REVUE DE PRESSE F(L)AMMES TEXTE ET MISE EN SCÈNE AHMED MADANI 06 75 06 88 04 / [email protected] www.madanicompagnie.fr Madani Compagnie est conventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication - DRAC Île-de-France et par la Région Île-de-France www.sceneweb.fr Stéphane Capron 21 novembre 2016 Dix jeunes femmes françaises clament leur F(l)ammes pour la France Ahmed Madani poursuit son travail de théâtre documentaire auprès de la jeunesse de France. Après la parole de jeunes hommes dans Illumination(s), c’est autour de la parole de jeunes femmes de se faire entendre dans F(l)ammes. Un spectacle vérité qui ressemble à la France d’aujourd’hui. Ne pas avoir honte de là où l’on vient. C’est le message que ces dix jeunes françaises viennent raconter sur scène. Leurs parents sont nés en Algérie, en Afrique noire ou dans les Caraïbes. Elles sont nées en France, mais elles portent sur leurs épaules l’héritage de cette double culture qui leur est souvent renvoyée en pleine figure. « T’es de nulle part ! » entendent-elles régulièrement. Elles viennent prouver le contraire. Elles sont de France. A travers leurs histoires personnelles et souvent très intimes, Ahmed Madani raconte l’histoire de la France d’aujourd’hui. Dans son spectacle précédant, Illumination(s) il était parti de la grande Histoire pour raconter la vie de jeunes garçons issus des quartiers. Ici c’est l’inverse. Et le regard de ces jeunes filles est plein de vie et d’espoir. Elles n’éludent aucune des difficultés qui sont les leurs et notamment le racisme dont elles sont victimes (y compris entre les noirs et les arabes). Mais leur message est d’un grand optimisme. Car elles aiment la France. Et quand dans le spectacle, l’une d’elles chante La vie en Rose, c’est toute la salle qui reprend en cœur la chanson d’Edith Piaf. Car cette chanson du patrimoine français est aussi la leur. La mise en scène d’Ahmed Madani alterne les monologues racontés au micro, les scènes chantées et dansées et des extraits de films tournés dans la nature. On ressort plein d’énergie de ce spectacle qui est moins sombre qu’Illumination(s) car ces jeunes filles irradient le plateau. On a juste envie de les serrer dans nos bras et de les aimer (ce que l’on ne sait pas priver de faire). F(l)ammes est une ode à la France d’aujourd’hui, à cette France diverse et riche. Et pour une fois on ne place les religions au cœur des débats. F(l)ammes est un spectacle laïque et républicain. Ahmed Madani va emmener cette troupe en tournée pendant la campagne électorale, il va susciter de l’intérêt et ce sera la meilleure réponse à tous les discours populistes que l’on va pouvoir entendre d’ici l’élection du nouveau Président de la République. « J’ai juste besoin d’égalité » disent ces filles en guise de conclusion. F(l)ammes est un spectacle d’utilité publique que tous les directeurs de théâtre de France devraient programmer. www.blogs.mediapart.fr Martine Silber 25 novembre 2016 F(l)ammes d'Ahmed Madani, aux Métallos Il est en train de se passer à la Maison des Métallos, à Paris, le même phénomène que pour Illumination(s) au Festival d'Avignon: le bouche à oreilles, tout autant sans doute que les critiques, fait son oeuvre. Depuis quelques jours, F(l)ammes d'Ahmed Madani, affiche complet, avec liste d'attente pour ceux ou celles qui se décident au dernier moment. Il est donc prudent de réserver selon la formule habituelle. Ahmed Madani est un homme de théâtre, un artiste, un auteur, un metteur en scène qui travaille longuement chacun de ses spectacles mais on n'en dira pas plus. Mieux vaut l'écouter, voir les liens vidéo en bas de ce billet. F(l)ammes est le miroir d'Illumination(s). Côté femmes, côté minorité invisible sauf que cette fois non seulement on les voit, mais on les écoute et au-delà du spectacle, on salue leur courage car les histoires qu'elles jouent à corps et coeur perdu, les mettent forcément un peu en danger puisqu'elles sortent de l'ombre, de la famille, de la société et se jettent en pleine lumière, Ces jeunes filles et jeunes femmes viennent des "quartiers", comme les jeunes hommes d'Illumination(s), Comme toujours, Ahmed Adami a procédé pas à pas en rencontrant une centaine de femmes avant d'écrire, les textes qu'il a confiés aux dix comédiennes viennent de là. Que ce soit ou non ou partiellement leur propre histoire, la parole est leurs. Elles sont le L de la parenthèse et elles débordent d'énergie pour se faire entendre. Souvent drôles, toujours fortes. La mise en scène, et les lumières et la scénographie _ des chaises mais pas que _ et la musique apportent exactement ce qu'il faut pour qu'il ne s'agisse pas de saynètes ou de stand ups mis bout à bout. Quant à la direction d'actrices, bravo, bravissimo. Elles parlent haut et fort avec une diction parfaite, une aisance, une fougue que pourraient leur envier bien des comédiennes professionnels. comédiens et Ce qu'elles jouent sur scène tient de l'intime mais l'histoire familiale s'inscrit dans cette histoire nationale dont on nous rabâche les oreilles. Cette histoire nationale qui ne tient jamais compte de cette partie là, la leur. Parce qu'elles viennent des quartiers, parce que leurs parents et surtout leurs mères et leurs grand-mères sont venus d'ailleurs et qu'elles en sont fières, conscientes ou étouffées mais qu'elles se disent et se veulent françaises, dans la société française d'aujourd'hui. Ensemble, elles revendiquent leur place pour que leur féminité ne soit plus ni niée, ni invisible. Elles sont nées femmes mais le sont aussi devenues. Charlie Hebdo Gil Chauveau 23 novembre 2016 Pierre Pinelli Télérama Sortir Décembre 2016 F(l)ammes Après avoir embrasé les planches avec Illumination(s), une pièce jouée en 2013 par des jeunes hommes du Val Fourré, l’auteur et metteur en scène Ahmed Madani présente F(l)ammes, second volet d’une trilogie. Place, cette fois, à une troupe exclusivement féminine. Soit dix étincelles issues des cités sensibles, qui n’avaient pas ou pratiquement pas tâté de la scène. Ahmed Madani leur a d’abord demandé de se confier, mâtinant ce recueil intime de sa propre histoire familiale. « C’est une création partagée. Je suis le poète à leur disposition. J’écris à partir d’elles. Ces récits les incluent et les dépassent en même temps. » Un spectacle fort en gueule et riche en émotions, qui culbute les identités. On pleure parfois, on rit beaucoup aux jeux admirables de Dana, qui, par exemple, enfant se prenait pour un alien « en confondant l’extraterrestre E.T. et Haïti, d’où viennent mes parents ». Ou de Laurène, « différente de sa différence ». Ou encore de Ludivine, à qui un professeur de français avait « donné comme viatique pour le voyage de [sa] vie, cette phrase inoubliable : n’aie jamais honte d’où tu viens. »Ahmed Madani dit avoir choisi de « mettre le “l” entre parenthèses pour les désigner “elles” et leurs “ailes”. Car F(l)ammes, dit-il, c’est le feu de la vie ». Frédérique Roussel Libération Vendredi 2 décembre « Ce sont elles les expertes de leur jeunesse, de leur féminité » Créé en novembre à Sevran, «F(l)ammes», le nouveau spectacle d'Ahmed Madani présente à Paris, met en scène des femmes de quartiers populaires en quête de reconnaissance. Interview. Dix femmes sur scène. Après Illuminations, en 2013, un spectacle avec des hommes, vigiles originaires de banlieue, Ahmed Madani poursuit une aventure artistique intitulée «Face à leur destin» avec des jeunes habitants des quartiers populaires. Les F(l)ammes ont toutes grandi dans des quartiers sensibles. Il y a Ludivine, de Boulogne-Billancourt («Les immeubles, le béton, le goudron,/Ne peuvent rien contre laforêt qui est en nous»), Anissa A., 28 ans, voilée, cinq enfants, qu'on obligeait à jouer le cheval à l'école primaire de riches, la Guadeloupéenne Laurène («Les Antillais doivent toujours prouver qu'ils sont Français/Alors qu'ils sont Français depuis bien plus longtemps»)... Tour à tour défilent des tranches de vies de jeunes femmes en quête d'identité et de reconnaissance. De petites scènes cassent le risque de litanie. Les oeuvres sur le grand écran du fond du vidéaste plasticien Nicolas Clauss infusent une respiration poétique. Tout n'est pas millimétré. Il n'y a pas de costume. Pas de décor, à part dix chaises. Les voix défaillent parfois. Mais une énergie solaire se dégage de F(l)ammes, de ces femmes dans la fleur de l'âge, rageuses, exaltées ou douces. A en rire parfois, en pleurer d'émotion aussi, devant cette danse de la vie et du doute. Rencontre avec l'auteur et metteur en scène Ahmed Madani, le jour de la première à la Maison des Métallos. Comment avez-vous choisi vos comédiennes ? Pendant deux ans, j'ai organisé des ateliers d'écriture et de jeu dramatique dans toute la France -Mantes-la-jolie, Paris, Amiens, Sevran, Créteil, Briançon, etc. J'ai rencontré des femmes de différentes conditions et de toutes origines. J'ai posé des critères pour les auditions : avoir des parents qui ont vécu l'exil, vivre dans un quartier périurbain, avoir entre 18 et 28 ans, être disponible pour plusieurs années et avoir une certaine autonomie. Aucune n'est une professionnelle, mon projet réclame de la fraicheur et de la naïveté. Comment s'écrit le texte ? Je leur dis : «Parlez-moi de vous et montrez moi qui vous êtes.» D'où vient leur nom, comment vit-on avec un tel nom? Je ne sais rien à l'avance. Ce sont elles les expertes de leur jeunesse, de leur féminité, de leur vie de quartier. J'écoute et je leur renvoie des mots qui tiennent compte de leur pudeur et de leur sensibilité. On parle, et j'écris des textes qui sont ensuite amendes ensemble. Le processus a une dimension de catharsis. Ces femmes se retrouvent prêtes à dire des choses qu'elles n'auraient pas dites avant. Je leur ai expliqué comment ne pas jouer au théâtre, comment être et ne pas faire. Comment s'est déroulée la création à Sevran ? Sevran est une ville pauvre, sans théâtre, mais avec une association très active, la Poudrerie, qui travaille à ce que l'art théâtral rencontre le peuple. Tout se fait dans la salle des fêtes où viennent les différentes tranches de la société de Sevran. La friction avec ce public a été très forte, car il voit sur le plateau des gens qui leur ressemblent. C'était une salle vivante, qui commentait, qui riait... La diversité est un mot à la mode, pourtant le public traditionnel des théâtres est majoritairement féminin, et plus âgé que SO ans. «Si tu veux parler de l'universel, parle de ton village», disait Tolstoï. On était très impatients de voir ce qui allait se passer dans un théâtre comme les Métallos. Si le théâtre n'est pas le lieu de l'histoire contemporaine, ça sert à quoi ? Pourquoi avoir choisi cette aventure ? J'aurais pu continuer à diriger un Centre dramatique national, mais il me manquait le rapport au territoire, à des populations, à un public. J'ai décidé de revenir à ce pour quoi je fais ce métier. J'avais aussi le désir de questionner mon histoire de fils d'immigrés algériens, mais pas de manière frontale. Je souhaitais partager mon récit avec la jeunesse qui vit dans ces quartiers populaires, ces lieux d'exclusion qui pourraient évoquer les colonies. C'est un positionnement entre la mé- moire et la prospection. Est-ce pratiquer une forme de démocratisation culturelle ? La démocratisation culturelle passe pour un gros mot aujourd'hui. Le théâtre populaire est souvent vu comme un théâtre populiste, à la différence d'un théâtre d'art. La notion de démocratisation n'est en effet pas aussi limpide qu'autrefois, du temps de Malraux. Le territoire a été irrigué par des artistes, qui ont été nommés à la tête d'établissements. Une intelligentsia s'est mise en place avec une perversion de ce système. Pourquoi la culture n'est elle plus un enjeu politique? Pourquoi le public est-il vieillissant? Pourquoi un désengagement artistique dans le système scolaire? Quelle est la solution ? Aujourd'hui, la culture a un rapport avec l'économie. Or, le théâtre n'est pas une industrie. L'implication de l'Etat est très importante, mais il se désengage progressivement du territoire. Il délègue à des barons locaux, parfois sans réflexion sur la culture. Comment voulez-vous continuer si vous possédez une magnifique bibliothèque mais pas de livres dedans? Si on n'investit pas, les notes seront très salées. www.lajaseuse.fr Célia Clavel 20 novembre 2016 F(l)ammes Flamboyante(s) Dix flammes. Dix femmes d’ici et d’aujourd’hui, minorité parmi les minorités, souvent silencieuses. Elles prennent la parole pour se faire entendre et témoigner, sans drame et sans violence, de leur existence. C’est juste, c’est féministe, c’est puissant. Elles se présentent une à une au milieu de la grande scène. Chacune nous offre quelque chose, du chant, de la danse, quelques mots dans une langue qui vient de loin. Chacune nous offre quelque chose comme pour nous remercier d’être là à les écouter, enfin. Elles nous parlent pour revendiquer la place qu’elles méritent. Ni putes, ni soumises, ni victimes, ni promises, ce sont des êtres humains et sur cette scène, elles occupent la place qui leur revient. Car ces filles-là, la plupart du temps, on ne les entend pas. On les imagine invisibles derrière leurs pères, leurs frères et leurs vies forcément difficiles. Leur voix pourtant est essentielle aujourd’hui pour comprendre ce que c’est d’être la troisième génération issue de l’immigration, de venir de quartiers difficiles et d’être une femme. Comment elles luttent, avec ce triple fardeau, pour leur identité française et leur liberté, au sein de leur famille et de la société. La mise en scène est sobre, un micro et des chaises où chacune s’assoit tour à tour après avoir témoigné, soutien sororal indispensable. Les portraits vidéographiques projetés de Nicolas Clauss nous fixent, troublants et si vivants. On imagine le travail nécessaire pour aboutir à une proposition d’une telle justesse. Le foisonnement d’échanges, d’explorations et d’écritures pour théâtraliser les expériences des interprètes non professionnelles mais absolument formidables. Ahmed Madani a su canaliser et sublimer leur énergie pour les faire accéder à la lumière, en étant elles-mêmes, héroïnes de leur propre destinée. Chacune nous offre quelque chose et c’est nous qui devrions les remercier. De nous mettre face à nos malheureux réflexes quand le dialogue dégénère, de nous faire comprendre qu’elles veulent l’égalité, pas la pitié. De nous montrer l’espoir qu’elles ont su chercher et trouver dans leurs histoires, leurs passés. Les remercier de nous parler de cette liberté que leurs mères n’ont pas toujours su saisir, mais qu’elles promettent de transmettre à leurs filles. Loin des statistiques foireuses et des experts déconnectés, des préjugés moroses et des prédictions désespérées, F(l)ammes mêle intime et politique en laissant parler celles qui savent. Ceci n’est pas un spectacle, c’est la vie. Et c’est une nécessité d’aller les écouter. www.humanite.fr Gérald Rossi 28 novembre 2016 Le Parisien Carole Sterlé 15 novembre 2016 www.iogazette.fr Lillah Vial 30 novembre 2016 F(L)AMMES Elles sont dix. Elles sont nées de parents immigrés et viennent livrer au micro des témoignages brûlants. Ahmed Madani expose sur le plateau les feux intérieurs de ces jeunes Françaises aux origines multiples. Ça parle d’identité, d’égalité, de culture, de féminité aussi. Ça parle de stéréotypes, de paternalisme, de besoin d’émancipation. Le tout dans une mise en scène épurée et une touchante simplicité. Ce qui fonctionne, c’est la vérité de paroles de femmes brutes et adressées au public les yeux dans les yeux. On entend les murmures des spectateurs. Car l’intime résonne. « Pas besoin de liberté car je suis libre. Pas besoin de fraternité car j’ai des frères. » On est pris dans le flot des récits à vif, et on se questionne. On est emporté parce que ça chante, ça danse, ça sourit et fait sourire. À la fin, la salle est debout, frappe des mains et crie « FREEDOM ». Et ça fait du bien. Julie Maury Les 5 pièces 30 novembre 2016 F(l)ammes d’Ahmed Madani Dix jeunes femmes des quartiers prennent la parole au nom de la liberté « Nos racines sont sur nos têtes » Depuis 2012, l’auteur et metteur en scène Ahmed Madani travaille sur la série « Face à leur destin », composée de trois spectacles : « Illuminations », « F(l)ammes » et « Des garçons et des filles » (titre provisoire. Une aventure artistique menée avec des jeunes habitants de quartiers populaires nés de parents immigrés, qui s’interrogent sur leur identité, leurs doutes et leur avenir. Avec F(l)ammes, deuxième volet de la trilogie, c’est au tour des filles d’être présentées: Anissa, Ludivine, Chirine et les suivantes racontent leur histoire au micro, face au public. Mêlant réel et fiction, les textes ont été écrits à l’issue d’entretiens et de conversations entre le metteur en scène et les interprètes. Une écriture poétique et soutenue dans laquelle s’entrelacent événements historiques, expériences personnelles, scènes oniriques et récits mythologiques. Ahmed Madani fait ainsi émerger le réel pour créer du symbolique. De la danse, du chat, des mimes et du karaté enrichissent le récit et la mise en scène, volontairement dépouillée, pour mieux laisser les filles se dévoiler. Drôles et touchantes, elles se détachent peu à peu de l’immigration pour parler des femmes et de liberté. Quel courage, dans une période où discours réac’ et peurs archaïques refont surface, de sortir de l’ombre et de revendiquer sa place dans la société. Sans pathos ni sensationnel. www.teatreauvent.blog.lemonde.fr Evelyne Trâne 27 novembre 2016 F(L)AMMES - Texte et mise en scène Ahmed Madani à la Maison des métallos L’image me revient de ces porteuses d’eau africaines ou antillaises, qui avancent sans trébucher avec leurs fabuleux pots en terre hissés au-dessus de leurs têtes. Que peut bien dire cette eau qui remue entre ciel et terre avant de servir au quotidien, reprendre le cours de la vie organique. Dans le spectacle d’Ahmed MADANI qui donne la parole à dix jeunes femmes issues de l’immigration, africaines, antillaises ou maghrébines, nous entendons cette eau qui bouillonne, s’agite, s’exprime. Elles sont porteuses de leurs propres histoires qui ne transpirent pas nécessairement dans la vie courante mais qui continuent à couler dans les veines contribuant à cet étonnement juvénile d’être en vie ici et maintenant. Leurs histoires témoignent du fait qu’elles n’ont pas d’autre choix que celui d’avancer par respect pour cette eau qu’elles ont à charge de transmettre, distribuer, qui embrasse une mémoire universelle. Elles savent qu’elles font partie d’une minorité en France, qu’elles ne sont pas des françaises de souche, ce que certains discours politiques ne cessent insidieusement de leur rappeler et pourtant elles font bien partie du paysage de la France, une France qui n’a pas encore digéré l’histoire de la colonisation, de l’esclavage et qui aurait du mal à admettre qu’il est possible d’être français avec un faciès africain ou asiatique . Elles ont besoin de s’affranchir aussi bien du regard passéiste de leurs parents et grands parents que du racisme ambiant pour défendre leur peau, leur moi d’aujourd’hui. Cette position de lutte qui les dépasse, nous dépasse, force leur imagination, leur vitalité. Elles peuvent en effet tirer richesse de leur inconfort identitaire, en comprenant qu’elles font partie d’un monde en mutation, qu’elles en représentent un des maillons les plus vifs. Il faut beaucoup de doigté pour différencier le moi intime du moi collectif. L’un ne va pas sans l’autre pourtant, ils s’enrichissent mutuellement. Pour mener ce projet extrêmement fort d’inviter sur une scène de théâtre des jeunes femmes qui ne sont pas comédiennes, à s’exprimer et réussir à les mettre en valeur tel un accoucheur d’âmes, Ahmed MADANI s’est laissé guider par un réel sentiment de reconnaissance à l’égard de leur jeunesse, leurs sensibilités, leur diversité, leurs contradictions aussi. Les protagonistes ne s’expriment pas seulement en tant qu’individus issus de l’immigration mais en tant que jeunes femmes d’aujourd’hui simplement. De façon très poétique, le vidéaste Nicolas CLAUSS oriente le regard du public vers la dimension organique du spectacle, l’eau et le feu qui battent dans le cœur de ces belles personnes. Le terme de F(l)ammes qui les désignent symboliquement manifeste ce magnifique baptême sur scène de ces interprètes particulièrement douées, si heureuses de faire partager au public conquis, aussi bien leurs questions que leur joie de vivre. www.mordue-de-theatre.com 25 novembre 2016 F(l)ammes et sources vives Pour qui a vu Illumination(s), le précédent spectacle de ce qui s’annonce comme une trilogie, F(l)ammes apparaissait incontournable : le volet féminin après le volet masculin, et pour A. Madani un autre angle d’attaque pour aborder la « deuxième génération » : ces jeunes Français des banlieues pauvres dont les parents ont connu l’exil et le déracinement. Dix jeunes femmes ont donc été choisies par le metteur en scène, après un long « casting » : il les a écoutées, et à partir de leurs histoires, de leurs idées, a bâti un texte qui mêle le vrai et la fiction. Elles sont noires, d’Afrique ou des Antilles, ou maghrébines, elles ont entre 18 et 30 ans, elles vivent en banlieue parisienne et chacune a sa personnalité, son corps, son parcours. La diversité, c’est ce que veut nous faire ressentir A. Madani, non pas tant la diversité des origines, que la diversité et la singularité de chacune de ces femmes, qui sont engagées dans un parcours de vie difficile et exaltant, marqué à la fois par l’amour et l’arrachement vis à vis de cette « origine » dans laquelle leurs parents et les regards extérieurs tendent à les enfermer. Elles sont courageuses, intelligentes, drôles, incroyablement justes, lumineuses : flammes, comme le dit le titre du spectacle. Comme dans Illumination(s), et bien qu’étant moins dramatisée que dans ce premier opus, la proposition d’A. Madani est rythmée et prenante. Au début, quelques-unes viennent au micro, devant le public, se présenter directement ou par allégorie (ainsi, la seule comédienne voilée de la troupe passe par Pénélope et Ulysse pour parler d’elle). Mais très vite, le sage dispositif se dérègle, laissant place à une dispute pour savoir laquelle d’entre elles a l’apparence la plus « voyante » : voile, cheveux, couleur des yeux ou de la peau, tout y passe… Alors vient le temps de la danse, d’aveux plus intimes, plus douloureux, du chant (« La vie en rose », ou Nina Simone vraiment magnifiquement chantés), de la choralité, des questionnements, parfois de l’auto-dérision, de la sororité. C’est un spectacle dont il est difficile de rendre compte, car, tout en étant un vrai show (on ne s’ennuie pas un instant, on rit, les lumières et les arrière-plan vidéo sont très beaux, la diction est parfaite, les déplacements dans l’espace fluides, tout est digne d’une troupe professionnelle), il dispense une émotion qui est celle de la vie : on est plein d’une curiosité intense pour chacune de ces jeunes filles, femmes, qui trace son chemin avec tant de détermination, on les admire en tant qu’artistes et en tant que « vraies personnes ». Pourtant, je ne dirais pas que c’est « en deça du théâtre » : c’est pleinement du théâtre, car la matière brute est transcendée et devient poésie. Il y aurait vraiment beaucoup à dire sur l’intelligence de ce spectacle, sur la manière dont il remet en cause des clichés, dont il conduit à regarder ces corps de femmes en particulier, sur sa dimension politique et féministe (« Ce n’est pas de liberté ou de fraternité que nous avons besoin, mais d’égalité »). . On aimerait qu’au delà de la tournée prévue, il soit capté et puisse faire référence. Ces F(l)ammes sont aussi sources vives. Madani fait un travail qui n’a pas d’égal. Il a trouvé une formule qui allie la beauté, et la vérité, toujours dérangeante. C’est sans doute le résultat d’un art de l’écoute et d’une humanité que résume bien la phrase de Van Gogh qui est, dit-il, son viatique : « Il n’y a rien de plus réellement artistique que d’aimer les gens. » www.saphirnews.com Huê Trinh Nguyên 24 novembre 2016 F(l)ammes : parole aux premières concernées En 2013, Ahmed Madani nous avait littéralement subjugués avec Illumination(s), superbe pièce mêlant chants, saynètes, humour et vidéos et mettant en scène neuf jeunes hommes du Val-Fourré de la ville de Mantes-la-Jolie. En 2014, il nous emmenait dans les méandres de la mémoire de la guerre d'Algérie, dans une pièce sensible et tendre Je marche dans la nuit par un chemin mauvais. En 2016, il revient avec F(l)ammes, dont l’écriture repose sur le vécu et les paroles mêmes de dix jeunes femmes, qu’il choisit de faire monter sur scène. Cette pièce, interprétée par des non-professionnelles venant des quartiers populaires. s’inscrit ainsi comme le deuxième volet d’un projet artistique intitulé « Face à leur destin », mené par Ahmed Madani depuis 2012, dont il est prévu que le troisième volet sera mixte. Le dramaturge dresse un constat bien connu des premières concernées : « Les stéréotypes à l’encontre des jeunes filles, particulièrement si elles sont d’origine maghrébine, sont souvent positifs. Victimes emblématiques de la violence patriarcale, elles seraient moins problématiques que les garçons, auraient moins de difficultés à trouver leur place au sein de la République, seraient plus scolaires et sont souvent perçues comme des agents de l’intégration. Parallèlement à ces images condescendantes, une autre plus menaçante : celle de la “Française voilée” représentant un danger pour les valeurs de la République. » Or le combat de ces jeunes femmes ne peut être dissocié « des combats que mènent toutes les autres femmes en France, tant il est clair que les formes de violences contre les femmes observées dans les cités représentent une forme exacerbée des rapports de domination entre les deux sexes à l’œuvre dans la société française », explique le metteur en scène dans sa note d’intention. « On ne peut faire abstraction du fait qu’elles appartiennent à une minorité qui partage une Histoire commune houleuse et douloureuse, mais aussi enchevêtrée et co-construite avec la France », souligne-t-il. Alors on court pour découvrir la pièce de théâtre F(l)ammes car l’on est assuré que l’on ne sera pas déçu. Pour traiter de la question des femmes, de leurs identités multiples et de leurs légitimes aspirations à prendre elles-mêmes en main leur destinée, l’on fait confiance à Ahmed Madani pour déjouer les discours populistes, paternalistes et ethnocentrés et faire émerger la parole de ces femmes, à la fois complexe, décomplexée et assumée. www.theatres.com Audrey Jean 28 novembre 2016 Théâtre : La parole aux femmes dans « F(l)ammes » par Ahmed Madani Après le succès du spectacle « Illumination(s) » Ahmed Madani est de retour à la Maisons des Métallos avec une création qui se positionne en miroir de la précédente « F(l)ammes ». Tandis que la première pièce donnait la parole à de jeunes hommes issus des quartiers populaires, ce sont cette fois des femmes qui nous racontent leurs histoires. Un spectacle ancré dans le réel, fort et nécessaire ! Ahmed Madani a fait de son théâtre un acte chargé de symboles, alliant le politique au poétique, un théâtre engagé pour porter haut la parole de ceux que l’on n’écoute généralement pas. Dans « Illuminations(s) » il donnait d’ailleurs déjà à voir des jeunes hommes de Mantes-la-jolie. Poursuivant ici ce cycle intitulé « Face à leur destin » c’est au tour de femmes, issues elles aussi de quartiers populaires, de collaborer avec le metteur en scène pour un spectacle cathartique et porteur d’espoir. Elles sont dix. Une à une elles vont prendre le micro et raconter un bout de chemin, un bout de vie. Dix actrices inexpérimentées pour un état des lieux urgent, une crise avérée dont nous sommes tous acteurs et spectateurs à la fois. À l’aide de leurs témoignages Ahmed Madani tisse un récit polyphonique qui mêle habilement réalité et fiction. La France issue de l’immigration c’est comme ça qu’on l’appelle. À tort. C’est incontestablement la France tout court. De nombreux sujets de société sont ainsi explorés parfois avec humour, parfois pour exorciser, parfois avec rage, en mots, en musiques, en chansons, en images. Un récit dur à entendre et terriblement drôle a la fois, cathartique et violent par endroits avec notamment cette scène poignante sur le douloureux sujet de l’excision. Anissa, Yasmina, Inès ou encore Laurène sont debout, face à nous, enracinées elles ne flanchent pas, et nous adressent directement leurs histoires, leurs ressentis, leurs doutes. Une parole de l’intime au service de causes universelles, la libération des femmes et la représentation de la France telle qu’elle existe dans la réalité. Des visages que l’on ne voit pas assez sur les plateaux de théâtre, des femmes que l’on n’entend pas assez dans le débat public, des histoires en colère, furieuses, émouvantes, amusantes. Tout est là, comme une cartographie du pays, un inventaire de ses ressources et problèmes a régler. Certes la forme semble un peu simpliste et redondante mais l’exemplarité de la démarche associée à l’énergie débordante de ces jeunes femmes, leur sincérité et leur générosité effacent rapidement cette structure un peu étriquée. Rappelons simplement à quel point il est nécessaire que nos scènes de théâtre soient le relais engagé de cette parole. Rappelons juste à quel point il est indispensable que nos plateaux se fassent l’écho brûlant de cette minorité, celle des quartiers mais aussi celle des femmes, plus que jamais une minorité visible et belle. www.lagrandeparade.fr Philippe Delhumeau 9 novembre 2016 F(l)ammes : l’immigration et l’intégration décodées par dix jeunes femmes issues des quartiers populaires de villes d’Ile de France Ahmed Madani, un metteur en scène qui n’a pas son pareil pour réunir sur un plateau le genre «féminin-pluriel» décliné sous le signe de la diversité. Salle des fêtes de Sevran. Le public local et des communes riveraines afflue pour voir le spectacle proposé par l’association le Théâtre de la Poudrerie. Des gens pour qui le mot « Théâtre » est étranger dans leur vocabulaire car synonyme d’une culture qui n’appartient pas à leur histoire et encore moins à leur mode de vie. Qui dit théâtre, dit Paris ! Pourtant à quelques kilomètres de la capitale, il y a des passionnés qui œuvrent à créer un lien avec la vie culturelle sevranaise en mettant en place des actions destinées à tous les publics issus de la diversité. Sevran, une ville du 93, où vivent des femmes et des hommes qui ont la particularité de porter en bouche les accents de l’Orient, du Maghreb, de l’Afrique noire, des régions de l’Inde et d’ailleurs. Des enfants qui fréquentent les écoles, les collèges et les lycées de la République. Des familles qui vivent en communauté et s’intéressent à ce que proposent les associations culturelles et sportives locales. L’immigration, l’intégration, des mots qui résonnent dans la tête de ceux qui sont montrés du doigt, des mots qui dénoncent le malaise des banlieues, des mots qui s’écrivent en français et écorchent des bouches à l’idée de les prononcer, des mots qui chantent la France d’hier, d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain, des mots qui se dressent en pop-up dans le paysage urbain, des mots qui ouvrent des portes, des mots qui permettent des rencontres aussi riches et éclectiques soient-elles. F(l)ammes, c’est une partition écrite sur des parcours de vie passés et présents, des destins heureux ou malheureux, des virgules d’existence qui vivent entre culture ethnique et envie d’avancer la tête haute dans le pays des Droits de L’homme, des parenthèses ouvertes sur des ambitions et des projets personnels, professionnels et familiaux. Ce soir, Anissa, Ludivine, Chirine, Laurène, Dana, Yasmina, Maurine, Anissa, Haby et Inès sont les Marianne de Sevran, du 93, de l’Ile de France et de la France. Quelles que soient leurs origines familiales, quelle que soit leur histoire, quel que soit leur avenir, ce soir, elles sont là et bien là à interpréter le texte d’Ahmed Madani et jouer pour le plaisir devant une salle « Black, Beur et Blanche ». Car s’il est un mot à retenir à l’issue de la représentation, c’est le mot plaisir. La mise en scène d’Ahmed Madani, c’est un entrelacs d’histoires vives ou intimes, autorisées ou secrètes, riches ou ordinaires, dramatiques ou romantiques, heureuses ou conflictueuses. L’intention scénique, c’est la diversité des genres artistiques adaptés au jeu des comédiennes, chorégraphies, chants, solos, collectifs et vidéos. L’ensemble s’articule sans fausse note, les filles jouent ‘pour de vrai’ des pans de leur autobiographie. Riches, émouvants et poignants sont les récits que chacune révèle, la détermination affichée dans le regard et les poings serrés. Par moment, un soupçon de larmes flirte avec les blessures du passé et le présent peine à les effacer car les liens du sang écrivent à l’encre noire les tragédies ethniques de la famille vécues antérieurement. F(l)ammes, c’est un cri lancé à l’envolée qui devrait ouvrir les yeux des plus récalcitrants. L’intégration, ce n’est pas un leurre, c’est une réalité et preuve en est avec le texte et la mise d’Ahmed Madani, et la présence des dix comédiennes sur le plateau. Ce soir dans la salle, le public était debout pour applaudir Anissa, Ludivine, Chirine, Laurène, Dana, Yasmina, Maurine, Anissa, Haby et Inès. Fier étais-je d’être là assis parmi tous ces gens qui ont un soir pu voir un spectacle éclectique, richement coloré et culturellement intense jouer par des filles simplement EXCEPTIONNELLES ! Comme l’est Ahmed Madani. Le théâtre d’Ahmed Madani, c’est le théâtre du plaisir. www.bondyblog.fr Alice Babin 8 novembre 2016 Sur scène, dix habitantes des quartiers populaires témoignent avec énergie de leur quotidien Mise en scène par Ahmed Madani, la pièce de théâtre F(l)ammes est la deuxième création d’une trilogie pas encore achevée. Elle succède à Illumination(s), montée en 2012 et réalisée avec des jeunes hommes de la cité du Val Fourré (Mantes-la-Jolie). Cette fois-ci, ce sont dix jeunes femmes vivant dans les quartiers franciliens qui témoignent de leurs réalités. La ville de Sevran n’a pas de théâtre. Alors depuis plusieurs années, des hommes et des femmes se mobilisent et font de la résistance. J’ai nommé… Valérie Sunner et Alain Grasset, avec leur très itinérant “Théâtre de la Poudrerie”, et Ahmed Madani, avec sa “Madan Compagnie”. Ce vendredi soir, c’est F(l)ammes qui a fait l’événement dans la salle des Fêtes de cette commune de Seine-Saint-Denis. Une dizaine de journalistes étaient présents, tous venus de Paris dans une voiture-navette noire aux vitres teintées. Si la mairie et Madani Compagnie n’avaient pas tout organisé, ces journalistes seraient-ils tout de même venus au bout de la ligne du RER B ? On ne le saura jamais. Ce vendredi soir, la salle des fêtes de Sevran est au complet. Dans les rang du haut, la presse, en bas, les spectateurs, mais aussi les amis, la famille, les curieux, les amoureux des dix femmes qui se produisent ce soir sur scène pour la première fois de leur vie. Elles ne sont pas professionnelles. Elles sont seulement femmes, et après trois castings, Ahmed Madani les a choisies. Territoire, espace ou terrain ? Valérie Sunner prend la parole, sans micro. Elle présente ces “dix jeunes femmes du territoire”, “expertes de leur vécu, expertes de leur banlieue”. Le mot “territoire”, et Valérie Sunner le sait, n’est ici pas choisi au hasard. En géographie, il s’oppose au simple “espace”, froid et administratif, pour s’associer au vécu et exprimer un sentiment d’appartenance. La directrice du théâtre itinérant laisse la parole à Ahmed Madani qui évoque une “aventure improbable”. Puis un visage plus connu prend le relais, celui de Patrick Kanner, le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. “Parfois, dit-il, j’entends des choses terribles sur nos quartiers, des choses qui me choquent.” Il a son sourire de papi candide. Il explique que c’est important pour lui d’être là ce soir, d’être “sur le terrain”. C’est drôle, en géographie, encore une fois, la notion de “terrain” est, elle, associée à un critère morphologique, à un espace en dur, un espace concret sur lequel viennent étudier des spécialistes. Si Patrick Kanner avait été au Festival d’Avignon, aurait-il dit qu’il était fier de pratiquer son travail de ministre de la Ville en allant “sur le terrain” ? Dans les journaux, dans les livres, aux infos, dans l’imaginaire collectif, la banlieue ne serait pas un territoire comme les autres. A Sevran, comme dans d’autres quartiers populaires, il faudrait donc se préparer avant de se déplacer sur ces “terrains” : avec un guide, des grosses chaussures de randonnée et un carnet d’expert dans la main. Comme on part en expédition en “terre inconnue”. Le ministre poursuit. “La culture des quartiers, c’est aussi la culture de la France”. Alors laissez le guide et vos chaussures à l’entrée, et que la pièce commence. “Nos racines sont sur nos têtes” La pièce F(l)ammes est composée de dix histoires et autant de coupes de cheveux. Elles s’appellent Anissa, Ludivine, Chirine, Laurène, Dana, Yasmina, Maurine, Anissa, Haby, Inès et elles ont la tête tantôt tressée, de tresses blondes qui virent au tie and dye, tantôt rasée, tantôt lissée. Deux jeunes femmes ont les cheveux crépus et une porte un voile. Une autre encore a de longues tresses roses et violettes qui rappellent un personnage de mangas japonais. Avec beaucoup d’humour, de poésie et de malice, elles racontent, une par une, d’où elles viennent et qui elles sont. Elles ont une énergie incroyable, elles sont “feu”, elles sont “f(l)ammes”. “Nos racines sont sur nos têtes”. Cette phrase est certainement la plus belle phrase du spectacle, et celle qui pourrait résumer la pièce. Oui, la culture des quartiers est la culture de la France, mais là où le ministre fait fausse route, c’est que “la France” n’est pas un tout lisse et uniforme et que “les quartiers” ne constituent pas un seul et même bloc. Il y a sur cette scène autant de couleurs de tresses que de racines, de récits, d’identités, de trajectoires personnelles, et pendant une heure et demie, ces filles vont se réapproprier leur vie en tentant de prouver que leurs tresses constituent autant la mosaïque de la France que n’importe quel brushing parisien. En jouant habilement avec les fantasmes et en s’amusant des préjugés qui les rendent invisibles depuis l’enfance, les comédiennes nous montrent que dans leurs différences, elles sont “normales“. Elles dansent, elles chantent, elles rient, elles s’énervent, elles aiment, elles rêvent, elles font du judo et ont lu L’Odyssée. Larmes, frissons et trois rappels “Ma mère, sans sa perruque, elle se sent comme en pyjama”, raconte l’une. “Si je l’ai pas, je me sens comme une esclave”, confirme la maman. Avec F(l)ammes, fini ce temps-là. Les femmes qui sont sur scène se livrent et assument tout, même le plus dur. Elles existent. Une larme coule sur scène, et le public frissonne. Rideau. Les applaudissements ne cessent pas. Il y a trois rappels. La lumière se rallume et la centaine de spectateurs se dirige vers la sortie. Ils ont l’air contents. Certains se sont reconnus dans ces histoires, comme cette habitante de Sevran qui me dit, d’un air sérieux,“c’est bien de dire tout ça. Ce sont des témoignages, c’est la vraie vie quoi…”. Oui, la vraie vie, tout simplement. Ces jeunes femmes s’incarnent par elles-mêmes. Mais je ne peux pas m’empêcher de m’interroger : comment est-ce possible, en 2016, qu’elles aient encore à prouver qu’elles existent, qu’elles sont différentes mais égales à la fois ? Il y a encore beaucoup de chemin à faire, et cela tombe bien : F(l)ammes se joue une dernière fois à Sevran le 13 novembre, puis part en tournée dans toute la France. Tout ce qui a été dit paraît tellement évident. Pourtant, ça ne l’est pas. Ca ne l’est pas du tout. Et c’est d’ailleurs pour cela que le ministre a fait le déplacement ce vendredi soir. www.webtheatre.fr Gilles Costaz 9 novembre 2016 F(l)ammes d’Ahmed Madani Jeunes femmes des cités Ahmed Madani parle tantôt avec ses mots, tantôt avec ceux des autres. La trilogie qu’il a entreprise, Face à leur destin, est le versant de son écriture totalement tourné vers autrui. La première pièce, Illumination(s), faisait s’exprimer des jeunes hommes du Val Fourré, à Mantes-la-Jolie (d’où vient Madani). La deuxième, F(l)ammes,est consacrée à des jeunes femmes des quartiers populaires : l’opération s’est montée en grande partie avec le théâtre de la Poudrerie à Sevran, dirigé par Valérie Suner. Un dernier volet, qui réunira femmes et hommes, sera mis en chantier plus tard. Voici donc, se présentant devant un cyclo où s’imprimeront quelques images aux effets de miroir et d’atmosphère, dix jeunes filles issues de ce que l’entourage préfère appeler le « terroir », et non les « quartiers sensibles ». Elles sont toutes différentes et leurs confidences viennent vers nous, multiples, opposées ; pour empêcher toute généralisation. Elles sont chacune une aventure personnelle qui se développe à l’intérieur et au-delà de la famille et du milieu culturel. La première, Laurène, a fréquenté le cadre privilégié des « bobos » mais elle se sent de « la forêt ». Les suivantes ont renversé pas mal d’obstacles, affrontant la pauvreté, le mépris, les désaccords. Une seule d’entre elles est voilée, et fière de l’être – c’est l’une des plus drôles ! Dans chaque monologue et les dialogues qui surgissent comme s’ils étaient improvisés (mais ils ne le sont pas) tournent et reviennent les questions essentielles : se sentent-elles françaises ? Sont-elles exclues ? Où commence, où s’arrête la liberté des femmes ? Quels sont les visages connus et secrets du racisme ? Toutes savent briser les clichés qui entourent fréquemment cette génération. Orchestré comme une succession de solos qui se transforme en spectacle choral, hiératique puis bousculé par la musique, le spectacle de Madani libère ce qui se dit et ce qui ne se dit pas. Le soir de la première, à Sevran, de forts et tendres courants passaient entre la scène et le public, chassant les craintes et les timidités de celles qui étaient tout à coup comédiennes de leur propre vie. Les textes mis au point par Madani forment ainsi une mosaïque très éclairante. Il y a sans doute plus de pudeur que dans le premier spectacle où les « mâles » semblaient aller plus loin dans leur vérité. Mais ce qui est beau ici, c’est qu’il n’y a pas de message, pas de prétention à encadrer des paroles individuelles dans un propos global, pas de récupération. De jeunes femmes se sont confiées, Madani leur a proposé un miroir où il a pris et reconstruit leurs aveux, et c’est toute une série de fenêtres qui s’ouvrent ou s’entrouvrent selon les tempéraments. Anissa Aouragh, Ludivine Bah, Chirine Boussaha, Laurène Dulymbois, Dana Fiaque, Yasmina Ghemzi, Maurine Ilahiri, Anissa Kaki, Haby N’Diaye, Inès Zahoré vont toutes jouer F(l)ammes pendant près d’une saison. Cette expérience sera exceptionnelle, et même dangereuse. Mais elle est, théâtralement, réussie : les dix actrices inexpérimentées brûlent les planches, à feu doux, car elles portent plus d’amour que de colère. www.regards.fr Clémentine Autain 18 novembre 2016 EnF(l)ammez-vous ! Avec F(l)ammes, Ahmed Madani porte au théâtre la parole de dix femmes des quartiers populaires. Une parole tout aussi authentique que politique, remarquablement mise en scène. F(l)ammes, c’est de l’énergie en barre sur scène. Le réalisateur Ahmed Madani a fabriqué avec dix femmes vivant dans des quartiers populaires cette œuvre théâtrale qui déjoue les caricatures et stéréotypes. Conçu à Sevran avec le Théâtre de la Poudrerie, ce spectacle fonctionne comme un patchwork de tranches de vie. Le résultat est détonnant. Et rare. Il mêle la force et la vitalité de femmes qui livrent une parole vraie à une haute exigence artistique. La qualité de ce spectacle relève de cette alchimie particulièrement réussie. Ahmed Madani a construit cette aventure artistique à partir de longs échanges avec ces femmes qui ont accepté de donner des bouts de leur histoire, des pans de leurs angoisses et de leurs réflexions, de leurs révoltes et de leurs aspirations. Après Illumination(s), créé avec de jeunes hommes de Mantes-la-Jolie, F(l)ammes est le deuxième volet d’un triptyque intitulé "Face à leur destin". Le singulier et le commun C’est une pièce sur le racisme et ce que signifie être Français, sur la violence sexiste et ce que veut dire la liberté pour une femme aujourd’hui, sur la banlieue et ce que le mépris de classe recouvre comme réalité symbolique et concrète. C’est une pièce qui raconte des histoires singulières pour mieux ramener au commun, à l’universel. C’est une pièce qui chante, qui danse, qui parle d’amour et d’excision, de coupe de cheveux et de discrimination à l’embauche, qui combat avec des prises de karaté ou la mémoire de la révolution. C’est une pièce qui donne à ressentir pour mieux penser. F(l)ammes parle de la vie et désenclave à sa manière la réalité comme la parole des femmes des quartiers populaires. Une œuvre d’humanité, un geste politique au moment où la tentation du repli et du rejet menace. www.larevueduspectacle.fr Jean Grapin 23 novembre 2016 Ne pas être pas considérées comme issues des quartiers populaires mais comme appartenant au Peuple Dans "F(l)ammes", Ahmed Madani met en scène les véridiques récits de la vie contemporaine portés par dix jeunes femmes, fruits de l'Histoire des peuplements successifs du territoire français. Autant de témoignages que les bonnes fées du théâtre ont sublimé. Les comédiennes ont sculpté de vrais personnages contemporains hauts en couleur qu'elles évoquent sans fard et qu'elles expriment avec une grande de joie de vivre et ce, en dépit du contenu des propos d'un quotidien souvent difficile. Ces jeunes femmes sont typées, à certains égards extravagantes. Elles appartiennent d'évidence à la vitalité de la ville. La parole est dégagée. Elles expliquent comment elles sont dans la nécessité de quitter les rôles attribués par les traditions familiales, qui les enferment dans un filet de violence et de brutalité ; et combien elles sont mises à l'épreuve pour s'inventer, se forger, se libérer des fidélités. Elles émeuvent. Elles racontent avec aisance leur itinéraire qui cherche à se démarquer de leurs mères qui ont attendu, attendu, tricotant, détricotant les jours comme Pénélope en attente d'un Ulysse providentiel. Et dans la description des difficultés nées de l'opposition multi séculaire qui oppose les barbares et les urbains, elles font rire, non par le sarcasme ou l'autodérision mais par le partage. L'imaginaire est riche. Le verbe et le geste sont au service d'une métamorphose. Sur la scène c'est une forme de courage qui s'exprime : celui de la fuite qui vous sauve. Au risque du déchirement. Sans jamais perdre le sens de la vie et de l'amour. En conservant la dynamique de retrouvailles. Dans la lucidité. Le spectateur en les voyant sur scène éprouve un grand bonheur, il assiste en direct à sa dissolution des préjugés : le propre du génie de l'art théâtral quand il ne se veut pas voyeur. La mise en scène d'Ahmed Madani sait interpeller les consciences par la vidéo, magnifier les corps et les expressions par la lumière et exalter les caractères par le jeu des chorégraphies et du chant choral. Le réalisme est là. La poésie est là. Les personnages sont là, positifs. Et la leçon du spectacle est là. Ces femmes n'ont pas besoin de fraternité, elles ont des sœurs, pas besoin de liberté, elles en trouvent le chemin, elles ont besoin d'égalité. Celle que devrait leur offrir les canons esthétiques et les codes de la société pour qu'elles ne soient pas considérées comme issues des quartiers populaires mais comme appartenant au Peuple. Elles ont besoin d'auteur. Où sont les Prévert qui compléteront le magnifique travail de restitution des paroles vraies que fait Ahmed Madani et s'intéresseront, avec lui, avec amour, à ces vies trop souvent malmenées par une mauvaise ironie et moquées par les "télé-réalités". Le spectateur applaudit ce moment de création qui a l'éclat d'une pépite de beauté. www.journal-laterrasse.fr Anaïs Héluin 22 novembre 2016 F(L)AMMES Ahmed Madani poursuit son exploration des quartiers populaires. Fruit de deux ans d’ateliers dans différentes villes de région parisienne, F(l)ammes est le pendant féminin de Illumination(s), succès du Festival d’Avignon Off en 2013. Pour Ludivine Bah, la cité est une forêt. Soit un espace ambivalent, dont les obstacles développent les facultés d’adaptation du marcheur. La jeune femme se qualifie d’ailleurs de caméléon : capable de citer Claude-Lévy Strauss comme de refaire le monde avec les amis du « quartier », elle donne le ton de F(l)ammes. Créée début novembre au Théâtre de la Poudrerie à Sevran (93), la dernière création de Ahmed Madani met en scène dix jeunes femmes rencontrées dans plusieurs villes de banlieue parisienne. Dix non professionnelles, qui se livrent avec talent à un récit polyphonique composé de bribes de vies complexes, loin des stéréotypes. Le dispositif est simple. Devant un écran où sont projetées des vidéos oniriques réalisées par Nicolas Clauss, dix chaises accueillent les interprètes. Malgré un long travail d’écriture à partir des témoignages recueillis, Ahmed Madani parvient à donner à F(l)ammes la simplicité de la parole spontanée. Tâche délicate, les récits de Ludivine et des autres touchant pour la plupart à l’intime. Alors que les neuf garçons de la Cité du Val-Fourré disaient dans Illumination(s) leur rapport à l’Histoire – à la guerre d’Algérie notamment – et leur vision du politique, les dix filles de ce nouveau spectacle n’hésitent pas en effet à livrer des bribes de leur histoire personnelle. Agrémentées sans doute d’une part de fiction. Autofictions afropéennes On pense à Afropéennes d’Eva Doumbia, adaptation de textes de Léonora Miano où des jeunes femmes nées de parents africains et caribéens racontent leurs amours, leurs rêves et leur sentiment d’entre-deux. F(l)ammes contribue avec élégance à l’émergence récente d’une parole afropéenne féminine sur les scènes françaises. Très performatifs, entrecoupés de quelques moments de danse collective, les monologues qui se succèdent ont beau avoir chacun leur singularité, ils sont traversés par une même urgence à sortir de l’ombre. Par une énergie et un humour d’autant plus touchants qu’ils ne visent jamais à la séduction mais à la recherche d’une place au sein de la société française. Chose hélas beaucoup moins naturelle qu’elle devrait l’être. Chacune a pour cela sa stratégie : l’une s’habille en lolita japonaise, une autre pratique le karaté à haut niveau, une troisième choisit de porter le voile… Toujours dans une conscience aiguë des enjeux de chaque geste. Si certains fragments s’agencent bizarrement – en fin de spectacle, un témoignage sur l’excision donne par exemple lieu à une étrange parenthèse –, l’ensemble est d’une belle finesse. Militante, mais avant tout humaine. Le Journal du Dimanche Alexis Campion 20 novembre 2016 www.snes.edu Micheline Rousselet 7 novembre 2016 « F(l)ammes » Après avoir donné la parole à des jeunes hommes des quartiers populaires dans Illumination(s), c’est aux jeunes femmes nées de parents immigrés et issues de ces mêmes quartiers qu’Ahmed Madani ouvre la scène. Plus discrètes, moins ouvertement politiques, présentées de façon plus positive par les media, sauf quand elles décident de se voiler, qui sont-elles en réalité ? Après plusieurs castings, Ahmed Madani a retenu dix jeunes femmes issues de ces quartiers populaires. Elles parlent de leur quotidien, de leur moi, de leurs doutes, de leurs peurs et de leurs espoirs. Il a retravaillé leur parole, les a fait longuement travailler et elles sont là, sur scène, avec une présence, une sincérité et une énergie qui entraînent la salle. Comment convaincre les autres que l’on a une culture, que ce n’est pas parce que l’on est Noir que l’ « on vient tout droit de la forêt », que l’on ne vient pas de nulle part, mais d’ailleurs ? Comment échapper aux stéréotypes qui nous font croire que ceux qui sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche ne peuvent pas être « de gros lourdingues » dépourvus de culture ? Comment être pareille et être différente ? Comment s’intégrer sans rompre avec son origine ? Comment jongler entre traditions et modernité dans la relation aux parents, avec la mère surtout dont l’amour est parfois si étouffant ? Toutes ces questions sont abordées avec un ton qui oscille entre sensibilité grave - comme lorsque l’une d’elle évoque les gestes de sa grand-mère préparant un plat traditionnel ou une autre parlant de l’excision avec beaucoup de pudeur - et drôlerie où on retrouve la vivacité de la parole de ces jeunes, comme lorsque la jeune maghrébine voilée prétend que les choses sont plus faciles pour elle - sous-entendu parce qu’elle n’a pas la peau noire oubliant son prénom et son voile ! Le plus souvent chaque jeune femme prend la parole devant un micro, tandis que les autres sont assises en fond de scène. Mais elles bougent aussi, rient, dansent et chantent. Le blues, chanté avec émotion par l’une d’elles, succède à La vie en rose pour celle qui rêve de retrouver le Prince Charmant seulement aperçu. Une vidéo apporte des images oniriques qui éloignent le quotidien et ouvre la porte aux rêves. L’une d’elle proclame qu’elle ne veut surtout pas faire pitié et on en est loin. Elles sont énergiques, lucides, déterminées et montrent d’elles une face cachée pleine de vie et d’espoir. www.leparisien.fr Carole Sterlé 11 novembre 2016 Le ministre s'enflamme pour les comédiennes en herbe Les débuts de la pièce « F(l)ammes », signée d'Ahmed Madani, avec dix jeunes femmes de banlieue, sont des plus prometteurs. Alors que ces dernières n'étaient pour la plupart jamais montées sur scène, le résultat est époustouflant. Dans une mise en scène subtile et déroutante, les jeunes femmes, d'ici et d'ailleurs, se dévoilent. Et sortent ce qu'elles ont au fond des tripes. Les spectateurs finissent debout, ministre compris ! « C'est extraordinaire ! », confiait Patrick Kanner le week-end dernier après la première, à Sevran. « En termes d'émotion, de gravité, c'est très fort. Heureusement qu'une pointe d'humour vient patiner la gravité des messages », s'est-il réjoui. Car si c'est une vraie performance théâtrale, « F(l)ammes » est aussi une pièce qui fait du bien. Ce n'est pas si souvent qu'on entend des filles de banlieue, héritières de cultures d'ailleurs, dire haut et fort leur fierté d'être française. « Je me suis demandé si c'était leur vie ou une histoire, mais on m'a expliqué que c'est leur vie mise en scène avec des messages exceptionnels », explique Patrick Kanner, qui promet d'aider l'équipe du Théâtre de la Poudrerie, à Sevran, à l'origine de la résidence d'Ahmed Madani. Et promet de « faire de la pub pour cette belle pièce », qui va partir en tournée à travers la France. La Terrasse Anais Héluin Novembre 2016 www.leparisien.fr Carolé Sterlé 1er novembre 2016 Quand les femmes de banlieue se livrent à cœur ouvert sur scène Après avoir fait travailler les garçons, Ahmed Madani crée F(l)ammes avec dix filles issues de l'immigration. Une pièce bouleversante. Derrière le feuillage, on aperçoit leur visage et un peu de leur silhouette. Beautés noires ou maghrébines, on dirait des anges qui se cachent... Ou peut-être une meute de lionnes prêtes à bondir. Finalement, on ne sait pas vraiment ce qu'il faut penser de l'affiche. Pas beaucoup plus qu'on en sait sur les filles de parents immigrés, qui vivent en banlieue, qu'on dit plus travailleuses et brillantes que leurs frères, plus soumises, plus silencieuses. Et si on les écoutait, pour de vrai ? A partir de vendredi, à Sevran, dix jeunes femmes de banlieues se livrent à cœur ouvert. Soyons honnêtes, on n'a pas vu la pièce en entier. Ce n'était pas possible, dix jours avant la première, la pièce est toujours en construction. Mais cette répétition, la semaine dernière, à la salle des fêtes de Sevran, avait de quoi mettre l'eau à la bouche. Embrouille de filles sur l'identité française : « Une peau marron café au lait ça n'inspire pas la France », lâche Anissa, voilée. « Et toi, ta tête m'inspire une autre destination ! » lui répond sa voisine. Le ton monte, elles s'empoignent, s'interrogent, nous interrogent. « Je suis de nulle part... », soupire une des filles. « Non tu es d'ici et pas d'ailleurs, OK ? », hurle une autre du plus profond de ses tripes. Ahmed Madani, le metteur en scène veille, s'interroge, à la recherche de ce subtil équilibre entre le jeu et l'improvisation. « Il faut trouver une autre impulsion... si tu manques de textes, tu improvises. Et si on n'arrive pas à trouver, on dégage cette scène ». « Ahmed ! » lui répond une comédienne en riant. « On n'est pas des vraies banlieusardes, on ne s'embrouille pas nous dans la vie ! » Banlieusardes, elles le sont pourtant. Ahmed Madani les a d'ailleurs repérées au fil de castings, en 2015-2016 avec le théâtre de la Poudrerie à Sevran puis à travers l'Ile-de-France. Elles se sont démarquées par leur authenticité et leur envie de raconter qui elles étaient : sur scène, un mélange d'intime et de collectif, guidé par le metteur en scène qui n'en est pas à son coup d'essai. Avant elles, il s'est intéressé aux garçons, avec la création Illumination(s), mettant sur scène des jeunes gens du Val-Fourré, le quartier de Mantes-la-Jolie (Yvelines) dont il est originaire. Un troisième acte suivra. Ahmed Madani est parti d'une idée simple : les jeunes de banlieue sont en quête d'identité et de reconnaissance, ils désirent être Français à part entière, mais ils vivent mal ces regards portés sur eux, liés à une histoire dont ils ne sont pas acteurs. Alors, il les fait acteurs et actrices. « On s'est retrouvé dans un engrenage créatif », explique, encore bouleversée Yasmina Ghemzi, sevranaise, en se remémorant les périodes de résidence et répétition à travers la France, depuis l'été. « On faisait des journées de 12 heures, on était épuisées mais on ne pouvait plus s'arrêter. » Ils ont testé une partie de leur création dans des centres de vacances cet été. « On découvrait des gens qui voyaient arriver une bande de renois et rebeus, en pleine pampa... et ils voulaient débattre, ils étaient intéressés. C'est bouleversant. Cette pièce permet de lever le voile sur ce qu'est être Français, avec sérénité. » Vingt dates sont programmées en France jusqu'à Avignon en juillet 2017. A ne pas manquer ! www.culturebox.francetvinfo.fr Marie Pujolas 5 novembre 2016 "F(l)ammes" : quand des jeunes femmes de banlieue se livrent sur scène Dix jeunes femmes issues de l'immigration et vivant en banlieue parisienne ont relevé le défi de l'auteur et metteur en scène Ahmed Madani, monter sur scène et parler de leurs vies. Le résultat est surprenant. "F(l)ammes" fait suite à "Illumination(s)" en 2013, dans lequel l'auteur mettait les jeunes hommes de quartier en avant. A voir à Sevran du 4 au 13 novembre. Pendant 2 ans, l'auteur et metteur en scène Ahmed Madani est allé à la rencontre de jeunes femmes issues de l'immigration dans différents quartiers de la banlieue parisienne. Avec dix d'entre elles, il a construit "F(l)ammes", qui ressemble plus à un docu-fiction qu'à une pièce de théâtre. De leurs longs échanges, il a écrit un texte (qui n'est jamais figé et qui évolue constamment) qui raconte des tranches de vie de ces jeunes femmes. A travers des anecdotes précises, c'est toute une partie de la population française que le public apprend à mieux connaître. On est dans cette singularité de chacune. Et c'est dans cette singularité profonde que l'on trouve l'universel. Ahmed Madani Ahmed Madani a travaillé en collaboration avec le Théâtre de la Poudrerie de Sevran pour ce projet. C'est donc dans cette ville qu'auront lieu les premières représentations du 4 au 13 novembre. La troupe partira ensuite en tournée dans toute la France avant de se produire au Festival d'Avignon. F(l)ammes Ahmed Madani direction artistique Naia Iratchet 01 48 45 25 31 administration / production [email protected] Marie Pichon 06 75 06 88 04 diffusion / développement [email protected] Catherine Guizard 06 60 43 21 13 service presse (La Strada et Cies) [email protected] 20 rue Rouget de l’Isle 93 500 Pantin tel 01 48 45 23 31 www.madanicompagnie.fr