il est donc difficile de donner
des conseils sans tenir compte de ces paramètres.
La diététique doit répondre en premier au maintien
de l’état nutritionnel en couvrant les apports de base en
Tirés à part : M.-P. Dousseaux
protéines et en calcium, liés au renouvellement des tis-
sus, ainsi qu’en apportant l’énergie nécessaire à chaque
individu selon ses besoins, par les lipides et les glucides.
Ensuite, elle participe à préserver la santé : pré-
venir les maladies dues à un apport inadéquat de
l’alimentation (obésité, diabète, ostéoporose, dénutrition,
maladies cardiovasculaires...).
Lorsque la maladie rénale s’installe, dès les premiers
stades, la diététique peut aider à ralentir l’évolution de
l’insuffisance rénale [1].
À l’apparition des complications de l’IRC, elle pallie
aussi le déficit du fonctionnement des reins, par un apport
adapté de l’alimentation sans discrimination d’aliments.
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M.-P. Dousseaux
À tous les stades de la maladie, il est important de res-
pecter les habitudes alimentaires et culturelles de chaque
personne, ainsi que de conserver la convivialité des repas
et le plaisir de s’alimenter.
Une alimentation variée
et équilibrée
Pour maintenir un bon état nutritionnel, l’alimentation
doit être variée et équilibrée, composée des différentes
familles d’aliments :
les viandes, poissons ou œufs : 2 fois par jour ;
les produits laitiers (lait, laitages, fromages) : 3 par jour ;
les féculents : céréales, pommes de terre et pain : 3 fois
par jour ;
les fruits : 2 par jour et les légumes:2à3fois par jour ;
les matières grasses : à chaque repas en privilégiant
celles d’origine végétale ;
les boissons : seule l’eau est indispensable, à bien répar-
tir dans la journée et à adapter aux besoins individuels ;
la famille des produits sucrés n’est pas indispensable
et est souvent une source de plaisir. Ces produits doivent
être consommés avec modération, selon les besoins de
chacun ainsi que les traitements en cours et en fonction
de son activité physique.
Un repas est équilibré lorsqu’il est composé d’un ali-
ment de chaque famille indispensable, c’est-à-dire :
1 portion de viande,
1 portion de féculent et/ou pain,
1 à 2 portions de légumes verts,
1 produit laitier,
1 fruit,
un peu de matière grasse,
sans oublier de l’eau.
Au cours de la journée, il est recommandé de fraction-
ner l’alimentation en plusieurs repas (au moins trois).
Une alimentation individualisée
et adaptée à chacun
Afin de prévenir les maladies dues à un apport alimentaire
inadéquat, l’alimentation doit être adaptée aux besoins de
chacun en quantité suffisante selon ses besoins énergé-
tiques, en fonction de son activité physique, sa taille, son
poids, son âge et son sexe... et en tenant compte de ses
résultats biologiques ainsi que de ses traitements.
Préservation de la fonction
rénale
L’insuffisance rénale chronique se caractérise par une
lente dégradation du débit de filtration glomérulaire.
Cependant, la diététique peut contribuer à réguler ou
à équilibrer les différents facteurs qui peuvent accé-
lérer la dégradation de la fonction rénale, et cela,
dès le premier stade de l’insuffisance rénale chronique
[1]. Ces principaux facteurs sont : l’hypertension arté-
rielle, la protéinurie, le diabète, l’hypercholestérolémie et
l’hyperuricémie [1-3].
L’hypertension artérielle
L’alimentation, ainsi que le mode de vie, peuvent contri-
buer à réguler la pression artérielle. La diminution de
l’excès de sel dans la cuisine, en augmentant les aro-
mates et en n’utilisant que modérément les aliments
industriellement salés, optimise l’effet des médicaments
antihypertenseurs. L’adaptation de l’apport et la réparti-
tion au cours de la journée, du potassium et du calcium
influencent aussi favorablement la pression artérielle. La
normalisation de l’indice de masse corporelle est recher-
chée et un diététicien peut aider le patient. Dans tous
les cas, la pratique d’une activité physique régulière est
conseillée [1-3].
La protéinurie
Dans le cas où le patient insuffisant rénal présenterait une
protéinurie, il conviendrait alors de surveiller trois points
particuliers.
Premier point, la prise régulière de médicaments anti-
hypertenseurs est active sur la protéinurie. Second point :
les apports en sels seront à contrôler, notamment en
modérant sa consommation en se limitant à 6-8 g de sel
par jour. Troisième point, les apports en protéine devront
être adaptés, sans excès, afin de contribuer à la diminu-
tion de la protéinurie. La viande, le poisson, les œufs et
les produits laitiers sont indispensables, mais leur apport
quantitatif et leur répartition dans la journée seront adap-
tés selon les besoins [1-3].
Le diabète
Dans le cas des patients atteints de diabète, le contrôle
de la glycémie est essentiel. En effet, son contrôle peut
retarder l’échéance de l’insuffisance rénale. Ainsi, il est
nécessaire de chercher à avoir un équilibre glycémique
par des traitements médicamenteux, le contrôle du poids,
ainsi que celui de glucides, de lipides et de fibres.
L’activité physique est également un facteur important.
Bien entendu, l’ensemble de ces paramètres est à adapter
aux besoins de chacun [1-3].
L’hypercholestérolémie
La normalisation du LDL-cholestérol (ou mauvais choles-
térol) est un facteur de protection de la fonction rénale,
mais aussi de protection cardiovasculaire. Pour cela, les
huiles et les margarines d’origine végétale ainsi que les
poissons gras sont à privilégier. De plus, comme pour le
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contrôle glycémique, la pratique régulière d’une activité
physique est importante [1-3].
L’obésité
Le poids est également un facteur à contrôler. Ainsi, en
cas d’excès de poids, les apports énergétiques sont à
adapter au BMI des patients et notamment l’apport de
lipides et de glucides. De plus, la consommation d’alcool
est à modérer tandis que les dépenses physiques sont à
privilégier.
L’hyperuricémie
La normalisation de l’uricémie permet de préserver la
fonction rénale et de prévenir l’apparition de crise de
goutte et la formation de lithiases urinaires [1-4]. Afin d’y
parvenir, la consommation d’alcool doit être modérée. En
revanche, dans le cas où le patient présenterait un excès
de poids, tous les apports énergétiques seraient à adap-
ter. Ainsi, les quantités de sucres et de glucides sont à
adapter et doivent bien être réparties sur la journée. Les
aliments riches en sucres simples sont à modérer, comme
les sucreries et pâtisseries et il faudra se limiter à 2 fruits
par jour maximum.
De plus, les aliments riches en protéines sont éga-
lement à bien équilibrer en quantité et à répartir sur la
journée
Rôle de la diététique
à l’apparition de complication
dans la régulation de la kaliémie,
la phosphatémie, l’urémie,
la calcémie et des œdèmes
La kaliémie
Chez le patient insuffisant rénal, l’hyperkaliémie entraîne
des crampes musculaires qui peuvent être gênantes pour
le cœur.
La baisse de l’élimination rénale du potassium, entraî-
nant ainsi une hyperkaliémie, nécessite de limiter les
apports alimentaires. Les fruits seront ainsi limités à 2
par jour, soit environ 150 g par fruit. Les légumes et les
pommes de terre seront également à limiter avec une
petite part de crudités : salade, tomate ou concombre au
déjeuner et au dîner. Ainsi qu’une part de légumes cuits
ou de pomme de terre (en alternance avec des lentilles,
des patates douces ou des dachines) une fois par jour.
Ces préparations devront se faire dans un grand volume
d’eau et il faudra jeter l’eau de la cuisson.
Les aliments riches comme les avocats, arachides, noix
de coco, pistaches... devront être consommés en petites
quantités.
Les conseils diététiques visent à permettre un apport
en potassium adapté au patient en contrôlant les excès.
Mais ces conseils ne nécessitent, en aucun cas, de suppri-
mer une famille alimentaire [1-4].
La phosphatémie
La phosphatémie est un paramètre à contrôler chez les
patients insuffisants rénaux. En cas d’excès, des dépôts de
phosphate de calcium dans les tissus peuvent être respon-
sables de démangeaisons et d’un durcissement de la paroi
des vaisseaux sanguins. Il est ainsi nécessaire de contrô-
ler quantitativement la consommation d’aliments riches en
phosphore qui participe à son équilibre sanguin. Ces ali-
ments sont le poisson, la charcuterie, la viande, le fromage
et les produits laitiers. Le phosphore est également pré-
sent dans les préparations prêtes à l’emploi disponibles
dans le commerce, les céréales complètes ainsi que des
fruits et légumes secs.
Cependant, ces aliments apportent également des pro-
téines qui sont indispensables aux patients insuffisants
rénaux chroniques, il est essentiel de ne pas les suppri-
mer, mais d’adapter leur consommation en fonction des
besoins propres à chaque patient.
L’hyperurémie
L’hyperurémie entraîne des nausées, des vomissements
et un dégoût des aliments riches en protéines. Ainsi, il
peut en résulter une perte d’appétit et une diminution
d’apport protidique puis énergétique pouvant entraîner
une dénutrition.
En cas d’hyperurémie, les apports en protéines doivent
être adaptés au besoin de chaque patient et être frac-
tionnés sur l’ensemble de la journée. Les protéines
d’origine végétale produisent autant d’urée que les pro-
téines d’origine animale, cependant, ces dernières ne
contiennent pas les acides aminés essentiels [1-4].
Calcémie et vitamine D
L’insuffisance rénale diminue l’activation de la vitamine D
qui influence l’absorption intestinale du calcium. Selon la
calcémie, la vitamine D est donnée en supplément médi-
camenteux. Le calcium est apporté par les produits laitiers
(3 produits par jour) et certaines eaux de boisson [1-4].
Les œdèmes
Chez le patient insuffisant rénal, les œdèmes peuvent
apparaître aux stades 4 et 5 de l’insuffisance rénale,
lorsque l’élimination du sel est diminuée. Dans le cas où
le patient n’aurait pas d’insuffisance cardiaque associée,
l’alimentation sera normale avec un apport de6à8gde
sel par jour, en évitant aussi bien les excès que les régimes
sans sel strict qui contribuent à une perte d’appétit. De la
même fac¸on, le patient pourra boire à sa soif, mais sans
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M.-P. Dousseaux
se forcer. En effet, il n’est pas conseillé de boire plus sauf
dans le cas où il serait nécessaire de diluer les urines, par
exemple dans le cas d’infection et/ou de calculs urinaires.
Conclusion
La diététique du patient insuffisant rénal chronique néces-
site de connaître certains paramètres biologiques pour
être adaptée sans restriction abusive. En effet, de fac¸on
générale, il n’y a aucun interdit, mais il peut être néces-
saire de réaliser des ajustements au cas par cas, selon le
profil du patient, ces comorbidités et sa fonction rénale.
De plus, il est important de ne pas supprimer automati-
quement et strictement tel ou tel aliment.
Par ailleurs, il est essentiel de garder à l’esprit la
dimension humaine de l’alimentation, avec ses plaisirs,
ses réconforts et également son aspect social et convivial.
En effet, ces éléments contribuent au moral du patient et
également à son observance.
Pour toutes ces raisons, l’accompagnement du patient
insuffisant rénal chronique par un diététicien doit
permettre de réaliser à la fois un bilan complet dès la
prise en charge de l’insuffisance rénale et également tout
au long de l’évolution de la maladie. Ainsi, le diététi-
cien peut tenir compte de l’ensemble des particularités
du patient et son évolution dans le temps afin de réaliser
les adaptations alimentaires nécessaires à son suivi.
Conflits d’intérêts : aucun.
Références
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patient. Renal Nutrition Forum Fall 2007 ; 26 : 26-9.
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K/DOQI, National Kidney Foundation. Am J Kidney Dis 2000;35(6
Suppl. 2) : S1-140.
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