Benjamin Stora, Histoire de l’Algérie depuis l’indépendance.
En juillet 1962, l'Algérie souffre de lourds handicaps. La guerre a
été meurtrière et longue (près de huit années). Et pendant
plusieurs mois, de janvier à juin 1962, l'OAS (l'Organisation
armée secrète) qui regroupe les partisans de l'Algérie française,
vient de s'adonner à la politique de la terre brûlée L'économie
en a grave ment pâti. Bien avant l'indépendance, s'accumulaient
les signes d'une dégradation sociale. Le chômage est important.
Autour des centres urbains, les bidonvilles se multiplient.
Depuis les années cinquante, nombre de travailleurs algériens
vont eux-mêmes chercher en France l'emploi qui fait défaut.
En fait l'Algérie de 1962 est l'héritière d'une économie
extravertie conçue par rapport à la métropole, et en fonction du
million d'Européens qui y vivent.
…
La guerre détériore davantage encore le système économique.
En particulier la perte de capital humain est considérable : mort
de centaines de milliers d'Algériens, émigration, départ des neuf
dixièmes de la population européenne, c'est-à-dire de la plupart
des chefs d'entreprise, des cadres, des techniciens, des
fonctionnaires, des enseignants, des médecins... En juillet 1962,
les grandes exploitations agricoles sont abandonnées, les usines
sont fermées, et de nombreux établissements publics détruits. A
cette époque, dans la société algérienne de culture arabo-
berbère, seulement 10 % d'enfants d'âge scolaire vont à l'école.
C'est dans ce contexte précaire que la nouvelle équipe
dirigeante doit définir une stratégie de développement. Mais
elle se trouve paralysée par des luttes de clans.
Entre les accords d'Évian de mars 1962 et la proclamation de
l'indépendance, les structures de l'État colonial s'effondrent, la
confusion est générale. Les structures locales du FLN ne
parviennent pas à gérer la situation nouvelle. En attendant
l'arrivée du « contre-État », celui de l'armée des frontières, qui
se trouve à l'extérieur de l'Algérie, les pratiques de
régionalisme, de clientélisme s'installent.