CHANGEMENTS DE RÉGIME ET BAISSE DES RENTABILITÉS PREMIER TRIMESTRE 2017 H ORIZON URO NS UE PETI PE TES CAP ITAL 6,0 ISAT IONS MSCI ÉTAT AC WO S-UN RLD ( IS E N 6,0 USD) MSCI WO RLD (EN USD) 3,6 -UNIS ÉTATS GRADE ENDE MENT UT R INVEST À HA ION 2,2 10 ANS TOUTES MATURITÉS AT INTERN ATIONALES - ONS GATI IM Y UIT P ITÉS UID LIQ 1 10,ITY U EQ 2,2 S UNI STAT É 1,2 E ROP EU ITÉS QUID 1,2 UISSE ITÉS S 1,2 ME-UNI ROYAU UIDITÉS UNIS TE A RIV EQ P LIQ E ILI B MO LIQUID ACTIONS ÉTATS- ACTIONS TE A RIV LI 5,3 11% H IGAT TIO S IN MEN ATI VES OB T ÉTA 5 O LIG TME TS-U ,1 ATI LIG NS IN NT G NIS 1 ON , AT VE R 4 ADE SÀ STM ION UE HAU SÀ EN TR TG HA E ND RA UT E DE ME 3,2 RE NT INT ND UE ER EM NA TIO 3 EN NA ,6 TI LES NT ER NA TIO 5 NA ,5 LE S SE ISA ED OB ION E RO 6,0 R F GE LIG ACT ISS AL 4,1 DS UN OB 5,7 SU PIT EU OBLI NS 4,7 CA NE OBL TIO ES ZO ATIONS TIT NS OBLIG 5,3 OBLIG. D'ÉT 5,0 AC 5,0 TIO OBLIG. D'ÉTAT INTERNATIONA LES - -0,4 À 10 ANS OBLIGATIONS D’ÉTAT JAPON I À 10 ANS YAUME-UN 1,1 S D’ÉTAT RO OBLIGATION 10 ANS ANS -0,4 AND À À 10 ALLEM NS ISSE BUND 10 A AT SU D’ÉT IN À -0,8 ONS RICA GATI AMÉ OBLI SOR TRÉ S DU 2,2 TION A G I OBL PON S JA HOR SIE ON 6,8 IONS A ,0 NS JAP 3 O I I ACT T UN AC EUM YA RO A S 6,4 CTION PE AC 2,2 RENTABILITÉS ANNUELLES MOYENNES AT TENDUES À 10 ANS (%, EN DEVISES LOCALES) 0 N LIQUIDITÉS JAPO 0% 0% OBLIGATIONS D'ÉTAT OBLIGATIONS D’ENTREPRISE ACTIFS ALTERNATIFS LIQUIDITÉS 11% TABLE DES MATIÈRES AVANT-PROPOS Changements de régime et baisse des rentabilités au programme de la prochaine décennie 4 RENTABILITÉS: 10 POINTS INATTENDUS DANS NOS ATTENTES À 10 ANS7 1. TENDANCES DE LONG TERME 1.1 Identifier les régimes économiques et les points de rupture Régimes économiques et changements de régime L’inflation et ses vecteurs 8 11 12 1.2 Quand la stagnation séculaire rencontre un choc d’innovation 14 1.3 Le facteur «marchés émergents» 18 1.4 Politique monétaire: durablement accommodante, sans «saut quantique» 24 2. RENTABILITÉS ATTENDUES 2.1 Rentabilités attendues pour les dix prochaines années 28 2.2 Rentabilités attendues: nos grands principes 30 2.3 Rentabilités attendues: ce qu’il faut retenir pour les principaux actifs 35 Annexe46 CHANGEMENTS DE RÉGIME ET BAISSE DES RENTABILITÉS AU PROGRAMME DE LA PROCHAINE DÉCENNIE Chère lectrice, Cher lecteur, Vous découvrirez dans cette nouvelle édition d’Horizon nos dernières prévisions de rentabilité pour les principales classes d’actifs durant les dix prochaines années. Nos conclusions s’appuient sur une méthodologie originale que nous avons développée au cours des deux dernières décennies afin d’appréhender les dynamiques sous-jacentes aux tendances macroéconomiques et de marché de long terme. Christophe DONAY Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique Chef stratège Pour l’allocation d’actifs stratégique et la planification des investissements à long terme, bien comprendre les tendances économiques sousjacentes s’avère essentiel. Pour les décisions tactiques, il faut également identifier les changements au sein des tendances de long terme, car cela permet aux investisseurs de faire des choix pertinents pour, à la fois, protéger et accroître leur capital. Ceux qui n’y parviennent pas s’exposent à des conséquences désagréables. Changements de régime D’après nos observations, les tendances de long terme durent une dizaine d’années, puis les dynamiques évoluent de manière radicale: c’est ce que nous appelons un «changement de régime». Ces changements de régime ont un impact sur les classes d’actifs, tout comme sur la croissance et l’inflation. Sur ce dernier point, nos lecteurs noteront une différence significative par rapport aux précédentes éditions d’Horizon: nous avons choisi de ne plus séparer les rentabilités anticipées qui intègrent un choc d’innovation de celles qui ne l’intègrent pas. Cela s’explique par le fait que nous sommes convaincus qu’un choc d’innovation se profile et qu’exclure ses répercussions sur la croissance nominale n’aurait aucun sens. Ainsi, même si les effets contrastés et transformateurs du choc d’innovation sur, par exemple, la productivité commencent tout juste à se faire sentir, nous les avons pleinement intégrés à nos prévisions de croissance et d’inflation, à l’instar d’autres facteurs tels que la politique monétaire ou l’évolution du rôle des marchés émergents. «Notre scénario central anticipe une croissance annuelle moyenne de 1,25% dans la zone euro et de 4,5% en Chine au cours des 10 ans à venir.» Nous concluons que, les effets de la crise financière de 2008-2009 s’estompant, une «normalisation» progressive de l’inflation et de la croissance interviendra dans les prochaines années dans les grandes économies, qui devraient trouver un nouvel équilibre. La peur lancinante de la déflation, voire de la désinflation, pourrait disparaître, la Chine cessant d’exercer des pressions baissières sur les prix. L’inflation restera pourtant historiquement faible et devrait, d’après notre scénario central, s’établir à 2% en moyenne aux Etats-Unis et 1,25% dans la zone euro dans la prochaine décennie. A contrario, elle devrait dépasser d’un demi-point son niveau des dix dernières années en Chine, où les prix à la consommation devraient progresser en moyenne de 3,0% par an. La croissance devrait quant à elle entrer dans une nouvelle dynamique. En partant du principe que l’impact du choc d’innovation sur le taux de croissance économique dans son ensemble s’avérera relativement modeste, notre scénario central table sur une croissance de 2,25% du PIB Page 4 Premier trimestre 2017 réel des Etats-Unis par an (sans tenir compte de la possibilité que les éventuelles réformes, baisses de la fiscalité ou mesures protectionnistes de l’administration Trump ne déclenchent un nouveau changement de régime). Notre scénario central anticipe une croissance moyenne de 1,25% dans la zone euro et de 4,5% en Chine dans les dix prochaines années, un chiffre nettement inférieur aux 8,6% enregistrés entre 2008 et 2015. Les changements de dynamique macroéconomique que nous observons sont répercutés dans nos calculs de rentabilité attendue pour les classes d’actifs. «Le marché haussier obligataire qui prévaut depuis plusieurs décennies semble toucher à sa fin.» Repli en vue pour les rentabilités de la majorité des classes d’actifs Selon notre analyse, dans les dix prochaines années, les rentabilités nominales annuelles, dividendes inclus, d’un grand nombre de classes d’actifs vont reculer. D’après les tendances de croissance potentielle et d’inflation, les rentabilités des actions américaines pourraient s’établir à tout juste 5%1 au cours de la décennie à venir, contre une moyenne historique d’environ 7%. Inversement, les actions européennes et japonaises pourraient s’en tirer mieux que par le passé et réduire le différentiel de performance par rapport à leurs homologues américaines. Pourtant, de manière générale, les rentabilités à attendre des actions développées sur les dix prochaines années devraient être inférieures d’un tiers à la moyenne des 46 dernières années. Mais ce sont les obligations qui traverseront le changement de régime le plus marquant. Le marché haussier qui prévaut depuis plusieurs décennies semble toucher à sa fin. Au cours de la prochaine décennie, les rentabilités annuelles des bons du Trésor américain risquent ainsi d’être inférieures de moitié aux 4,8% affichés ces dix dernières années (en devise locale). De leur côté, les Bunds allemands, ainsi que les obligations d’Etat suisses et japonaises, devraient enregistrer des rentabilités négatives dans les dix prochaines années. En prenant le début du marché haussier (1981) comme point de départ, nous en arrivons à la conclusion que les rentabilités totales des obligations d’Etat devraient ressortir, au cours de la prochaine décennie, à tout juste un quart de ce qu’elles ont enregistré au cours des quatre dernières décennies. Ce changement de régime s’explique par l’évolution des taux d’intérêt: les taux longs ont reculé de manière quasi continue pendant 35 ans. Or, aujourd’hui, les taux amorcent une hausse progressive, associée à une normalisation de la croissance et à des défis démographiques. Pour l’allocation d’actifs, ces conclusions ont une double conséquence. Tout d’abord, le repli des rentabilités anticipées des actions et la baisse plus forte encore des obligations d’Etat signifient que les rentabilités d’un portefeuille 60/40 classique pourraient chuter de moitié à environ 4% par rapport à la précédente décennie. Deuxièmement, et même s’il reste légitime de continuer de considérer les obligations souveraines de référence comme un moyen de protéger les portefeuilles, la tendance à la convergence entre taux à long terme et PIB nominal signifie que cette protection engendrera un coût. La volatilité des marchés obligataires s’accroît: il existe un risque non négligeable de perdre plusieurs années de gains. 1 Toutes les rentabilités mentionnées correspondent à des rentabilités nominales annualisées moyennes en devises locales, coupons et dividendes réinvestis. Page 5 RENTABILITÉS TOTALES D’UN PORTEFEUILLE AMÉRICAIN CLASSIQUE 60/40 (60% D’ACTIONS, 40% D’OBLIGATIONS) ET DE PORTEFEUILLES AMÉRICAINS ACTIONS/OBLIGATIONS À NIVEAUX SPÉCIFIQUES DE RISQUE (PARITÉ DE RISQUE), 1970-2016 80 000 Portefeuille à parité de risque avec effet de levier visant une volatilité de 10% Rentabilité totale d’un portefeuille 60/40 Portefeuille à parité de risque avec effet de levier visant une volatilité de 8% Portefeuille à parité de risque sans effet de levier 8 000 800 *80 70 75 80 85 90 95 00 05 10 15 * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Les données couvrent la période allant du 1er janvier 1970 au 30 novembre 2016. Source: PWM - AA&MR, Thomson Reuters Mais, avant de se ruer vers la sortie, distinguons le rendement de la protection. Bien que les obligations d’Etat puissent encore offrir une certaine protection, il faudra faire très attention au risque de duration. Au sein de l’univers obligataire, la dette d’entreprise à haut rendement et les titres émergents devraient offrir des rentabilités plus élevées, mais également induire un risque plus conséquent. Diversification des portefeuilles Notre recherche permet de bien appréhender le rapport entre risque et rentabilité (voir graphique). Entre 1970 et fin 2016, un portefeuille 60/40 classique (investi à 60% en actions américaines et à 40% en bons du Trésor américain) aurait affiché une rentabilité totale annuelle nominale moyenne de 9,6% en dollars. Ce chiffre est supérieur aux 8,9% générés par un portefeuille à parité de risque (risk parity, c’est-à-dire avec la même contribution au risque de la part des actions du S&P 500 et des bons du Trésor à 10 ans) sur la même période. Mais il s’avère nettement inférieur aux 13,7% affichés par un portefeuille à parité de risque qui utilise l’effet de levier pour cibler une volatilité de 10%. D’après nos recherches, les rentabilités s’inscriront en forte baisse dans les dix prochaines années, aussi bien pour les portefeuilles classiques que pour les portefeuilles à parité de risque avec divers objectifs de volatilité. Un portefeuille 60/40 traditionnel devrait générer une rentabilité annuelle moyenne de 4,1%, c’est-à-dire moitié moins que par le passé. Et le repli des rentabilités des portefeuilles à parité de risque sera encore plus marqué, en grande partie en raison de l’évolution du profil de risque/rentabilité des investissements obligataires et de la corrélation entre obligations et actions que nous prévoyons dans les dix prochaines années. D’après nos calculs, un portefeuille à parité de risque devrait enregistrer une rentabilité annuelle moyenne de 3,1%, tandis qu’un portefeuille à parité de risque utilisant l’effet de levier pour viser une volatilité de 8% afficherait une rentabilité annuelle de 3,4%. Heureusement, il est possible de compenser le déclin des rentabilités attendues des classes d’actifs traditionnelles. Les actifs alternatifs en font partie, notamment le private equity et le private equity immobilier. Pour le premier, nous anticipons une rentabilité très largement supérieure à celle des actions. En outre, une éventuelle reprise de l’inflation jouerait en faveur des portefeuilles qui se sont diversifiés à travers des placements alternatifs. Mais ces derniers ont un coût: celui de l’illiquidité. Page 6 Premier trimestre 2017 Rentabilités: 10 points inattendus dans nos attentes à 10 ans 1. Les rentabilités des actifs sont instables, même à dix ans. L’analyse historique révèle que, sur une décennie, les bons du Trésor américain à 10 ans ont enregistré des rentabilités totales comprises entre 1% et 15% par an. Même si cette fourchette est moins large que celle des actions, la dispersion reste suffisante pour montrer qu’une période de dix ans est peut-être trop courte. 2. Les actions devraient afficher des rentabilités attractives, mais inférieures à celles de ces dix dernières années. Sur de très longues périodes, les grandes sociétés cotées à la bourse américaine ont affiché une rentabilité totale moyenne de 8,6% par an. Pour la prochaine décennie, nous attendons une rentabilité annuelle moyenne de 5,3%, soit une baisse de 3,3 points de pourcentage. Et la différence s’avère plus flagrante encore si l’on compare les rentabilités attendues aux performances des cinq dernières années. 3. L’âge d’or des obligations souveraines à 10 ans est révolu. Après 35 ans de baisse des rendements à long terme, le vaste changement de régime que nous prévoyons pour la décennie à venir correspond à une hausse des taux d’intérêt, à court comme à long terme. 4. L’action des banques centrales va redorer la rentabilité des liquidités En période de normalisation des taux d’intérêt, à l’instar de celle qui a débuté aux Etats-Unis et devrait s’amorcer dans d’autres régions du monde dans les prochaines années, les liquidités américaines pourraient offrir des taux de rentabilité comparables à ceux des obligations souveraines américaines à 10 ans. 5. Le haut rendement n’a pas toujours enregistré des rentabilités comparables à celles des actions. Malgré leurs différences, les obligations d’entreprise à haut rendement (HY) ont enregistré des rentabilités comparables à celles des actions ces dernières années. Il s’agit d’une exception à la tendance historique, caractérisée par une dispersion importante entre ces deux classes d’actifs. Selon nous, le high yield (HY) américain engrangera une rentabilité totale moyenne de 5,1% au cours de la prochaine décennie, un chiffre proche des 5,3% anticipés pour le S&P 500 sur la même période. Nos prévisions s’appuient sur l’hypothèse d’un taux de perte conforme à la moyenne historique du HY. 6. Le taux d’intérêt servi par les obligations d’entreprise investment grade constitue une bonne estimation des rentabilités attendues à dix ans. Historiquement, les taux d’intérêt des obligations d’entreprise investment grade ont constitué un bon baromètre des rentabilités attendues à 10 ans pour cette classe d’actifs. Et cela devrait se vérifier dans la prochaine décennie. 7. La rentabilité d’un portefeuille équilibré devrait être inférieure d’un tiers à la moyenne de long terme dans les dix prochaines années. Au cours des trente dernières années, un portefeuille américain 60/40 (60% d’actions, 40% d’obligations d’Etat) a généré une rentabilité moyenne de 9% par an.A l’heure actuelle, nos prévisions à dix ans pour ce type de portefeuille s’établissent à 4,1% par an, chiffre inférieur de plus de 50% à la moyenne historique. 8. L’horizon temporel bouleverse les anticipations. La normalisation anticipée des taux courts et longs pénalisera les rentabilités des obligations, notamment au début du cycle de hausse des taux, car il faudra du temps au coupon pour compenser la perte de prix engendrée par l’augmentation des taux d’intérêt. 9. Marchés des changes et marchés obligataires peuvent diverger. Alors que les investisseurs ont tendance à observer la courbe des taux pour anticiper la trajectoire des devises, les marchés des changes à terme n’envoient pas exactement les mêmes signaux que les marchés des obligations souveraines à 10 ans. Nos calculs de rentabilités attendues intègrent de possibles turbulences au niveau des devises. 10.Les actifs illiquides peuvent soutenir un portefeuille diversifié. Désireux de compenser la baisse de rentabilité des classes d’actifs traditionnelles, les investisseurs se tournent vers des alternatives possédant une prime de risque. Malgré son illiquidité, le private equity devrait enregistrer des performances supérieures à celles des actions cotées. Page 7 TENDANCES DE LONG TERME 1.1. Introduction Identifier les régimes économiques et les points de rupture Quel régime attendre pour l’avenir? Telle est la question qui anime les débats économiques. De tous les facteurs fondamentaux qui peuvent influencer les prix des actifs, deux variables macroéconomiques en particulier jouent un rôle central dans l’évolution des rentabilités à long terme: la croissance réelle et l’inflation. Elles présentent une corrélation élevée à long terme avec les performances des principales classes d’actifs.Après des années de crises économiques et financières, la nature des futurs régimes de croissance et d’inflation suscite un débat animé entre économistes et investisseurs: stagnation séculaire ou retour de la croissance? Inflation ou déflation? En tant qu’investisseurs, nous devons choisir notre camp dans ce débat, ce qui influencera très nettement nos décisions d’investissement, l’allocation stratégique que nous mettons en œuvre pour nos clients et in fine les rentabilités anticipées des portefeuilles. Mais deux grandes questions se posent. D’une part, les tendances économiques séculaires ne font l’objet d’aucun consensus et toute erreur de jugement peut s’accompagner d’une sous-performance marquée. D’autre part, nous devons partir du principe qu’au cours des dix prochaines années, les régimes économiques pourront s’avérer instables et intégrer la possibilité qu’ils évoluent (voir encadré «Régimes économiques et changements de régime»). RÉGIMES D’ARRIVÉE DES PRINCIPALES ÉCONOMIES (PROJECTIONS INTERNES) Croissance réelle Inflation Etats-Unis 2,25% 2,00% Europe 1,25% 1,25% Chine 4,50% 3,00% 30 novembre 2016 Page 8 Une normalisation douloureuse et lente, avec un potentiel de hausse modéré Un nouveau choc est-il en train de se profiler? Engendrera-t-il un changement de régime économique? Quelles seront les répercussions sur les rentabilités des classes d’actifs? Telles sont les questions clés que nous nous poserons dans la présente étude. Dans les sections suivantes, nous nous concentrerons sur l’innovation, l’évolution du rôle des marchés émergents et la politique monétaire, car ils constituent à l’heure actuelle les trois principaux vecteurs structurels de croissance et d’inflation. Nous conclurons qu’une lente normalisation de la croissance et de l’inflation devrait se poursuivre dans les trois à cinq prochaines années, avec des risques haussiers localisés, notamment aux Etats-Unis et en Chine. En d’autres termes, et pour des raisons différentes, nous n’appartenons ni au camp de la stagnation séculaire, ni à celui de la déflation. Nous sommes également convaincus qu’un nouveau choc d’innovation se profile, non sans poser un certain nombre de questions: Comment mesurer ce choc? Quel sera son potentiel disruptif? Quel impact aura-t-il sur la croissance économique dans son ensemble? Afin de caractériser le régime économique d’équilibre attendu dans une décennie (voir tableau ci-dessous) et en prenant l’hypothèse d’un choc d’innovation sans impact majeur sur le potentiel de croissance, nous prévoyons une croissance réelle du PIB d’environ 2,25% aux Etats-Unis, 1,25% dans la zone euro et 4,5% en Chine. Source: Pictet WM - AA&MR Premier trimestre 2017 · En Chine, nous n’anticipons pas de crise financière majeure, mais de nouvelles évolutions de la structure de l’économie en raison de la fin du «supercycle» des matières premières. La croissance devrait ressortir à 4,5% en moyenne par an jusqu’en 2025, contre 8,6% en moyenne sur la période 2008-2015 (voir section 3). · Notre prévision pour les Etats-Unis s’avère légèrement supérieure à celle du bureau du budget du Congrès américain, en grande partie en raison de l’augmentation progressive de la productivité totale des facteurs, dans le sillage du choc d’innovation. · En Europe, nos projections de long terme sont conformes aux hypothèses relativement prudentes de la Commission européenne1, y compris en termes d’évolution de la population et de la main-d’œuvre, mais nous sommes légèrement moins optimistes en matière de productivité du capital et de productivité totale des facteurs. S’agissant de l’inflation, le sentiment du marché s’est totalement inversé à la mi-2016, les paris sur la reflation s’étant amplifiés après les élections américaines de novembre. Sur le plan tactique, notre scénario macroéconomique anticipe une poursuite de la reflation dans les pays RÉGIMES D’ARRIVÉE EN FONCTION DES SCÉNARIOS D’INFLATION ET DE CROISSANCE La courbe de Phillips tient Diffusion de l’innovation La courbe de Phillips rompt RÉGIME DE DÉPART PIB Inflation Etats-Unis 2,75% 2,5% Europe 1,5% 1,75% Chine 5,0% 3,5% PIB Inflation Etats-Unis 2,75% 2,0% Europe 1,5% 1,25% Chine 5,0% 3,00% RÉGIME D’ARRIVÉE Scénario de référence: choc d’innovation perturbateur à diffusion lente, relation de Phillips ténue PIB Inflation Etats-Unis 2,0% 2,0% Europe 1,5% 1,25% Europe 1,25% 1,25% Chine 6,5% 3,0% Chine 4,50% 3,0% PIB Inflation Pas de diffusion de l’innovation La courbe de Phillips tient La courbe de Phillips rompt 30 novembre 2016. PIB Inflation Etats-Unis 2,25% 2,0% Etats-Unis 1,5% 2,0% Europe 0,75% 1,25% Chine 4,0% 3,0% PIB Inflation Etats-Unis 1,5% 1,5% Europe 0,75% 0,75% Chine 4,00% 2,5% Source: Pictet WM - AA&MR 1 Voir European Commission Economic Papers 535, The Production Function Methodology for Calculating Potential Growth Rates & Output Gaps, novembre 2014. Page 9 développés en 2017, même si des risques résiduels demeurent, à commencer par le processus de désendettement et le niveau élevé du chômage dans certains pays. La croissance du PIB nominal devrait toutefois se raffermir dans la majorité des pays développés, et les forces désinflationnistes continuer de l’emporter dans les premières phases du choc d’innovation, notamment dans les pays toujours en phase de désendettement et/ou pénalisés par des contraintes démographiques (le Japon par exemple). Nous prévoyons néanmoins une normalisation lente et hétérogène de la dynamique des salaires et des prix au cours de la prochaine décennie. Notre régime d’arrivée, dans lequel la courbe de Phillips s’est aplatie mais reste toujours valable (voir section «L’inflation et ses vecteurs»), prévoit une inflation s’établissant en moyenne à 2% par an aux Etats-Unis et à 1,25% dans la zone euro, avec un potentiel de hausse limité. Cependant, force est de constater que l’élection de Donald Trump en novembre 2016 pourrait changer la donne. A l’heure où nous écrivons ces lignes, les projets de son administration restent flous, et des doutes subsistent: Une relance par une politique de l’offre massive interviendra-t-elle outre-Atlantique dans les années à venir ou priorité sera-t-elle donnée à une vague de protectionnisme? Quoi qu’il en soit, l’impact sur les prix Page 10 et la croissance pourrait entraîner une modification de nos perspectives de long terme et de nos prévisions de rentabilité pour les dix prochaines années. Parallèlement, dans certains pays émergents (dont la Chine), l’inflation pourrait faire son retour pour d’autres raisons, notamment des évolutions démographiques, sociales et économiques, même s’il est difficile de savoir dans quelle mesure cette inflation «s’exportera» aux économies développées. Les banques centrales pourraient, de leur côté, faire preuve de prudence pendant un certain temps. Elles interviendront pour contrer tout regain de pressions déflationnistes, mais sans pour autant opter pour des stratégies totalement inédites. En ce qui concerne les scénarios alternatifs, le diagramme de la page 9 illustre les répercussions potentielles des différentes hypothèses en matière d’innovation et de courbe de Phillips sur les deux grandes variables macroéconomiques qui influencent notre allocation stratégique privilégiée, la croissance et l’inflation. Dans notre scénario de croissance soutenue et d’inflation forte, ce sont les Etats-Unis qui profiteraient le plus d’un choc d’innovation de grande ampleur, avec un «bonus de croissance» de 0,50 point de pourcentage dans le régime d’arrivée, contre 0,25 point pour l’Europe. Premier trimestre 2017 RÉGIMES ÉCONOMIQUES ET CHANGEMENTS DE RÉGIME Nous définissons un régime économique comme un ensemble de mécanismes fondamentaux produisant un certain niveau de croissance réelle et d’inflation. Ces mécanismes dépendent de l’interaction entre les agents économiques (ménages et entreprises), ainsi que de leurs comportements respectifs, tout en tenant compte de l’instabilité de la moyenne/tendance d’inflation et de croissance dans le temps. GRAPHIQUE 1: RÉGIMES DE CROISSANCE RÉELLE DU PIB ET D’INFLATION AUX ÉTATS-UNIS, 1953-2016 PIB américain réel Moyenne mobile sur deux ans (%) 14 IPC américain 12 10 8 6 4 2 0 -2 50 55 60 65 70 75 Données couvrant la période 01.01.1953-30.06.2016 80 85 90 95 00 05 10 15 Source: Bureau of Economic Analysis (BEA), Bureau of Labor Statistics (BLS), Pictet WM - AA&MR En quelques mots, lorsque nous analysons les mutations profondes qui jouent sur les tendances économiques réelles, nous envisageons trois scénarios: inflation standard, inflation faible et inflation forte. Puis nous les confrontons à trois projections de croissance (standard, faible et forte) pour obtenir neuf régimes économiques potentiels (certains étant plus probables que d’autres). Ces régimes sont résumés au tableau 1. TABLEAU 1: SYNTHÈSE DES RÉGIMES ÉCONOMIQUES Croissance atone (1%) Croissance standard (2,5%) Choc d’innovation (4%) Inflation faible/déflation π = 0,5% Environnement déflationniste Europe, années 2010 Improbable Improbable Inflation standard π = 2% «Nouvelle norme» Etats-Unis, années 2000 «Goldilocks» Etats-Unis, années 1990 Age d’or Etats-Unis, années 1980 Inflation forte π = 4% Stagflation Etats-Unis, années 1970 Environnement inflationniste Economies émergentes, années 1970 Surchauffe Chine, années 2000 30 novembre 2016. Source: Pictet WM - AA&MR Point essentiel: des chocs peuvent entraîner un changement de régime. Il s’agit notamment des crises financières, des choix politiques et sociaux, des révolutions ou des innovations technologiques. Parmi les chocs d’innovation, citons par exemple la révolution des technologies de l’information et de la communication qui a fait entrer les Etats-Unis dans un régime de croissance soutenue au milieu des années 1990. Les changements de régime peuvent également résulter de l’instabilité intrinsèque du capitalisme (comme l’a brillamment analysé Hyman Minsky). En règle générale, bonnes et mauvaises surprises surviennent en alternance. Notre analyse des régimes économiques nous permet de jauger les tendances potentielles, et donc de calculer les rentabilités anticipées des classes d’actifs et d’élaborer l’allocation stratégique. Notre appoche comporte une analyse en profondeur des régimes économiques, examinant les régimes de départ, les changements de régime et les régimes d’arrivée. * Régime de départ. En étudiant les chiffres moyens de l’inflation et de la croissance réelle sur les deux à trois dernières années, nous pouvons déterminer le régime actuel. * Changement de régime. Nous cherchons à identifier les évolutions potentielles du régime. * Régime d’arrivée. Nous essayons de prévoir le régime qui prévaudra dans dix ans (notre horizon habituel d’investissement). Nous adoptons la même approche pour toutes les régions: nous estimons le potentiel d’activité en utilisant des fonctions de production simples (Cobb-Douglas), associées aux facteurs de production (travail et capital) et multipliées par la productivité totale des facteurs. Nous complétons nos modèles quantitatifs par une évaluation qualitative de l’environnement économique (contexte politique, institutions et politiques publiques y compris) et tenons compte des changements de régime potentiels en ajustant à la fois les facteurs de production et les estimations finales. Page 11 L’INFLATION ET SES VECTEURS L’influence de l’inflation sur l’évolution à court terme des marchés s’est d’ores et déjà accentuée, ne serait-ce que parce que les effets de base de la baisse des matières premières en 2015 ont disparu, dopant l’inflation globale au moment où l’inflation sous-jacente est stable (en Europe) ou amorce un rebond progressif (aux Etats-Unis). Mais il est essentiel de distinguer les évolutions à court terme des prix à la consommation des tendances séculaires. Plusieurs décennies de décélération de l’inflation L’indice des prix à la consommation (IPC) s’inscrit dans une tendance baissière structurelle depuis plus de 30 ans, passant d’une progression à deux chiffres au début des années 1980 à quasiment 0% fin 2015 dans les pays développés. C’est d’abord un choc cognitif - à savoir le choix du ciblage de l’inflation par les banques centrales dans les années 1990 - qui a fait chuter l’inflation de façon durable dans les économies avancées. D’autres changements structurels ont également joué un rôle important, notamment la chute du communisme en Europe de l’Est, les réformes des marchés en Chine et des évolutions démographiques majeures. Tous ces éléments ont ouvert la voie à une nouvelle phase de la mondialisation, caractérisée par l’intégration d’un immense vivier de main-d’œuvre à l’économie mondiale, avec à la clé une baisse des coûts de fabrication. La sévérité de la crise financière de 2008-09 a engendré un choc déflationniste considérable, même si le mouvement de désinflation qui a suivi s’est avéré moins intense qu’il n’aurait pu l’être compte tenu de l’effondrement de l’activité. Si l’action des banques centrales a permis d’éviter une déflation en bonne et due forme, l’inflation est restée anémique lors de la reprise qui a succédé à la crise (oscillant autour de 0% dans la majorité des économies développées), ce qui suggère un affaiblissement du lien entre activité économique d’une part et salaires et prix d’autre part. Les répercussions conjoncturelles de l’après-crise financière se sont ajoutées aux forces structurelles qui pesaient d’ores et déjà sur les prix. Plus récemment, la fin du «supercycle» des matières premières est également venue accentuer les pressions déflationnistes. GRAPHIQUE 2: COURBE DE PHILLIPS AUX ÉTATS-UNIS, COMPARAISON 1970-1993 ET 1994-2015 1 Facteurs mondiaux et facteurs locaux L’ampleur d’un éventuel rebond de l’inflation dépend, au final, de la robustesse de la «courbe de Phillips» (CP), c’est-à-dire de la relation inverse entre chômage et inflation formalisée dans les années 1950 par William Phillips. La pertinence de la CP a été remise en cause par le passé, notamment pendant la période de «stagflation» des années 1970, au cours de laquelle Milton Friedman a estimé que l’évolution des anticipations d’inflation risquait de modifier cette relation. Des recherches récentes ont tenté de concilier les versions actualisées de la CP et les tendances récentes en matière d’indicateurs macroéconomiques (notamment les modèles néokeynésiens augmentés des anticipations et d’estimations du taux de capacités inutilisées sur le marché du travail variant dans le temps). De nombreuses études empiriques indiquent ainsi que la CP s’est considérablement aplatie dans les années 1980 et 1990, avant de se stabiliser à nouveau depuis peu. De l’avis général, la CP n’est plus linéaire, elle est sujette à des effets de seuil et dépend de plus en plus de facteurs mondiaux. En revanche, le débat fait toujours rage pour savoir si des évolutions structurelles ont modifié (voire détruit) la relation sous-jacente entre utilisation des ressources et inflation. Au niveau mondial, le contexte actuel d’inflation modérée semble résulter de chocs de demande négatifs, tandis qu’au niveau local, la capacité de la CP à décrire la réalité dépend de la conclusion du débat (et des réponses qui en découlent) entre ceux qui voient une faiblesse conjoncturelle du marché du travail et ceux qui y décèlent une faiblesse structurelle. GRAPHIQUE 3: COURBE DE PHILLIPS DANS LA ZONE EURO, COMPARAISON 1970-1993 ET 1994-2015 1970-19931 1994-20152 3,0 4,0 5,0 6,0 Taux de chômage aux Etats-Unis (%) 7,0 8,0 9,0 10,0 11,0 Données couvrant la période 01.01.1970-31.12.1993 2 Données couvrant la période 01.01.1994-31.12.2015 Page 12 Source: BEA, BLS, Pictet WM - AA&MR IPCH de la zone euro (%) 16 Indice PCE sous-jacent (%) 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 La question essentielle, qui aura des conséquences profondes sur de multiples classes d’actifs, est désormais de savoir si cette période prolongée de désinflation se poursuivra dans les années qui viennent ou si une embellie semble enfin se profiler. 14 12 10 8 1970-19931 1994-20152 6 4 2 0 2,0 4,0 6,0 8,0 10,0 12,0 14,0 Taux de chômage dans la zone euro (%) Source: Eurostat, Pictet WM - AA&MR Premier trimestre 2017 S’appuyant sur l’hypothèse d’un taux de chômage n’accélérant pas l’inflation (taux NAIRU), plus bas que prévu aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, des preuves empiriques récentes suggèrent un possible regain de pentification de la CP. Le cas échéant, pour que l’inflation enregistre un rebond plus net et plus durable, un raffermissement de la croissance et des anticipations d’inflation s’avérera nécessaire. Nos simulations internes, fondées sur des études récentes de la BCE, semblent confirmer ce point de vue et suggèrent que, depuis la mi-2015, une proportion croissante des surprises en termes d’inflation (c’est-à-dire des écarts par rapport aux tendances passées) s’explique par des facteurs locaux. Cette tendance doit encore être validée, mais les banques centrales seront tentées de conclure que les récentes bonnes surprises en termes d’inflation et de croissance proviennent en partie du fait que leurs mesures non conventionnelles produisent désormais des effets plus visibles qu’auparavant. GRAPHIQUE 4: VECTEURS D’INFLATION AUX ÉTATS-UNIS (IPC ET ÉCARTS P. R. AU SCÉNARIO DE RÉFÉRENCE) 1,5 % Parallèlement, la croissance réelle des salaires s’est avérée vigoureuse et le coût unitaire du travail s’est inscrit en hausse en raison de la faible progression de la productivité. Dans les pays où le cycle économique et de désendettement est le plus avancé, l’évolution des salaires semble cohérente avec des tensions sur le marché du travail et un nouveau régime de CP. Dans les pays plus en retard, des risques baissiers continuent de planer sur l’inflation, notamment via un «désencrage» des anticipations. Et plus l’économie est fragile, plus les risques sont importants. En conclusion, la CP est affaiblie, mais elle n’est pas morte. La hausse de l’inflation engendrée par le plein emploi demandera peut-être plus de temps que par le passé. En outre, l’inflation risque d’atteindre des sommets moins élevés que ceux que prévoyaient les anciens modèles. GRAPHIQUE 5: VECTEURS D'INFLATION DANS LA ZONE EURO (IPCH ET ÉCARTS P. R. AU SCÉNARIO DE RÉFÉRENCE) 1,5 1,0 1,0 0,5 0,5 0,0 Spécifiques Sous-jacents Matières premières (pétrole inclus) Différence -0,5 -1,0 -1,5 -2,0 -2,5 -3,0 2012 2013 2014 2015 0,0 Spécifiques Sous-jacents Matières premières (pétrole inclus) Différence -0,5 -1,0 -1,5 -2,0 -2,5 -3,0 2016 % 2012 2013 2014 2015 2016 Données couvrant la période 1er trim. 2012 - 1er trim. 2016 Données couvrant la période 1er trim. 2012 - 1er trim. 2016 Source: BLS, ECB, Bobeica & Jarocinski (2015), Pictet WM - AA&MR Source: BLS, ECB, Bobeica & Jarocinski (2015), Pictet WM - AA&MR GRAPHIQUE 6: VARIATION ANNUELLE DU SALAIRE RÉEL MÉDIAN AUX ÉTATS-UNIS, 1980-2015 6,0 % 4,0 2,0 0,0 -2,0 -4,0 -6,0 -8,0 80 85 90 95 00 05 10 Données couvrant la période 2e trim. 1980 - 3e trim. 2016 15 Source: BLS, Pictet WM - AA&MR Page 13 1.2 Quand la stagnation séculaire rencontre un choc d’innovation L’innovation et le casse-tête de la productivité Lorsqu’on analyse le régime économique actuel et qu’on évalue la probabilité d’un changement de régime, il est essentiel de tenir compte de l’innovation. Les tendances démographiques et les gains de productivité sont souvent considérés comme deux grands vecteurs de croissance économique réelle. L’innovation, de son côté, constitue un moteur majeur de ces gains de productivité. Dans son étude intitulée The Rise and Fall of American Growth, Robert J. Gordon estime que la forte croissance aux EtatsUnis dans les décennies qui ont précédé le choc pétrolier des années 1970 pourrait s’expliquer principalement par un bond de la productivité découlant d’innovations qui avaient commencé de transformer l’économie dès la fin du XIXe siècle, notamment l’électricité, le téléphone, le chemin de fer et l’automobile. Pourtant, l’innovation demeure un concept mal compris en économie. Il faut absolument distinguer l’innovation transitoire de l’innovation radicale par exemple. Une innovation radicale (le chemin de fer, l’automobile…) bouleverse le système économique dans son ensemble en modifiant les processus de production et les habitudes de consommation. En revanche, une innovation transitoire peut changer temporairement le destin d’un secteur, mais sans influencer l’économie de manière fondamentale. Citons notamment l’iPhone d’Apple (même si les smartphones en général pourraient avoir des répercussions plus notables). GRAPHIQUE 7: CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ NON AGRICOLE AUX ÉTATS-UNIS*, 1955-2016 % Moyenne 1995-2005: 2,6% par an Moyenne 1950-1973: 2,6% par an 3,5 3,0 2,5 La théorie de la stagnation séculaire défendue entre autres par Larry Summers repose sur l’idée que le tassement marqué de la croissance de la productivité ne constitue pas une aberration cyclique, mais bien une caractéristique durable de nos économies, en quelque sorte une «nouvelle norme». Mais nous ne sommes pas de cet avis. Bien au contraire, nous pensons que le monde se trouve actuellement en plein choc d’innovation technologique radicale, un choc porté par les progrès d’Internet, de l’informatique et du traitement des données, l’automatisation, les transports, les nouvelles sources d’énergie, les sciences de la vie et les matériaux intelligents. Parmi les exemples de cette nouvelle vague d’innovations, citons la fabrication additive (impression 3D) et l’Internet des objets. Selon nous, ce choc d’innovation n’en est qu’à ses débuts, ses effets réellement transformateurs se faisant pour l’heure toujours sentir uniquement dans quelques secteurs spécifiques. GRAPHIQUE 8: VARIATION ANNUELLE DE LA RÉMUNÉRATION DES SALARIÉS ET DES BÉNÉFICES DES ENTREPRISES EN % DU PIB AUX ÉTATS-UNIS % 12 Résultats des entreprises en % 58 du PIB (droite) 11 57 Rémunération des salariés, 56 variation annuelle 55 en % (gauche) 10 2,0 9 1,5 Moyenne 1973-1995: 2,6% par an 1,0 0,5 0,0 Pour Robert J. Gordon, les innovations contemporaines auront du mal à avoir des conséquences aussi radicales que les plus anciennes. Il estime que l’impact des avancées technologiques récentes, notamment Internet, s’avère beaucoup moins significatif que les grands progrès de la fin du XIXe siècle. Son opinion est étayée par un ralentissement de la croissance de la productivité: de 2,8% par an aux Etats-Unis dans les années 1920 à 1970, elle est passée à tout juste 1,6% sur la période 1970-2014 (même si la productivité s’est redressée du milieu des années 1990 au début des années 2000 grâce à l’apparition d’Internet et des technologies de la communication). Moyenne 2005-2016: 2,6% par an 55 60 65 70 75 80 85 90 95 00 05 10 15 *Taux de croissance annuelle de la production par heure travaillée (moyenne mobile sur 5 ans) Données couvrant la période 2e trim. 1955 - 3e trim. 2016 Page 14 Source: BLS, Pictet WM - AA&MR 8 54 7 53 6 80 85 90 Données couvrant la période 2e trim. 1980 - 2e trim. 2016 95 00 05 10 15 52 Source: BLS, Pictet WM - AA&MR Premier trimestre 2017 Mais sa généralisation, vouée à modifier en profondeur la nature des économies à part entière, semble toute proche. Les économistes Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne2 ont par exemple estimé qu’aux Etats-Unis, 47% des emplois étaient menacés par l’automatisation. La véritable question est donc de savoir si, quand et comment la propagation de l’innovation entraînera une progression structurelle de la productivité totale et du potentiel de croissance. Rien ne prouve que la productivité soit fortement sous-estimée Dans le débat sur la productivité, la question de savoir si les statistiques disponibles reflètent correctement l’impact de l’innovation sur la croissance et l’inflation sème la discorde. Cela n’a rien de nouveau: en 1987 déjà, Robert Solow affirmait que l’ère informatique était présente partout, sauf dans les statistiques de productivité. Pourtant, il n’est pas certain que les problèmes potentiels de mesure suffisent à expliquer les tendances en matière de productivité dans une économie innovante. D’après des recherches récentes3, rien ne prouve réellement que le ralentissement de la productivité s’explique par une sous-estimation des gains issus de l’innovation dans les biens et services liés à l’informatique. Nous préférons opter pour une interprétation plus dynamique, qui étudie les forces économiques en présence pour essayer de cerner les tendances de productivité de la décennie à venir. Les deux approches ne sont toutefois pas incompatibles: par exemple, des erreurs de calcul ou des sous-estimations de la productivité dans certains secteurs peuvent constituer des éléments de réponse supplémentaires à la faiblesse des gains de productivité, sans pour autant modifier la dynamique générale. Perturbations causées par le choc d’innovation et pressions déflationnistes Pour l’heure, rien n’indique réellement que le choc d’innovation actuel génère beaucoup d’activité supplémentaire dans son ensemble. Amazon a certes pris des parts de marché aux distributeurs 2 Voir Frey, Carl Benedikt et Osborne, Michael A., The Future of Employment: How Susceptible are Jobs to Computerisation (2013) 3 Voir Byrne, David M. et al., Does the United States Have a Productivity Slowdown or a Measurement Problem?, Brookings Papers on Economic Activity, travaux préparatoires à la conférence, 10-11 mars 2016 traditionnels (la chaîne de librairies américaine Borders a par exemple fait faillite), mais sa conquête ne s’est pas traduite par une augmentation notable de la consommation des ménages aux EtatsUnis. Au fur et à mesure que sa gamme de produits s’étend, Amazon concurrence d’autres groupes, notamment Walmart (qui a récemment accusé le commerce en ligne d’être en partie responsable de la révision à la baisse de ses perspectives de chiffre d’affaires et de son avertissement sur ses résultats). Mais, une fois encore, la consommation totale des ménages américains n’a connu qu’une progression modérée, voire pas de progression du tout. Pour comprendre ce paradoxe apparent, il faut chercher à savoir comment le choc d’innovation perturbe les différents secteurs. La croissance de la productivité totale dépend de l’allocation finale des ressources en faveur et en provenance des différents secteurs d’activité. En théorie, un choc d’innovation pourrait se traduire par une augmentation de la production totale (plus de ressources étant allouées à un secteur en pleine expansion et l’effet volume l’emportant sur l’effet prix). Mais il risque également de causer une baisse de la demande (par exemple lorsqu’un montant constant de biens ou de services est produit avec moins de travail et de capital, mais sans que la demande finale augmente dans des proportions similaires). En ce qui concerne les prix à la consommation et les salaires, le récent choc d’innovation, encore balbutiant, semble renforcer les pressions désinflationnistes qui ont émergé depuis la crise financière de 2008-09. L’emploi (notamment aux Etats-Unis) s’est scindé en deux camps bien distincts: d’une part, des secteurs où la sécurité et les salaires sont bas et, d’autre part, des secteurs portés par l’innovation, où la valeur ajoutée et les salaires sont élevés. L’innovation technologique exacerbe les inégalités de revenus. L’automatisation oriente encore davantage la rémunération vers les collaborateurs très qualifiés, notamment ceux qui travaillent dans des secteurs qui détiennent le savoir-faire technique nécessaire au choc d’innovation, par exemple l’informatique. Mais nombreux sont les salariés américains qui n’en profitent pas. La plupart des créations d’emplois concerne des postes à faible valeur ajoutée et nombre de travailleurs ont vu leur salaire réel stagner. Parallèlement, la croissance des Page 15 bénéfices des entreprises provient de plus en plus de sociétés de la nouvelle économie (telles qu’Amazon), tandis que les acteurs traditionnels sont sous pression (Walmart). une croissance modérée des salaires et des marges élevées pour les entreprises pourrait perdurer pendant un certain temps, faisant peser des pressions déflationnistes durables sur certains secteurs et pays. Au final, malgré la forte croissance de l’emploi outre-Atlantique, la productivité connaît une progression timide et les tensions pesant sur les salaires s’avèrent modérées. Prélude à une amélioration... ou nouvelle norme? Les techno-optimistes voient le verre à moitié plein, convaincus que la productivité s’envolera dans les secteurs où robots et machines remplacent progressivement les humains. Dans leur conception, ces derniers iront travailler dans des secteurs émergents (majoritairement dans les services), entraînant une augmentation de la prospérité. C’est, de fait, ce qui s’est produit par le passé. Par exemple, la production agricole a crû depuis le XIXe siècle même si, grâce aux nouvelles technologies, la main-d’œuvre employée par ce secteur a diminué massivement. Ce surplus de travailleurs a été absorbé par de nouveaux secteurs, apportant à la révolution industrielle les bras dont elle avait besoin. Inversement, les techno-pessimistes estiment que l’ampleur des pertes d’emplois sera telle que le monde sera confronté à un chômage La dynamique de hausse des revenus, et donc de la consommation des ménages, s’est révélée nettement plus faible que par le passé (c’est-à-dire pendant la période de forte croissance de la fin des années 1990). Les entreprises axées sur l’économie locale sont donc moins enclines à investir dans de nouvelles capacités. Et ce d’autant plus que des surcapacités persistent dans de nombreux secteurs depuis la crise financière et que la faiblesse des salaires décourage l’investissement dans l’automatisation. Pour des raisons similaires, les marges des entreprises demeurent à des niveaux records. Sauf redressement de la productivité totale, ce régime caractérisé par une inflation faible, GRAPHIQUE 9: VARIATION DES REVENUS RÉELS DES MÉNAGES AUX ÉTATS-UNIS ET DANS LA ZONE EURO 200 190 180 170 160 150 140 130 120 110 100 90 Base 100 = 1993 Zone euro: revenus réels disponibles USA: revenus réels disponibles 55% 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Données couvrant la période du 01.01.1993 au 30.09.2015 Source: BLS, eurostat, Pictet WM - AA&MR GRAPHIQUE 10: VARIATION ANNUELLE DE L’EMPLOI NON AGRICOLE ET DE L’INVESTISSEMENT AUX ÉTATS-UNIS, 1975-2016 Glissement annuel, % 6 5 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 -4 -5 -6 -7 Glissement annuel, % Emploi 20 Investissement hors construction (droite) 15 10 5 0 -5 -10 -15 -20 -25 75 77 79 81 83 85 87 89 Données couvrant la période 1er trim. 1975 - 3e trim. 2016 Page 16 91 93 95 97 99 01 03 05 07 09 11 13 15 17 Source: BLS, BEA, Pictet WM - AA&MR Premier trimestre 2017 de masse, notamment parce que beaucoup de ces emplois menacés par la vague d’innovation sont occupés par des cadres et professionnels qui ne disposent d’aucune alternative simple. Dans les faits, les choses pourraient s’avérer moins tranchées. La vague d’innovation pourrait modifier le rôle des humains dans le processus de production et accentuer les inégalités. Par exemple, lorsque nos corps seront surveillés par des nanocapteurs envoyant des informations en temps réel sur notre état de santé, notre médecin généraliste deviendra progressivement statisticien. Ce changement de statut risque de peser sur les rémunérations. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit dans certains secteurs: les libraires de Borders ont bel et bien été remplacés par des gestionnaires d’entrepôts d’Amazon. de productivité, les entreprises cherchant à répercuter ces coûts salariaux sur les prix de leurs produits.Au Royaume-Uni par exemple, les salaires réels ont plus que doublé entre 1840 et 1910 sous l’effet de la (deuxième) révolution industrielle. Mais, plus de sept ans après la fin de la dernière récession aux Etats-Unis, il semble que l’économie subisse une évolution structurelle, caractérisée par une poursuite de l’innovation et une situation de quasi-plein emploi (le chômage ressortait à 4,9% en octobre 2016 outre-Atlantique), mais aussi par une productivité faible, des marges élevées pour les entreprises et des inégalités importantes. Les effets prolongés de la crise des subprimes expliquent en partie ce constat, mais ne suffisent pas à justifier l’atonie de la croissance et de l’inflation. La productivité a historiquement eu tendance à augmenter au fur et à mesure de la diffusion des chocs d’innovation dans l’économie, avec à la clé une progression des salaires réels. En règle générale, cette situation a généré des tensions inflationnistes à partir du moment où les hausses de salaire dépassaient les gains Pourtant, l’accélération de la croissance des salaires pourrait au final constituer l’un des facteurs nécessaires à un boom de l’investissement lié à l’innovation, qui servirait de catalyseur à la productivité mondiale. Historiquement, l’innovation finit toujours par favoriser la prospérité. GRAPHIQUE 11: VENTILATION EN CENTILES DES REVENUS RÉELS DES MÉNAGES AMÉRICAINS (1980 = 100) 160 95e centile** 150 140 80e centile 130 20e centile 120 Médiane 110 10e centile* 100 * 10% gagnent moins, 90% gagnent plus * 95% gagnent moins, 5% gagnent plus 90 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16 Source: BLS, eurostat, Pictet WM - AA&MR Données couvrant la période 01.01.1980 - 31.12.2015 GRAPHIQUE 12: TAUX D’ÉPARGNE AUX ÉTATS-UNIS ET EN EUROPE EN % DES REVENUS DISPONIBLES DES MÉNAGES 30 14 Etats-Unis (gauche) 12 Zone euro (droite) 25 10 8 20 6 15 4 10 2 0 5 80 85 90 Données couvrant la période 01.01.1979 - 30.08.2016 95 00 05 10 15 Source: BLS, ECB, Pictet WM - AA&MR Page 17 1.3 Le facteur «marchés émergents»: la croissance change de rythme et l’inflation se raffermit potentiellement Depuis quasiment deux décennies, les marchés émergents ont enregistré une croissance économique nettement plus forte que celle des pays développés, avec à la clé une réduction de l’écart de revenus. L’Asie en constitue l’exemple le plus saisissant. Le PIB par habitant (en parité de pouvoir d’achat) de l’Asie émergente s’est envolé de 260% en termes absolus depuis le début du millénaire, contre environ 130% dans les économies avancées4. Des évolutions profondes en cours La Chine a joué un rôle central dans le raffermissement de la croissance émergente ces vingt dernières années, notamment depuis son entrée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Le pays s’est imposé comme l’usine du monde par excellence: sa main-d’œuvre abondante et bon marché et ses réformes économiques, associées aux capitaux et au savoir-faire technologique apportés par les investisseurs étrangers, ont entraîné une vague d’externalisation sans précédent de l’industrie manufacturière occidentale. Les dépenses en installations, infrastructures et immobilier ont enregistré une croissance à deux chiffres pendant plus d’une décennie. Cette situation a entraîné une très forte augmentation du stock de capital chinois, mais aussi une demande sans précédent en produits de base en Chine, qui a alimenté la dernière phase du «supercycle» des matières premières. Les exportateurs de ces matières premières, majoritairement émergents, en ont largement profité. Mais ce régime de croissance touche à sa fin. La Chine sur la voie d’un nouveau modèle économique Des années de croissance frénétique des investissements ont engendré des déséquilibres importants au sein de l’économie chinoise. Les surcapacités généralisées du secteur de l’industrie lourde et l’endettement élevé des entreprises GRAPHIQUE 1: CONSOMMATION ET INVESTISSEMENT ONT ÉCHANGÉ LEURS PLACES EN CHINE 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Part du PIB (%) Consommation Investissement 52 55 58 61 64 67 70 73 76 79 82 85 88 91 94 97 00 03 06 09 12 La prouesse manufacturière de la Chine se confirmant, les investissements ont décollé. Données couvrant la période allant du 1er janvier 1952 au 31 décembre 2015. Source: National Bureau of Statistics of China, Pictet WM – AA&MR GRAPHIQUE 2: AU SEIN DU PIB CHINOIS, LA CONTRIBUTION DES SERVICES A DÉPASSÉ CELLE DE L’INDUSTRIE 60 Part du PIB (%) Secteur industriel Secteur tertiaire 50 40 30 20 10 Données couvrant la période allant du 1er janvier 1952 au 31 décembre 2015. 15 12 09 06 03 00 97 94 91 88 85 82 79 76 73 67 70 64 61 58 55 52 0 Source: National Bureau of Statistics of China, Pictet WM – AA&MR 4 Source: base de données de la Banque mondiale, http://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.PCAP.CD Page 18 Premier trimestre 2017 indiquent que le modèle de croissance portée par les investissements fixes n’est plus tenable. Les autorités en sont pleinement conscientes et une vaste transition économique se produit actuellement en Chine, consommation des ménages et secteur des services ayant vocation à devenir les nouveaux moteurs de la croissance. Après des décennies de recul, la part des dépenses des ménages dans le PIB a cessé de diminuer et entamé un rebond progressif à partir de 2011. A peu près au même moment, le poids des investissements dans le PIB semblait atteindre un point haut et a, depuis, amorcé une légère décrue (voir graphique 1). Parallèlement, les services ont surclassé l’industrie en termes de contribution au PIB en 2012, inversant leurs places respectives sur le podium pour la première fois en un demi-siècle (voir graphique 2). Dans les dix prochaines années, cette transition engendrera un impact profond sur la Chine en particulier et sur les marchés émergents en général. La croissance des investissements fixes devrait continuer à ralentir, notamment dans des secteurs tels que l’immobilier. Selon nous, la contribution de la formation brute de capital fixe à la progression du PIB réel de la Chine devrait se réduire à environ 2% par an d’ici 2025, contre une moyenne de 5% sur la période 2008-2015. Cette évolution devrait constituer la principale raison du tassement de la croissance du pays dans la décennie à venir. Une Chine vieillissante La grande transition économique de la Chine s’accompagne d’une vaste modification de sa pyramide des âges. La Chine vieillit, et elle vieillit vite. D’après les projections à long terme de l’ONU, la population chinoise en âge de travailler (les 15-64 ans) baissera de 23 millions entre 2015 et 2025, passant de 73% à 70% de la population totale. Dans le même temps, le nombre de personnes âgées (65 ans et plus) augmentera de 69 millions, soit 14% de la population, contre 10%. L’impact de cette évolution démographique sur la croissance chinoise risque fort d’être négatif, a minima en termes économiques. La réduction de la main-d’œuvre devrait amputer la croissance de la Chine de 0,1 à 0,2 point de pourcentage dans la prochaine décennie. Cependant, le vieillissement de la population pourrait également faciliter le rééquilibrage de la Chine en faveur d’une économie axée sur la consommation. En effet, la population en âge de travailler a tendance à faire partie des épargnants nets, tandis que les retraités sont plutôt des consommateurs nets (d’autant plus en Chine, où les aides sociales demeurent rudimentaires). Conséquence: plus la proportion de personnes âgées augmente par rapport à la population en âge de travailler, plus la consommation privée totale a des chances d’augmenter. Un filet des sécurité sociale plus développé pourrait également doper la consommation des ménages. Une étude de la Banque asiatique de développement (BAD) révèle GRAPHIQUE 3: L’ENDETTEMENT DE LA CHINE NE CESSE DE PROGRESSER 300 % du PIB Etat Entreprises financières 250 Ménages Entreprises non financières 200 150 100 50 0 01 02 03 04 05 Données couvrant la période allant du 01.01.2001 au 31.12.2015 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Source: National Bureau of Statistics of China, PBoC, Chinese Academy of Social Science, Pictet WM - AA&MR Page 19 que l’augmentation du ratio de dépendance influence positivement la contribution de la consommation des ménages au PIB5, qui pourrait, selon nos calculs, passer de 38% du PIB en 2015 à 43% en 2025. Les bulles du crédit restent toujours une source d’inquiétude à long terme. Pourtant, les déséquilibres qui se sont accumulés, et notamment l’importance de l’endettement, menacent la fluidité de la transition économique chinoise. Nous estimons la dette totale chinoise (privée et publique) à 171 000 milliards de yuans (soit environ 26 000 milliards de dollars) à fin 2015, soit 249% du PIB national. Environ la moitié de cette somme a été contractée par des entreprises non financières (voir graphique 3). Si l’endettement total de la Chine reste somme toute modeste, la vitesse à laquelle la dette s’accumule s’avère inquiétante. Sur la période 2008-2015, le PIB nominal chinois a crû de 114%, mais la dette s’est envolée de 219%. Selon nous, le rythme actuel d’expansion du crédit en Chine n’est pas tenable. L’importance de l’endettement, notamment au sein des entreprises, constitue de son côté une source d’inquiétude pour le long terme. Dans la décennie à venir, nous anticipons un ralentissement du rythme de création du crédit en Chine, dans le sillage du tassement des investissements fixes. En revanche, le désendettement dépendra très largement des politiques publiques. Un éclatement de la bulle du crédit en Chine si brutal qu’il déclencherait une crise financière ne fait pas partie de notre scénario central. Notons qu’environ 70% de la dette des entreprises chinoises est supportée par des entreprises publiques, dont les premiers créanciers sont des banques étatiques. Ainsi, puisque l’Etat chinois détient ou contrôle les deux parties de l’équation, il a tout intérêt à agir, ce qui signifie que les risques financiers systémiques paraissent peu probables. Cependant, même si son rythme ralentit, la progression de l’endettement ne sera pas sans conséquence. Pour que les entreprises publiques gardent la tête hors de l’eau, il faudra à nouveau tordre la répartition des ressources en pénalisant des entreprises privées en meilleure santé, obérant le potentiel de croissance de la Chine. Des réformes structurelles du système budgétaire, des entreprises publiques et du système financier s’avèrent donc essentielles pour mettre le pays sur une trajectoire économique plus pérenne. Changement de vitesse pour la croissance émergente La Chine passe d’une croissance forte à une croissance plus modérée. Dans notre scénario de référence, la croissance de la Chine continuera de ralentir au cours des dix prochaines années, sans crise financière majeure mais avec des évolutions structurelles. La croissance chinoise devrait ressortir à 4,5% par an jusqu’en 2025, contre 8,6% en moyenne entre 2008 et 2015 (voir tableau 1). Des perspectives en demi-teinte pour les marchés émergents. La décélération de la croissance chinoise marque la fin du «supercycle» des matières premières et TABLEAU 1: PROJECTIONS SUR LES SOURCES DE CROISSANCE EN CHINE Travail Capital humain Capital Productivité Croissance totale 1978-1992 1,6% 0,7% 3,4% 3,9% 9,6% 1993-2007 0,6% 0,7% 4,8% 4,4% 10,4% 2008-2015 0,3% 0,6% 5,0% 2,8% 8,6% 2020 -0,2% 0,6% 2,7% 2,5% 5,6% 2025 -0,1% 0,6% 2,0% 2,0% 4,5% Source: National Bureau of Statistics of China, Penn World Table 9, United Nations, Pictet WM - AA&MR. 5 Estrada, G., Park, D. et Ramayandi, A. (2011), Population Aging and Aggregate Consumption in Developing Asia, ADB Economics Working Paper Series n°282. Page 20 Premier trimestre 2017 devrait continuer d’imposer un ajustement aux pays exportateurs jusqu’à ce qu’offre et demande finissent par trouver un nouvel équilibre. Cette situation pénalisera principalement les pays d’Amérique latine, devenus extrêmement dépendants des ventes de produits de base. Après avoir décroché en 2015, les cours des matières premières ont rebondi en 2016. Le rythme auquel ils trouveront un nouvel équilibre dépendra très largement de la vitesse à laquelle les pays émergents exportateurs de matières premières ajusteront leur offre. adéquate de politiques pourraient réserver de bonnes surprises. En la matière, l’Inde fait partie des pays les plus prometteurs; compte tenu de l’importance de sa population, la bonne tenue de sa croissance pourrait avoir un impact mondial. D’ici 2025, l’Inde devrait passer devant la Chine et devenir le pays le plus peuplé au monde, avec 1,46 milliard d’habitants, contre 1,41 milliard en Chine6. Et, alors que la population chinoise en âge de travailler baissera de 2% entre 2015 et 2025, celle de l’Inde progressera de 15%7. Parallèlement, certains pays émergents bénéficiant d’une démographie favorable et d’une combinaison Grâce à une démographie favorable, à un marché intérieur important et à une productivité capable d’augmenter encore, GRAPHIQUE 4: LA CHINE MANQUE DE MAIN-D’ŒUVRE DEPUIS 2011 Offre excédentaire de main-d’œuvre 6 5 4 Surplus de main-d’œuvre 3 2 1 0 -1 Manque de main-d’œuvre -2 -3 01 03 05 07 09 Données couvrant la période allant du 3e trim. 2001 au 4e trim. 2016. 11 13 15 Source: Ministry of Human Resources and Social Security of China, Pictet WM – AA&MR GRAPHIQUE 5: LA PART DE LA RÉMUNÉRATION DU FACTEUR TRAVAIL DANS LE PIB CHINOIS REBONDIT Part du PIB (%) 56 Rénumération du facteur travail en % du PIB chinois 54 52 50 48 46 44 42 92 94 96 98 00 02 04 Données couvrant la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2014. 06 08 10 12 14 Source: National Bureau of Statistics of China, Pictet WM – AA&MR 6 Source: Département des affaires économiques et sociales, Nations unies, Perspectives démographiques mondiales: révisions 2015 7 Ibid. Page 21 GRAPHIQUE 6: L’INFLATION POURRAIT SE RENFORCER EN CHINE À LONG TERME 25 Variation annuelle (%) IPC chinois Moyenne 20 15 Moyenne 1978-2001 = 6,6% 10 5 Moyenne 2002-2015 = 2,50% 3,0 2,5 0 -5 78 83 88 93 98 Données couvrant la période 1978-2025. l’Inde pourrait, sous réserve de prendre les bonnes décisions, afficher une croissance réelle annuelle à presque deux chiffres au cours de la prochaine décennie. Le cas échéant, la taille de l’économie doublerait d’ici 2025 et ravirait la place de troisième économie mondiale au Japon. Mais tout cela dépend de la capacité du pays à mettre en œuvre des réformes structurelles de grande ampleur. Le gouvernement actuel de Narendra Modi a affirmé sa détermination à cet égard, mais de nombreuses contraintes subsistent. Un raffermissement de l’inflation dans les pays émergents? L’inflation devrait s’accélérer en Chine à long terme. Alors que le nombre de personnes en âge de travailler en Chine atteint son pic, dans les zones urbaines, l’offre de travail s’avère inférieure à la demande depuis 2011 (voir graphique 4). Tout durcissement du marché du travail entraîne une progression des salaires. En 2012, le taux de croissance nominale des salaires urbains en Chine a dépassé le taux de croissance nominale du PIB, inversant une situation qui avait globalement cours depuis 2003. Conséquence: la part de la rémunération du facteur travail dans le PIB a amorcé un rebond cette même année après deux décennies de déclin (voir graphique 5). Selon nous, la diminution de la maind’œuvre et le vieillissement de la 03 08 13 18 23 Source: National Bureau of Statistics of China, BIS, Pictet WM – AA&MR population généreront des tensions inflationnistes en Chine. Une récente étude de la Banque des règlements internationaux (BRI) a démontré une corrélation positive entre inflation et taux de dépendance8. Sur la base de cette étude, nous estimons que l’évolution démographique pourrait faire passer l’inflation globale à 3% en Chine d’ici 2025, soit 0,5 point de pourcentage de plus que la moyenne de la période 2002-2015 (voir graphique 6). Après avoir exporté leur déflation, les marchés émergents propageront l’inflation. Conséquence de l’intégration croissante du commerce, de la finance et de la production, l’inflation est de plus en plus influencée par des facteurs internationaux. Pour une grande partie des vingt dernières années, les marchés émergents (Chine en tête), ont constitué un vecteur déflationniste pour l’économie mondiale en raison de leur vaste contingent de main-d’œuvre bon marché. Pourtant, avec le déclin du nombre d’actifs en Chine, les choses pourraient être sur le point de changer. Lorsque le coût du travail augmente et que les marges des entreprises sont sous pression, plusieurs options sont possibles. Tout d’abord, si l’entreprise possède un certain pouvoir de fixation des prix, elle peut augmenter ses tarifs et répercuter (au moins une partie) des hausses de coûts 8 Voir Juselius, Mikeal et Takats, E. (2015), Can Demography Affect Inflation and Monetary Policy?, BIS Working Paper n°485. Page 22 Premier trimestre 2017 sur ses clients. Autre possibilité: elle peut améliorer sa technologie ou sa gestion pour gagner en productivité. Enfin, si l’augmentation du coût du travail dépasse le coût total d’une relocalisation, l’entreprise peut choisir de déplacer sa production dans une zone où les coûts totaux promettent d’être moins élevés. Pour l’heure, rien ne semble prouver que les producteurs émergents relèvent systématiquement leurs prix. Cela pourrait s’expliquer par la chute des cours des matières premières entre 2014 et le début de 2016, qui a protégé les marges bénéficiaires de bon nombre d’exportateurs. Cependant, le coût du travail continuant d’augmenter et les cours des matières premières rebondissant après une période de marasme, l’inflation finira par se raffermir. La rentabilité des investissements destinés à accroître l’efficacité ne cesse de reculer. Et, même dans les économies émergentes, la croissance de la productivité finira par ralentir au fur et à mesure que l’écart technologique avec les pays développés s’amenuisera. Par exemple, nous estimons qu’en Chine, la croissance de la productivité totale des facteurs s’établira à environ 2-2,5% par an au cours de la prochaine décennie, contre 2,8% sur la période 2008-2015 et 4,4% sur la période 1993-2007. Nous pensons que ces gains ne suffiront pas à compenser les tensions inflationnistes générées par la hausse des salaires dans le pays, une hausse qui devrait se poursuivre à un rythme au moins égal à celui du PIB nominal. D’une part, la croissance de la main-d’œuvre s’avérera beaucoup plus lente que par le passé dans le monde émergent. La Chine, l’Inde et l’Indonésie verront leur population en âge de travailler croître d’environ 121 millions d’individus au total dans les dix prochaines années, soit moitié moins qu’entre 2004 et 2014 (248 millions) ou entre 1994 et 2004 (303 millions). D’autre part, la réduction potentielle des coûts que les entreprises espèrent atteindre, en délocalisant hors de Chine, sera partiellement neutralisée par une moindre productivité et des coûts de logistique plus élevés dans les pays concurrents. Bien sûr, de nombreuses économies émergentes peuvent progresser dans ces domaines. Mais cela prendra du temps et l’amélioration risque d’être trop lente pour compenser totalement les tensions inflationnistes qui découleront de l’augmentation des coûts en Chine. En conséquence, les économies émergentes devraient devenir progressivement exportatrices d’inflation. Le processus s’annonce lent et des chocs technologiques imprévus pourraient l’empêcher d’être linéaire. Quoi qu’il en soit, les marchés émergents ne devraient plus constituer une source de déflation pour l’économie mondiale dans la prochaine décennie. De fait, nombre d’entreprises, notamment dans les secteurs gourmands en maind’œuvre, ont déplacé leurs sites de production hors de Chine ces dernières années. Mais la migration industrielle ne devrait pas contrebalancer totalement les tensions inflationnistes qui découlent de l’évolution démographique de la Chine et du reste du monde. Page 23 1.4 Politique monétaire: durablement accommodante, sans «saut quantique» Le concept de la courbe de Phillips et sa validité empirique auront une influence majeure sur le réglage monétaire des banques centrales dans les années qui viennent. Doivent-elles accepter une situation caractérisée par une inflation de plus en plus influencée par des facteurs exogènes, ou faut-il poursuivre la stratégie actuelle caractérisée par une politique accommodante en tablant sur une amélioration des mécanismes de transmission pour atteindre les objectifs fixés? De manière plus générale, le débat actuel porte sur la nécessité de modifier en profondeur les stratégies monétaires. La persistance d’un contexte d’inflation faible soulève de multiples questions existentielles pour les banques centrales, qui se sont largement appuyées sur des mesures non conventionnelles depuis la crise financière de 2007-2008. Dix ans plus tard, la plupart d’entre elles se situent toujours dans un contexte associant achat d’actifs (assouplissement quantitatif ou quantitative easing/QE) et/ ou politiques de taux directeurs nuls ou négatifs (respectivement ZIRP et NIRP). Ces politiques ont produit des résultats mitigés et, avec le temps, des rendements décroissants, aussi bien sur les marchés financiers que dans l’économie réelle. Banques centrales durablement conciliantes mais, sauf nouveau choc, pas de changement de régime Dans notre scénario central, les banques centrales des pays développés continueront de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour combattre les forces déflationnistes qui pourraient refaire surface, ou du moins limiter la remontée de l’inflation. Nos prévisions tablent notamment sur une normalisation prudente des taux directeurs aux EtatsUnis et une poursuite de l’assouplissement monétaire au Japon et en Europe. De fait, les décisions récentes de la Banque du Japon (BoJ), de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Banque d’Angleterre (BoE) suggèrent que les taux directeurs resteront bas pendant une période prolongée avec l’idée, dans certains cas, de tolérer des niveaux L’absence de stratégies de sortie claires de ces mesures d’urgence prises au plus fort de la crise financière, sans parler d’une véritable normalisation de la politique monétaire, a conforté les observateurs dans l’idée que les banques centrales ne pouvaient pas à elles seules résoudre tous les problèmes auxquels elles étaient confrontées. Malgré ces limites, les banques centrales devraientelles essayer d’en faire plus? Peuvent-elles raisonnablement atteindre les objectifs de leur mandat? Le cas échéant, doivent-elles continuer d’utiliser les mêmes instruments, ou faut-il en inventer de nouveaux? GRAPHIQUE 1: TAUX DIRECTEURS ET BILAN DES BANQUES CENTRALES DES PAYS DU G7, 2007-2016 4,5 % Taux directeurs des banques centrales du G7 (moyenne simple, gauche) 40 35 Actifs totaux des banques centrales du G7 (% du PIB, droite) 3,5 % 30 25 2,5 20 1,5 15 10 0,5 5 -0,5 0 07 08 09 Données couvrant la période 01.01.2007 - 01-12.2016 Page 24 10 11 12 13 14 15 16 Source: Thomson Reuters, Pictet WM - AA&MR Premier trimestre 2017 d’inflation ponctuellement supérieurs à sa cible. Parallèlement, dans ce contexte de «nouvelle norme», le bilan des banques centrales devrait continuer à jouer un rôle essentiel au côté des instruments monétaires plus conventionnels. En revanche, une remise en cause plus profonde de leur stratégie, qui pourrait se justifier dans les régions où l’activité réelle et les prix demeurent nettement inférieurs à leurs niveaux potentiels, ne semble pas à l’ordre du jour. Un «saut quantique» en termes de régime monétaire n’interviendrait vraisemblablement qu’en cas de nouveau ralentissement marqué ou de changement de cap politique inattendu, par exemple un atterrissage brutal de la Chine, une récession aux Etats-Unis ou une crise politique plus profonde en Europe à la suite du Brexit ou des prochaines échéances électorales. Si tel était le cas, la question à laquelle les banques centrales seraient confrontées serait celle de la coordination (implicite ou explicite) de la politique monétaire et de la politique budgétaire, la première créant la marge de manœuvre nécessaire à la seconde. Une évolution de ce type aurait sans conteste un effet positif sur nos prévisions de croissance à long terme, mais elle soulèverait la question plus générale de la légitimité du financement monétaire et de l’indépendance des banques centrales. Une courbe de Phillips (plus) plate justifie-t-elle plus de relance? Si l’on part du principe qu’il existe toujours un lien, même ténu, entre une mesure de l’utilisation des capacités économiques (y compris le taux de chômage) et l’inflation, alors une relance monétaire reste justifiée tant que l’inflation ne dépasse pas durablement l’objectif défini. Toutes choses égales par ailleurs, plus forte est la relation décrite par cette courbe de Phillips (CP), plus grande est l’influence des banques centrales, et vice versa. En pratique, l’action des banques centrales a été et restera influencée par la manière dont elles évaluent les tendances structurelles de l’économie (à la fois du côté de l’offre et du côté de la demande). Plus le degré de capacités inutilisées est important, mesuré à l’aune du marché du travail ou d’une fonction de production, plus il paraît judicieux, en théorie du moins, de conserver une politique accommodante pendant une période prolongée. Les phénomènes d’hystérèse, selon lesquels une déviation suffisamment importante du cycle économique peut avoir des conséquences durables sur les variables structurelles, et donc sur le potentiel de croissance, justifieraient également une réponse monétaire plus agressive. Dans les pays développés9, les données récentes suggèrent, par exemple, qu’une baisse supplémentaire du taux de chômage, sous son niveau d’équilibre, est nécessaire pour que l’inflation rebondisse plus fortement. Plusieurs travaux empiriques semblent indiquer qu’une modification du régime monétaire pourrait permettre d’enrayer l’atonie de l’inflation et l’hystérèse. Les anticipations jouent notamment un rôle décisif, créant un lien entre degré de persistance de l’inflation d’une part et crédibilité de la politique monétaire d’autre part10. En d’autres termes, plus la relance monétaire est agressive, plus les anticipations d’inflation sont susceptibles de rester ancrées une fois le mandat de stabilité des prix rempli. Un assouplissement prolongé de la politique monétaire augmente in fine le risque que l’inflation dépasse les objectifs. Ce dépassement peut soit faire l’objet d’une tolérance explicite et assumée (ciblage du PIB nominal), en le considérant de manière simple et pragmatique comme une conséquence de la priorité donnée à la lutte contre le chômage, soit qualifié ultérieurement d’erreur de politique économique. Parmi les exemples concrets, citons l’approche d’optimal control (détaillée par Janet Yellen lors d’une 9 Voir Blanchard, Olivier, Cerutti, Eugenio et Summers, Lawrence, Inflation and activity − two explorations and their monetary policy implications, Forum de la BCE consacré à l’activité de banque centrale, mai 2015. 10 Voir Gali, Jordi, Hysteresis and the European unemployment problem revisited, Forum de la BCE consacré à l’activité des banques centrales, mai 2015; Lendvai, Julia, Inflation dynamics and regime shifts, Rapport de travail de la BCE, octobre 2006. Page 25 série de discours en 2012), qui consiste à utiliser des modèles macroéconométriques complexes pour simuler une large palette de résultats possibles dans le but d’optimiser la trajectoire des taux directeurs tout en minimisant l’écart par rapport aux mandats, même si cela implique un dépassement temporaire des cibles d’inflation. Inflation locale et influence internationale Un autre débat essentiel fait également rage, en lien avec ce qui précède: celui de l’impact des facteurs mondiaux sur les mandats locaux. Les banques centrales sontelles toujours «maîtresses de leur destinée monétaire» ou sont-elles devenues «esclaves de ces facteurs mondiaux» 11? Si elles ont perdu le contrôle de l’inflation locale, les répercussions s’avéreront profondes. Sans surprise, toutes les banques centrales continuent de croire en leur capacité à influencer l’évolution des prix et la dynamique des salaires au niveau domestique, même si des facteurs internationaux ont probablement réduit l’importance des chocs idiosyncratiques, et donc l’effet des politiques monétaires. Les débats portent notamment sur la crédibilité des actions monétaires passées et futures, y compris à l’aune de l’ancrage des anticipations. Cet ancrage s’avère particulièrement crucial lorsqu’une part relativement faible de l’inflation est imputable à des facteurs spécifiques, ce qui signifie qu’une grande partie de l’inflation n’est plus du ressort direct des banques centrales. Par ailleurs, la recherche académique tend à démontrer que les mesures monétaires non conventionnelles ont des répercussions importantes au-delà des frontières. Dans ce contexte mondialisé, l’évolution des taux de change joue un rôle croissant dans les perspectives d’inflation locale (importée), au moins à court terme. Le taux de change peut devenir une cible explicite si les responsables de la politique économique se tournent vers les monnaies lorsque toutes les autres mesures ont échoué. C’est ce qui peut expliquer une forme de «guerre des devises», même larvée, au cours de laquelle les banques centrales ont pu utiliser la relance monétaire pour induire une dévaluation compétitive et doper la croissance économique. L’immense majorité des gouverneurs des banques centrales, à l’image de Mark Carney, considèrent néanmoins qu’il s’agit d’un jeu à somme nulle. Le sommet du G20 qui s’est tenu en février 2016 à Shanghai a notamment été le théâtre de négociations tendues sur les manipulations des taux de change, qui selon certains observateurs auraient permis de stabiliser la situation, à l’image des Accords du Plaza de 1985, toutes proportions gardées. Amplifier l’effort, ou changer de style monétaire? A minima dans les régions où la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle reste imparfaite, les banques centrales peuvent probablement en faire plus. Dans ces circonstances, elles devraient conserver la même stratégie, au moins dans un premier temps. Nous considérons par exemple que les mesures d’assouplissement du crédit de la BCE, ses opérations ciblées de refinancement à long terme (TLTRO) et, bien sûr, ses programmes de rachat d’actifs, resteront au centre de son arsenal. Les banques centrales qui normalisent leur politique monétaire peuvent quant à elles opter pour des changements de communication (guidage des anticipations), un relèvement plus progressif que prévu des taux directeurs, voire une pause ou une inversion du cycle de resserrement. Celles qui mènent toujours une politique d’assouplissement quantitatif peuvent accroître l’ampleur et la portée de leurs interventions en dépit des conséquences potentiellement néfastes sur la liquidité du marché et l’allocation des ressources productives. Plus spécifiquement, elles pourraient faire le choix d’un ciblage (implicite) des prix des actifs, sous différentes formes. Ce dispositif pourrait s’avérer particulièrement efficace dans des pays tels que les Etats-Unis, qui dépendent 11 Voir Carney, Mark, Inflation in a globalised world, allocution au symposium économique de Jackson Hole, août 2015. Page 26 Premier trimestre 2017 davantage du financement sur les marchés et des effets de richesse découlant de la hausse des prix d’actifs. Lorsque la transmission de la politique monétaire dépend du crédit intermédié, comme dans la zone euro, une autre option pourrait reposer sur un assouplissement (direct ou indirect) plus agressif des conditions de crédit. Parmi les mécanismes envisageables, citons les achats de dette bancaire non sécurisée ou un soutien direct à la titrisation des prêts non performants. Ceci étant, les banques centrales sont d’ores et déjà fortement sollicitées et une certaine «usure» est perceptible. Des choix intermédiaires semblent plus probables: · Un ciblage des prix des actifs implicite, notamment aux Etats-Unis, où l’effet de richesse lié à la hausse des prix des actifs constitue un facteur de croissance important, et dans la zone euro, où les coûts de financement doivent rester maîtrisés pour garantir la viabilité de la dette publique et privée. · Le ciblage de l’inflation reste la référence en termes de stratégie monétaire, mais une modification formelle des cibles d’inflation ellesmêmes semble peu probable. Un ciblage du PIB nominal ou, de manière plus réaliste, une stratégie d’optimal control explicite pourraient constituer le socle d’un nouveau «style» de politique monétaire, de facto d’ores et déjà en place aux Etats-Unis. · Une coordination plus explicite des politiques monétaires entre grandes banques centrales, qui ne peut pas être exclue en cas de crise monétaire systémique, mais qui semble peu probable à ce stade. secteur financier y compris, la politique monétaire deviendra plus explicitement une politique quasi budgétaire. Le financement monétaire en représente la mesure la plus radicale, qu’il prenne la forme de l’helicopter money (qui, contrairement à ce que l’on entend parfois, ne signifie pas nécessairement une distribution directe d’argent aux consommateurs) ou d’une monétisation pure et simple de la dette (qui constitue peut-être le seul «bazooka» monétaire, car il revient in fine à annuler la dette publique détenue par les banques centrales). Le Japon est sans conteste le pays le plus proche de l’helicopter money, si l’on assimile ce terme à des situations combinant une expansion budgétaire (pour l’heure modeste dans le pays) et une détente monétaire (très marquée dans l’Archipel). Outre l’assouplissement quantitatif, la politique monétaire nippone prévoit un plafonnement des coûts d’emprunt par le biais du nouveau dispositif de maîtrise de la courbe des taux de la BoJ (Yield Curve Control). Au Royaume-Uni, la BoE a généré des marges de manœuvre budgétaires permettant au gouvernement d’agir à la suite du vote du 23 juin en faveur du Brexit, préparant le terrain à des ajustements du budget britannique. Si d’autres évolutions dans cette direction sont nécessaires, une question se posera: cette coordination des politiques monétaires et budgétaires deviendra-telle explicite? Quoi qu’il en soit, le fait de combiner ces politiques sera synonyme de partage des risques de façon détournée, par le biais d’un ajustement des bilans des banques centrales (une décision hors de portée du pouvoir politique ou du contrôle démocratique). Au final, c’est l’interaction entre politique monétaire et politique budgétaire qui permettra d’anticiper les nouvelles tendances. La distinction entre les deux s’avère déjà ténue dans certains cas (notamment avec le QE, les taux d’intérêt négatifs et les TLTRO). Si les banques centrales doivent contourner les canaux de transmission traditionnels, Page 27 Synthèse des rentabilités attendues pour la prochaine décennie Rentabilités estimées basées sur les taux de change à dix ans et les différentiels de taux d’intérêt* 16.12.2016 Devises locales 2,2% CHF -0,6% USD 2,2% EUR -0,1% GBP 1,1% Liquidités Royaume-Uni 1,2% -0,5% 2,4% 0,0% 1,2% Liquidités Europe 1,2% 0,7% 3,5% 1,2% 2,3% Liquidités Suisse 1,2% 1,2% 4,0% 1,6% 2,8% Liquidités Japon 0,0% -0,1% 2,7% 0,4% 1,6% Obligations souveraines internationales - toutes maturités 2,2% -0,6% 2,2% -0,2% 1,0% Obligations souveraines internationales - 10 ans 2,2% -0,6% 2,2% -0,1% 1,0% Obligations du Trésor américain à 10 ans 2,2% -0,6% 2,2% -0,1% 1,0% Obligations d’Etat Allemagne à 10 ans -0,4% -0,9% 2,0% -0,4% 0,8% Obligations d’Etat Suisse à 10 ans -0,8% -0,8% 2,0% -0,4% 0,8% Obligations d’Etat Japon à 10 ans -0,4% -0,5% 2,3% 0,0% 1,2% Obligations d’Etat Royaume-Uni à 10 ans 1,1% -0,6% 2,2% -0,1% 1,1% Obligations à haut rendement internationales 5,5% 2,7% 5,5% 3,2% 4,4% Obligations à haut rendement Etats-Unis 5,1% 2,2% 5,1% 2,7% 3,9% Obligations à haut rendement UE 3,2% 2,7% 5,6% 3,2% 4,4% Obligations investment grade internationales 3,6% 0,8% 3,6% 1,3% 2,5% Obligations investment grade Etats-Unis 3,6% 0,8% 3,6% 1,2% 2,4% Obligations investment grade UE 1,4% 0,9% 3,7% 1,4% 2,6% MSCI World (en USD) 6,0% 3,1% 6,0% 3,6% 4,8% MSCI AC World (en USD) 6,0% 3,2% 6,0% 3,7% 4,9% Actions Etats-Unis 5,3% 2,5% 5,3% 3,0% 4,2% Petites capitalisations Etats-Unis 5,7% 2,9% 5,7% 3,4% 4,6% Actions Europe 4,7% 4,2% 7,1% 4,7% 5,9% Petites capitalisations Europe 5,3% 4,8% 7,6% 5,3% 6,4% Actions zone euro 5,0% 4,5% 7,4% 5,0% 6,2% Actions Asie hors Japon 6,8% 4,0% 6,8% 4,4% 5,6% Actions Japon 3,0% 2,9% 5,7% 3,3% 4,5% Actions Suisse 5,0% 5,0% 7,8% 5,4% 6,6% Liquidités Etats-Unis Actions Royaume-Uni 6,4% 4,7% 7,6% 5,2% 6,4% 10,1% 7,3% 10,1% 7,8% 8,9% Private equity immobilier 6,0% 3,2% 6,0% 3,7% 4,8% Hedge funds 4,1% 1,3% 4,1% 1,7% 2,9% Private Equity Données collectées le 16 décembre 2016. Source: Pictet WM - AA&MR * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 28 Premier trimestre 2017 2.1 Rentabilités attendues pour les dix prochaines années Sont exposées ici les rentabilités à dix ans que nous anticipons pour les principales classes d’actifs. En règle générale, nos conclusions s’appuient sur des modèles de risque/rentabilité exclusifs, associés à des prévisions économiques internes. Nos calculs et notre méthodologie sont détaillés, classe par classe, au sein de la section «Rentabilités attendues: nos grands principes». Notre principale conclusion est la suivante: rien n’est jamais gratuit. Pour obtenir de meilleurs résultats, il faut prendre plus de risques. D’après nos projections de rentabilités pour les 10 prochaines années, c’est le private equity qui offrira à la fois les meilleures performances annuelles et la volatilité la plus élevée, tandis que les liquidités (japonaises notamment) seront assorties d’une rentabilité faible à nulle et d’une volatilité historiquement basse. GRAPHIQUE 1: RENTABILITÉS ATTENDUES ET RISQUE HISTORIQUE* Rentabilités annualisées attendues à 10 ans (%) 12 Private Equity 10 8 Actions Asie hors Japon Petites Obligations Actions Royaume-Uni MSCI World (en USD) capitalisations à haut MSCI AC World (en USD) Private equity immobilier Etats-Unis rendement Actions Etats-Unis Petites capitalisations Europe Etats-Unis Actions Suisse Actions zone euro 6 Actions Europe Hedge funds Obligations investment grade Etats-Unis Obligations à haut rendement UE Liquidités Etats-Unis Obligations du Trésor américain à 10 ans 2 Liquidités Suisse Obligations investment grade UE Liquidités Europe Obligations Royaume-Uni à 10 ans Liquidités Royaume-Uni 0 Liquidités Japon Obligations Allemagne à 10 ans Obligations Suisse à 10 ans 4 Actions Japon Obligations Japon à 10 ans -2 0 5 10 15 20 25 30 Volatilité annualisée historique à 10 ans (%) Données collectées le 16 décembre 2016 Source: PWM - AA&MR, Global Financial Data * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 29 2.2 Rentabilités attendues: nos grands principes Les professionnels de la finance et de l’investissement ont élaboré de multiples règles pratiques pour anticiper la performance des différentes classes d’actifs. Par exemple, les actions américaines sont «censées» générer une rentabilité nominale totale de 8,6% par an (en dollars, sur la base de calculs internes utilisant Global Financial Data). Et les actions doivent normalement surperformer les obligations dans la durée. Comme le montrent nos modèles, ces anticipations comportent une part de vérité. Pourtant, nombreux sont ceux qui oublient les hypothèses qui les soustendent et l’écart qui peut ponctuellement exister entre théorie et réalité. Une analyse approfondie sur des périodes précises révèle que, dans les faits, les prix des classes d’actifs évoluent de manière erratique. Conséquence: les rentabilités nominales et réelles ne sont pas stables dans le temps, ce qui va à l’encontre des idées préconçues. Un investisseur qui appliquerait aveuglément ces idées risquerait donc de prendre de mauvaises décisions, notamment en matière de stratégie d’allocation d’actifs. Dispersion des rentabilités L’étude du premier et du neuvième déciles de performance de chaque classe d’actifs montre qu’au sein d’une classe, la dispersion s’avère importante. Et ce constat vaut même pour les liquidités américaines, dont la rentabilité oscille entre 1% et 6%. Dénominateur commun à toutes les classes d’actifs: s’agissant des prévisions, les rentabilités historiques à long terme sont d’une piètre aide pour faire des prévisions. GRAPHIQUE 2: DISPERSION DES RENTABILITÉS À 10 ANS (MÉDIANE, 1ER ET 9E DÉCILES) ET MOYENNE DE LONG TERME* 1er décile 8,5% 7,4% Moyenne de long terme Médiane 8,2% 5,9% 5,2% 4,8% 1,9% 3,2% Indice S&P 500 Total Return (1800 - 2016) 9e décile 3,6% 3,7% 1,1% Indice USA 10-year Gov Bond Total Return (1800 - 2016) Source: PWM - AA&MR, Global Financial Data Données collectées le 16 décembre 2016. Irrégularité des rentabilités En plus de la forte dispersion des performances au sein d’une classe d’actifs, dans la durée, les rentabilités ont un comportement irrégulier, qui soulève la question suivante: Combien de temps fautil pour que les règles pratiques s’avèrent utiles? D’après nos recherches, entre le début du XXe siècle et la fin 2015, les investisseurs en actions américaines ont pu compter sur une rentabilité annuelle de 8,6%, sous réserve de rester investis pendant 35 années consécutives. Indice USA Total Return T-Bill (1835 - 2016) GRAPHIQUE 3: RENTABILITÉS SUR 35 ANS GLISSANTS DU S&P 500, 1850-2015* 14% 13% 12% 11% 10% 9% 8% 7% 6% 5% 4% 1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 16,0% Données collectées le 16 décembre 2016 Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 30 Premier trimestre 2017 Mais il s’agit d’une durée très longue, et la plupart des investisseurs perdent patience ou courage bien avant. L’immense majorité d’entre eux possèdent un horizon de quelques années tout au plus. Or, nos recherches montrent que plus l’horizon d’investissement est court, plus les rentabilités sont instables. Même en adoptant un horizon de dix ans (soit la plage temporelle de la présente publication et de l’allocation stratégique de Pictet), les rentabilités nominales totales des actions américaines oscillent entre -10% et +25%. La distribution «normale» des rentabilités n’a rien de normal En partant d’une rentabilité annuelle historique moyenne de 8,6% pour les actions et en faisant l’hypothèse que la rentabilité suit une loi gaussienne, la dispersion des rentabilités annuelles doit être fonction de la moyenne et de l’écart type des rentabilités. L’écart type annuel des actions américaines est de 19%. Sur la base d’une distribution normale et d’un niveau de confiance de 68%, les rentabilités annuelles à 10 ans devraient évoluer entre -10,4% et +27,6%. Et si la confiance augmente, la fourchette des prévisions s’élargit. Ce niveau de dispersion n’est, bien sûr, quasiment d’aucune utilité pour l’investisseur moyen. En outre, des travaux universitaires montrent que les rentabilités des actifs ne suivent pas les règles habituelles. Les graphiques 5 a et 5 b, qui comparent la distribution des rentabilités des bons du Trésor américain à trois mois et du S&P 500 par rapport au modèle gaussien, prouvent que l’écart peut s’avérer tout à fait significatif. C’est tout particulièrement le cas pour les bons du Trésor. GRAPHIQUE 4: S&P 500 – RENTABILITÉS TOTALES GLISSANTES À DIFFÉRENTS HORIZONS* 25% Minimum 20% 9e décile Médiane 1er décile Maximum 15% 10% 8,6% 5% 0% -5% 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data Données collectées le 16 décembre 2016 GRAPHIQUE 5A: DISTRIBUTION DES RENTABILITÉS DES BONS DU TRÉSOR AMÉRICAIN À 3 MOIS* GRAPHIQUE 5B: DISTRIBUTION DES RENTABILITÉS DU S&P 500* 25 7 Estimation de la densité de probabilité de la rentabilité sur 5 ans glissants 20 15 Densité de la loi normale 10 Estimation de la densité de probabilité de la rentabilité sur 5 ans glissants 6 5 4 Densité de la loi normale 3 2 5 1 0 0 0% 1% 3% 4% 6% 7% 8% 10% 11% 13% Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data -17% -11% -5% 1% 8% 14% 20% 26% 33% 39% Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data Données collectées le 16 décembre 2016. * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 31 Il faut tenir compte de l’instabilité des rentabilités des classes d’actifs pour forger des allocations stratégiques pertinentes. Mais la plupart des modèles théoriques reposent sur des hypothèses de normalité des rentabilités à attendre des différentes classes d’actifs. Par facilité et par incapacité à concevoir des modèles non gaussiens de distribution des rentabilités, les modèles théoriques et les professionnels de la finance continuent d’utiliser ces hypothèses, alors même qu’elles sont fausses. Pour être aussi proches que possible de la réalité des marchés financiers sur lesquels nous investissons, nous avons choisi de tenir compte de l’instabilité des rentabilités des actifs et de leur écart par rapport à la «normale». Croissance et inflation, les deux grands facteurs de performance des actifs à long terme Les investisseurs ont tendance à commettre la même erreur, c’est-à-dire à extrapoler à partir des résultats passés pour anticiper les rentabilités futures. Pourquoi? Parce qu’ils refusent d’admettre que les valorisations des actifs sont instables et qu’elles varient dans le temps en fonction de multiples facteurs. Les fondamentaux représentent le principal facteur de risque, avant les valorisations. Les vecteurs fondamentaux dépendent de l’horizon d’investissement. Sans surprise, ce ne sont donc pas les mêmes à un an ou à dix ans. D’après nos recherches, les seuls facteurs fondamentaux de rentabilité des actifs à long terme (dix ans) sont la croissance économique réelle et l’inflation.Tous les autres facteurs pouvant être qualifiés de «fondamentaux» sont étroitement liés à l’un des deux éléments susmentionnés. La politique monétaire, par exemple, concrétise les objectifs des banques centrales en termes de croissance et d’inflation. En matière de prévisions, le comportement historique donne une idée mais ne fait pas tout Notre méthodologie repose sur des scénarios plutôt que sur un retour à la moyenne. Le retour à la moyenne est un concept puissant mais pas toujours pertinent. Prenons l’exemple des rendements souverains à 10 ans. Depuis 1800, les bons du Trésor américain à 10 ans ont enregistré une rentabilité totale moyenne de 5,2% par an. Mais, depuis octobre 1981, ce chiffre s’est rapproché des rentabilités des actions (autour de 9,1% par an), alors que le niveau de risque demeurait inférieur à celui des actions. Cette excellente performance des obligations souveraines s’explique par l’effondrement de l’inflation: le rendement des bons du Trésor américain est passé de 14% au début des années 1980 à moins de 1% courant 2016, et ressortait fin octobre 2016 à 1,64%. Une approche classique axée sur le retour à la moyenne déformerait les prévisions annuelles à long terme pour les bons du Trésor à 10 ans, puisque la chute accusée par l’inflation ces 35 dernières années ne peut pas se reproduire. Proposant une alternative, notre approche, basée sur des scénarios, et qui n’est pas prisonnière des performances passées, parvient beaucoup mieux à saisir les évolutions de l’inflation et donc des taux d’intérêt. GRAPHIQUE 6: RENDEMENT DES BONS DU TRÉSOR AMÉRICAIN À 10 ANS (%), 1800-2016 16 14 12 10 8 6 4 2 0 1800 1825 Données collectées le 20 novembre 2016 1850 1875 1900 1925 1950 1975 2000 Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 32 Premier trimestre 2017 Nos scénarios peuvent intégrer une composante «retour à la moyenne», mais sans reposer uniquement sur elle. (Voir notamment la partie consacrée au taux de défaut des obligations à haut rendement de la présente publication). Une décennie comme horizon Comme nous l’évoquions à la section «Perspectives à long terme» de la présente publication, nous avons identifié trois régimes d’inflation et trois régimes de croissance. Il existe donc neuf combinaisons économiques potentielles. Nous utilisons un horizon de dix ans pour nos prévisions de rentabilité, d’une part parce que cela coïncide avec la durée habituelle d’un «régime» macroéconomique et, d’autre part, parce que cela correspond à la période envisagée par la majorité de nos clients désireux d’investir sur le long terme. Les rentabilités que nous anticipons pour les principales classes d’actifs sur une décennie englobent l’ensemble des allocations stratégiques, stratégies diversifiées y compris. Nous élaborons ainsi des prévisions pour les liquidités, les obligations souveraines à 10 ans (Etats-Unis, zone euro, Suisse, Royaume-Uni et Japon), la dette d’entreprise investment grade et à haut rendement (en dollars et en euros), les actions (Etats-Unis, zone euro, Europe, Suisse, Royaume-Uni, Japon, Asie hors Japon, petites capitalisations américaines et européennes) et les actifs alternatifs (private equity, private equity immobilier et hedge funds). Prévoir l’évolution des devises, un véritable défi Puisque nous préparons nos prévisions en devises locales, il nous faut un dispositif pour les convertir dans les quatre devises de référence que nous utilisons (dollar, euro, franc suisse et livre sterling). Pour simplifier, nous avons décidé de convertir toutes les classes d’actifs dans la devise cible en utilisant une série unique de taux de change. Il s’agit bien sûr d’un raccourci, car en gestion active, les actions ne sont en général pas couvertes, tandis que les obligations le sont souvent en totalité. Quelques exceptions notables à cette remarque: compte tenu, par exemple, de la forte corrélation avec l’évolution de la parité dollar/yen, les actions japonaises sont actuellement couvertes par les gérants. Le marché des devises est le plus liquide de tous, mais également le plus complexe en termes de prévisions. Le marché des forwards (contrats à terme de gré à gré) à dix ans permet de convertir simplement les rentabilités attendues en devises locales dans l’une de nos quatre devises de référence. Cela part du principe qu’une personne qui investit aujourd’hui sur la base de nos rentabilités attendues décide TABLEAU 1: VARIATION ANNUELLE ATTENDUE DE PARITÉS DE DEVISES À DIX ANS, EN % Forward à 10 ans sur le marché des change CHF USD EUR GBP JPY CHF 0,0 -2,9 -0,7 -1,8 -0,1 USD 3,0 0,0 2,3 1,1 2,9 EUR 0,6 -2,3 0,0 -1,2 0,6 GBP 1,8 -1,2 1,1 0,0 1,7 JPY 0,1 -2,8 -0,6 -1,7 0,0 CHF USD EUR GBP JPY CHF 0,0 -2,7 -0,3 -1,5 -0,2 USD 2,7 0,0 2,4 1,2 2,5 EUR 0,3 -2,4 0,0 -1,2 0,1 GBP 1,5 -1,2 1,2 0,0 1,4 JPY 0,2 -2,5 -0,1 -1,4 0,0 Différentiel actuel de taux d’intérêt à 10 ans Données collectées le 16 décembre 2016. Source: Pictet WM - AA&MR, Factset, Bloomberg * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 33 de couvrir entièrement la composante «devises» sur les dix prochaines années, en tenant compte de l’ensemble des informations disponibles sur les fluctuations des devises au moment où la rentabilité attendue est calculée. Dans la mesure où le différentiel de taux d’intérêt explique les mouvements des monnaies, il est fort probable que les taux de change à terme et les différentiels de taux d’intérêt correspondent dans la durée, même si ce n’est pas toujours le cas. Prenons l’exemple du taux croisé dollar/ franc suisse. Fin 2016, d’après les taux de change à dix ans, le franc suisse devait s’apprécier de 2,9% par an durant la décennie à venir. Mais, si l’on examine la différence par rapport à la dette souveraine à 10 ans, cette progression devrait être de l’ordre de 2,7%. L’écart s’avérait d’ailleurs encore plus important à la mi-octobre 2016 (0,5% contre 0,2%), ce qui a eu des répercussions significatives sur les attentes pour les portefeuilles en francs suisses. Le décalage entre les signaux envoyés par les devises et ceux envoyés par les taux d’intérêt provient en grande partie des politiques monétaires mises en place par les banques centrales depuis la crise financière de 2008, avec des mesures extrêmes, comme les taux de dépôt négatifs adoptés par la BCE, la BNS et la BoJ. Désireux de tenir compte de la relation historique entre taux de change à terme et taux d’intérêt à long terme, mais aussi de la situation actuelle des marchés des devises, nous avons décidé d’opter pour une approche intermédiaire, fondant nos prévisions de taux croisés sur une moyenne entre taux de change à dix ans et différentiels de rendements souverains à Page 34 10 ans. Dans le cas du franc, nous arrivons donc à une prévision de progression annuelle face au dollar de 2,8%. Du local au mondial Les rentabilités anticipées des indices de référence mondiaux (MSCI World, MSCI All Country World et Merrill Lynch Global Government) sont calculées à partir de nos prévisions de rentabilité en dollars des actifs sous-jacents de ces derniers (avec pondération par la capitalisation boursière en dollars). Les rentabilités anticipées en dollars de ces indices sont ensuite converties dans les autres devises en utilisant le taux de change unique choisi au préalable. Cette approche nous permet de réduire significativement la dispersion des rentabilités en dollars. Après conversion en dollars, les obligations souveraines à 10 ans devaient, fin 2016, induire une rentabilité moyenne de 2,2% par an sur la prochaine décennie, oscillant au sein d’une marge de fluctuation étroite (2,0%-2,3%). L’écart de rentabilité entre le HY américain (5,1% par an) et son homologue européen (3,2%) se réduit lui aussi de manière très nette, ce dernier affichant une rentabilité annuelle de 5,6% après conversion en dollars. Cette observation s’applique également aux actions. En devises locales, nos prévisions de rentabilité pour les indices actions vont d’un point bas à 3,0% pour le Japon à un point haut à 6,8% pour l’Asie hors Japon, soit une plage de 3,8% de variation. Converties en dollars, les rentabilités attendues oscillent entre 5,3% pour les actions américaines (qui pointent donc à la dernière place, tous marchés confondus) et 7,6% pour les valeurs suisses (qui caracolent en tête), soit une fourchette de variation de 2,3%. Premier trimestre 2017 2.3 Rentabilités attendues: ce qu’il faut retenir pour les principaux actifs De ce fait, dans les dix prochaines années, les rendements de manière générale et les rentabilités des liquidités s’avéreront positifs. Malgré les achats d’actifs massifs de la BoJ, nous n’anticipons pas d’assouplissement quantitatif infini dans l’Archipel. Les taux de base devraient, selon nous, stagner pendant quelques années, avant de se normaliser. Il en va de même pour la BCE: le taux au jour le jour EONIA devrait à terme passer de -0,35% à 1,75%. Liquidités: l’action des banques centrales va rendre les liquidités plus attractives Notre scénario central pour la prochaine décennie table sur une normalisation des taux d’intérêt à court comme à long terme. Pourtant, compte tenu de la taille actuelle du bilan des banques centrales, ce processus durera plus de dix ans, ce qui signifie que les taux courts resteront relativement faibles. La Fed a d’ailleurs d’ores et déjà commencé de relever ses taux, et des décisions similaires sont à attendre dans d’autres régions, avec à la clé un rebond des taux au niveau mondial. Obligations souveraines: les changements de régime des taux freinent leur performance Les prévisions de rentabilité des obligations souveraines à 10 ans n’échappent pas à la difficulté engendrée par le fait d’adopter un horizon d’une décennie. En excluant les extrêmes (les 10% les meilleurs GRAPHIQUE 1: INDICE DE RENTABILITÉ TOTALE DES BONS DU TRÉSOR AMÉRICAIN À 3 MOIS, 1850-2016 (ÉCHELLE LOGARITHMIQUE)* 10 000 1 000 100 10 1 1850 1875 1900 1925 1950 1975 Données collectées le 20 décembre 2016 2000 Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data TABLEAU 1: RENTABILITÉ ATTENDUE ET HISTORIQUE, VOLATILITÉ HISTORIQUE ET PERTE MAXIMALE DES LIQUIDITÉS PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE* Rentabilité Rentabilité historique historique Rentabilité des 10 des 15 attendue dernières dernières à 10 ans années années Liquidités Etats-Unis Liquidités Europe Liquidités Suisse Liquidités Royaume-Uni Liquidités Japon Volatilité Volatilité historique historique des 10 des 15 dernières dernières années années Perte Rentabilité maximale historique des 15 sur une dernières longue années période Date de début Date de fin 2,2 0,7 1,3 0,4 0,5 0,0 3,7 31.12.1835 30.11.2016 1,2 1,4 1,9 0,5 0,5 0,0 5,3 31.12.1983 30.11.2016 1,2 0,5 0,6 0,3 0,3 0,0 3,0 31.12.1894 30.11.2016 1,2 1,3 2,4 0,5 0,6 0,0 4,3 31.01.1800 30.11.2016 0,0 0,3 0,2 0,1 0,1 0,0 4,8 30.09.1882 30.11.2016 Données collectées le 16 décembre 2016. Source: Pictet WM-AA&MR, Global Financial Data, Factset, Thomson Reuters * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 35 TABLEAU 2: RENTABILITÉ ATTENDUE ET HISTORIQUE, VOLATILITÉ HISTORIQUE ET PERTE MAXIMALE DES OBLIGATIONS SOUVERAINES PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE* Rentabilité Rentabilité historique historique Rentabilité des 10 des 15 attendue dernières dernières à 10 ans années années Volatilité historique des 10 dernières années Volatilité historique des 15 dernières années Perte Rentabilité maximale historique des 15 sur une dernières longue années période Date de début Date de fin Obligations du Trésor américain à 10 ans Obligations allemandes à 10 ans 2,2 4,8 4,9 7,9 7,9 -10,1 5,5 31.07.1786 30.11.2016 -0,4 5,6 5,5 6,2 5,7 -8,6 15,4 30.09.1788 30.11.2016 Obligations Suisse à 10 ans -0,8 3,5 3,9 4,3 4,0 -5,7 4,0 31.12.1899 16.12.2016 -0,4 2,5 1,9 2,9 3,5 -10,1 6,4 31.05.1870 30.11.2016 1,1 6,2 5,9 7,0 6,3 -10,2 4,5 31.07.1700 30.11.2016 Obligations Japon à 10 ans Obligations Royaume-Uni à 10 ans Source: Pictet WM-AA&MR, Global Financial Data, Factset, Thomson Reuters et les moins bons des performances annuelles), notre analyse des marchés obligataires sur plus de deux siècles révèle que les rentabilités souveraines ont historiquement évolué entre 2% et 8% par an aux Etats-Unis. Il s’agit d’une dispersion relativement importante, qui indique que la rentabilité historique moyenne des obligations du Trésor américain (5,5%) peut s’avérer trompeuse. Par exemple, sur les 35 dernières années, en raison du repli progressif (mais inégal) des taux d’intérêt, les obligations du Trésor américain à 10 ans ont affiché des performances annuelles en moyenne comparables à celles des actions (8,6% par an). Pourtant, et parce que nous sommes convaincus que nous traversons un changement de régime, nous prévoyons actuellement un chiffre de «seulement» 2,2% par an en moyenne sur la prochaine décennie pour les obligations du Trésor. GRAPHIQUE 2: INDICE DE RENTABILITÉ TOTALE DES OBLIGATIONS DU TRÉSOR AMÉRICAIN À 10 ANS, 1800-2016 (ÉCHELLE LOGARITHMIQUE)* GRAPHIQUE 3: OBLIGATIONS DU TRÉSOR AMÉRICAIN À 10 ANS: RENTABILITÉS TOTALES GLISSANTES À PLUSIEURS HORIZONS, 1800-2016* 100 000,00 16% 10 000,00 14% 12% 1 000,00 9e décile Maximum Médiane 10% 100,00 8% 10,00 6% 5,2% 4% 1,00 2% 1800 1825 1850 1875 1900 1925 1950 1975 2000 Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data 0% 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 210 0,10 Minimum 1er décile Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data Données collectées le 16 décembre 2016. * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 36 Premier trimestre 2017 GRAPHIQUE 4: RENDEMENT DES OBLIGATIONS DU TRÉSOR AMÉRICAIN À 10 ANS ET CROISSANCE NOMINALE DU PIB AMÉRICAIN, 1800-2016* GRAPHIQUE 5: PRÉVISION DE CROISSANCE NOMINALE DU PIB EN 2026* 8,0% 18 16 14 12 10 7,50% 7,0% Rendement des bons du Trésor américain à 10 ans à maturité constante 6,0% Croissance nominale annualisée du PIB américain à 5 ans 5,0% 4,25% 4,0% 8 3,25% 3,00% 3,0% 6 4 2,0% 2 1,0% 0 1,50% 0,0% 1800 1825 1850 1875 1900 1925 1950 1975 2000 2,50% Chine USA UK Suisse Zone euro Japon Données collectées le 16 décembre 2016 Données collectées le 16 décembre 2016 Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data, Thomson Reuters Source: Pictet WM - AA&MR Rendements souverains et PIB nominal. L’analyse de long terme révèle que les taux nominaux souverains suivent de près l’évolution du PIB nominal. Cependant, ces dernières années, ce lien a été déformé par les politiques des banques centrales. Les interventions de ces dernières (souvent sous forme d’achats massifs d’obligations souveraines) ont exercé des pressions baissières sur les taux d’intérêt à long terme, désormais anormalement inférieurs à la croissance nominale du PIB. Notre méthodologie table sur une normalisation des taux d’intérêt dans les dix prochaines années, mais tient également compte de cette distorsion. Une normalisation totale des taux d’intérêt à long terme devrait intervenir dans les dix prochaines années. Nous appuyant sur notre dernier scénario macroéconomique en date, nous avons pu élaborer des prévisions d’inflation et de croissance qui permettent d’anticiper le taux des obligations à 10 ans. Pour ce faire, nous n’adoptons pas une approche d’achat et de portage jusqu’à l’échéance des obligations. Nos calculs sont fondés sur un rééquilibrage régulier de notre portefeuille obligataire, toutes les obligations étant remplacées par un titre avec une maturité de 10 ans lorsque les coupons sont payés, ce qui nous permet de conserver une TABLEAU 3: RENTABILITÉ ATTENDUE ET HISTORIQUE, VOLATILITÉ HISTORIQUE ET PERTE MAXIMALE DES OBLIGATIONS D’ENTREPRISE PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE* Rentabilité historique Rentabilité des 10 attendue dernières à 10 ans années Obligations à haut rendement Etats-Unis Obligations à haut rendement UE Obligations investment grade Etats-Unis Obligations investment grade UE Rentabilité historique des 15 dernières années Volatilité historique des 10 dernières années Volatilité historique des 15 dernières années Perte Rentabilité maximale historique des 15 sur une dernières longue années période Date de début Date de fin 5,1 7,3 8,1 10,7 9,6 -33,2 8,4 31.08.1986 16.12.2016 3,2 7,3 8,4 12,4 11,1 -37,7 5,7 31.12.1997 16.12.2016 3,6 5,3 5,5 5,9 5,6 -16,1 7,8 31.01.1973 16.12.2016 1,4 4,5 4,8 3,8 3,4 -6,8 5,0 31.12.1996 16.12.2016 Données collectées le 16 décembre 2016. Source: Pictet WM-AA&MR, Global Financial Data, Factset, Thomson Reuters * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 37 maturité relativement constante dans la durée. La rentabilité totale est calculée en tenant compte des prévisions de coupon et de variation du prix de l’obligation. Ces deux éléments dépendent de notre scénario de taux d’intérêt. Même si nous ne pensons pas que les taux à court terme vont converger vers leur valeur d’équilibre en raison de l’importance des positions accumulées par les banques centrales depuis la crise financière, nous anticipons une convergence des taux à long terme vers la croissance nominale attendue du PIB sur la décennie à venir (ce qui correspond à notre définition de la normalisation des taux d’intérêt). Cela pèsera sur les rentabilités des obligations souveraines à 10 ans. De fait, les rendements devraient demeurer anémiques en raison de la faiblesse des coupons. Ces derniers ne parviennent donc pas à compenser la perte de valeur découlant de la hausse des taux d’intérêt. Cette situation se traduira par des rentabilités négatives pour les obligations souveraines en Allemagne, en Suisse et au Japon, ce qui constitue un virage par rapport aux rentabilités extrêmement élevées de ces 35 dernières années. Obligations d’entreprise: le haut rendement demeure attrayant Investment grade: le taux constitue un bon indicateur des rentabilités futures. GRAPHIQUE 6: RENTABILITÉ ATTENDUE POUR L’IG AMÉRICAIN À 10 ANS ET TAUX D'INTÉRÊT DE L’IG AMÉRICAIN (AVEC DÉCALAGE DE 10 ANS)* 13 Pour élaborer nos prévisions de rendements obligataires souverains à 10 ans, nous répartissons croissance et inflation en trois régimes potentiels. C’est ce même cadre que nous utilisons pour calculer les rentabilités attendues des obligations d’entreprise investment grade (IG), associant le rendement souverain anticipé à dix ans et le spread prévu entre dette privée IG et obligations souveraines à 10 ans. Hors événements majeurs (par exemple la crise financière internationale de 2008-09), l’histoire montre que les taux IG américains actuels constituent un baromètre relativement fiable des rentabilités attendues sur dix ans pour les obligations d’entreprise, avec une marge d’erreur de +/- 1,2%. Pour la prochaine décennie, nous tablons sur une rentabilité totale annuelle de 3,6%, un chiffre proche du taux de 3,5% servi mi-décembre 2016 par l’IG américain. L’IG européen présente un schéma similaire: 1,4% de rentabilité anticipée à dix ans, contre 1,6% de rendement à mi-décembre 2016. Le haut rendement, savant mélange d’actions et d’obligations. Les obligations à haut rendement (HY) possèdent à la fois des caractéristiques des actions et des obligations. La forte corrélation entre spreads HY et indice VIX de volatilité des actions en est un parfait exemple. GRAPHIQUE 7: SPREADS DU HY AMÉRICAIN ET VIX* Rentabilité annualisée à 10 ans de l’indice Bofa Merrill Lynch US Corporate 11 9 9.0 7 8.0 5 30 28 26 24 22 20 18 16 14 12 10 7.0 3 Différence 1 Indice Bofa Merrill Lynch US Corporate décalé de 10 ans 6.0 5.0 4.0 -1 -3 Spread HY VIX (droite) 3.0 95 00 05 10 15 Les données couvrent la période allant du 1er janvier 1995 au 15 décembre 2016. Source: Pictet WM - AA&MR, Thomson Reuters 12 13 14 15 16 17 Les données couvrent la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016. Source: Pictet WM - AA&MR, Thomson Reuters * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 38 Premier trimestre 2017 GRAPHIQUE 8: DIFFÉRENTIEL DE RENTABILITÉ TOTALE À 10 ANS ENTRE HY/IG AMÉRICAIN ET S&P 500* 10 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 -8 -10 -12 GRAPHIQUE 9: TAUX DE DÉFAUT DU HY AMÉRICAIN* 15% Taux de défaut du HY américain Taux de perte annuel Taux de défaut moyen du HY américain 13% HY américain/S&P 500 10 ans - différence de rentabilité totale (annualisée) 11% 9% 7% 5% 3% IG américain/S&P 500 10 ans différence de rentabilité totale (annualisée) 97 00 03 06 09 12 1% 15 Les données couvrent la période allant du 1er janvier 1997 au 15 décembre 2016. Source: Pictet WM - AA&MR, Thomson Reuters -1% 20 30 40 50 60 70 80 90 00 10 Les données couvrent la période allant du 1er janvier 1921 au 31 décembre 2015. Source: Pictet WM - AA&MR, Société Générale, Moody's, Standard & Poor's TABLEAU 4: RENTABILITÉ ATTENDUE ET HISTORIQUE, VOLATILITÉ HISTORIQUE ET PERTE MAXIMALE DES MARCHÉS ACTIONS PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE* Rentabilité attendue à 10 ans Rentabilité historique des 10 dernières années Rentabilité historique des 15 dernières années Volatilité historique des 10 dernières années Volatilité historique des 15 dernières années Perte maximale des 15 dernières années MSCI World (en USD)** 6,0 4,4 6,5 16,5 15,7 -53,7 9,4 31.12.1969 16.12.2016 MSCI AC World (en USD)** 6,0 4,1 6,4 17,0 15,3 -54,6 7,5 31.12.1987 16.12.2016 5,3 7,1 6,8 15,3 14,4 -51,0 8,6 31.01.1800 16.12.2016 5,7 7,1 8,5 20,1 19,2 -52,9 11,7 31.12.1978 16.12.2016 4,7 2,8 4,1 15,5 15,4 -54,3 11,1 31.12.1950 16.12.2016 5,3 4,1 7,6 18,5 17,8 -60,2 5,1 31.12.1986 16.12.2016 Actions zone Euro 5,0 1,5 3,3 17,9 17,9 -56,3 10,6 31.12.1950 16.12.2016 Actions Asie hors Japon 6,8 5,1 9,3 19,0 17,9 -54,6 9,4 31.12.1987 16.12.2016 Actions Japon 3,0 1,2 4,5 19,5 18,1 -56,2 11,2 31.12.1920 16.12.2016 Actions Suisse 5,0 2,6 4,9 13,5 13,8 -48,8 7,5 31.01.1966 16.12.2016 Actions Royaume-Uni 6,4 5,4 6,4 14,1 13,8 -41,1 6,7 31.01.1700 16.12.2016 Actions Etats-Unis Petites capitalisations Etats-Unis Actions Europe Petites capitalisations Europe Rentabilité historique sur une longue période Date de début Date de fin **Voir rentabilités en glissement annuel en annexe Données collectées le 16 décembre 2016. Source: Pictet WM-AA&MR, Global Financial Data, Factset, Thomson Reuters * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 39 GRAPHIQUE 10: INDICE S&P 500 TOTAL RETURN, 1800-2016 (ÉCHELLE LOGARITHMIQUE, SÉRIE RECALCULÉE PAR GFD)* 10 000,0000 1 000,0000 100,0000 10,0000 1,0000 0,1000 0,0100 0,0010 0,0001 1800 1816 1833 1850 1866 1883 1900 1916 1933 Données collectées le 16 décembre 2016. 1950 1966 1983 2000 2016 Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data En période de tensions financières, les spreads HY ont tendance à progresser de concert avec le risque lié aux actions. Mais ce parallèle entre VIX et spreads HY a ses limites: le VIX est aussi l’«indice de la peur» des valeurs phares du S&P 500, des sociétés qui appartiennent en général à la catégorie investment grade, alors que l’univers HY américain est surtout composé de moyennes et petites capitalisations. Pourtant, l’analyse montre que, sur une période de dix ans, les rentabilités totales du HY américain suivent une trajectoire beaucoup plus proche des obligations IG que du S&P 500. On recense même des plages temporelles importantes pendant lesquelles le HY surclasse les actions (20082014, par exemple), et vice versa. L’écart entre rentabilités à dix ans des actions et du HY depuis 2014 n’a pas été aussi faible depuis vingt ans. Contrairement à l’IG américain, les rendements du HY américain ne constituent pas un bon indicateur des rentabilités futures, car ce surcroît de rendement correspond à ce que demandent les investisseurs en compensation du surcroît de risque. Pour le calcul des rentabilités attendues, le taux de défaut compte moins que le taux de perte final sur les obligations HY. Le taux de perte associe le taux de défaut et l’éventuel taux de recouvrement car, contrairement aux actions, un événement de crédit n’entraîne pas forcément une faillite et 100% de perte du capital. Le taux de défaut annuel à long terme aux EtatsUnis ressort à 2,7%. Sur la base d’un taux de recouvrement moyen de 40%, nous obtenons un taux de perte annuel estimé à 1,8% pour le HY américain. En intégrant les différences de qualité des émetteurs, de GRAPHIQUE 11: S&P 500: PROFITS ET RENTABILITÉ TOTALE, 1930-2016 (ÉCHELLE LOGARITHMIQUE)* 4,0 2,5 3,5 2,0 Rentabilité totale du S&P 500 (log., gauche) Indice des profits du S&P 500 (log., droite) 3,0 2,5 1,5 2,0 1,0 1,5 1,0 0,5 0,5 0,0 0,0 -0,5 -0,5 -1,0 1930 1938 1946 1954 1962 Les données couvrent la période allant du 31 juillet 1929 au 30 novembre 2016. 1970 1978 1986 1994 2002 2010 -1,0 Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 40 Premier trimestre 2017 GRAPHIQUE 12: INDICES S&P 500 ET STOXX EUROPE 50: RATIO PER À 12 MOIS* 30 PER à 12 mois du S&P 50 25 PER à 12 mois du Stoxx Europe 50 20 15 10 5 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 Les données couvrent la période allant du 7 janvier 1988 au 5 janvier 2017. taux de défaut et de taux de recouvrement, celui du HY européen s’établit à 1,1% par an. Notre modèle de prévision des rentabilités à dix ans du HY tient compte du taux de perte historique moyen, mais pas des crises financières comparables à celle de 20082009, qui feraient baisser ces projections. Actions: des performances inférieures à la moyenne de long terme, mais toujours attrayantes Les profits, moteur des marchés actions. Dans la durée, les marchés actions progressent peu ou prou au même rythme que les profits des entreprises. Cependant, une période de dix ans n’est pas assez longue pour bien appréhender la correspondance entre croissance des bénéfices et performances des titres en bourse. Lorsque nous calculons les rentabilités totales attendues pour les 08 10 12 14 16 Source: Pictet WM - AA&MR, Thomson Reuters actions, nous devons examiner trois facteurs: le rendement du dividende (lissé sur les cycles de marché), les valorisations en début et fin de période, ainsi que la croissance anticipée des résultats. Valorisations et progression des résultats dépendent du régime économique qui prévaut et des changements de régime prévus sur la décennie. Le contexte actuel de faiblesse de la croissance nominale du PIB entrave la progression des bénéfices. En outre, la valorisation des actions, évaluée par le ratio cours/résultats (PER), semblait relativement élevée fin 2016. Après avoir rebondi depuis la crise financière, les marchés actions développés frôlent désormais leurs records en termes de multiples. Même s’il n’est pas encore question de bulle, valorisations et perspectives économiques n’apportent TABLEAU 5: VALEUR CIBLE À 10 ANS DES PRINCIPALES VARIABLES UTILISÉES POUR LES MARCHÉS ACTIONS* Objectif de rendement du dividende 2,1% Ratio PER actuel 17,3 Objectif de ratio PER 16,0 Objectif de taux de croissance des résultats 4,5% FTSE 100 3,8% 14,3 13,0 4,1% TOPIX 2,0% 14,7 13,0 2,3% MSCI AC ASIA EX JP U$ 2,8% 18,0 10,0 6,1% EURO STOXX 3,0% 14,2 13,5 3,0% STOXX EUROPE 600 E 3,0% 14,7 13,5 3,0% STOXX EUROPE SMALL 200 2,5% 15,5 14,2 4,3% S&P 500 COMPOSITE Données collectées le 16 décembre 2016. Source: Pictet WM - AA&MR, Thomson Reuters * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 41 TABLEAU 6: RENTABILITÉ ATTENDUE ET HISTORIQUE, VOLATILITÉ HISTORIQUE ET PERTES MAXIMALES DES HEDGE FUNDS* Hedge funds Rentabilité attendue à 10 ans 4,1 Rentabilité historique des 10 dernières années -0,6 Rentabilité historique des 15 dernières années 1,7 Volatilité historique des 10 dernières années 5,9 Volatilité historique des 15 dernières années 5,3 Données collectées le 16 décembre 2016. Perte Rentabilité maximale historique des 15 sur une dernières longue années période -25,2 Date de début Date de fin 4,5 30.01.1998 16.12.2016 Source: Pictet WM - AA&MR, Global Financial Data, Factset, Thomson Reuters qu’un soutien limité aux rentabilités à long terme des actions, qui risquent de ne pas atteindre leur moyenne historique. Convertir la croissance nominale du PIB en croissance des résultats. Le calcul des rentabilités attendues à long terme repose sur trois composantes: rendement du dividende, ratio PER et croissance des résultats. Le contexte macroéconomique, surtout l’inflation et le PIB réel, servira à déterminer notre objectif de PER à 10 ans. S’agissant de la progression des bénéfices au sein des grands indices développés, nous partons du principe qu’elle se rapprochera forcément de la croissance nominale du PIB sur une décennie, avec trois exceptions. 1.Les marchés émergents. La croissance nominale des pays émergents ne se transforme pas entièrement en croissance des résultats des entreprises locales. Nous en tenons compte dans nos prévisions. Mais plus les économies gagnent en maturité, plus la croissance économique se rapproche de celle des profits. GRAPHIQUE 13: INDICE DES PETITES CAPITALISATIONS RELATIF À L'INDICE GÉNÉRAL PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE (2001 = 100)* 180 160 140 120 Europe Japon 100 80 Etats-Unis 60 40 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Les données couvrent la période allant du 1er janvier 1992 au 26 décembre 2016. Source: Pictet WM - AA&MR, Thomson Reuters GRAPHIQUE 14: RENTABILITÉ TOTALE DES INDICES DE HEDGE FUNDS HFRI/HFRX ET PERFORMANCE D’UN PORTEFEUILLE 60/40, 2000-2016 (2000 = 100)* 300 INDICE HFRI FUND WEIGHTED HEDGE FUND - TOT. RETURN INDICE HFRX GLOBAL HEDGE FUND U$ - TOT. RETURN Portefeuille américain 60/40 250 200 150 100 50 00 01 02 03 04 05 06 07 Les données couvrent la période allant du 1er janvier 2000 au 1er décembre 2016. 08 09 10 11 12 13 14 15 16 Source: Pictet WM - AA&MR, Thomson Reuters * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 42 Premier trimestre 2017 2.Les grands pays exportateurs. Le Japon souffre d’une croissance nominale anémique depuis plusieurs années, mais ses entreprises sont fortement exposées à des marchés étrangers, ce qui signifie que la progression de leurs résultats s’avère nettement supérieure à celle que la croissance nominale du PIB nippon suggère. Mais cette prime s’avère particulièrement instable dans le temps, ce qui entraîne des changements de régime durables de la performance relative entre grandes et petites capitalisations. Conséquence: les incertitudes qui entourent nos prévisions pour ces dernières sont plus importantes que celles qui pèsent sur l’univers des actions au sens large (voir graphique 13). 3.Les petites capitalisations. En règle générale, les petites capitalisations croissent plus vite que l’économie dans son ensemble. Actifs alternatifs: le private equity dopera les rentabilités Mesurer les rentabilités des hedge funds n’a rien d’évident. Contrairement aux actions, il peut s’avérer relativement difficile d’investir de manière optimale dans des hedge funds, dont beaucoup n’acceptent pas de nouvelles souscriptions. Deux indices sont couramment utilisés pour évaluer leurs rentabilités: le HFRI et le HFRX, tous deux élaborés par Hedge Fund Research. Le HFRI est tout simplement une moyenne équipondérée des rentabilités de tous les fonds existants. Il permet donc de bien appréhender les tendances sous-jacentes du secteur des hedge funds dans son ensemble, mais il est difficile d’extrapoler les données, puisque certains fonds ne sont pas ouverts aux nouveaux investisseurs. Le HFRX repose, lui, sur un modèle qui sélectionne les fonds dans lesquels il est possible d’investir. Depuis la crise financière internationale, l’écart entre les rentabilités des deux indices s’est creusé. En raison de la faiblesse de la croissance nominale et de l’importance des valorisations, les rentabilités totales annuelles des actions au cours de la prochaine décennie devraient être inférieures à la moyenne de long terme du S&P 500, soit 8,6%. Petites capitalisations: des risques spécifiques, source d’incertitude accrue. Exception faite de la bulle des TMT (technologies, médias et télécommunications) et de la fin des années 1990, période pendant laquelle les valorisations des petites sociétés cotées étaient inférieures à celles des grandes, les indices des petites capitalisations se négocient généralement avec une prime par rapport aux indices boursiers plus généraux. GRAPHIQUE 15: TAUX DE RENTABILITÉ INTERNE ANNUEL MOYEN (ET PAR MILLÉSIME) DU PRIVATE EQUITY ET MSCI AC WORLD, 2000-2013* Médiane private equity 25% MSCI ACWI (tous pays) 3.0 Médiane private equity / MSCI ACWI (tous pays) (droite) 20% 2.5 2.0 15% 1.5 10% 1.0 5% 0% 0.5 00 01 02 Données collectées le 16 décembre 2016. 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 0.0 Source: Pictet Alternative Advisors, Pictet WM - AA&MR * Ni les résultats passés ni les prévisions ne constituent un indicateur fiable des performances futures. Page 43 Depuis 2000, le HFRI affiche une rentabilité proche de celle d’un portefeuille 60/40 (60% en actions du S&P 500, 40% en obligations du Trésor à 10 ans). Pour les dix prochaines années, nous anticipons une rentabilité annuelle de 4,1% pour les hedge funds, un chiffre fondé sur la performance de l’indice HFRI. Toutefois, cette classe d’actifs est loin d’être homogène et il existe une forte dispersion des rentabilités en fonction des stratégies (CTA/Commodity trading advisor, long/ short equity, dette distressed, etc.). Choisir la bonne stratégie de hedge funds peut permettre d’améliorer très nettement le rapport entre risque et rendement et de modifier les rentabilités attendues. Private equity: bien plus que du bêta par rapport aux actions. Le private equity est, par essence, très différent des autres classes d’actifs. Tout d’abord, il n’est pas coté en bourse. Il n’existe donc aucune valorisation de marché quotidienne comparable à celles qui sont disponibles pour les actifs cotés. Des valeurs liquidatives (VL) sont publiées tous les mois ou tous les trimestres: les variations quotidiennes sont donc lissées et la volatilité intrajournalière n’apparaît pas. Il s’agit là d’un aspect très important, car les accès de volatilité du marché ne transparaissent pas forcément dans les valorisations du private equity. La deuxième différence a trait à la nature des entreprises ciblées par le private equity. Les indices actions mondiaux accordent une pondération plus importante à un petit nombre de grandes, voire de très grandes entreprises. Par exemple, Nestlé, Roche et Novartis représentent 58% de l’indice suisse SMI. Inversement, le private equity investit dans des sociétés de taille beaucoup plus modeste: la volatilité des performances se rapproche donc beaucoup plus de celle des indices des petites capitalisations. espérer dans dix ans. Les choses sont différentes avec le private equity. Après l’engagement d’investissement initial, les investissements sont répartis dans le temps, au fur et à mesure de l’entrée du fonds au capital des sociétés. Les flux de trésorerie pour l’investisseur sont impactés à la fois par les appels de fonds pour couvrir les nouveaux investissements et par les encaissements provenant de la vente des sociétes en portefeuille. Pratiquement, les investisseurs ne paient que le flux net. Conséquence: les flux de trésorerie sont fragmentés dans le temps, contrairement à ceux des autres classes d’actifs, qui requièrent un investissement unique à une date donnée. Les rentabilités des fonds de private equity doivent donc être calculées en utilisant la méthodologie des taux de rendement interne (IRR). En utilisant cette dernière, l’IRR enregistré par le private equity est quasiment deux fois plus important (1,9 fois) que les actions cotées (représentées par l’indice MSCI AC World). Ce chiffre pourrait donner l’impression que le private equity constitue tout simplement une source de bêta par rapport aux actions cotées. Mais cette impression est trompeuse, car les liquidités apportées à un fonds de private equity ne sont jamais entièrement investies. A l’instar des autres classes d’actifs, nos calculs prévisionnels ne sont donc pas basés sur l’IRR. Il n’existe pas de méthode permettant de convertir rapidement un IRR en rentabilité à dix ans. Notre approche consiste à définir un multiple cible à la sortie pour l’investissement en private equity, en tenant compte du flux de trésorerie maximum ayant effectivement été payé pour cet investissement. Notre prévision à dix ans s’établit donc à 10,1%, ce qui correspond à un alpha non négligeable par rapport aux actions internationales (4 points de pourcentage). La troisième différence provient des flux de trésorerie. Dans les autres classes d’actifs, nos prévisions donnent une idée de ce qu’une personne investissant une certaine somme d’argent aujourd’hui peut Page 44 Premier trimestre 2017 LA DÉCENNIE EN BREF LE CHOC ÉCONOMIQUE A la fin de la Guerre de Kippour, qui oppose Israël à une coalition de pays arabes menée par l’Egypte et la Syrie en 1973, l’Opep fait flamber les cours du pétrole. En moins de trois mois, le prix du baril triple, passant de 3 à 10 dollars. La manœuvre du cartel déclenche une crise pétrolière qui engendre un phénomène économique inédit dans le monde développé: la stagflation, cocktail maléfique de croissance molle et d’inflation flirtant avec les 12%. 1970 En 1981, avec l’élection de Ronald Reagan à la présidence des Etats-Unis, une nouvelle politique budgétaire est expérimentée: baisse de taxes tous azimuts et mesures monétaires ultra-restrictives pour faire retomber l’inflation. Associée à un ciblage d’inflation strict de la part de Paul Volcker, président de la Fed, cette relance par l’offre baptisée «Reaganomics» permet à l’économie américaine d’afficher une croissance annuelle moyenne de 3,5% et à l’inflation, de retomber à environ 2% en fin de décennie. Résultat: une envolée des actions américaines et de leurs homologues européennes, transmission transatlantique oblige. 1980 Avec l’arrivée d’Internet en 1990, les nouvelles technologies se multiplient au cours de la décennie, faisant de l’innovation et de l’investissement un duo gagnant pour la croissance économique. Dopé par l’investissement, les dépenses des ménages et les nouvelles technologies, le PIB réel adopte un tempo soutenu, progressant en moyenne de plus de 3% aux Etats-Unis et 2% en Europe. La politique monétaire axée sur l’inflation permet de limiter la hausse des prix autour de 2%. 1990 L’éclatement de la bulle Internet en 2000, puis les attentats du 11 septembre 2001 à New York et la crise des subprimes en 2007-2008 mettent fin à une période de faible volatilité des variables économiques (inflation ou PIB réel). Deux chocs majeurs se produisent en effet durant la décennie: (1) l’explosion de la bulle immobilière américaine, qui provoque la chute de la banque d’investissement Lehman Brothers en septembre 2008 et déclenche une crise financière mondiale et (2) la crise de la dette souveraine de la zone euro, dont les pays périphériques doivent être renfloués, remettant en cause l’intégrité de l’union monétaire. 2000 La reprise post-récession majeure de 2008-2009 est poussive, tandis que la zone euro reste engluée dans la crise de la dette souveraine. Mais, en milieu de décennie, la croissance américaine apparaît de plus en plus robuste alors que celle de la zone euro semble sortir la tête de l’eau. Associé aux mesures budgétaires et fiscales, l’extraordinaire soutien monétaire se révèle déterminant pour aider les économies développées à se relever de la pire crise financière depuis les années 1930. Une croissance nominale timide mais régulière soutient les marchés actions durant la première moitié de la décennie. La croissance des résultats déçoit, mais une reprise est attendue en 2017. 2010 *Rentabilité nominale annualisée moyenne sur dix ans (** sur la période 2010-2016), en devises locales, coupons et dividendes réinvestis. ACTIF DE LA DÉCENNIE Liquidités américaines 6,3% * La rentabilité élevée des liquidités américaines résulte de l’envolée des taux d’intérêt: de 5% au début des années 1970, ils atteignent 14% au commencement de la décennie suivante. Actions européennes 22,7% * Le tassement progressif des taux d’intérêt se traduit par une rentabilité époustouflante des actions. Actions américaines 18,2% * La tendance haussière de Wall Street et des bourses européennes traduit l’anticipation d’une flambée des résultats des entreprises. Bund allemand à 10 ans 10,3% * Assouplissement quantitatif et politiques monétaires non conventionnelles entraînent un rebond durable des prix des obligations d’Etat. Actions développées 10,9% ** Les actions développées apparaissent toujours comme les actifs les plus attrayants, avec un meilleur profil risque/rentabilité que les actions émergentes. Page 45 Annexe INDICE MSCI AC WORLD, RENTABILITÉS TOTALES PAR AN, 2007-2016 (EN USD) 40% 30% 20% 10% 0% -10% -20% -30% -40% -50% Indice MSCI AC World Return 35,4% 16,8% 13,2% 12,2% 23,4% 8,5% 4,7% -1,8% -6,9% -41,8% 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Source: Pictet WM-AA&MR, Global Financial Data, 31 décembre 2016 INDICE MSCI WORLD, RENTABILITÉS TOTALES PAR AN, 2007-2016 (EN USD) 40% 30% 20% 10% 0% -10% -20% -30% -40% -50% Indice MSCI World Return 30,8% 27,4% 16,5% 12,3% 9,6% 8,2% 5,5% -0,3% -5,0% -40,3% 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Source: Pictet WM-AA&MR, Global Financial Data, 31 décembre 2016 Page 46 Premier trimestre 2017 Contributeurs: Christophe Donay, Jacques Henry, Djaafar Aballeche, Dong Chen, Frederik Ducrozet. Edition: Isidore Ryan Mise en page: Production Multimedia Pictet, Forth Studio Relecture: Sabine Jacot-Descombes Avertissement: ce document marketing n’est pas destiné à des personnes physiques ou à des entités qui seraient citoyennes d’un Etat ou qui auraient leur domicile dans un Etat ou une juridiction où sa distribution, sa publication, sa mise à disposition ou son utilisation seraient contraires aux lois et règlements en vigueur. Les informations, données et analyses qu’il contient sont fournies à titre indicatif uniquement. Elles ne sauraient être considérées comme des recommandations, que ce soit des recommandations de nature générale ou adaptées à la situation individuelle d’une personne quelle qu’elle soit. Sauf indication contraire, tous les cours et prix figurant dans le présent document sont fournis à titre purement indicatif. Aucune entité du groupe Pictet ne peut être tenue pour responsable de ces données, qui ne constituent en aucune façon une offre commerciale ou une incitation à acheter, à vendre ou à souscrire des titres ou tout autre instrument financier. Les informations fournies dans le présent document ne sont le résultat ni d’une analyse financière au sens des «Directives visant à garantir l’indépendance de l’analyse financière» de l’Association suisse des banquiers ni d’une recherche en investissements au sens des dispositions applicables de la directive européenne concernant les marchés d’instruments financiers (dite directive MiFID). Bien que les informations et les opinions figurant dans ce document proviennent de sources jugées fiables et soient obtenues de bonne foi, le groupe Pictet ne fait aucune déclaration et ne donne aucune garantie, implicite ou explicite, quant à leur exactitude ou à leur exhaustivité. Nonobstant les obligations éventuelles d’une entité du groupe Pictet à son égard, le destinataire du présent document devrait examiner l’adéquation de la transaction envisagée avec ses objectifs individuels et évaluer de manière indépendante, avec l’aide d’un conseiller professionnel, les risques financiers encourus ainsi que les possibles conséquences sur les plans juridique, réglementaire, fiscal et comptable, et en termes de solvabilité. Les informations, opinions et estimations contenues dans ce document reflètent une appréciation émise à la date de publication initiale, et sont susceptibles d’être modifiées sans notification préalable. Le groupe Pictet n’a en aucun cas l’obligation d’actualiser ou de tenir à jour les informations figurant dans le présent document. Lorsque celui-ci mentionne la valeur et le rendement d’un ou de plusieurs titres ou instruments financiers, ces données reposent sur des cours provenant de sources d’informations financières usuelles, et sont susceptibles de fluctuer. La valeur de marché des instruments financiers peut varier en fonction de changements d’ordre économique, financier ou politique, des fluctuations des taux de change, de la durée résiduelle, des conditions de marché, de la volatilité ainsi que de la solvabilité de l’émetteur ou de celle de l’émetteur de référence. L’illiquidité d’un marché peut rendre certains investissements difficilement réalisables. De même, les fluctuations des taux de change peuvent avoir un effet positif ou négatif sur la valeur, le prix ou le rendement des investissements mentionnés dans le présent document. Pour tout investissement sur un marché émergent, il convient de noter que les pays émergents présentent une situation politique et économique nettement moins stable que celle des pays développés, et sont ainsi exposés à un risque plus élevé de connaître des bouleversements politiques ou des revers économiques. Les performances passées ne doivent pas être considérées comme une indication ou une garantie de la performance future. De plus, le destinataire du présent document est entièrement responsable des investissements qu’il effectue. Aucune garantie, implicite ou explicite, n’est donnée quant à la performance future. Par ailleurs, des prévisions ne constituent pas une indication fiable de la performance future. Le contenu du présent document ne doit être lu ou utilisé que par son destinataire. Le groupe Pictet n’assume aucune responsabilité quant à son utilisation, à sa transmission ou à son exploitation. Par conséquent, toute forme de reproduction, copie, divulgation, modification ou publication dudit contenu ressort de la seule responsabilité du destinataire de ce document, à l’entière décharge du groupe Pictet. Le destinataire s’engage à respecter les lois et règlements en vigueur dans les Etats où il pourrait être amené à utiliser les données reproduites dans ce document. Publié par Banque Pictet & Cie SA, le présent document ainsi que son contenu peuvent être cités, à condition que la source soit indiquée. Banque Pictet & Cie SA est un établissement bancaire de droit suisse disposant d’une licence bancaire et soumis à la surveillance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Distributeurs: Banque Pictet & Cie SA, Pictet & Cie (Europe) SA Tous droits réservés. Copyright 2017. Page 47 HORIZ FR Q1 2017 Suivez-nous sur notre blog Pictet Wealth Management. perspectives.pictet.com Abonnez-vous à notre canal YouTube afin de recevoir les derniers entretiens avec les spécialistes de Pictet consacrés aux stratégies d’investissement et à la macroéconomie. youtube.com/pictetwm Suivez-nous sur Twitter pour découvrir les mises au point rapides et engagées de nos spécialistes et de nos analystes. twitter.com/pictetwm Etes-vous sur Facebook? Ajoutez Pictet à votre flux quotidien d’informations en cliquant sur le bouton «J’aime» de notre page. Cherchez Pictet Wealth Management sur Facebook et joignez- vous à la conversation. facebook.com/pictetwealthmanagement Nos entretiens vidéo sont également disponibles en «podcast» sur iTunes. Abonnez-vous gratuitement et emportez avec vous les vidéos de Pictet sur votre iPad ou iPhone. bitly.com/pictet-itunes www.group.pictet