Ceci est à prendre en compte dans la physiopathologie de l’inconti-
nence urinaire si l’on admet que les fibres musculaires sphincté-
riennes de l’homme sont de type I [22]. Par ailleurs, toutes les cel-
lules satellites n’ont pas le même comportement in vitro, certaines
d’entre elles fusionnant après une phase de prolifération plus ou
moins courte alors que d’autres pourraient constituer une réserve de
cellules souches myogéniques restant à un stade indifférencié [23].
Enfin, les cellules satellites ne sont pas les seules cellules impli-
quées dans la régénération musculaire. Ferrari et al. ont montré que
des cellules souches médullaires sont recrutées lorsque un muscle
est lésé et participent à la formation de nouvelles fibres [15]. La
contribution effective de ce recrutement à la régénération musculai-
re n’est pas clairement définie, mais pourrait jouer un rôle crucial
en cas de pathologie musculaire chronique. GUSSONI a récemment
rapporté le cas exceptionnel d'un homme ayant eu une greffe de
moelle osseuse à la naissance en raison d’une aplasie médullaire et
chez qui il a été découvert, à l’adolescence et à l’occasion de chu-
tes à répétition, une myopathie de Duchenne de Boulogne [18].
Cette maladie musculaire étant habituellement létale (ou extrême-
ment invalidante) à l’âge à laquelle elle a été découverte, il est pro-
bable que la greffe de moelle osseuse ait protégé les muscles du
receveur, en plus de traiter l’aplasie.
Le sphincter strié urétral est un muscle à part dont les capacités
régénératives sont mal connues et doivent être analysées en tenant
compte de ses origines embryologiques. En effet, il est classique-
ment admis que les fibres musculaires squelettiques et les cellules
satellites proviennent de myoblastes embryonnaires issus de la par-
tie dorsale des somites et qui colonisent les membres avant le
18ème jour post-coïtal chez la souris [38]. La majorité de ces myo-
blastes primitifs fusionnent pour former les premières fibres alors
qu’une minorité d’entre eux restent dans un état quiescent pour for-
mer la population de cellules satellites responsables de la régénéra-
tion musculaire à l’âge adulte. Selon BORIRAKCHANYAVAT [7], les
fibres musculaires du sphincter strié urétral ont une origine embryo-
logique différente: elles résulteraient de la transdifférenciation des
cellules musculaires lisses urétrales en fibres striées et par consé-
quent, proviendraient du mesoderme splanchnique et non des somi-
tes. Bien que peu documenté dans le sphincter, ce phénomène de
transdiferenciation muscle lisse/strié a été décrit à plusieurs reprises
dans l’œsophage [26, 36] et dans le sphincter de l’iris [51] où un
agencement similaire de fibres musculaires lisses et striées est pré-
sent. Cette originalité embryologique a plusieurs implications. Elle
pourrait expliquer l’innervation du sphincter strié de type végétatif
- et donc tout à fait inhabituel pour un muscle strié - que certains
auteurs ont observé [29], la transdifferenciation ayant entraîné un
glissement de l’innervation initialement destinée aux fibres lisses
vers des fibres striées.
Mais ces caractéristiques embryologiques posent avant tout la ques-
tion des capacités régénératives du sphincter strié urétral, car selon
la théorie classique, les cellules responsables de la régénération
musculaire à l’âge adulte sont étroitement liées aux cellules de la
myogenèse embryonnaire, et les cellules musculaires lisses de l’ap-
pareil urinaire post natal n’ont aucune tendance spontanée à former
des fibres striées in vitro ou in vivo.
L'autre caractéristique embryologique posant la question de l’exis-
tence de cellules satellites dans le sphincter strié urétral est son
développement tardif en comparaison des muscles environnants,
aussi bien chez l'homme [8] que chez le rat [7]. Par exemple, il a été
montré chez le rat que les premières fibres musculaires striées
sphinctériennes apparaissent un peu avant la naissance [7], bien
après la migration des myoblastes embryonnaires à l'origine des fib-
res musculaires et de leurs cellules satellites.
Jusqu'à présent, peu d’auteurs ont cherché à établir les capacités
régénératives du sphincter strié urétral. CORVIN a isolé et cultivé des
cellules provenant de sphincters striés humains et montré qu’elles
formaient des fibres se contractant avec une stimulation chimique,
mais cette étude n’a pas confirmé l’expression de marqueurs spéci-
fiques des muscles striés [10]. Nous avons récemment réalisé une
étude de la régénération sphinctérienne chez le rat et la souris en
utilisant la technique des fibres isolées [56]. Des cellules satellites
sphinctériennes ont pu être identifiées par leur expression d’un mar-
queur spécifique (Pax7); elles expriment en quelques heures des
gènes de différenciation myogénique (Myf5, MyoD) et forment
après quelques jours des fibres musculaires spontanément contrac-
tiles et exprimant des marqueurs de muscle strié. Sur une coupe his-
tologique de sphincter, les cellules Pax7+ sont repérables et, après
injection d’une substance myotoxique ayant pour effet de détruire
rapidement toutes les fibres musculaires (Notexine), prolifèrent
puis fusionnent pour reformer de nouvelles fibres aboutissant à une
régénération ad integrum en 3 semaines. Ainsi, bien qu’ayant une
origine embryologique différente de celle des muscles squelet-
tiques, le sphincter strié urétral dispose à l’âge adulte d’un pro-
gramme de différenciation myogénique standard impliquant l’acti-
vation de cellules satellites intrinsèques.
Ces résultats ont des conséquences importantes. Ils remettent en
cause les théories classiques sur l’origine embryologique des cellu-
les satellites, et vont dans le sens des travaux récents de DEANGE-
LIS qui a démontré l’existence de progéniteurs musculaires dans le
système vasculaire et suggéré que certaines cellules satellites puis-
sent dériver de cellules endothéliales [11]. Selon ces auteurs, la
myogenèse embryonnaire et la régénération musculaire adulte
pourraient ainsi être deux phénomènes indépendants, l’un sous
contrôle des somites et l’autre du système vasculaire. En raison de
ces origines embryologiques particulières, le sphincter urétral cons-
titue un modèle tout à fait original pour l’étude des cellules satelli-
tes.
Mais ces résultats permettent avant tout de fournir une explication
biologique à certains types d’insuffisance sphinctérienne post trau-
matique qui peuvent désormais être interprétés comme une incapa-
cité des cellules satellites sphinctériennes à assurer une régénéra-
tion efficace. Les raisons de cette défaillance restent à déterminer
en fonction de l’étiologie, mais la mise en évidence d’un processus
de régénération myogénique standard apporte de nouvelles per-
spectives de traitement de l’insuffisance sphinctérienne. Ceux-ci
pourraient être basés sur l’injection intra sphinctérienne de facteurs
de croissance connus pour stimuler électivement les cellules satel-
lites ou bien le transfert de cellules satellites périphériques vers le
sphincter urétral. A cette fin, nous avons précédemment montré à
l’aide d’un modèle de lésion sphinctérienne transitoire que des cel-
lules satellites provenant de muscles périphériques pouvaient s’in-
tégrer aux fibres sphinctériennes en cours de régénération [55].
PROBLEMATIQUE GENERALE DE LA GREFFE
DE CELLULES PRECURSEUR MUSCULAIRE
Il a été démontré que la majorité des cpm injectées dans un muscle
disparaissent au cours de la première heure, par ischémie, puis
secondairement, vers la dixième heure, en raison de la réaction
inflammatoire qu’elles engendrent [4, 44]. Au total, moins de 3%
des cpm ont un réel potentiel myogénique in vivo, alors qu’in vitro,
R. Yiou et coll., Progrès en Urologie (2004), 14, 93-99
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