b) Réinterroger la notion de patrimoine
Le « monument moderne » ce « nouveau patrimoine » est au cœur de nombreux débats. En effet, le
patrimoine du XXème siècle, réinterroge profondément la notion même de patrimoine. Doit-on, peut-on
classer ce patrimoine, encore si jeune ? Les termes « patrimoine », et « monument historique » sont
apparus après la Révolution Française .Néanmoins, pendant de nombreuses années le « patrimoine » est
assimilé à : « ce qui est transmis à une personne, à une collectivité par les ancêtres, les générations
précédentes.» (Rey, 1992)14. En 1964 avec notamment la Charte de Venise la notion de patrimoine
évolue: « chargée d’un message spirituel du passé, les œuvres monumentales des peuples demeurent
dans la vie présente le témoignage vivant de leur tradition séculaire. »15Dans son ouvrage « L’allégorie
du patrimoine »16, Françoise Choay, a mis en relation l’histoire, l’architecture et la sociologie. Elle
associe les notions de patrimoine à des notions de mémoire, d’identité, d’usages sociaux, de
reconnaissance, etc. La dimension symbolique et humaine du patrimoine est alors mise en avant, « On
ne s’intéresse plus aux objets mais aux sujets et aux usages sociaux du patrimoine » (Amougou, 2004) 17.
Certains grands ensembles, en plus de leurs qualités architecturales, possèdent bien souvent un
patrimoine mémoriel, social, important. Bien entendu, toute l’architecture du XXème siècle ne doit pas
être conservée et protégée. Se trouve alors la difficulté des critères de classement et protection. Doivent-
ils être simplement esthétiques et architecturaux ? La notion de mémoire et de patrimoine culturel ne
doivent-ils pas être pris en considération ? Aujourd’hui seulement 2,5% des bâtiments protégés au titre
des Monuments Historiques datent du XXème siècle. « Sur ces 2,5%, 40% concernent des réalisations
antérieures à 1914 et moins de 10% portent sur des constructions postérieures à 1945 » (Barré, 2006)18.
Plus que le patrimoine du XXème siècle c’est l’architecture sociale qui pose question. Ce sont ces tours
ces barres, cette architecture controversés, stigmatisés qui sont les plus en danger (Cailliau, Kiseleva,
2012)19. Ce sont aussi des bâtiments habités, ou parfois la notion de patrimoine n’est pas partagée par
ceux qui y vivent au quotidien (Bossuet, 2005)20. La production architecturale du XXème soufre avant
tout d’un manque de reconnaissance et de légitimité du grand public.
« Le XXe siècle doit refonder les valeurs patrimoniales. (…)Hormis quelques grands projets de la
puissance publique, le patrimoine du quotidien, le patrimoine social et le petit patrimoine deviennent
prégnants. (…)Ce qui accède le plus naturellement au patrimoine est ce qui n’a plus d’usage, et plus
encore ce qui n’en a jamais eu de fonctionnel. Le meilleur exemple étant, selon moi, celui de ces
bâtiments d’un seul niveau à 35 mètres de hauteur sous plafond, je veux parler des cathédrales. On
pourrait aussi ajouter que c’est aussi ce qui n’a plus d’âge. Il faut laisser vieillir les contemporains
d’aujourd’hui pour qu’il devienne patrimoine visible » (Barré, 206)21.
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(14) Alain Rey (Dir), « Le Robert, dictionnaire historique de la langue française », Paris, Le Robert, 1992, p1452
(15) II congrès international des architectes et des techniques des monuments historiques, Charte de Venise, 1964
(16) Françoise Choay, « l’allégorie du patrimoine », Seuil, la couleur des idées, 2007
(17) Emmanuel Amougou, « La Question patrimoniale : de la patrimonialisation à l'examen des situations concrètes »,
L’Harmattan, Paris, 2004, p187
(18) François Barré, « Architectures et patrimoine du XXème siècle, de l’indifférence a la reconnaissance », colloque :
Architecture du XXème siècle et politiques patrimoniales publiques, St Nazaire, 2006
(19) Agnès Cailliau et Tatiana Kiseleva (de DOCOMOMO France), « Soldes d’été du patrimoine architectural du
XXème siècle », D’a, 22/07/2012
(20) Luc Bossuet, « Habiter le patrimoine au quotidien, selon quelles conceptions et pour quels usages ?, Presses
universitaires de Rennes », 2005
(21) François, Barré, « Architectures et patrimoine du XXème siècle, de l’indifférence a la reconnaissance », colloque :
Architecture du XXème siècle et politiques patrimoniales publiques, St Nazaire, 2006