Thème 4 – Le temps des dominations

publicité
Thème 4 – Le temps des dominations coloniales
Chapitre 2 – La décolonisation de l’empire français
Introduction :
Déjà implantée dans l’entre-deux-guerres dans toutes les régions colonisées, la contestation des empires coloniaux
rend inévitable l’émancipation des colonies après 1945.
Les grands empires coloniaux font face à des mouvements d’émancipation qu’ils gèrent différemment, mais les points
communs sont nombreux : des négociations n’aboutissant pas, des situations de violence pour les peuples colonisés et
pour les populations européennes des colonies. La marche à l’indépendance des Indes britanniques et de l’Algérie
française est emblématique de ce processus douloureux et long, qui dure de 1945à 1962 pour la France.
Le rôle des opinions publiques dans les métropoles comme dans les colonies est un élément majeur de la nouvelle
donne mondiale après 1945 De même que la situation internationale marquée par la domination des deux Grands dans
la guerre froide, tous deux affirmant leur anticolonialisme, et confirmant le rôle désormais secondaire de la France.
L’indépendance de plus de quatre-vingts Etats en une trentaine d’années change de manière évidente le visage du
monde et voit s’affirmer le rôle du Tiers-Monde dans les relations internationales.
Quels sont les processus à l’œuvre dans la décolonisation de l’Algérie, et avec quel héritage ?
I – Une émancipation aux caractères spécifiques.
A/ Les premières contestations.
Conquise dès 1830, l’Algérie est soumise en 1847 après la défaite des troupes de l’émir Abdelkader et divisée en 3
départements français en 1848 : Oran, Alger, Constantine, sans compter les Territoires du Sud. Ce découpage
persistera jusqu’en 1957 lorsqu’un nouveau découpage plus complexe est donné, mais toujours sous forme de
départements : l’Algérie est une colonie particulière au sein de l’Empire français. Dès le début du XXe siècle les
mouvements nationalistes s’éveillent et la 1ère GM sort l’Algérie et la Tunisie de leur torpeur. Les aspirations à plus
d’égalité et de reconnaissance font suite aux efforts considérables exigés par la guerre.
C’est d’abord un courant nationaliste modéré qui domine, inspiré de la pensée de l’émir Abdelkader, symbole de la
résistance aux colonisateurs. Mais dès l’après-guerre, le mouvement nationaliste se divise : Messali Hadj fonde
l’Etoile Nord-Africaine en France en 1926 : il s’agit alors d’émigrés kabyles en France, avec peu d’influence en
Algérie même. D’idéologie communiste, le mouvement prend de l’ampleur après la crise de 1929 et rencontre d’autres
courants : panarabisme, panislamisme, qui se développent face à la colonisation. Dans le même temps, les
colonisateurs cumulent les erreurs qui ont des répercussions dans tout le Maghreb : par exemple en 1931, le dahir
berbère qui soustrait les tribus de l’Atlas marocain à la justice de l’islam et du makhzen (gouvernement du Sultan).
Les populations arabes et musulmanes vivent cela comme des provocations : le nationalisme prend alors de l’ampleur.
En effet, en 1929 l’Etoile Nord-Africaine est interdite et Messali Hadj en prison en 1933, la lutte devient alors
clandestine. Alors que d’autres mouvements se développent : une tendance religieuse de renouveau islamique,
l’Association des Oulémas de Ben Badis ou une tendance politique, la Fédération des élus Algériens de Ferhat
Abbas. En 1937, Messali Hadj fonde le Parti Populaire Algérien (PPA), en vue d’une renaissance arabo-islamique :
les divers courants n’arrivent pas à s’associer. Le Projet Blum-Violette d’extension de la citoyenneté à 20000
musulmans d’Algérie est rejeté directement par le Parlement, et les leaders nationalistes traqués. Le nationalisme
arabo-islamique est partout tenu en échec.
La seconde GM porte un coup fatal à l’Empire français : le pays est déconsidéré dans les rangs des nationalistes
par la défaite et l’armistice de 1940. D’autant que le Maghreb a fourni plusieurs milliers d’hommes dont beaucoup
sont capturés dans la débâcle. Alors que seule l’AEF répond à de Gaulle dans la résistance, toutes les autres colonies,
Maghreb compris, restent fidèles à Vichy et l’autoritarisme colonial s’y renforce : censure, répression, durcissement
du code de l’indigénat, et la politique antisémite de Vichy y est rigoureuse (en Algérie les Juifs sont déchus de leur
citoyenneté). La propagande nazie rabaisse la France, et même après le débarquement allié en Afrique du Nord en
novembre 1942, la propagande anglo-saxonne prend le relais : les Etats-Unis contrôlent le Maghreb et les colonisés
voient la puissance et la richesse des américains : les conséquences sont considérables, la France passe pour vaincue et
inégalitaire aux yeux du plus grand nombre.
B/ La fin de l’Algérie française.
Entre 1945 et 1954, la situation en Algérie évolue peu face à la métropole, les réformes sont frileuses et les
négociations fermées. En revanche les leaders indépendantistes de la nouvelle génération sont plus virulents, et n’ont
plus la modération des Hadj, ibn Badis ou Abbas, et ils s’organisent rapidement. En 1954 ils créent le FLN et son bras
armé, l’ALN, et dont le but affiché est clair : indépendance, restauration de l’unité algérienne et d’un Etat souverain.
Or, les dissensions entre les chefs fondateurs et entre partisans d’une action politique ou militaire entraîne de
nombreux conflits et de graves problèmes de cohésion face au colonisateur. Entre Ahmad Ben Bella (1er président
destitué en 1965 après un coup d’Etat), Hocine Ait Ahmed (exilé en 1962), Abane Ramdane (assassiné par ses pairs),
Mohammad Boudiaf (président algérien assassiné en 1992) et les militaires tel Houari Boumedienne, les oppositions
sont rudes. Des anciens leaders, seul Ferhat Abbas rejoint le FLN et devient en 1958 le premier président du GPRA
créé au Caire.
Mais le 1er novembre 1954 (Toussaint) l’insurrection armée débute par une série d’attentats à travers l’Algérie : ce
que le gouvernement nomme les « événements » par faiblesse et aveuglement est bien le début de la guerre d’Algérie,
guerre d’indépendance. En effet, l’opération de « maintien de l’ordre » se transforme rapidement en guerre avec
l’afflux d’une armée très nombreuse. Jacques Soustelle, fidèle de de Gaulle et nommé gouverneur général, décide
d’une politique de réformes économiques et sociales. Pourtant il change d’opinion radicalement en 1955 après de
nouveaux attentats du FLN en 1955, férocement réprimés : ce sera la guerre.
François Mitterrand, alors ministre de l’intérieur déclare au même moment : « il se trouve que l’Algérie c’est la
France, il se trouve que les départements de l’Algérie sont des départements de la République française. » (discours à
l’AN, 12 novembre 1954).
L’opinion des Européens d’Algérie joue un grand rôle dans l’échec systématique des réformes : lorsqu’un nouveau
réformateur arrive en 1956, le général Catroux, autre fidèle de de Gaulle, il est chassé et remplacé par Robert
Lacoste : toute négociation doit commencer par un cessez-le-feu du FLN, or ce dernier refuse l’arrêt des combats.
Guy Mollet, président du Conseil décide de l’envoi de l’armée, et notamment des parachutistes du général Massu :
l’usage de la torture est vite révélé à l’opinion publique de métropole, l’effet est considérable. Nombreux sont les
intellectuels qui prennent position, d’autant que même les européens favorables à l’indépendance sont torturés (Henri
Alleg, Maurice Audin, etc.)
En métropole, des soutiens au FLN se développent, mais c’est surtout au niveau international que les appuis sont plus
forts : pays arabes, Etats-Unis, Angleterre, ONU…
La guerre est d’autant plus violente que l’armée française sort d’une défaite cuisante en mai 1954 en Indochine, à Dien
Bien Phu, et ne veut pas être une nouvelle fois vaincue et perdre une colonie maîtresse.
C/ Des « événements d’Alger » à la « paix des braves », et à l’indépendance.
Les premières violences d’après-guerre sont vite étouffées par le gouvernement parisien : alors même que le GPRF
signe l’armistice le 8 mai 1945, des défilés ont lieu en Algérie pour fêter la fin de la guerre. Les partis nationalistes
profitent de l’occasion pour défiler pacifiquement, mais la police intervient et les manifestations dégénèrent en tuerie à
Sétif et Guelma : une centaine d’européens et plusieurs milliers de musulmans algériens meurent.
Les tueries s’étendent à d’autres villages et l’armée réprime les émeutiers jusqu’au 22 mai : le général Duval déclare
alors avoir « donné la paix pour 10 ans ».Ferhat Abbas est arrêté, jugé responsable des émeutes et de la mort des
européens, et rares sont ceux qui protesteront pour dénoncer les massacres massifs de musulmans.
C’est donc en novembre 1954 que la guerre éclate, que le gouvernement et les médias de l’époque ne considèrent que
comme des « événements ».
Le véritable tournant de la guerre se situe en 1958, car elle emporte le gouvernement et balaye la IVe République : le
FLN trouve des soutiens internationaux et se renforce, des armes arrivent par les frontières et l’ALN mène des
opérations depuis les frontières tunisienne et marocaine. L’armée française bombarde alors un village tunisien
frontalier, sensé abriter un camp de l’ALN le 8 février 1958 à Sakiet Sidi Youssef. De nombreux paysans sont tués et
blessés, ainsi que des enfants : la Tunisie de Bourguiba porte plainte à l’ONU et souhaite internationaliser le conflit, la
France est vivement critiquée à l’extérieur comme à l’intérieur où les opposants, notamment communistes sont plus
virulents contre l’incapacité du gouvernement.
C’est alors qu’en Algérie, nombreux sont les européens qui souhaitent un putsch militaire contre le nouveau
gouvernement de Pierre Pflimlin qui déclare vouloir négocier avec le FLN. Alors que la foule s’empare du
gouvernement général à Alger, le Général Salan prend, le 13 mai 1958, la tête d’un Comité de Salut public avec le
général Massu. Salan, poussé par les partisans de de Gaulle, lui lance un appel, le croyant partisan de l’Algérie
française :
• 21 mai 1958, Salan à de Gaulle : « Mon Général, vos paroles ont fait naître dans le cœur des Algériens
une immense espérance de grandeur et d’unité nationale » ;
De Gaulle est nommé Président du Conseil le 1er juin 1958, appelé par le président René Coty : il obtient alors les
pleins pouvoirs constituants, la IVe République s’effondre.
Dans un premier temps, de Gaulle tente de rétablir l’ordre sans prendre franchement position, il souhaite avant tout un
cessez-le-feu du FLN.
• 5 juin 1958, De Gaulle aux Algérois : « Je vous ai compris ».
• juin 1958, De Gaulle à Mostaganem : « Vive l’Algérie française ».
Mais c’est surtout en octobre 1958 que son discours va avoir des conséquences radicales : « Que vienne la paix des
braves et je suis sûr que les haines iront en s’effaçant ! » Le FLN refuse, amplifie les actes terroristes que l’armée
française réprime avec toujours plus de violence, le territoire est quadrillé, la torture bat son plein. Un GPRA est créé
en septembre 1958 et Ferhat Abbas en prend la tête, il se veut le modèle du GPRF de de Gaulle lorsqu’il luttait contre
l’Allemagne nazie.
La politiquer de de Gaulle se précise peu à peu et dès septembre 1959, une fois son propre pouvoir imposé (il est
président de la République élu en décembre 1958), il se prononce pour l’autodétermination de l’Algérie.
Le GPRA accepte le principe mais refuse le cessez-le-feu, quant aux européens d’Algérie, ils manifestent violemment
contre cette politique qu’ils jugent d’abandon : à Alger, c’est la « semaine des barricades » du 24 janvier au 1er
février 1960, réprimée par l’armée encore loyale à de Gaulle.
L’opinion publique va jouer un rôle majeur : alors que de nombreux intellectuels se prononcent pour l’indépendance
de l’Algérie à travers par exemple le Manifeste des 121 en septembre 1960 (Schwartz, Vidal-Naquet, Sartre, le
référendum du 8 janvier 1961 montre que 75% des français acceptent l’autodétermination.
Au contraire en Algérie les européens refusent ce principe, et quatre généraux, Challe, Salan, Jouhaud et Zeller, aidés
des parachutistes de Massu prennent Alger le 23 avril 1961 : c’est le putsch des généraux.
De Gaulle s’exprime publiquement le même jour pour condamner le putsch : « Ce pouvoir à une apparence: un
quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. » Il prend
les pleins pouvoirs que lui confère l’article 16 de la Constitution.
De Gaulle va diriger les négociations en vue d’une indépendance rapide, il souhaite tout de même conserver quelques
avantages, notamment dans le Sahara dont la France a besoin pour ses essais nucléaires et pour le pétrole surtout.
Le Général Salan qui s’est enfui, créé alors l’OAS qui rassemble les ultras de l’Algérie française : les attentats ont lieu
d’abord sur le territoire algérien, puis en métropole directement, contre de Gaulle notamment.
Lorsque sont signés les Accords d’Evian le 18 mars 1962, le cessez-le-feu est obtenu : en avril les Français acceptent
par referendum à 90% l’indépendance de l’Algérie.
Jusqu’au 3 juillet 1962, jour choisi par l’Algérie pour officialiser l’indépendance, l’OAS multiplie les attentats contre
les musulmans et contre les européens partisans de l’indépendance. L’ALN répond par de nombreuses violences alors
que le FLN se désuni et que les chefs n’arrivent que mal à se faire entendre des groupuscules extrémistes.
De Gaulle enfin échappe à une seconde tentative d’assassinat le 22 août 1962 au Petit-Clamart, organisé par l’OAS.
Les responsables sont arrêtés, jugés et certains condamnés à mort.
II – L’après Algérie française et l’héritage partagé.
A/ Des conséquences lourdes pour les colonisés et les colonisateurs.
1. Une crise d’Etats : crise en France et en Algérie.
• En Algérie, les leaders historiques du FLN sont extrêmement divisés après le cessez-le-feu de mars 1962. Dès juin,
les leaders se dispute et le FLN est en crise et ne parvient plus à s’unir : les différents mouvements en son sein
s’opposent à quelques jours de l’indépendance.
Le GPRA est aussi en crise et le nouveau pouvoir indépendant le 3 juillet ne contrôle que très mal les groupes armés :
de mars à fin 1962, mais surtout en juillet, des milliers d’européens sont enlevés et beaucoup torturés et tués sans que
les dernières troupes françaises encore présentes n’interviennent car il n’est pas question de remettre en cause les
accords d’Evain.
La République algérienne se met difficilement en place, Ahmad Ben Bella devient en septembre le 1 er président, mais
il sera renversé en 1965 par Houari Boumediene, ancien général en chef de l’ALN.
• En France la guerre d’Algérie a des conséquences majeures, puisqu’elle paralyse les gouvernements de la IVe
République qu’elle finit par renverser, mais elle lègue un lourd contentieux au nouveau régime mené par de Gaulle
après 1958 et jusqu’en 1962. En effet, le second coup d’Etat de 1961 provoque la seconde révolution institutionnelle
en France après celui du 13 mai 1958 qui met fin à la IVe République : cette fois, de Gaulle en profite pour modifier la
Constitution et donner plus de pouvoir au Président qui sera désormais élu au SUD.
2. La remise en cause d’une certaine conception de la puissance.
La conception de la puissance héritée du XIXe siècle, fondée sur la domination coloniale est condamnée par la
décolonisation. La défaite française se double d’un drame pour les populations qui ont vécu sept années de guerre.
Au plan international, la France est vivement critiquée à l’ONU et dans l’opinion internationale. La France recule
aussi en Afrique et perd ses positions stratégiques au Sahara notamment dès 1968 : la concession de Mers el Kebir est
annulée par le pouvoir algérien.
Au plan interne, une partie de la population vit un drame, celui du rapatriement et de l’exil pour certains. Cependant
que d’autres font le choix de rester en Algérie : 200 000 restent alors qu’un million partent.
Le sort des harkis est particulièrement terrible, rejetés et indésirables en Algérie, considérés comme traitres, ils sont
rejetés et laissés dans des camps (Rivesaltes) et considérés aussi comme traitres par beaucoup.
3. Une France libérée de sa « boîte à chagrin ».
Une fois l’indépendance acquise, la France est libérée et va mener une nouvelle politique extérieure d’ampleur. Les
critiques internationales face à la guerre d’Algérie ont convaincu la France qu’il lui fallait sa propre indépendance
militaire, nucléaire, et qu’il fallait pour cela se défaire de la soumission aux Etats-Unis. C’est toute la politique
étrangère de de Gaulle qui y est consacrée, il en fait son « domaine réservé » : le président ne se privera pas de
critiquer sévèrement les EU lors de la guerre du Vietnam (discours de Phnom Penh en 1966). La France retrouve alors
le prestige et le rang d’une puissance mondiale indépendante vis-à-vis des deux Grands, ou au moins son apparence !
L’image de « nation colonisatrice » s’efface au profit de stratégies de coopérations régionales avec les anciennes
colonies, dans lesquelles les dérives néocolonialistes ont été dénoncées à de multiples reprises (Françafrique).
B/ La guerre d’Algérie aujourd’hui : héritage multiple et délicat : le rôle des historiens.
• Une guerre des chiffres :
Lors des massacres de Sétif et Guelma, le gouverneur général d’Alger ne se rendra pas sur les lieux et le
gouvernement tentera d’étouffer l’affaire. Parmi les européens, les contestations sont rares, Henri Aboulker
(professeur à la Faculté de médecine d’Alger) ou Albert Camus. Ce n’est qu’en 2005 que l’ambassadeur de France en
Algérie reconnaît officiellement la responsabilité de la France dans cette « tragédie inexcusable ». Par ailleurs le
nombre de victimes fait toujours débat : on considère qu’il y a eu 102 européens tués, mais personne n’a été en mesure
de fournir une comptabilité des tués musulmans : cela fait plus de 50 ans que la guerre des chiffres se poursuit :
certains historiens français et algériens estiment entre 2000 et 15000 le nombre de victimes, alors que le gouvernement
algérien utilisait le chiffre de 45000 victimes. Ce dernier chiffre étant reconnu comme exagéré et utilisé à des fins de
propagande. Des associations de harkis et pieds noirs ont critiqué quant à elles la reconnaissance officielle et la
commémoration de la tragédie de Sétif et en 2010 un film (Hors-la-loi) fait débat jusqu’à l’Assemblée nationale, de
nombreux historiens condamnant les erreurs historiques et les mythes qui se perpétuent tout en reconnaissant la
nécessité de faire place à la mémoire des Algériens eux-mêmes.
• La question des harkis :
Les Harkis, supplétifs algériens à l’armée française, sont tués avec leurs familles, alors que 150000 d’entre eux fuient
vers la France, où ils sont mal reçus, en général placés dans des camps « provisoires » et où ils sont souvent mal jugés.
Jusqu’à aujourd’hui, rares sont les harkis et leurs descendants qui osent retourner en Algérie, et les polémiques en
France sont monnaie courante à leur propos.
• La question du vocabulaire :
Les mots employés sont lourds de sens à propos de la guerre d’Algérie : guerre d’Algérie est le terme généralement
employé en France, mais du côté algérien il s’agit d’une guerre d’indépendance et à juste titre il s’agit d’une
émancipation face au colonisateur. Ensuite, si l’expression « guerre d’Algérie » est employée en France depuis
longtemps, c’est une loi de 1999 qui l’officialise, ouvrant la voie à une adaptation des manuels scolaires en particulier.
Les membres actifs du FLN et de l’ALN sont souvent nommés par les militaires français et les européens d’Algérie les
fellaghas (bandits) ou familièrement les « fellouze », considérés donc comme terroristes ; or à l’inverse, ils se
considèrent de leur côté comme moudjahidines, c’est-à-dire combattants de la libération, et comme martyrs.
Il est donc important d’user d’une terminologie correcte et re-contextualiser les significations dans leur environnement
temporel et intellectuel afin d’éviter tout anachronisme ou reconstruction idéologique de l’histoire.
• La question de la repentance et de la responsabilité de l’Etat français.
Cette question reste ouverte, à tous les niveaux et pose de nombreux problèmes, entre France et Algérie, entre
Algériens eux-mêmes et entre Français eux-mêmes, selon qu’ils ont été ou sont les descendants de soldats de l’armée
française ou de l’ALN, de harkis, de pieds noirs, de libérateurs, d’indépendantistes, de membres de l’OAS, etc.
Les mémoires de chaque groupe s’entrechoquent et les débats entre historiens sont aujourd’hui toujours tendus,
surtout lorsque les Etats cherchent à écrire une histoire officielle, en France ou en Algérie : ainsi le président algérien
Bouteflika a-t-il exigé une repentance de la part de la France et en Algérie depuis le début des années 2000 les termes
de génocide et crime contre l’humanité ont souvent été employés, par le président lui-même.
Il s’agit aujourd’hui d’adopter une distance critique, tant à l’égard des mémoires de Pieds noirs que du FLN, et de
considérer que la mémoire n’est pas l’histoire : les débats sur la guerre d’Algérie n’ont donc pas fini de poser
problème entre les deux nations.
Téléchargement