Le brahmanisme
et
l’essence sacrée des plantes
Rachel Fournier
Voyage d’étude en Inde du18 mars au 3 avril 2005
Plan
1. Introduction
2. Le brahmanisme
3. Les brahmanes
3.1 Identité et fonction
3.2 Les quatre stades de vie
3.3 Entre science sacrée et spiritualité
4. Le sacré par l’essence des plantes
4.1 Du rituel à l’art de soigner
4.2 La nature au cœur des veda
4.3 L’ayurvéda par le corps, l’esprit et l’âme
5 Lier l’âme des plantes à celle des hommes
et des Dieux
5.1 Les hindous et les essences naturelles
5.2 Répertoire des plantes liant l’homme au « sacré »
6. Conclusion
7. Bibliographie
1. Introduction
Lors de notre 1er séminaire préparatoire pour notre voyage d’étude en Inde, à la recherche de
réponses couvrant les aspects spirituels et culturels de ce pays, notre professeur, Anand Nayak,
nous a invité à découvrir l’Inde, non sous l’angle de la raison, mais de la sensibilité, le voyage
faisant d’abord appel à nos sens.
Cette approche me plut particulièrement car l’Inde reflète une terre de lumière par la beauté des
couleurs, la douceur des regards, l’enchantement des sons, la force des senteurs et toute la
grandeur que ce peuple véhicule par un état de bien-être, de contentement intérieur qui rayonne
au fil des rencontres. Cet état de bhakti, je me réjouis de le découvrir et particulièrement de le
ressentir en allant à la découverte de l’ensemble de cette culture qui est profondément attachée à
l’essence des êtres (du cosmos, monde végétal, minéral, animal à l’être humain).
Dans ce travail, j’ai donné une grande priorité au monde végétal car, trop souvent oublié dans le
quotidien des occidentaux, il conditionne cependant notre évolution physique, psychique et
spirituelle. Les Indiens sont en lien permanent avec lui (nourritures, rites, etc.) et se basent
notamment sur les veda (textes sacrés) afin de connaître les vertus que ce monde végétal nous
offre.
J’ai lié ce thème à celui de la tradition des brahmanes car ils sont porteurs de la pérennité des
textes védiques.
2. Le brahmanisme
La religion brahmanique correspond à la deuxième des trois phases historiques qu’on distingue
habituellement dans le développement de la spiritualité indienne. Elle se situe après le védisme
(env. 1500-900 av. J-C.) et avant l’hindouisme (VIème siècle av. J-C.). le terme
« brahmanisme » est dérivé de « brahmane », tout comme celui de « christianisme » fait
référence au « chrétien », c’est-à-dire à celui qui professe la foi en Jésus-Christ. Toutefois, le
parallèle ne présente pas le même degré d’équivalence. Est brahmane celui qui dispose du
brahman, c’est-à-dire d’une formule qui possède à la fois un pouvoir religieux et un caractère
magique, d’une formule qui agrandit, valorise et amplifie. Ainsi, le terme brahmane n’indique
pas le fidèle qui vénère le dieu Brahmâ (tardive personnification védique), mais plutôt celui qui
appartient à la caste des prêtres. La structure des Varna prend naissance dans le corps géant d’un
être Purusha qui possédait les plus puissantes essences qui sont les mots du Veda.1 De ses
membres sortir les quatre castes dont les brahmanes (caste sacerdotale) qui naquirent de sa
bouche. Les brahmanes représentent donc une caste supérieure de la société indienne exerçant
une fonction de gardiens de la parole sacrée transmise par les Veda. Ces prêtres enseignants se
portent donc garants de la conservation et de la transmission des Veda (corpus littéraire rédigé en
sanskrit dont la composition s’étend sur plus d’un millénaire entre 1400 et 500 av. J-C.). Ces
écrits, structurés en 4 recueils (veda) ont été élaborés au sein des familles sacerdotales aryenne et
sont un ensemble de textes représentant la connaissance ou le savoir sacré. Chaque rite est
célébré avec des mantras védiques.
Avec le brahmanisme, le monde des dieux déclina grandement par rapport à ce qu’il fut à
l’époque védique, et ce, au profit des rites sacrificiels accomplis par les prêtres, les brahmanes.
En effet, les deva védiques dépendirent de plus en plus des sacrifices et de la caste des prêtres
qui en possédait les secrets rituels.
Une caractéristique du brahmanisme est l’extrême complexité de ses rites, grâce auxquels les
brahmanes pouvaient disposer des forces de la nature, voire obliger les dieux à exaucer leurs
prières. Une grande importance était ainsi attribuée aux rites sacrificiels (yajna), qui signifient
avant tout la réintégration d’une dimension spirituelle et cosmique, la remise en activité d’une
1 Le Grand guide de l’Inde, P. Cox, Ed. Gallimard, Singapour, 1995
plénitude originelle perdue, à tel point que « le soleil ne renaîtrait plus le matin, si le brahmane
n’avait fait l’offrande du « sacrifice ». Par le sacrifice, on peut se concilier les dieux et bannir les
démons ; dans le sacrifice, on fait entrer le « Tout ». Les rites caractéristiques étaient ceux qu’on
célébrait en relation avec le cycle lunaire, à l’occasion de la pleine lune et de la nouvelle lune, et
qui consistaient en l’offrande de mets sacrificiels aux dieux. Au printemps, lors du premier
sacrifice, on faisait aux dieux une oblation d’orge ; à l’automne, une oblation de riz. Quand
venait la saison des pluies, c’était le sacrifice quadrimestriel, destiné à faire prospérer les
troupeaux. Dans le culte solennel, le rite se fait sous trois feux : d’abord, le feu du maître de
maison pour la cuisson des offrandes de forme ronde. Puis le feu d’oblation de forme carrée qui
reçoit des oblations cuites. Et enfin, le feu du sud qui affecte la forme d’une demi-lune.
L’efficacité des sacrifices était strictement tributaire de l’exécution la plus exacte possible du
rituel et de toutes les cérémonies qui le composaient. Ces dernières devaient, par exemple, être
accompagnée d’une formule sacrificielle appelée yajus, alors que les prières devaient précéder
les formules par lesquelles on invitait les dieux à descendre sur le lieu du sacrifice. Le rite devait
se terminer par la formulation de la syllabe mystique OM. Le son, produit d’une façon
prolongée, résultant de la combinaison des trois sons A-U-M (de la triade à l’unité), signifie « ce
qui a été, est et sera » et possédait pour ceux qui se vouaient à la méditation une force à la fois
magique et religieuse.
Les textes littéraires du brahmanisme, outre les Veda et les Brâhmana, sont constitués des
Âranyaka et des Upanishad. Les Upanishad constituent l’ensemble des textes religieux
brahmaniques, dont le thème fondamental est la poursuite de l’entrée dans cet Au-delà compris
comme une délivrance des renaissances. Ils relatent les expériences individuelles des mystiques,
leurs méditations et leurs visions.
3. Les brahmanes
3.1 Identité et fonction
Nous avons vu que la caste la plus élevée parmi les quatre principales est celle des brahmanes
(aujourd’hui ils représentent le 6 % de la population) ; ceux-ci incarnant les pouvoirs spirituels,
ont le devoir de célébrer les sacrifices et d’assurer la fonction d’intermédiaire entre la doctrine et
le peuple. Néanmoins, en contrepartie de leurs prérogatives, on leur impose des obligations plus
strictes et des punitions plus sévères. Les brahmanes ont le devoir de respecter le précepte de
non-violence (ahimsâ), c’est-à-dire l’interdiction absolue de supprimer quelque forme de vie que
ce soit ou de lui porter atteinte. Ils ne peuvent inclure dans leur régime alimentaire ni viande ni
œufs (qui pourraient contenir une nouvelle vie). Ils n’ont le droit de se marier qu’avec un
membre de leur caste, divisée comme les autres en de multiples sous-castes. La vie d’un
brahmane comporte quatre stades, ou états de vie (âshrama), dont chacun est caractérisé par des
règles précises : étudiant, père de famille, ermite, enfin sannyâsin ou renonçant.
L’observance la plus connue des brahmanes est celle des trois hommages qu’ils rendent aux trois
articulations (samdhyâ) de la journée. Ils s’ouvrent avec des rites de purification au moyen de
cendre, d’eau ou des produits de la vache, se poursuivent par des récitations de mantras et les
invocations au soleil. Autres devoirs quotidiens : l’oblation au feu ainsi que, comme en témoigne
le Mahâbhârata, le culte aux mânes, issu du védisme.2
3.2 Les quatre stades de vie
1ère étape (stade)/ étudiant brahmanique (brahmacârin) : après la petite enfance où il est
assimilé à un çudra, le jeune garçon est admis à devenir brahmacârin, c’est-à-dire étudiant chez
un maître. Cette période qui commence à l’âge de huit ans pour les jeunes brahmanes et qui se
prolonge jusqu’à seize ans, est marquée par des observances qui font de l’enfant, puis adolescent,
un véritable ascète.
Tôt levé le matin, il doit servir son maître, en particulier entretenir le feu sacrificiel avec du bois.
Il est soumis à des pratiques de pureté rituelle particulièrement exigeante : il est vêtu d’une peau
d’antilope noire (qu’il a reçu lors de la cérémonie d’initiation), il mendie sa nourriture, doit
observer une chasteté rigoureuse. Plusieurs heures par jour sont consacrées à la mémorisation de
textes védiques qu’il devra par la suite réciter quotidiennement, suivant le Veda et l’école
védique auxquels il appartient par filiation. Quand ses études sont terminées, qu’il a pris le bain
rituel final et donné les honoraires à son gourou (dakshinâ), il retourne chez son père où il est
considéré comme bon à marier.
2ème étape / maître de maison (grihastha) : dès 16 ans, il doit accepter toutes les obligations
rituelles, engendrer des fils et au moins une fille (à cause de l’alliance avec une autre lignée).
Seul le grihastha peut être sacrifiant (yajamâna). Le jeune brahmane qui retourne à la maison de
son père après avoir pris le bain rituel qui met un terme à ses études védiques ne peut pas encore
offrir des sacrifices quotidiens et périodiques. C’est le mariage, dont le rituel comprend un feu à
titre principal, qui inaugure sa vie de maître de maison, le feu du mariage devenant le feu
sacrificiel du jeune couple.
3ème étape / retraite religieuse : dès le moment où l’on commence à avoir des petits enfants on
est vânaprastha. Le maître de maison vieillissant, ayant vu sa descendance assurée par la
naissance d’un fils de son fils, a la possibilité de se dégager de ses obligations rituelles en
passant au troisième stade de la vie, le vânaprastha. Il se retire dans la forêt avec sa femme. Il y
garde encore provisoirement ses obligations rituelles, et il a donc des feux, qui ne sont cependant
pas les mêmes que ceux de la période précédente. En même temps, il pratique des austérités qui
lui valent un accroissement de ses pouvoirs spirituels. Cette période est une transition entre l’état
de maître et celui de renonçant complet.
4ème étape / renonçant complet (samnyâsin) : le renonçant est solitaire. Il n’a plus de feux, plus
d’obligations rituelles, plus de statut social, plus de demeure fixe. On entre dans l’état de
renonçant après une grandiose cérémonie d’inhalation des trois feux, signifiant par là que le
sacrifice sera désormais intérieur. Il se nourrira, soit de nourriture sauvage et crue (puisqu’il n’a
plus de feu), soit, et c’est le cas le plus habituel, de nourriture reçue en aumône. En principe, seul
l’ancien maître de maison (donc des trois premières classes) a droit au nom de samnyâsin. Aux
autres, qui peuvent être issus de basses castes, on donnera le nom de yogin, dans cette période de
renoncement.
Ainsi, à la pente déclinante des quatre âges du monde s’oppose la pente ascendante des quatre
stades de la vie du brahmane (voire ce de toute personne cherchant à purifier son existence) ou
2 Encyclopédie des religions, Gerhard J. Bellinger, Librairie générale française, Paris, 2000
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