Compétences cliniques transculturelles et pratique médicale

Forum Med Suisse 2010;10(5):79 79
curriculum
Compétences cliniques transculturelles
et pratique médicale
Quels besoins, quels outils, quel impact?
Fabrice Althausa,Patricia Hudelsonb,Dagmar Domenigc,Alexander R. Greend,PatrickBodenmanne
Introduction
Commenous l’avons largement détaillé dans le premier
article de cette série, la population migrante représente
une part importante de la population suisse. A l’avenir,
la migration continuera à jouer un rôle majeur pour
notre société, ne serait-ce qu’en raison du vieillisse-
ment démographique [1]. Des projections permettent
d’estimer que le nombre de migrants à travers le
monde passera de quelque 200 millions actuellement à
près d’un milliard à l’horizon 2050, principalement en
raison de bouleversements climatiques entraînant des
catastrophes «naturelles» à large échelle [2].
Etre capable de travailler efficacement avec des pa-
tients d’origines variées est essentiel dans un pays
comme la Suisse où l’on fait face à une diversité socio-
culturelle et linguistique importante. Dans ce contexte
de larges diversités, une prise en charge médicale centrée
sur le patient pose des défis spécifiques et exige que les
médecins adoptent un comportement adapté et dispo-
sent de connaissances et d’un savoir-faire appropriés,
autrement dit qu’ils acquièrent des «compétences cli-
niques transculturelles».
Définition des compétences
cliniques transculturelles (CCT)
Le terme compétence transculturelle désigne, selon le
concept de Domenig, la capacité de percevoir et com-
prendre les individus dans leur monde vécu et leur
contexte individuels et d’agir de façon adéquate. Les
professionnels disposant de compétences transcultu-
relles ont la capacité d’intégrer leurs influences et pré-
jugés propres, savent percevoir la perspective d’autrui
et évitent la culturalisation et les stéréotypies. Le noyau
de la compétence transculturelle est une capacité d’in-
teraction transculturellement compétente dans le
contexte de la migration. Les piliers de la capacité inter-
active sont: réflexion sur soi-même, savoir contextuel
et expérience et enfin empathie narrative. Les profes-
sionnels doivent en premier lieu apprendre à connaître
leur monde vécu dans un processus de réflexion sur
soi-même; ce n’est que dans un second temps qu’ils
sauront mieux comprendre et situer les mondes vécus
individuels des migrants. Des connaissances de fond et
des expériences transculturelles associés à une ré-
flexion sur soi-même aident à comprendre les migrants
et leur vécu. L’ empathie narrative consiste en une atti-
tude valorisante et respectueuse vis-à-vis des migrants
en s’interrogeant sur les préjugés, les idées racistes et
les actes discriminants et en plaçant la narration au
centre du traitement et des soins. Réflexion sur soi-même
et empathie narrative favorisent une bonne relation en
incluant les mondes vécus individuels. La réflexion sur
soi-même, les connaissances de fond et les expériences
transculturelles acquises sensibilisent les profession-
nels aux questions transculturelles et les rendent plus
conscients d’eux-mêmes. Connaissances de fond, expé-
riences et empathie narrative permettent d’élargir
l’anamnèse et de l’enrichir par les modèles explicatifs
des patients, qui mènent ensuite au processus de négo-
ciation des causes, du diagnostic et du traitement de la
maladie [3].
Les compétences cliniques transculturelles (CCT) sont
en résumé un ensemble d’attitudes, connaissances et
savoir-faire qui permettent à un professionnel de santé
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article
à la page 78 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch.
Fabrice Althaus
Les auteurs
certifient
qu’aucun conflit
d’intérêt n’est lié
à cet article.
Quintessence
PLa prise en charge des patients migrants ou d’origine étrangère est un
défi particulier pour la pratique médicale en raison des différences épidé-
miologiques, culturelles et linguistiques, des difficultés propres àlamigra-
tion et des problématiques socioéconomiques souvent surajoutées.
PLes compétences cliniques transculturelles sont un ensemble d’attitudes,
de connaissances et savoir-faire permettant de prodiguer des soins de qua-
lité àdes patients d’origines socioculturelles et linguistiques diverses.
PL’ acquisition de compétences cliniques transculturelles permet d’amé-
liorer la qualité de la prise en charge des patients migrants ou d’origine
étrangère et de limiter le risque d’inégalités en termes d’accès aux soins,
de qualité des soins et de santé.
PLes bénéfices de l’acquisition de ces compétences ne se limitent pas à
la prise en charge des patients ayant un passé migratoire. Cette forma-
tion est une opportunité pour le soignant de s’interroger sur sa pratique
et d’améliorer la prise en charge de l’ensemble de ses patients, suisses,
migrants ou d’origine étrangère.
aMédecin-assistant, Responsable de Recherche,
Unité des Populations Vulnérables,
Policlinique Médicale Universitaire, Lausanne
bAnthropologie médicale, PhD,
Hôpitaux Universitaires de Genève
cSuppléante du Directeur et Responsable du Département
Santé et Intégration, Croix-Rouge Suisse, Wabern, PhD, MLaw
dMD, MPH, Associate Director,The Disparities Solutions Center,
Senior Scientist,The Institute for Health Policy,Massachusetts
General Hospital, Chair,Cross-Cultural Care Committee,
Harvard Medical School, Boston, USA
eMédecin associé, MER, MSc, Responsable de l’Unité des
Populations Vulnérables, Policlinique Médicale Universitaire,
Lausanne
Forum Med Suisse 2010;10(5):80 80
curriculum
de prodiguer des soins de qualité à des patients d’ori-
gines diverses [4]. Bien que les CCT, dans l’acceptation
la plus récente de ce terme, soient souvent associées de
manière étroite à l’approche centrée sur la personne,
certaines de ces compétences sont néanmoins spéci-
fiques à la prise en charge des patients issus de la
migration [5–7]. On y intègre bien entendu d’autres
dimensions de la diversité également connues pour in-
fluencer la santé et les comportements ayant trait à la
santé et aux soins, notamment le genre, l’âge, le statut
social, les handicaps ou l’orientation sexuelle [8].
Contexte historique cent
Le domaine de l’ethnopsychiatrie est à l’origine de la
prise de conscience des problématiques liant migration
et santé. Georges Devereux au milieu du XXesiècle en
France ou plus récemment Tobie Nathan ont, parmi
d’autres, largement participé àl’élaboration des
concepts les plus importants [9].
La reconnaissance de la nécessité d’enseigner les CCT
en Suisse se développe au début du millénaire et est à
mettre en parallèle à la mise sur pied par l’Office fédé-
ral de la santé publique de la première stratégie «Mi-
gration et Santé» de 2002 à 2007. Des travaux scienti-
fiques en lien avec la politique des drogues et la
migration ont permis d’élaborer les premiers concepts
nécessaires à cet enseignement [10, 11].
La Croix-Rouge Suisse (CRS) s’est inté-
ressée à cette problématique dès la fin
des années 90. Les formations mises en
place concernaient alors en premier lieu
des infirmières et des infirmiers, soit di-
rectement dans les hôpitaux, soit dans le
cadre de la formation professionnelle ou continue. A ce
jour, la CRS a formé près de 5000 professionnels de
santé lors de 360 journées de cours. Elle s’est égale-
ment investie dans la conception et le développement
de nombreux modules. Ces modules ont pour but d’ai-
der les professionnels de santé à être mieux conscients
des déterminants qui interfèrent avec leur perception.
Ce savoir-être doit leur permettre d’appréhender et
d’interpréter correctement la situation de l’autre (cf.
www.transkulturelle-kompetenz.ch).
Le concept de la compétence transculturelle s’est ainsi
répandu de manière importante dans le monde infir-
mier avec néanmoins des réticences initiales du même
ordre que celles rencontrées à l’heure actuelle auprès
des médecins. Plus récemment, des initiatives comme
celles de Migrant-Friendly Hospitals (MFH) ont permis
d’élaborer des stratégies au niveau européen (Décla-
ration d’Amsterdam en 2004) [12] et de faire tache
d’huile auprès de réseaux et d’associations suisses tels
que les Health Promoting Hospitals (HPH) et H+[13].
Les policliniques des Universités de Lausanne [14] et de
Genève [15] ont mis en place dès 2000 des cursus de
formation postgraduée et continue en compétences cli-
niques transculturelles. Depuis 2004, des cours ont
également été introduits dans la formation prégraduée.
Pourquoi acquérir des compétences
cliniques transculturelles?
Nous illustrerons les divers contenus théoriques évo-
qués au moyen d’une vignette clinique en plusieurs
parties.
M. Fonza (nom fictif) est un patient de 57 ans, origi-
naire de Lecce en Italie. Arrivé en Suisse en 1970, il
est divorcé depuis plus de 15 ans et père de trois en-
fants de 30, 27 et 26 ans. Il se présente pour être suivi
àlaconsultation générale de la Policlinique Médicale
Universitaire de Lausanne, son médecin traitant ayant
pris sa retraite.
Lors de la première consultation, une fibrillation auri-
culaire chronique et un syndrome métabolique sévère
sont retenus comme diagnostics principaux. M. Fonza
souffre également d’un syndrome d’apnée du sommeil
et d’une broncho-pneumopathie obstructive sur taba-
gisme chronique. Son médecin relève par ailleurs une
consommation d’alcool àrisque et des signes évoca-
teurs d’un état dépressif chronique.
Comme nous l’avons largement développé dans le pre-
mier article de cette série, l’état de santé de la popula-
tion migrante est globalement moins bon que celui des
Suisses. Que faire dans ces circonstances pour amélio-
rer la qualité de la prise en charge des patients mi-
grants ou d’origine étrangère et de fait participer àla
diminution des disparités en termes de santé?
L’ approche doit être large. Différents
facteurs tels que les conditions prémi-
gratoires, les circonstances de la migra-
tion, les conditions sociales et le niveau
d’intégration une fois en Suisse, les
contraintes légales imposées et l’atti-
tude générale de la société d’accueil vis-
à-vis des migrants sont autant de déterminants de la
santé sur lesquels il semble possible d’agir malgré
toutes les difficultés que cela représente [16]. Qu’en est-
il de la prise en charge médicale?
Le médecin de M. Fonza lui propose une consultation
spécialisée en diabétologie et effectue une intervention
brève àpropos de la problématique d’alcool.
L’évolution est néanmoins défavorable avec une péjo-
ration des valeurs d’hémoglobine glyquée et la persis-
tance d’un état dépressif moyen avec poursuite d’une
consommation d’alcool àrisque.
Les barrières d’accès àdes soins de qualité sont nom-
breuses et se situent àdifférents niveaux. Schémati-
quement, on peut relever des barrières au niveau des
patients, des soignants et du système de soins. Le
tableau 1 présume quelques-unes de ces barrières.
Si l’on additionne l’ensemble de cesbarrières, on se re-
trouve dans un systèmeoùl’accessibilité àdes soins de
qualité est compromise. L’ acquisition des CCT permet
de limiter les barrières liées au soignant et en partie au
système. L’ acquisition pour le patient de compétences
en santé peut lui permettre de réduire les barrières qui
lui sont propres. La figure 1A xpermet de visualiser
ces difficultés et la figure 1B xpermet de mieux com-
prendre l’intérêt de l’acquisition des CCT.
Lesbarrières d’accès à
des soins de qualité sont
nombreuses et se situent
àdifférents niveaux
Forum Med Suisse 2010;10(5):81 81
curriculum
Enseignement et acquisition des
compétences cliniques transculturelles (CCT)
Le médecin de M. Fonza décide de mieux évaluer la
compréhension du français de son patient, bien qu’elle
lui ait semblé bonne dans un premier temps. Il re-
prend également l’anamnèse migratoire. Sur le plan
théorique, il effectue une courte recherche lui permet-
tant d’exclure des différences significatives dans la
prise en charge des patients diabétiques d’origine ita-
lienne. Il découvre néanmoins que les patients mi-
grants présentent un risque accru par rapport aux
Suisses de développer un état dépressif sévère au
moment de la retraite.
M. Fonza, en décrivant son parcours migratoire et son
intégration progressive en Suisse, avoue qu’il n’a
jamais vraiment appris le français et qu’il ne comprend
pas bien comment prendre son traitement. Il dit en
avoir honte et n’a jamais osé en parler à son médecin
traitant par le passé.
M. Fonza parvient progressivement àévoquer la ma-
nière dont il avait toujours envisagé sa retraite àLecce,
dans sa ville natale, entouré des siens. Il réalise et par-
vient àverbaliser le fait qu’il ne rentrera sans doute
jamais chez lui et qu’il faut désormais concevoir sa
retraite en Suisse. Son médecin lui propose d’intensifier
la prise en charge de l’alcool. Il est en effet conscient
que le risque de développer un état dépressif sévère est
important chez ce patient migrant et que ce risque est
majoré par la problématique alcoolique surajoutée.
L’introduction d’un nouveau traitement antidépresseur
ne lui semble pas judicieuse, celle-ci risquant d’ac-
croître encore la confusion dans l’adaptation de la prise
adéquate de son traitement anti-diabétique oral.
L’ égalité des chances et la diminution des disparités en
termes de santé est le but visé par l’enseignement des
compétences cliniques transculturelles. Cet enseigne-
ment vise principalement à:
1. Améliorer l’attitude (savoir-être) des soignants
à l’égard de leurs patients d’origine migratoire.
Ceci passe par la prise de conscience de sa propre ori-
gine socioculturelle, la mise en évidence de ses a
priori et les stéréotypes que nous nous sommes
construits.L’idée est de tenter de comprendre dans
quelle mesure tout ceci influe (positivement ou néga-
tivement) sur son comportement àl’égard de ses pa-
tients en général et de ses patients d’origine migra-
toire en particulier et quelle sont les répercussions
sur la prise en charge.
Ta bleau 1. Barrières d’accès à des soins de qualité pour les patients migrants
ou d’origine étrangère.
Au niveau du patient
Manque de connaissances linguistiques
Manque de connaissances du système de santé et référence basée sur un autre système
Difficultés financières (franchise, absence d’assurance maladie)
Pression de l’employeur (horaire de consultation)
Manque de connaissances en santé
Manque de confiance dans le soignant
Crainte de la dénonciation (illégalité du statut)
Au niveau du soignant
Manque de compétences cliniques transculturelles
Manque de connaissances médicales théoriques (pathologies et traitements spécifiques)
Non-conscience de son propre contexte (personnel, professionnel)
Tendance aux stéréotypies et à la stigmatisation
Au niveau du système
Manque de données statistiques à propos de la patientèle migrante ou d’origine
étrangère
Absence ou manque de services de traduction/médiation socioculturelle
Manque d’information adaptée (signalétique, documentation)
Personnel soignant peu diversifié sur le plan socioculturel
Augmentation de la technicité des actes médicaux au détriment de la communication
Pression pour l’efficience des soins en général
Contexte légal contraignant
Figure 1
AReprésentation schématique de la perception d’une situation clinique (en termes de connaissances médicales, représentations de la maladie,
compétences linguistiques, attentes et valeurs). Point de vue entre soignant et patient.
BLe point de vue commun s’est élargi grâce à l’amélioration des compétences cliniques transculturelles du soignant (amélioration des
connaissances médicales, compréhension des représentations de la maladie, aide d’un traducteur/interprète, exploration des attentes,
meilleur partage de valeurs).
AB
Forum Med Suisse 2010;10(5):82 82
curriculum
2. Améliorer les connaissances médicales théoriques
(savoirs) des soignants.
Ces connaissances sont essentielles pour prendre en
charge des patients originaires de pays où la préva-
lence de certaines pathologies est très différente de
celle de la Suisse (diabète, tuberculose, syndrome de
stress posttraumatique) et où certaines pathologies sont
fréquentes alors qu’elles sont inconnues chez nous
(malaria, maladie de Chagas, leishmaniose, par exemple).
Il est également nécessaire de mieux connaître les trai-
tements spécifiques de ces pathologies auxquelles nous
n’avons pas l’habitude d’être confrontés. De plus, il est
important d’être conscient que les réponses aux traite-
ments anti-hypertenseurs ou anti-diabétiques oraux
par exemple peuvent varier de manière importante en
fonction de l’origine. La connaissance des déterminants
sociaux de la santé et de leur importance fait également
partie de ce chapitre et les exemples sont nombreux
pour expliquer qu’une partie des différences observées
du niveau de santé est due à des inégalités sociales
[17, 18].
3. Améliorer le savoir-faire (aptitude) des soignants
à s’occuper de patients d’origine migratoire.
Ce sont essentiellement des compétences en communi-
cation qu’il est nécessaire d’acquérir pour améliorer le
savoir-faire. Les liens entre une meilleure communica-
tion et l’amélioration de l’état de santé ont été démon-
trés il y a une dizaine d’années déjà par l’équipe an-
glaise du Dr Stewart dans une étude fondamentale dans
ce domaine [19]. La figure 2 xrésume les étapes entre
la communication et la santé des patients. La spécificité
transculturelle de cette étape incontournable de la rela-
tion patient–médecin est liée au trialogue (consultation
avec un tiers traduisant), à l’identification du modèle
explicatif de la maladie, àlanégociation du plan de trai-
tement et de suivi, à la gestion des conflits induits par
des perspectives différentes et à l’identification com-
mune des résultats attendus.
Au terme d’un enseignement des compétences cli-
niques transculturelles, un soignant doit avoir acquis
un ensemble de savoir-être, connaissance et savoir-
faire qui sont résumés dans le tableau 2 p.
Impact, besoins actuels et futurs
Bien que cette approche nous semble essentielle et utile
au quotidien non seulement pour la prise en charge des
patients migrants ou d’origine étrangère mais pour
l’ensemble de la patientèle, il est légitime de se poser un
certain nombre de questions à propos de l’enseigne-
ment des compétences cliniques transculturelles à des
soignants, à savoir [20–22]:
–les soignants apprennent-ils ce qu’on leur enseigne?
–les soignants utilisent-ils ce qu’ils apprennent?
–est-ce que l’enseignement et l’apprentissage ont un
impact sur la santé des patients?
L’ impact de l’enseignement des CCT sur les attitudes, la
connaissance et le savoir-faire du médecin, sur la satis-
faction des patients, leur compliance et finalement leur
état de santé doit être évalué de manière systématique.
Il existe de nombreux moyens de répondre à ces ques-
tions par des mesures objectives, comme des tests de
connaissance avant et après un enseignement, des in-
terviews qualitatives de médecins et de leurs patients,
des études de dossiers ou une analyse détaillée de
consultations filmées. Une revue systématique de la lit-
térature conduite en 2007 par une équipe de Baltimore
aux Etats-Unis dirigée par Mary Catherine Beach per-
met de détailler les niveaux de preuve actuels de l’effi-
cacité de l’enseignement des CCT [23]. On a ainsi d’ex-
cellentes preuves que l’enseignement des CCT améliore
les connaissances des professionnels de santé; de bonnes
preuves qu’il améliore également leurs aptitudes et
attitudes. Il existe de plus de bonnes preuves que la
satisfaction des patients est améliorée mais celles dé-
montrant l’amélioration de la compliance sont encore
faibles. Aucune étude n’a à ce jour évalué l’impact
direct sur la santé des patients de l’enseignement des
CCT. La mesure de l’impact précis de cet enseignement
sur la santé des patients est en effet beaucoup plus
complexe à démontrer. C’est un de nos objectifs de re-
cherche principaux dans ce domaine pour les années à
venir.
En Suisse, les besoins actuels et futurs sont nombreux
et la capacité du système à y répondre est encore rela-
tivement faible. Comme souvent, le défi est d’intégrer
l’enseignement des compétences cliniques transcultu-
relles aux trois niveaux que sont la formation prégra-
duée, postgraduée et continue. Les recommandations
du rapport de Christian Rüefli pour l’Office fédéral de la
santé publique vont dans ce sens [24]. L’ extension des
services professionnels d’interprétariat de même que la
mise en place d’un régime de financement de ces ser-
vices est un des points les plus importants relevés dans
ce rapport.
Une autre piste qui nous semble intéressante est la mise
à disposition de ressources d’information et d’ensei-
gnement informatisées basées sur Internet (e-learning).
Les sites suisses sont encore très rares et l’essentiel des
initiatives dans le domaine des compétences transcul-
turelles sont américaines. Nous avons listé dans le
Figure 2
Etapes entre communication et état de santé des patients.
Selon J. R. Betancourt [20].
Communication
Satisfaction du patient
Compliance
Etat de santé
Forum Med Suisse 2010;10(5):83 83
curriculum
tableau 3 pquelques-unes des ressources Internet
existantes, en Suisse et aux Etat-Unis. Il s’agit soit de
bases de données permettant de se renseigner sur telle
ou telle culture de manière générale et non stigmati-
sante, soit de cours complets en compétences cliniques
transculturelles, en général payants et permettant de
consulter des patients virtuels d’origines diverses.
L’ adaptation de ces initiatives à la Suisse nous semble
parfaitement envisageable, dans la lignée de l’expé-
rience de Marc-André Raetzo qui a mis en ligne un site
de formation continue à l’attention des médecins géné-
ralistes [25].
Conclusion
L’ acquisition de compétences cliniques transculturelles
doit permettre aux médecins d’améliorer la qualité de
prise en charge de leurs patients migrants ou d’origine
étrangère et de participer à l’amélioration de l’égalité
des chances et à la réduction des disparités en termes
de santé. Outre la prise de conscience nécessaire à la
mise en route du processus de changement (savoir-
être), les acquis sont d’ordre théoriques (savoirs) et
communicationnels (savoir-être), apportant ainsi de
nouvelles perspectives positives pour la prise en charge
de l’ensemble des patients, suisses, migrants ou d’ori-
gine étrangère.
Remerciements
Nous remercions pour leur relecture attentive du manuscrit et leurs cor-
rections: Monsieur le Professseur Jean-Bernard Daeppen, Lausanne, et
Madame Sophie Paroz, Lausanne.
Correspondance:
Dr PatrickBodenmann
Médecin associé, MER, MSc
Responsable de l’Unité des Populations Vulnérables (UPV)
Policlinique Médicale Universitaire
RueduBugnon 44
CH-1011Lausanne
Références recommandées
–Domenig D. Das Konzept der transkulturellen Kompetenz. In: Trans-
kulturelle Kompetenz Lehrbuch für Pflege-, Gesundheits- und Sozial-
berufe, 2., vollständig überarbeitete und erweiterte Auflage. Bern:
Verlag Hans Huber; 2007:165–89.
–Hudelson P, Stalder H. Sociocultural diversity and medical education.
Rev Med Suisse. 2005;1:2214–7.
–Green AR, Betancourt JR, Carrillo JE. Integrating social factors into
cross-cultural medical education. Acad Med. 2002;77:193–7.
Vous trouverez la liste complète et numérotée des références dans la
version en ligne de cet article sous www.medicalforum.ch.
Ta bleau 3. Références Internet importantes concernant les CCT
(date de consultation: juillet 2009).
Pays Ty pe de ressource Adresse du site
Suisse Site édité par la Croix-Rouge Suisse.
Définitions, agenda de cours spécialisés.
Programme de e-learning en CCT en
préparation
http://transkulturelle-kompetenz.ch
Etats-Unis Informations médicales et culturelles
à propos de difrents groupes
d’immigrants et de réfugiés
http://ethnomed.org
Etats-Unis Guide pour aider les médecins à
assurer des soins de qualité à des
patients de cultures diverses
http://erc.msh.org
Etats-Unis Programme de e-learning en CCT.
En partie payant
http://qualityinteractions.org
Etats-Unis Programme de e-learning en CCT.
En partie payant
http://thinkculturalhealth.org
Ta bleau 2. Exemples des savoir-être, savoirs et savoir-faire à acquérir lors
d’un enseignement des compétences cliniques transculturelles [8].
Savoir-être
Acceptation de la responsabilité du clinicien à identifier et prendre en compte
les aspects sociaux et culturels de la prise en charge
Savoirs
Connaissance de l’influence des facteurs socioculturels sur les croyances et comporte-
ments en matière de santé
Connaissance des barrières sociales, économiques et culturelles à l’accès aux soins,
à l’adhérence thérapeutique
Connaissance des sources fréquentes de malentendus entre patient et clinicien
Reconnaissance de ses propre biais et préjugés à propos des patients et leur impact
sur les soins
Connaissances spécifiques dans le domaine de la migration (démographie, épidémio-
logie, lois, types de permis, ressources disponibles pour les patients migrants, etc.)
Savoir-faire
Capacité à travailler efficacement avec un interprète
Capacité à identifier et explorer les facteurs socioculturels qui pourraient influencer
la prise en charge du patient
Capacité à proposer un plan de traitement qui prend en compte le contexte socio-
culturel du patient et capacité à négocier avec le patient en cas de désaccord à propos
du plan proposé
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !