E 751. Troisième cours. L’anthropologie économique. La question de la valeur. 8/10/2012. Commentaires diapositives Slide 1. Marché/base/Etat ( ?). Contre l’idée de K. Polanyi de sociétés traditionnelles qui seraient marquée par une économie enchâssée dans le social (l’économie morale de James Scott, 1976, The Moral Economy of the Peasant), S. Gudeman (2001) (qui s’appuie sur d’autres auteurs, comme par exemple Parry and Bloch, 1989, Money and the Morality of Exchange) montre que la coupure ne passe pas entre société traditionnelle et moderne, ou entre l’économie du don et économie de l’échange, mais à l’intérieur de la société, avec un secteur orienté vers le marché, ou vers les intérêts individuels ou vers le court terme et un secteur orienté vers la communauté, les relations collectives et le long terme. Sur l’usage de l’argent, pensez aux grands rituels funéraires chez les Merina, lorsque la richesse individuelle est utilisée pour construire des caveaux et financer les cérémonies qui leur sont associées. Les relations marché/base. Les deux secteurs sont institutionellement et tactiquement reliés. Les deux domaines peuvent se compléter ou devenir antithétiques. Une activité qui suit un certain objectif (par exemple vendre un produit pour se procurer du numéraire pour envoyer son enfant à l’école) peut devenir une fin en soi : vendre un produit pour recueillir de l’argent qui permet d’acheter un autre produit qui permet d’augmenter son capital monétaire. Rechercher la valeur d’échange des choses plutôt que leur valeur d’usage dans la perspective d’une unité socio-éco, comme la famille ou la communauté. Slide 2. Définition de la base. Pas de prise en considération de la notion de base en économie. Le terme « base » est par contre utilisé chez les paysans latino-américains (Panama). Que désigne-t-il ? Gudeman (2001) : l’économie est le processus par lequel les gens produisent, échangent et maintiennent les bases de leur vie sociale et matérielle. 2001 : 27-30 : la base/fondation/les communaux : les intérêts partagés de la communauté, qui incluent les ressources pérennes, les choses qui sont produites et les constructions immatérielles. La base ce sont des communaux (commons) : un patrimoine qui comprend l’ensemble des choses qui contribuent à la vie matérielle et sociale d’une population qui partage une identité : la terre, l’eau, les immeubles, les stocks de semence, les connaissances et les savoir-faire, le système de transport, l’éducation, les rites…La base représente la temporalité et la continuité. Sans communaux, pas de communauté, sans communauté, pas de communaux…La base peut avoir une valeur communautaire, elle peut être utilisée pour des objectifs marchands. Il peut y avoir des tensions entre les intérêts collectifs et individuels sur la base, la base peut même être une résolution commune en faveur des intérêts individuels : un régime de propriété privée peut être considéré comme un bien commun. Le raisonnement à partir de la base n’est pas réservée à la communauté de paysans, aux villages ou aux unités d’exploitation familiales, les entreprises, les Etats ont également des bases, qu’elles produisent, qu’elles maintiennent ou dont elles se décident à se séparer. Commentaires d’un H. politique au moment de la privatisation des sociétés d’Etat par M. Thatcher en Angleterre : « elle est en train de vendre l’argenterie de famille ». Ce que les groupes considèrent comme base peut varier, selon qu’on est en milieu agriculteur ou éleveurs ou commerçants, agriculteur ou institution d’Etat, communauté ou individu. Mais l’idée que la base appartient aux H, peut être aussi vu comme exprimant le service que les hommes et les femmes doivent rendre à leur base en tant que cette base doit être conservée intact au long des générations. Selon M. Stratherm (2009) Les Berlinois appartiennent à l’Alexanderplatz, en dépit des promoteurs qui pensent que l’Alexanderplatz leur appartient. Les Berlinois ont une responsabilité de maintenir la place en l’état, telle qu’elle est, c’est-àdire –on imagine- dans sa composition architecturale comme dans sa composition sociologique (mais l’un entraîne l’autre), pour les générations futures. Les emplacements, la terre devient une sorte de bien sacré, qui ne peut se penser et exister qu’à travers les hommes mais dont les hommes de chaque génération s’efforceraient à travers leurs comportements, de miniser l’empreinte, l’impact qu’ils lui feraient subir. Finalement, on en arrive à un rapport entre les H. et la terre qui ressemble aux rapports des H. avec les biens de luxe (de type Patek Philippe, voir dia). Slide 3. Blue Nile Scheme (1994). Les relations base/marché. Ce qui apparaît comme une intégration inéluctable au marché peut apparaître d’un autre point de vue comme un maintien au travers du marché (dans ce cas marché des produits et marché du travail) de la base. Un projet cotonnier de l’Etat soudanais, sur des terres d’Etat et avec des avances en argent pour cultiver le coton, que les agriculteurs utilisent en partie pour cultiver le sorgho (qu’ils mangent). L’Etat dans ce cas donne un espace pour renforcer la base. Plus compliqué encore : les jeunes hommes quittent leurs villages pour aller travailler en Arabie Saoudite. Ils ne partent pas avec leurs familles qui restent sur place. Puisque le BNS supporte implicitement la culture de vivrier sur place, les jeunes peuvent accepter des salaires bas. De plus, même s’ils sont bas, une partie des salaires est envoyé à la maison où ils servent à renforcer la base. Débat entre Gudeman et l’anthropologie marxiste des années 1970 (1978 (1982), Meillassoux, Femmes, greniers, capitaux). La communauté offre des externalités positives, c’est-à-dire des biens et des services qui n’ont pas de prix ou des prix très bas (la terre, le travail, les biens produits localement). Ils doivent rester des externalités positives, cela ne sert à rien de les internaliser en leur donner une valeur éco. (parce que cela ne correspond aux représentations des gens). Meillassoux insiste sur l’idée que ces externalités positives participe de l’accumulation primitive c’est-à-dire du transfert de valeur de la société traditionnelle vers la société moderne. Le salaire des jeunes soudanais peut être bas parce qu’il ne comprend pas l’entretien de la famille restée à la maison (et qui s’entretient grâce à la possibilité de faire des cultures vivrières). Pas de salaire indirect : la reproduction et l’entretien de la force de travail sont renvoyés à la communauté. « le mode de production domestique est à la fois préservé et détruit ». Bien entendu la base peut se transformer en capital par exemple lorsque le paysan vend sa terre à des entrepreneurs qui réussissent à augmenter les rendements ou la productivité du travail grâce à une intensification des facteurs de production (cas décrit par Léonard et Velazquez au Mexique, 2010). Dans les contextesintercuturels, la difficulté à évaluer le juste prix pour ce qui a de la valeur, ou qui était sans valeur jusque là (comme la terre). Slide 4. Marché de Ouahigouya. Les bases. Introduction à l’étude sur le marché de Ouahigouya (BF). Akrich : l’innovation comme « inscription » : script ou scénario qui décrit très précisèment un utilisateur potentiel. L’innovation est ensuite dés-incrite» par ceux auxquels elle s’adresse, qui y trouvent ou pas leur place, en fonction du caratère contraignant du scénario. Qu’est-ce que la base pour un commerçant africain présent sur le marché de Ouahigouya ? 3 choses : la loyauté de la clientèle et la capacité du commerçant à la fidéliser ; sa capacité d’adaption aux « lois » du commerce africain ; sa capacité à créer un marché où il y a de l’ambiance. Qu’est-ce que la base pour la municipalité de O. ? Des recettes stables qui lui permettent de financer des biens sociaux pour des institutions (municipalités) jeunes. Slide 5. Définition de la notion de valeur. De Saussure. La valeur d'un mot est définie par l'existence d'autres mots à sens proche. Exemple : rivière se définit par rapport à fleuve de par leur sème commun cours d'eau et de par leur différence entre se jette dans un autre cours d'eau et se jette dans la mer. Ou à sens opposé : oui/non. Blanc/noir. Slide 6. Les conflits de valeur. D. Graeber : « la valeur c’est la manière dont les acteurs se représentent l’importance de leurs actions dans un contexte plus large (ici la contexte du marché de Ouahigouya)». La réalisation de la valeur entraîne une forme de reconnaissance publique. L’étude de la valeur nous entraîne toujours au-delà de l’économique, vers des notions morales, esthétiques, symboliques. Conclusion Lorsque les intervenants externes déclarent la guerre à la pauvreté ou montent des projets destinés à satisfaire aux besoins fondamentaux, ils aident les gens à construire ou à reconstruire une base. Le problème c’est qu’ils jugent les projets à partir des retours sur investissement. Bibliographie Carrier James.G (ed.), A Handbook of Economic Anthropology, Cheltenham, Edward Elgar Graeber, David 2001, Toward an anthropological theory of value. The false coin of our dreams, New York, Palgrave 2005, Value : anthropological theories of value, in James G. Carrier (ed.), A Handbook of Economic Anthropology, Cheltenham, Edward Elgar : 439-454 Gudeman, Stephen 2001, The Anthropology of Economy. Community, market and Culture, Malden, Blackwell Publishers. 2005, Community and Economy : economy’s base, in J. Carrier (ed), A Handbook of Economic Anthropology, Cheltenham, Edward Elgar : 94-106 Léonard, Eric, Velazquez, Emilia 2010, Citoyenneté locale et réappropriation du changement légal au Mexique. Une analyse des conflits fonciers à Soteapan, Veracruz, in J-P Jacob et P-Y Le Meur (sous la dir.), Politique de la terre et de l’appartenance. Droits fonciers et citoyenneté locale dans les sociétés du Sud, Paris, Karthala : 61-94 Meillassoux, Claude 1982 [1975], Femmes, greniers & capitaux, Paris, François Maspero Parry, Jonathan, Bloch, Maurice 1989, Introduction : Money and the Morality of Exchange, in Parry J. and Bloch, M (eds), Money and the Morality of Exchange, Cambridge, Cambridge University Press : 1-32 Polanyi Karl 2001 [1944], The Great Transformation : the political and economic Origins of Our Time, Boston, Beacon Press Strathern, Marilyn 2009, Land : Intangible or Tangible Property ? in T. Chesters (ed.), Land Rights. The Oxford Amnesty Lectures 2005, Oxford, Oxford University Press : 13-38