Quand médicaments et alimentation ne font pas bon ménage Alimentation « médicalisée » et plaisir de manger en EMS 3 mars 2016 Dr Jérôme Berger, FPH Pharmacien chef adj. PMU Chargé d’enseignement (Université de Genève) Pharmacie de la PMU / CH-1011 Lausanne [email protected] Déclaration conflits d’intérêts ayant un lien avec la présentation • Intérêts financiers ou de propriété – Aucun • Activités pour l'industrie pharmaceutique et autres entreprises de santé – Aucune • Fonds fournis par tiers / dons – Aucun • Relations personnelles – Aucune • Autres affiliations – Aucune Sujets abordés Posologie (moment de prise) et alimentation Les principales interactions avec les aliments: pharmacocinétiques / pharmacodynamiques Pamplemousse, alcool, cafféine Bon moment de prise? Prise par rapport aux repas: élément important à la réussite d’un traitement, puisqu’il influence la survenue d’effets indésirables (et donc l’adhésion), ainsi que l’absorption (et donc l’efficacité) de certains principes actifs (p.ex. antibiotique, antimycosique, antiparasitaire, antiviral) Les recommandations indiquées ne sont pas toujours uniformes! DCI Spécialité Zithromax® Azithromycine Azithromycine-Mepha® pharmaJournal 03.2011: 5-7 Moment de prise indiqué […] peuvent être pris avec ou sans nourriture […] doivent être pris à jeun, c’està-dire au moins 1 heure avant ou 2 heures après d’un repas Pas de règle uniforme! La prise d’aliments avec certains médicaments ou à jeun peut: Allonger ou raccourcir leur délai d’action Augmenter ou diminuer leur effet ANSM « Médicaments et aliments : lire la notice pour éviter les interactions » (2008) FDA « Avoid food-drug interactions » (2008) Parfois source de confusion! […] doit être pris au moins 1 heure avant un repas Donc si je ne mange pas, je ne le prends pas!? […] recommandé de prendre […] au début des repas […] Possible de le prendre en mangeant ou juste après si plus simple à organiser? Trois options… •Doit être pris avec un repas pour permettre une absorption optimale. Dans ce cas, il est recommandé que le repas contienne des graisses. •Doit être pris loin d’un repas / à jeun, c’est-à-dire au minimum une heure avant ou deux heures après un repas, pour permettre une absorption optimale. •Peut être pris indépendamment des repas. Dans ce cas, il peut être recommandé de prendre le traitement avec un repas pour diminuer les éventuels troubles gastriques tels que maux d’estomac. pharmaJournal 03.2011: 5-7 … et un peu de bon sens! •Être au clair avec la posologie: quelle dose (nombre de comprimés, de ml, de gouttes, etc.), à quel moment (par rapport aux repas notamment) et combien de fois par jour •Avaler les médicaments avec un grand verre d’eau •Eviter de prendre les médicaments avec une boisson alcoolisée •Ne pas mélanger sans autre les médicaments dans des aliments •Ne pas délayer les médicaments dans une boisson chaude FamilyDoctor.org: « drug-food interactions » (2014) University of Florida: « Food/drug and drug/nutrient interactions » (2009) Comment est-ce que vous définiriez une interaction!? Définition On parle d’interaction médicamenteuse lorsque l’administration simultanée de deux médicaments, ou plus, conduit à potentialiser les effets désirés ou indésirables d’au moins un de ces médicaments Un équilibre va être perturbé… on peut prédire dans quelle direction, mais l’amplitude et les conséquences sont généralement difficilement prévisibles… Une interaction peut aussi être induite par un aliment, une boisson ou le tabagisme! Prescrire 2012, 32 (350): 12 – 16 Oxford Handbook of Clinical Pharmacy 2012: 20-23 Alimentation = ? Par alimentation, on entend: Aliments (fruits, légumes, produits laitiers, etc.) Boissons (alcool, jus de fruits, café, etc.) Ceci exclu les questions d’interactions avec les suppléments alimentaires (p.ex. vitamines, minéraux), les produits de médecine complémentaire (p.ex. phytothérapie) et le tabac ANSM « Médicaments et aliments : lire la notice pour éviter les interactions » (2008) FDA « Avoid food-drug interactions » (2008) Le principe de base! Bénéfice / Risque ou Efficacité / Sécurité Dans les cas d’interactions possibles avec l’alimentation, c’est surtout la question du bénéfice que l’aliment apporte par rapport au risque que cela peut engendrer pour le traitement médicamenteux… donc souvent poser la question, c’est y répondre: on agit au niveau de l’alimentation, rarement besoin d’interpréter! Raisonnement humain… Contre-indication stricte à l’association A évaluer au cas par cas… OK, pas de souci d’interaction! Dans tous les cas, ordinateur, livre, outil, etc. sont d’une grande utilité, mais ne remplacent jamais le raisonnement humain! Prescrire 2012, 32 (350): 12 - 16 … donc interprétations différentes! Données factuelles et objectives (données sur les médicaments, le patient, l’interaction, etc.) Consensus autour de la position de la balance bénéfice / risque Médecin Patient Pharmacien Facteurs humains (temps à disposition, expérience antérieure, fatigue, acceptation du risque, etc.) => prises de décision parfois différentes Sur Internet on trouve beaucoup de données… http://www.intechopen.com/books/drug-discovery/fruit-vegetable-drug-interactions-effects-on-drugmetabolizing-enzymes-and-drug-transporters Certains aliments interagissent via les CYP Outil de référence publié par les HUG http://www.hugge.ch/sites/interhug/files/structures/pharmacologie_et_toxicologie_cliniques/documents/interactions_medicament euses_et_cyp450.pdf Question de dose: exemple du curcuma (1/3) Aliment ou complément alimentaire!? Question de dose: exemple du curcuma (2/3) Question de dose: exemple du curcuma (3/3) orally administered […] 50 and 100 mg/kg of curcumin […] in rats Soit l’équivalent de plus de 3kgs de curcuma chez un adulte de 65kgs! Même en divisant la dose par 100 et en mangeant indien très épicé tous les jours, on n’atteint pas une telle dose! http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25300360 Ne pas confondre données in vitro et in vivo ! Les interactions les plus pertinentes sont listées dans les sites de recherche d’interactions ou dans les monographies Lexicomp – monographie « acenocoumarol » (10.02.16) Exemple d’une monographie récente « L'administration concomitante de vémurafénib a augmenté l'AUC de la caféine (un substrat du CYP1A2) d'un facteur 2,6. Les patients doivent être informés de la nécessité de réduire en conséquence leur consommation de café, de thé et de chocolat » www.swissmedicinfo.ch – monographies Zelboraf® (10.02.16) Deux types principaux d’interactions Les interactions médicamenteuses relèvent de deux types de mécanismes: • Interactions d’ordre pharmacodynamique – Dépendent du mécanisme d’action d’une classe pharmacologique • Interactions d’ordre pharmacocinétique – Dépendent des caractéristiques physicochimiques propres à chaque substance médicamenteuse Les interactions avec l’alimentation concernent les deux types Prescrire Guide Interactions Médicamenteuses 2015 Les classiques Anticoagulants et vitamine K: « En raison de leur teneur élevée en vitamine K1 (surtout lorsqu'ils sont préparés d'une manière qui les ménage ou qu'ils sont consommés en quantités importantes), les légumes frais (épinards, diverses variétés de choux) peuvent affaiblir l'effet anticoagulant de Sintrom® » => Attention avec choux et autres légumes verts foncés: ne pas modifier ses habitudes alimentaires en cours de traitement IMAO et tyramine: « Le traitement par Aurorix® ne nécessite aucune restriction d’ordre diététique chez les patients dont les habitudes alimentaires sont normales. Toutefois, il est recommandé aux malades de renoncer à consommer de grandes quantités d’aliments riches en tyramine » => Limiter apport de bière, fromages, viandes ou poissons fumés ou marinés, soja, légumineuses, avocats, bananes, fruits secs, etc. www.swissmedicinfo.ch – monographies Sintrom® et Aurorix® (10.02.16) Uptodate « Monoamine oxidase inhibitors (MAOIs) for treating depressed adults” (10.02.16) Hyperkaliémie par IA Définition: concentration plasmatique de potassium > 5 mmol/l Conséquences cliniques: troubles du rythme cardiaque (arythmies, voire arrêts cardiaques) et anomalie des fonctions musculaires Augmentation du risque lors d’association d’aliments avec des médicaments à risque: sels de potassium, diurétiques hyperkaliémiants (p.ex. amiloride: Moduretic® et génériques / spironolactone: Aldactone® et génériques), IECA, sartans, AINS, certaines formes effervescentes Prescrire 2014, 34 (374): 596-601 Lexicomp www.clinicalpharmacology.com Quelques aliments riches potassium • Fruits: p.ex. abricots, avocat, bananes, kiwi, mangue, melon, oranges, poires • Légumes verts: p.ex. bambous (pousses), brocolis, courge, épinards, côtes de bettes, tomates • Céréales (surtout complètes): pains, barres, müeslis, etc. • Boissons pour sportifs, lait de soja • Noix et graines, fruits secs • Chocolat • Champignons • Produits laitiers (surtout babeurre, lait, yoghourt) • Légumineuses (surtout les haricots rouges, borlottis, etc.) • Poissons et crustacés • Viandes rouges • Soupes et bouillons Prescrire 2014, 34 (374): 596-601 FDA « Avoid food-drug interactions » (2008) Uptodate « Foods with high levels of potassium » (2015) Hypercalcémie par IA Définition: concentration plasmatique de calcium > 3.5 mmol/l Conséquences cliniques: raccourcissement de l’intervalle QT, arythmies, dépôts calciques (vaisseaux et reins) si chronique Facteurs de risques: hyperparathyroïdie, cancers, immobilisation, insuffisance rénale Augmentation de la calcémie lors d’apport alimentaire important associé à la prise de médicaments à risque: sels de calcium (y.c. comme antacides), vitamine D, chélateurs du phosphate (↓ phosphatémie), diurétiques thiazidiques Prescrire 2014, 34 (374): 596-601 Lexicomp www.clinicalpharmacology.com Quelques aliments riches en calcium • Produits laitiers (lait, yoghurts, fromages, crème glacée) • Boissons enrichies: certains jus de fruits, certains laits végétaux (soja, riz, etc.) • Aliments enrichis en calcium: certains tofus ou substituts de viande • Légumineuses (surtout les haricots rouges, borlottis, etc.) • Légumes à feuilles vertes sombres: brocoli, côte de bette, dent-de-lion, épinards, kale, laitue romaine • Amandes • Oranges Prescrire 2014, 34 (374): 596-601 FDA « Avoid food-drug interactions » (2008) Uptodate « Foods and drinks with calcium » (2016) Pratiquement… • Difficile d’évaluer l’apport alimentaire d’un nutriment en particulier (quantités variables ingérées, apports varient selon les aliments, leur source, la saison, etc.) • Prudence surtout lors de régimes « drastiques » se concentrant sur une alimentation peu variée ou excluant un type d’aliments: est-ce que cela peut augmenter ou diminuer l’apport de certains nutriments et avoir une influence sur un traitement en cours? PharmacoCINÉTIQUE A chaque étape: interaction possible! Influence sur la concentration plasmatique possible à toutes les étapes par l’alimentation Tiré de « le cube pharmacicinétique. Mayer JM, Balant LP, CDROM, ASTRAL Forum Médical Suisse 2015, 15 (7): 152 - 156 IA au niveau de l’absorption GI Les molécules en solution (si besoin après désagrégation d’une forme solide) sont principalement absorbées au niveau du petit intestin (intestin grêle) et très peu au niveau de l’estomac (ne sert que de réservoir pour alimenter l’intestin) Généralement, c’est la vitesse (et pas le niveau) d’absorption qui est influencé => impact clinique uniquement sur le délai d’action => pas d’influence dans les traitements chroniques; uniquement en tenir compte pour certains ttt comme les antalgiques ou les hypnotiques Drug Interactions: Analysis and Management, Clinical Drug Information LLC 2015 IA par liaison de molécules au niveau GI Chélation des molécules, surtout ions bivalents => aluminium, calcium, fer, magnésium, zinc Se lient avec divers molécules => limitent (ou retardent?) leur absorption: tétracyclines, quinolones, méthyl- et lévodopa, lévothyroxine, biphosphonate, mycophénolate, Laisser un intervalle de 2h à 4h entre la prise d’aliment et le médicament suffit généralement Drug Interactions: Analysis and Management, Clinical Drug Information LLC 2015 Aliments riches en… Aluminium: faible apport via aliments Calcium: voir plus haut Fer: viandes rouges, porridge, céréales complètes, amandes, légumineuses Magnésium: légumes vert foncé , légumineuses, céréales, pain complet, poisson, noix Zinc: viandes, noix, lentilles Mais les interactions sont décrites pour des compléments alimentaires: interactions avec les aliments? Peu de données => prudence, surtout avec les médicaments ayant une marge thérapeutique étroite (p.ex. mycophénolate) Uptodate: « Overview of dietary trace minerals » 10.02.16 Que faire si… On voit qu’une personne prend un traitement au « mauvais moment » depuis des mois? Associe systématiquement un traitement avec un aliment qui pourrait modifier son absorption (p.ex. avale Cellcept® avec un verre de lait le matin)? Surtout ne rien changer (sauf si objectifs non atteints)! Le traitement est stabilisé! IA par altération de la motilité GI (1/2) Vidange gastrique influence a une influence importante sur la vitesse d’absorption => délai d’action dans certains cas (p.ex. administration prokinétique avant antalgique pour diminuer délai d’action en cas de migraine)… mais généralement pas d’effet sur le taux d’absorption… Quelques exceptions: si ralentissement vidange gastrique on augmente la dissolution de la nitrofurantoïne dans l’estomac et donc son absorption dans l’intestin Prudence en présence de molécules dégradées dans l’estomac (p.ex. lévodopa): modification de sa biodisponibilité si influence sur la vidange gastrique Drug Interactions: Analysis and Management, Clinical Drug Information LLC 2015 www.swissmedicinfo.ch (monographie Furadantine ® retard – consultée le 04.08.15) Temps de vidange gastrique à jeun : 30-45 minutes après un repas léger : 2-3 heures après un repas riche en graisses : 3-4 heures pharmaJournal 02.2010: 26 IA par modification du pH GI (1/2) Pour traverser les membranes intestinales et passer dans la circulation sanguine, les molécules doivent être sous forme nonionisée (lipophile) La plupart des médicaments sont des acides faibles ou des bases faibles (=> qui ne se dissocient pas complètement dans l’eau) => si on acidifie le pH GI les acides faibles devraient être mieux absorbés (et inversement pour les bases faibles)… mais les acides faibles se dissolvent moins bien en milieu acide… de plus un changement de pH GI influence la motilité… donc effet complexe et généralement impossible à prévoir! Drug Interactions: Analysis and Management, Clinical Drug Information LLC 2015 IA par modification du pH GI (2/2) Dérivés amphétaminiques comme le dextrométorphane ont leur absorption diminuée en cas de pH acidifié => éviter prise avec des boissons ou aliments acides (p.ex. fruits ou jus) Quelques médicaments ont leur taux d’absorption diminuée en cas de pH basifié: cefpodoxime (Podomexef® et génériques) et céfuroxime (Zinat® et génériques) => éviter prise avec des boissons ou aliments alcalins (p.ex. lait, poulet, veau, haricots verts) A prendre en compte surtout pour les formes à libération modifiée (p.ex. gastro-résistantes): p.ex. une basification pourrait entraîner une libération prématurée dans l’estomac (et une dégradation) Drug Interactions: Analysis and Management, Clinical Drug Information LLC 2015 Clinicalpharmacology.com – monographies « cefpodoxime » et « cefuroxime » - consultées le 05.08.15 IA par modification de la métabolisation dans la paroi intestinale La paroi intestinale présente certaines capacités de métabolisation: p.ex. présence de CYP P450, de monoamine oxydases, etc. C’est ce qui fait qu’il est déconseillé de consommer de grandes quantités d’aliments riches en tyramine (p.ex. fromages) sous ttt d’IMAO Quelques rares cas décrits de modification de taux, sans impact clinique clair… Pas recommandé actuellement de prendre en compte ce type d’IA Drug Interactions: Analysis and Management, Clinical Drug Information LLC 2015 www.swissmedicinfo.ch – monographie Aurorix®consultées le 05.08.15 Enfin il arrive!!! Pas que le fruits frais Pamplemousse, sous ses différentes formes de consommation (fruit frais, jus, extrait de pépins ou confiture) est impliqué dans des interactions avec de nombreux médicaments Les fruits dérivés du pamplemousse, tels que l’orange de Séville ou le citron vert sont également concernés Prescrire 2012 ; 347; 674-679 Augmentation… mais aussi baisse d’efficacité ! Deux principaux mécanismes: Furanocoumarines: forment une liaison avec les CYP3A4 intestinaux => inhibent métabolisation de nombreux médicaments = possible surdosage et un risque d’augmentation des effets indésirables (ou diminution de l’efficacité dans le cas d’une prodrogue comme pour le clopidogrel – Plavx® et génériques) Flavonoïdes: inhibent des transporteurs d’anions organiques intestinaux (OAT et OATP) => empêchent l’absorption de certains médicaments = diminution possible de l’efficacité thérapeutique Rev Med Interne 2015; 36 ; 530-539 www.swismedicinfo.ch (consulté en janvier 2016) Eur J Clin Invest 2003; 33 ; 10–6 http://www.fda.gov/forconsumers/consumerupdates (consulté en janvier 2016) Plusieurs facteurs pour ↑ d’acGvité Augmentation possible de l’effet si trois facteurs sont réunis: • Administration per os (localisation intestinale de l’interaction). • Consommation régulière de pamplemousse ou dérivés = consommation d’un fruit (ou d’un verre de jus) plus de trois à cinq jours => surveillance aussi en cas de modification subite d’une prise régulière de produits à base de pamplemousse. • Uniquement les médicaments métabolisés par le CYP 3A4 et qui ont une faible biodisponibilité (<30%) qui sont concernés Cas de surdosages décrits: rhabdomyolyse (statines), myélotoxicité (colchicine), néphrotoxicité (tacrolimus), troubles du rythme (antiarythmiques), thromboses veineuses (oestrogènes comme les pilules contraceptives) CMAJ 2013; 185(4); 309-316 !CYP 3A4 + faible biodisponibilité + Classe de médicaments Molécule(s) Analgésiques oxycodone quétiapine fentanyl Antiagrégants plaquettaires clopidogrel ticagrelor Anti-arythmiques amiodarone dronédarone ivabradine Anticoagulants rivaroxaban Antiémétiques dompéridone Anti-infectieux érythromycine rilpivirine quinine CMAJ 2013; 185(4); 309-316 Exemple de spécialité(s) Biodisponibilité (%) Oxynorm® Seroquel® Durogesic® < 20 Plavix® Brilique® Cordarone® Multaq® Procoralan® Xarelto® Motilium® Erythrocin® Eviplera® 30-70 30-70 20 ! Augmentation de la Conséquence(s) concentration possible(s) (%) somnolence, torsades de > 300 pointe, dépression respiratoire 90 hémorragie 150-300 inefficacité torsades de pointe, 150-300 arythmie, hyperkaliémie 30-70 150-300 < 20 > 300 < 30 > 250 hémorragie torsades de pointe torsades de pointe, myélotoxicité !CYP 3A4 + faible biodisponibilité + Classe de médicaments Molécule(s) Exemple de spécialité(s) Augmentation de Biodispo-nibilité la concentration (%) (%) Bexine® Antitussif dextromethorphane Benzodiazépines triazolam midazolam Immunosuppresseu rs ciclosporine évérolimus tacrolimus sirolimus Inhibiteurs calciques tous Inhibiteurs des tyrosine kinases erlotinib nilotinib Halcion® Dormicum® Sandimmun® Afinitor® Prograf® Rapamune® Tarceva® Tasigna® 30-60 > 500 30-60 150 30-40 150-1000 5-40 150-300 < 30 150-250 30-60 > 500 < 30 900-1600 300-600 Latuda® Neuroleptiques lurasidone Statines simvastatine atorvastatine CMAJ 2013; 185(4); 309-316 Zocor® Sortis® ! Conséquence(s) possible(s) dépression respiratoire, hallucinations, vertiges, somnolence somnolence, dépression respiratoire néphrotoxicité œdème, malaise, hypotension torsades de pointe, myélotoxicité hallucinations, vertiges, somnolence rhabdomyolyse ↓ d’efficacité: peu de médicaments Médicaments pour lesquels le risque de perte d’efficacité lors d’une consommation régulière de pamplemousse ou de ses dérivés a été décrite: Classe de médicaments Molécule(s) Antihistaminiques Fexofénadine Bêtabloquants Aténolol Cytostatiques Etoposide Inhibiteurs de la Aliskirène rénine Ciprofloxacine Quinolones Levofloxacine Rev Med Interne 2015; 36 ; 530-539 Exemples de spécialités Telfast® Tenormin® Vepesid® Rasilez® Ciproxine® Tavanic® Diminution de la concentration* (%) 30-60% 80% 80% 80% 80% Alcool Alcool peut influencer l’effet d’un médicament s’il est consommé avant, pendant ou après la prise d’un médicament Alcool est éliminé à raison d’environ 10 à 20ml / heure soit 8 à 16g / heure: en Suisse, un « verre standard » = 10g d’alcool ANSM « Médicaments et aliments : lire la notice pour éviter les interactions » (2008) FDA « Avoid food-drug interactions » (2008) Drugdex: ethanol ¢04.02.16) http://www.stop-alcool.ch/une-substance-psychoactive/combien-y-a-t-il-d-alcool-dans-un-verre Augmentation de l’effet de l’alcool Certains médicaments comme le métoclopramide (Primperan®), le dompéridone (Motilium®) ou l’érythromycine (Erythrocin®) augmentent la motilité gastrique => l’alcool est plus rapidement absorbé et ses effets augmentés Sinon, des interactions pharmacocinétiques et pharmacodynamiques sont possibles avec divers médicaments Alcohol-related drug interactions, Detail-Document, Phamacist’s Letter/Prescriber’ s Letter 2008 ; 24 (1) De Luca A. : Medikamente und Narhungsmittel, pharma-kritik 2001; 23 (6) De Luca A., Gysling E. : Arzneimittelinteraktionen mit Alkohol, pharma-kritik 2001; 23 (3) Effet « Antabus® » Antabus® Alcool métabolisé en majeure partie dans le foie: Alcool déshydrogénase Alcool Aldéhyde déshydrogénase Aldéhyde (substance toxique ) Antabus® (disulfirame ) flushes et troubles de la régulation circulatoire: palpitations, hyperventilation, tachycardie, céphalées, parfois douleurs thoraciques Acétate Cycle des citrates Cycle des acides gras Synthèse du cholestérol Alcohol-related drug interactions, Detail-Document, Phamacist’s Letter/Prescriber’ s Letter 2008 ; 24 (1) Paton A. : Alcohol in the body, BMJ 2005; 330 : 85-7 Base de la thérapeutique médicamenteuse, edition 5, Documed 2005 : 184 http://www.uptodate.com: lexi-Interact™ , monographie « ethanol », consultée le 08.02.16 http://www.addictionsuisse.ch/fileadmin/user_upload/DocUpload/alcool_corps.pdf Effet « Antabus® » Quelques médicaments présentent un effet de même type => limiter, voire éviter la consommation d’alcool pendant leur prise: Métronidazole (Flagyl® et génériques), glibenclamide (Daonil® et génériques), gliclazide (Diamicron® et génériques), vérapamil (Isoptin® et génériques) Alcohol-related drug interactions, Detail-Document, Phamacist’s Letter/Prescriber’ s Letter 2008 ; 24 (1) Paton A. : Alcohol in the body, BMJ 2005; 330 : 85-7 Base de la thérapeutique médicamenteuse, edition 5, Documed 2005 : 184 http://www.uptodate.com: lexi-Interact™ , monographie « ethanol », consultée le 08.02.16 http://www.addictionsuisse.ch/fileadmin/user_upload/DocUpload/alcool_corps.pdf Peu d’interaction sur l’alcool via CYP Alcool est substrat de certains cytochromes: CYP2E1 (métabolisation principalement par ce CYP lors de consommation chronique plutôt que par l’alcool déshydrogénase) et faiblement par CYP1A2 et CYP3A4. Excepté le disulfirame (Antabus®), aucun médicament ne provoque d’effet indésirable cliniquement significatif avec l’alcool par inhibition de CYP! Paton A. : Alcohol in the body, BMJ 2005; 330 : 85-7 Base de la thérapeutique médicamenteuse, edition 5, Documed 2005 : 184 http://www.hugge.ch/sites/interhug/files/structures/pharmacologie_et_toxicologie_cliniques/documents/interactions_medicame nteuses_et_cyp450.pdf Alcool influence CYP 2E1 Consommation occasionnelle => inhibiteur des CYP2E1 et CYP2C9 Consommation chronique => inducteur des CYP2E1 et CYP2C9 CYP2E1 : interaction cliniquement significative décrite que pour le paracétamol: consommateurs chroniques d’alcool = ne pas excéder 2g/jour de paracétamol (risque d’hépatotoxicité) CYP2C9: peut donc influencer l’effet des anticoagulants oraux (p.ex. acénocoumarol – Sintrom® ou phenprocoumone Marcoumar®) et de la phénytoïne (Phenhydan® et génériques) http://www.hugge.ch/sites/interhug/files/structures/pharmacologie_et_toxicologie_cliniques/documents/interactions_medicame nteuses_et_cyp450.pdf Revue Médicale Suisse 2007 ; 129 J Intern Med 2003; 253: 240–243 Hansten PD., Horn JR. : Drug Interactions analysis and management. St. Louis, MO: Facts and Comparisons Publishing Group 2010 : 590 Effet sédatif Interaction pharmacodynamique la plus fréquente avec l’alcool: renforcement de l’effet dépresseur des médicaments agissant au niveau du système nerveux central Consommation d’alcool même à dose réduite peut majorer l’effet sédatif de substances comme : antidépresseurs, antipsychotiques, sédatifs/anxiolytiques, neuroleptiques, somnifères, antiépileptiques ou opïoides La consommation même modérée d’alcool est ainsi déconseillée Paton A. : Alcohol in the body, BMJ 2005; 330 : 85-7 Base de la thérapeutique médicamenteuse, edition 5, Documed 2005 : 184 http://www.hugge.ch/sites/interhug/files/structures/pharmacologie_et_toxicologie_cliniques/documents/interactions_medicame nteuses_et_cyp450.pdf Majoration de divers effets indésirables AINS (dont l’aspirine): hémorragies digestives et lésions des muqueuses gastro-intestinales => intervalle de 8 à 10 heures entre la prise de ces médicaments et la consommation d’alcool est recommandé Antidiabétiques (particulièrement insuline et sulfonylurées): hypoglycémie + signes d’hypoglycémie et réactions de compensation inhibés => contrôler glycémie selon consommation d’alcool; à noter qu’une consommation de l’équivalent de 20ml à 30ml d’alcool pur ne provoque pas d’hypoglycémie Nitroglycérine (p.ex. en patch) et lercanidipine (Zanidip® et génériques): effets vasodilatateurs (flush p.ex.) => adapter / limiter la consommation Alcohol-related drug interactions, Detail-Document, Phamacist’s Letter/Prescriber’ s Letter 2008 ; 24 (1) Revue Prescrire 2007 ; 27 (289): 844-846 Scottish Intercollegiate Guidelines Network « Management of diabetes » 2010 Revue Prescrire Supplément Interactions 2015 / Lexicomp monographie « ethanol » (08.02.16) Alcool et zopiclone Association d’alcool et zopiclone (Imovane® et générique) déconseillée car augmente le risque de comportements de type: « somnambulisme en conduisant, en préparant des repas et en mangeant, en téléphonant ou pendant des rapports sexuels, sans que les personnes concernées ne s'en souviennent (amnésie). Des cas isolés de comportement d'automutilation ont également été rapportés » www.swissmedicinfo.ch monographie « zopiclone » Lexicomp monographie « zopiclone » Alcool: ne pas surestimer le risque! Lors de consommation ponctuelle standard d’alcool, il y a peu de risque d’interaction cliniquement significative, à l’exception de l’effet indésirable type Antabus® En cas de consommation chronique, diverses interactions sont possibles dont la nature et l’intensité varient entre individu, la métabolisation de l’alcool étant un facteur pharmacogénétique individuel Caféine: peut subir des interactions! Contenue dans divers aliments: cafés, boissons à base de cola, thés, chocolats, certaines boissons énergétiques ou soda Voie majeure de métabolisation par les CYP: 1A2; mineures 2E1, 3A4 N’a pas d’effet inducteur ou inhibiteur Inhibiteurs CYP 1A2 (p.ex. ciprofloxacine (Ciproxine® et génériques), ofloxacine (Tarivid®), fluvoxamine (Floxyfral®), tizanidine (Sirdalud®), vemurafenib (Zelboraf®)) peuvent augmenter l’effet de la caféine =>insomnie, agitation, palpitations, etc. possibles http://www.hugge.ch/sites/interhug/files/structures/pharmacologie_et_toxicologie_cliniques/documents/interactions_medicamente uses_et_cyp450.pdf Lexicomp – monographie « caffeine » (10.02.16) Drugdex – monographie « caffeine » (10.02.16) Et dans l’autre sens… Ne pas oublier que divers médicaments perturbent l’absorption de certains nutriments: Antacide, ranitidine, IPP (en modifiant le pH gastrique) diminuent l’absortion de fer, vitamine B12, magnésium, etc. Orlistat, laxatifs stimulants, phénytoïne, etc.: diminue l’absorption de vitamine D Natural standards – monographies « iron, vitamin B12, magnesium, vitamin D » (10.02.16) A retenir! Médicaments et alimentation ne font pas bon ménage… ce n’est pas si fréquent! Ne pas changer type de prise ou de régime alimentaire une fois un traitement médicamenteux établi Interactions pharmacocinétiques: prudence avec les médicaments à marge étroite et dans les cas de régimes peu diversifiés Se rappeler de ses « classiques »: pamplemousse, Sintrom® et choux, IMAO et tyramine, etc.