Compétences cliniques transculturelles et pratique médicale

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curriculum
Compétences cliniques transculturelles
et pratique médicale
Quels besoins, quels outils, quel impact?
Fabrice Althausa, Patricia Hudelsonb, Dagmar Domenigc, Alexander R. Greend, Patrick Bodenmanne
Quintessence
P La prise en charge des patients migrants ou d’origine étrangère est un
défi particulier pour la pratique médicale en raison des différences épidémiologiques, culturelles et linguistiques, des difficultés propres à la migration et des problématiques socioéconomiques souvent surajoutées.
P Les compétences cliniques transculturelles sont un ensemble d’attitudes,
de connaissances et savoir-faire permettant de prodiguer des soins de qualité à des patients d’origines socioculturelles et linguistiques diverses.
P L’acquisition de compétences cliniques transculturelles permet d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients migrants ou d’origine
étrangère et de limiter le risque d’inégalités en termes d’accès aux soins,
de qualité des soins et de santé.
P Les bénéfices de l’acquisition de ces compétences ne se limitent pas à
la prise en charge des patients ayant un passé migratoire. Cette formation est une opportunité pour le soignant de s’interroger sur sa pratique
et d’améliorer la prise en charge de l’ensemble de ses patients, suisses,
migrants ou d’origine étrangère.
Introduction
Fabrice Althaus
Comme nous l’avons largement détaillé dans le premier
article de cette série, la population migrante représente
une part importante de la population suisse. A l’avenir,
la migration continuera à jouer un rôle majeur pour
notre société, ne serait-ce qu’en raison du vieillissement démographique [1]. Des projections permettent
d’estimer que le nombre de migrants à travers le
monde passera de quelque 200 millions actuellement à
près d’un milliard à l’horizon 2050, principalement en
raison de bouleversements climatiques entraînant des
catastrophes «naturelles» à large échelle [2].
Etre capable de travailler efficacement avec des patients d’origines variées est essentiel dans un pays
comme la Suisse où l’on fait face à une diversité socioculturelle et linguistique importante. Dans ce contexte
de larges diversités, une prise en charge médicale centrée
sur le patient pose des défis spécifiques et exige que les
médecins adoptent un comportement adapté et disposent de connaissances et d’un savoir-faire appropriés,
autrement dit qu’ils acquièrent des «compétences cliniques transculturelles».
prendre les individus dans leur monde vécu et leur
contexte individuels et d’agir de façon adéquate. Les
professionnels disposant de compétences transculturelles ont la capacité d’intégrer leurs influences et préjugés propres, savent percevoir la perspective d’autrui
et évitent la culturalisation et les stéréotypies. Le noyau
de la compétence transculturelle est une capacité d’interaction transculturellement compétente dans le
contexte de la migration. Les piliers de la capacité interactive sont: réflexion sur soi-même, savoir contextuel
et expérience et enfin empathie narrative. Les professionnels doivent en premier lieu apprendre à connaître
leur monde vécu dans un processus de réflexion sur
soi-même; ce n’est que dans un second temps qu’ils
sauront mieux comprendre et situer les mondes vécus
individuels des migrants. Des connaissances de fond et
des expériences transculturelles associés à une réflexion sur soi-même aident à comprendre les migrants
et leur vécu. L’empathie narrative consiste en une attitude valorisante et respectueuse vis-à-vis des migrants
en s’interrogeant sur les préjugés, les idées racistes et
les actes discriminants et en plaçant la narration au
centre du traitement et des soins. Réflexion sur soi-même
et empathie narrative favorisent une bonne relation en
incluant les mondes vécus individuels. La réflexion sur
soi-même, les connaissances de fond et les expériences
transculturelles acquises sensibilisent les professionnels aux questions transculturelles et les rendent plus
conscients d’eux-mêmes. Connaissances de fond, expériences et empathie narrative permettent d’élargir
l’anamnèse et de l’enrichir par les modèles explicatifs
des patients, qui mènent ensuite au processus de négociation des causes, du diagnostic et du traitement de la
maladie [3].
Les compétences cliniques transculturelles (CCT) sont
en résumé un ensemble d’attitudes, connaissances et
savoir-faire qui permettent à un professionnel de santé
a
b
c
d
Les auteurs
certifient
qu’aucun conflit
d’intérêt n’est lié
à cet article.
Définition des compétences
cliniques transculturelles (CCT)
e
Le terme compétence transculturelle désigne, selon le
concept de Domenig, la capacité de percevoir et comVous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article
à la page 78 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch.
Médecin-assistant, Responsable de Recherche,
Unité des Populations Vulnérables,
Policlinique Médicale Universitaire, Lausanne
Anthropologie médicale, PhD,
Hôpitaux Universitaires de Genève
Suppléante du Directeur et Responsable du Département
Santé et Intégration, Croix-Rouge Suisse, Wabern, PhD, MLaw
MD, MPH, Associate Director,The Disparities Solutions Center,
Senior Scientist,The Institute for Health Policy, Massachusetts
General Hospital, Chair, Cross-Cultural Care Committee,
Harvard Medical School, Boston, USA
Médecin associé, MER, MSc, Responsable de l’Unité des
Populations Vulnérables, Policlinique Médicale Universitaire,
Lausanne
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curriculum
de prodiguer des soins de qualité à des patients d’origines diverses [4]. Bien que les CCT, dans l’acceptation
la plus récente de ce terme, soient souvent associées de
manière étroite à l’approche centrée sur la personne,
certaines de ces compétences sont néanmoins spécifiques à la prise en charge des patients issus de la
migration [5–7]. On y intègre bien entendu d’autres
dimensions de la diversité également connues pour influencer la santé et les comportements ayant trait à la
santé et aux soins, notamment le genre, l’âge, le statut
social, les handicaps ou l’orientation sexuelle [8].
Pourquoi acquérir des compétences
cliniques transculturelles?
Nous illustrerons les divers contenus théoriques évoqués au moyen d’une vignette clinique en plusieurs
parties.
M. Fonza (nom fictif) est un patient de 57 ans, originaire de Lecce en Italie. Arrivé en Suisse en 1970, il
est divorcé depuis plus de 15 ans et père de trois enfants de 30, 27 et 26 ans. Il se présente pour être suivi
à la consultation générale de la Policlinique Médicale
Universitaire de Lausanne, son médecin traitant ayant
pris sa retraite.
Lors de la première consultation, une fibrillation auriContexte historique récent
culaire chronique et un syndrome métabolique sévère
sont retenus comme diagnostics principaux. M. Fonza
Le domaine de l’ethnopsychiatrie est à l’origine de la
souffre également d’un syndrome d’apnée du sommeil
prise de conscience des problématiques liant migration
et d’une broncho-pneumopathie obstructive sur tabaet santé. Georges Devereux au milieu du XXe siècle en
gisme chronique. Son médecin relève par ailleurs une
France ou plus récemment Tobie Nathan ont, parmi
consommation d’alcool à risque et des signes évocad’autres, largement participé à l’élaboration des
teurs d’un état dépressif chronique.
concepts les plus importants [9].
Comme nous l’avons largement développé dans le preLa reconnaissance de la nécessité d’enseigner les CCT
mier article de cette série, l’état de santé de la populaen Suisse se développe au début du millénaire et est à
tion migrante est globalement moins bon que celui des
mettre en parallèle à la mise sur pied par l’Office fédéSuisses. Que faire dans ces circonstances pour amélioral de la santé publique de la première stratégie «Mirer la qualité de la prise en charge des patients migration et Santé» de 2002 à 2007. Des travaux scientigrants ou d’origine étrangère et de fait participer à la
fiques en lien avec la politique des drogues et la
diminution des disparités en termes de santé?
migration ont permis d’élaborer les premiers concepts
L’approche doit être large. Différents
nécessaires à cet enseignement [10, 11].
facteurs tels que les conditions prémiLa Croix-Rouge Suisse (CRS) s’est intéLes barrières d’accès à
gratoires, les circonstances de la migraressée à cette problématique dès la fin
des soins de qualité sont
tion, les conditions sociales et le niveau
des années 90. Les formations mises en
nombreuses et se situent
d’intégration une fois en Suisse, les
place concernaient alors en premier lieu
à différents niveaux
contraintes légales imposées et l’attides infirmières et des infirmiers, soit ditude générale de la société d’accueil visrectement dans les hôpitaux, soit dans le
à-vis des migrants sont autant de déterminants de la
cadre de la formation professionnelle ou continue. A ce
santé sur lesquels il semble possible d’agir malgré
jour, la CRS a formé près de 5000 professionnels de
toutes les difficultés que cela représente [16]. Qu’en estsanté lors de 360 journées de cours. Elle s’est égaleil de la prise en charge médicale?
ment investie dans la conception et le développement
Le médecin de M. Fonza lui propose une consultation
de nombreux modules. Ces modules ont pour but d’aispécialisée en diabétologie et effectue une intervention
der les professionnels de santé à être mieux conscients
brève à propos de la problématique d’alcool.
des déterminants qui interfèrent avec leur perception.
L’évolution est néanmoins défavorable avec une péjoCe savoir-être doit leur permettre d’appréhender et
ration des valeurs d’hémoglobine glyquée et la persisd’interpréter correctement la situation de l’autre (cf.
tance d’un état dépressif moyen avec poursuite d’une
www.transkulturelle-kompetenz.ch).
consommation d’alcool à risque.
Le concept de la compétence transculturelle s’est ainsi
Les barrières d’accès à des soins de qualité sont nomrépandu de manière importante dans le monde infirbreuses et se situent à différents niveaux. Schématimier avec néanmoins des réticences initiales du même
quement, on peut relever des barrières au niveau des
ordre que celles rencontrées à l’heure actuelle auprès
patients, des soignants et du système de soins. Le
des médecins. Plus récemment, des initiatives comme
tableau 1 p résume quelques-unes de ces barrières.
celles de Migrant-Friendly Hospitals (MFH) ont permis
d’élaborer des stratégies au niveau européen (DéclaSi l’on additionne l’ensemble de ces barrières, on se reration d’Amsterdam en 2004) [12] et de faire tache
trouve dans un système où l’accessibilité à des soins de
d’huile auprès de réseaux et d’associations suisses tels
qualité est compromise. L’acquisition des CCT permet
que les Health Promoting Hospitals (HPH) et H+ [13].
de limiter les barrières liées au soignant et en partie au
système. L’acquisition pour le patient de compétences
Les policliniques des Universités de Lausanne [14] et de
en santé peut lui permettre de réduire les barrières qui
Genève [15] ont mis en place dès 2000 des cursus de
lui sont propres. La figure 1A x permet de visualiser
formation postgraduée et continue en compétences cliniques transculturelles. Depuis 2004, des cours ont
ces difficultés et la figure 1B x permet de mieux comégalement été introduits dans la formation prégraduée.
prendre l’intérêt de l’acquisition des CCT.
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Enseignement et acquisition des
compétences cliniques transculturelles (CCT)
lienne. Il découvre néanmoins que les patients migrants présentent un risque accru par rapport aux
Suisses de développer un état dépressif sévère au
moment de la retraite.
M. Fonza, en décrivant son parcours migratoire et son
intégration progressive en Suisse, avoue qu’il n’a
jamais vraiment appris le français et qu’il ne comprend
pas bien comment prendre son traitement. Il dit en
avoir honte et n’a jamais osé en parler à son médecin
traitant par le passé.
M. Fonza parvient progressivement à évoquer la manière dont il avait toujours envisagé sa retraite à Lecce,
dans sa ville natale, entouré des siens. Il réalise et parvient à verbaliser le fait qu’il ne rentrera sans doute
jamais chez lui et qu’il faut désormais concevoir sa
retraite en Suisse. Son médecin lui propose d’intensifier
la prise en charge de l’alcool. Il est en effet conscient
que le risque de développer un état dépressif sévère est
important chez ce patient migrant et que ce risque est
majoré par la problématique alcoolique surajoutée.
L’introduction d’un nouveau traitement antidépresseur
ne lui semble pas judicieuse, celle-ci risquant d’accroître encore la confusion dans l’adaptation de la prise
adéquate de son traitement anti-diabétique oral.
L’égalité des chances et la diminution des disparités en
termes de santé est le but visé par l’enseignement des
compétences cliniques transculturelles. Cet enseignement vise principalement à:
Le médecin de M. Fonza décide de mieux évaluer la
compréhension du français de son patient, bien qu’elle
lui ait semblé bonne dans un premier temps. Il reprend également l’anamnèse migratoire. Sur le plan
théorique, il effectue une courte recherche lui permettant d’exclure des différences significatives dans la
prise en charge des patients diabétiques d’origine itaTableau 1. Barrières d’accès à des soins de qualité pour les patients migrants
ou d’origine étrangère.
Au niveau du patient
Manque de connaissances linguistiques
Manque de connaissances du système de santé et référence basée sur un autre système
Difficultés financières (franchise, absence d’assurance maladie)
Pression de l’employeur (horaire de consultation)
Manque de connaissances en santé
Manque de confiance dans le soignant
Crainte de la dénonciation (illégalité du statut)
Au niveau du soignant
Manque de compétences cliniques transculturelles
Manque de connaissances médicales théoriques (pathologies et traitements spécifiques)
Non-conscience de son propre contexte (personnel, professionnel)
Tendance aux stéréotypies et à la stigmatisation
1. Améliorer l’attitude (savoir-être) des soignants
à l’égard de leurs patients d’origine migratoire.
Ceci passe par la prise de conscience de sa propre origine socioculturelle, la mise en évidence de ses a
priori et les stéréotypes que nous nous sommes
construits. L’idée est de tenter de comprendre dans
quelle mesure tout ceci influe (positivement ou négativement) sur son comportement à l’égard de ses patients en général et de ses patients d’origine migratoire en particulier et quelle sont les répercussions
sur la prise en charge.
Au niveau du système
Manque de données statistiques à propos de la patientèle migrante ou d’origine
étrangère
Absence ou manque de services de traduction/médiation socioculturelle
Manque d’information adaptée (signalétique, documentation)
Personnel soignant peu diversifié sur le plan socioculturel
Augmentation de la technicité des actes médicaux au détriment de la communication
Pression pour l’efficience des soins en général
Contexte légal contraignant
A
B
Figure 1
A Représentation schématique de la perception d’une situation clinique (en termes de connaissances médicales, représentations de la maladie,
compétences linguistiques, attentes et valeurs). Point de vue entre soignant et patient.
B Le point de vue commun s’est élargi grâce à l’amélioration des compétences cliniques transculturelles du soignant (amélioration des
connaissances médicales, compréhension des représentations de la maladie, aide d’un traducteur/interprète, exploration des attentes,
meilleur partage de valeurs).
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curriculum
Communication
un ensemble de savoir-être, connaissance et savoirfaire qui sont résumés dans le tableau 2 p.
Impact, besoins actuels et futurs
Satisfaction du patient
Compliance
Etat de santé
Figure 2
Etapes entre communication et état de santé des patients.
Selon J. R. Betancourt [20].
2. Améliorer les connaissances médicales théoriques
(savoirs) des soignants.
Ces connaissances sont essentielles pour prendre en
charge des patients originaires de pays où la prévalence de certaines pathologies est très différente de
celle de la Suisse (diabète, tuberculose, syndrome de
stress posttraumatique) et où certaines pathologies sont
fréquentes alors qu’elles sont inconnues chez nous
(malaria, maladie de Chagas, leishmaniose, par exemple).
Il est également nécessaire de mieux connaître les traitements spécifiques de ces pathologies auxquelles nous
n’avons pas l’habitude d’être confrontés. De plus, il est
important d’être conscient que les réponses aux traitements anti-hypertenseurs ou anti-diabétiques oraux
par exemple peuvent varier de manière importante en
fonction de l’origine. La connaissance des déterminants
sociaux de la santé et de leur importance fait également
partie de ce chapitre et les exemples sont nombreux
pour expliquer qu’une partie des différences observées
du niveau de santé est due à des inégalités sociales
[17, 18].
3. Améliorer le savoir-faire (aptitude) des soignants
à s’occuper de patients d’origine migratoire.
Ce sont essentiellement des compétences en communication qu’il est nécessaire d’acquérir pour améliorer le
savoir-faire. Les liens entre une meilleure communication et l’amélioration de l’état de santé ont été démontrés il y a une dizaine d’années déjà par l’équipe anglaise du Dr Stewart dans une étude fondamentale dans
ce domaine [19]. La figure 2 x résume les étapes entre
la communication et la santé des patients. La spécificité
transculturelle de cette étape incontournable de la relation patient–médecin est liée au trialogue (consultation
avec un tiers traduisant), à l’identification du modèle
explicatif de la maladie, à la négociation du plan de traitement et de suivi, à la gestion des conflits induits par
des perspectives différentes et à l’identification commune des résultats attendus.
Au terme d’un enseignement des compétences cliniques transculturelles, un soignant doit avoir acquis
Bien que cette approche nous semble essentielle et utile
au quotidien non seulement pour la prise en charge des
patients migrants ou d’origine étrangère mais pour
l’ensemble de la patientèle, il est légitime de se poser un
certain nombre de questions à propos de l’enseignement des compétences cliniques transculturelles à des
soignants, à savoir [20–22]:
– les soignants apprennent-ils ce qu’on leur enseigne?
– les soignants utilisent-ils ce qu’ils apprennent?
– est-ce que l’enseignement et l’apprentissage ont un
impact sur la santé des patients?
L’impact de l’enseignement des CCT sur les attitudes, la
connaissance et le savoir-faire du médecin, sur la satisfaction des patients, leur compliance et finalement leur
état de santé doit être évalué de manière systématique.
Il existe de nombreux moyens de répondre à ces questions par des mesures objectives, comme des tests de
connaissance avant et après un enseignement, des interviews qualitatives de médecins et de leurs patients,
des études de dossiers ou une analyse détaillée de
consultations filmées. Une revue systématique de la littérature conduite en 2007 par une équipe de Baltimore
aux Etats-Unis dirigée par Mary Catherine Beach permet de détailler les niveaux de preuve actuels de l’efficacité de l’enseignement des CCT [23]. On a ainsi d’excellentes preuves que l’enseignement des CCT améliore
les connaissances des professionnels de santé; de bonnes
preuves qu’il améliore également leurs aptitudes et
attitudes. Il existe de plus de bonnes preuves que la
satisfaction des patients est améliorée mais celles démontrant l’amélioration de la compliance sont encore
faibles. Aucune étude n’a à ce jour évalué l’impact
direct sur la santé des patients de l’enseignement des
CCT. La mesure de l’impact précis de cet enseignement
sur la santé des patients est en effet beaucoup plus
complexe à démontrer. C’est un de nos objectifs de recherche principaux dans ce domaine pour les années à
venir.
En Suisse, les besoins actuels et futurs sont nombreux
et la capacité du système à y répondre est encore relativement faible. Comme souvent, le défi est d’intégrer
l’enseignement des compétences cliniques transculturelles aux trois niveaux que sont la formation prégraduée, postgraduée et continue. Les recommandations
du rapport de Christian Rüefli pour l’Office fédéral de la
santé publique vont dans ce sens [24]. L’extension des
services professionnels d’interprétariat de même que la
mise en place d’un régime de financement de ces services est un des points les plus importants relevés dans
ce rapport.
Une autre piste qui nous semble intéressante est la mise
à disposition de ressources d’information et d’enseignement informatisées basées sur Internet (e-learning).
Les sites suisses sont encore très rares et l’essentiel des
initiatives dans le domaine des compétences transculturelles sont américaines. Nous avons listé dans le
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tableau 3 p quelques-unes des ressources Internet
existantes, en Suisse et aux Etat-Unis. Il s’agit soit de
bases de données permettant de se renseigner sur telle
ou telle culture de manière générale et non stigmatisante, soit de cours complets en compétences cliniques
transculturelles, en général payants et permettant de
consulter des patients virtuels d’origines diverses.
L’adaptation de ces initiatives à la Suisse nous semble
parfaitement envisageable, dans la lignée de l’expérience de Marc-André Raetzo qui a mis en ligne un site
de formation continue à l’attention des médecins généralistes [25].
Tableau 2. Exemples des savoir-être, savoirs et savoir-faire à acquérir lors
d’un enseignement des compétences cliniques transculturelles [8].
Conclusion
Savoir-être
L’acquisition de compétences cliniques transculturelles
doit permettre aux médecins d’améliorer la qualité de
prise en charge de leurs patients migrants ou d’origine
étrangère et de participer à l’amélioration de l’égalité
des chances et à la réduction des disparités en termes
de santé. Outre la prise de conscience nécessaire à la
mise en route du processus de changement (savoirêtre), les acquis sont d’ordre théoriques (savoirs) et
communicationnels (savoir-être), apportant ainsi de
nouvelles perspectives positives pour la prise en charge
de l’ensemble des patients, suisses, migrants ou d’origine étrangère.
Acceptation de la responsabilité du clinicien à identifier et prendre en compte
les aspects sociaux et culturels de la prise en charge
Savoirs
Connaissance de l’influence des facteurs socioculturels sur les croyances et comportements en matière de santé
Connaissance des barrières sociales, économiques et culturelles à l’accès aux soins,
à l’adhérence thérapeutique
Connaissance des sources fréquentes de malentendus entre patient et clinicien
Reconnaissance de ses propre biais et préjugés à propos des patients et leur impact
sur les soins
Connaissances spécifiques dans le domaine de la migration (démographie, épidémiologie, lois, types de permis, ressources disponibles pour les patients migrants, etc.)
Savoir-faire
Remerciements
Capacité à travailler efficacement avec un interprète
Capacité à identifier et explorer les facteurs socioculturels qui pourraient influencer
la prise en charge du patient
Capacité à proposer un plan de traitement qui prend en compte le contexte socioculturel du patient et capacité à négocier avec le patient en cas de désaccord à propos
du plan proposé
Tableau 3. Références Internet importantes concernant les CCT
(date de consultation: juillet 2009).
Pays
Type de ressource
Suisse
http://transkulturelle-kompetenz.ch
Site édité par la Croix-Rouge Suisse.
Définitions, agenda de cours spécialisés.
Programme de e-learning en CCT en
préparation
Adresse du site
Etats-Unis Informations médicales et culturelles
à propos de différents groupes
d’immigrants et de réfugiés
http://ethnomed.org
Etats-Unis Guide pour aider les médecins à
assurer des soins de qualité à des
patients de cultures diverses
http://erc.msh.org
Etats-Unis Programme de e-learning en CCT.
En partie payant
http://qualityinteractions.org
Etats-Unis Programme de e-learning en CCT.
En partie payant
http://thinkculturalhealth.org
Nous remercions pour leur relecture attentive du manuscrit et leurs corrections: Monsieur le Professseur Jean-Bernard Daeppen, Lausanne, et
Madame Sophie Paroz, Lausanne.
Correspondance:
Dr Patrick Bodenmann
Médecin associé, MER, MSc
Responsable de l’Unité des Populations Vulnérables (UPV)
Policlinique Médicale Universitaire
Rue du Bugnon 44
CH-1011 Lausanne
[email protected]
Références recommandées
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Vous trouverez la liste complète et numérotée des références dans la
version en ligne de cet article sous www.medicalforum.ch.
Forum Med Suisse 2010;10(5):83
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Transkulturelle Kompetenz in der medizinischen Praxis:
Bedürfnisse, Mittel, Wirkung
Compétences cliniques transculturelles et pratique médicale: quels
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