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le épilepsie soit ignorée ou mal inter-
prétée.
Des images d’orage ou de court-circuit
dans le cerveau représentent assez bien
ce qui se passe lorsd’une crise d’épilep-
sie: des cellules nerveuses se déchargent
de manièreincontrôlée,ce qui dérange
le fonctionnement du cerveau. Généra-
lement on ne parle d’épilepsie qu’après
deux crises survenues à un intervalle de
plus de 24 heures sans déclencheur
connu.
Des crises difficiles à identifier
La dame dont il a été question ci-des-
sus avait probablement des crises lé-
gères avant son status. Mais s’il n’y a
pas d’observateur attentif présent, ces
crises demeurent invisibles. Chez les
personnes âgées,les crises focales avec
des troubles de la conscience sont les
plus fréquentes.Les personnes concer-
nées semblent alors lointaines et com-
me en transe. Parfois elles effectuent
des mouvements involontaires. Ces au-
tomatismes touchent souvent le visage
ou les bras,il s’agit par exemple de cli-
gnements,de mastication ou de tripo-
tage des vêtements. Des déclarations
inadéquates ou des questions stéréo-
typées – comme demander une sau-
cisse au curry – font également partie
de la crise. Celle-ci est d’autant plus dif-
ficile à déceler lorsque de tels automa-
tismes n’apparaissent pas. La plupart
du temps, la crise disparaît au bout de
deux minutes et la personne concernée
est à nouveau lucide,sans souvenir de
ce qui s’est passé.
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L’épilepsie à l’âge avancé
La vieille dame parraissait confuse. Elle
tripotait sans arrêt ses vêtements et de-
manda soudain une saucisse au curry –
alorsqu’elle était connue comme végé-
tarienne convaincue. Elle ne réagit pas
aux commentaires étonnés. Quelque
chose n’allait pas.
La chance l’a servie dans la malchance:
l’infirmièrequi s’occupait d’elle appela
un médecin en lui faisant part de ses
suspicions.Un EEG vient confirmer les
soupçons: il s’agissait effectivement
d’un état épileptique, une attaque épi-
leptique durable.
Cette histoire est en partie fictive, mais
réaliste – et arrive plus souvent qu’on
ne le croit. Chez les personnes âgées
en particulier, un état épileptique sur-
vient assez souvent sans convulsions,
c’est-à-dire sans les crampes caracté-
ristiques que nous associons à une cri-
se. Mais même si la crise ne survient
pas de manière dramatique, un état
épileptique non convulsif est une ur-
gence qui doit être prise au sérieux.
Des personnes qui ne bénéficient pas
d’un accompagnement de qualité ont
déjà été hospitalisées en psychiatrie.
Et même dans les soins aigus il peut
arriver que l’apparition d’une nouvel-
Plus de la moitié des cas d’épilepsie apparaissent chez les personnes
âgées. Les infirmières peuvent contribuer de manière décisive à reconnaître
cette maladie généralement traitée avec succès.
Texte: Julia Franke / Photos: Deutsches Epilepsiemuseum Kork
Comme ce retour à la réalité peut durer
jusqu’à 24 heures chez les personnes
âgées,il est possible de confondreépi-
lepsie et démence.Si personne ne re-
marque la crise et l’interprète correc-
tement, les proches ou les soignants
perçoivent avant tout la confusion et les
trous de mémoireplus fréquents et les
interprètent de manièreerronée.
Le risque de se tromper est d’autant plus
grand lorsqu’on est en présence d’autres
maladies,telles que troubles du rythme
cardiaque ou diabète. Même les neuro-
logues ont parfois de la peine,en cas de
chute, à attribuer celle-ci à une crise épi-
leptique ou à une syncope. Lorsque des
paralysies surviennent ou s’aggravent
chez un patient après un AVC, on sup-
pose généralement qu’un second AVC
est survenu, alorsque c’est peut-être
l’épilepsie qui est en cause.
Al’âge avancé, les crises d’épilepsie
peuvent être toniques-cloniques, elles
sont connues sous le terme de «Grand
mal» avec chute, crampes, morsure de la
langue et convulsions. Mais ces crises,
que même un profane sait reconnaître,
ne se produisent que pour un quart des
patients épileptiques âgés. Cela est dû
au fait que l’épilepsie chez les personnes
âgées est la plupart du temps focale,
Une observation
attentive s’impose
Pratique des soins
Julia Franke,Dr. phil., est secrétaire
générale de la Ligue suisse contre
l’épilepsie. Contact: [email protected]
L’auteur
«Plus de la moitié
des épilepsies débutent
après 65 ans.»
5555
www.sbk-asi.ch >Epilepsie >Gériatrie >Rôle infirmier
c’est-à-dire que seule une partie du cer-
veau est touchée. Le «court-circuit» ne
touche que rarement l’ensemble du cer-
veau, produisant alors les crampes et
convulsions que l’on connaît.
Plus fréquent que chez les enfants
Des cas isolés? Pas du tout. Beaucoup de
gens pensent que l’épilepsie est une ma-
ladie qui touche avant tout les enfants et
les jeunes. Mais depuis que nous deve-
nons de plus en plus âgés, l’épilepsie
devient elle aussi une maladie de la
vieillesse: actuellement, l’épilepsie sur-
vient plus souvent après 65 ans qu’au
coursdes 20premières années. L’épilep-
sie figureen troisième place des mala-
dies du système nerveux à l’âge avancé,
après la démence et les accidents vascu-
laires cérébraux. Chez près de 150 per-
sonnes de plus de 75 ans sur 100 000,
l’épilepsie se déclare après 75 ans.
Dans un cas sur deux, des problèmes
d’irrigation du cerveau sont en cause.
Blessures à la tête,tumeurscérébrales,
maladies de la démence, abus d’alcool
ou de médicaments ou encoreinflam-
mations sont d’autres causes possibles.
Il se peut aussi que certaines personnes
âgées réagissent à des médicaments par
des crises – il faudrait y songer lorsque
les patients prennent des antibiotiques,
des antiarythmiques, des neurolepti-
ques,certains cytostatiques, du Trama-
dol, de l’aminophylline,des anthelmin-
tiques et en cas d’anesthésie. En outre,
la cause demeureinconnue pour une
partie des cas.
Un électroencéphalogramme (EEG) est
utile pour établir le diagnostic. Celui-ci
n’est toutefois sûr que lorsque l’activité
cérébrale pendant une crise peut être
observée sur une longue durée. Des ob-
servations précises au moment de la cri-
se,par exemple par des soignants,sont
d’une grande utilité. Avec l’accord du
Le plus connu des saints patrons des épileptiques est Saint-Valentin, lui-même atteint
de la maladie.
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Recherche, aide, information
Ligue contre l‘épilepsie
Depuis 1931, la Ligue suisse contre
l’épilepsie apporte son soutien aux pro-
fessionnels et aux personnes concer-
nées dans toute la Suisse.La section
suisse est également membre de la
Ligue internationale contrel’épilepsie
(International League Against Epilepsy
ILAE). L’objectif de ces ligues est d’amé-
liorer durablement le quotidien des per-
sonnes concernées par l’épilepsie et
leur situation au sein de la société.
La Ligue contrel’épilepsie cherche à
promouvoir la recherche par un prix
«Chez les personnes
plus âgées, les crises
d’épilepsie surviennent
souvent sans crampes.»
ainsi que par sa revue spécialisée, elle
répond aux questions de profession-
nels et de profanes et organise réguliè-
rement des manifestations sur le thè-
me de l’épilepsie dans toute la Suisse.
Elle s’efforce également d’informer le
public au sujet de l’épilepsie et contri-
bue à réduireles préjugés.
Vous trouverez de plus amples informations
sur l’épilepsie et la Ligue suisse contrel’épi-
lepsie sur www.epi.ch. Des publications peu-
vent y êtretéléchargées ou commandées.
Pratique des soins
56 Krankenpflege ISoins infirmiers ICure infermieristiche 4/2016
En Suisse, quelque 70 000 personnes,
dont environ 15000 enfants, sont at-
teintes d’épilepsie, une maladie neuro-
logique chronique. Deux tiers de ces
personnes peuvent être soignées par
voie médicamenteuse. Pour un tiers
d’entre elles, l’épi-
lepsie est difficile à
traiter.
Les tentatives de trai-
ter les crises d’épi-
lepsie et l’épilepsie
remontent à la nuit
des temps. La méde-
cine a tout d’abord
tenté de soigner la
maladie par la diété-
tique, avec des règles alimentaires
strictes et une gymnastique thérapeu-
tique. AuMoyen Age, on recourut éga-
lement aux prières, au jeûne, aux sacri-
fices, aux pèlerinages et à l’exorcisme.
L’oxyde de zinc,le nitrate d’argent, le
mercure,le bismuth et l’étain étaient
également utilisés. Au 19ème siècle,le
brome et le phenobarbital étaient con-
sidérés comme anti-épileptiques.
L’intervention chirurgicale n’est pas
non plus une invention des temps mo-
dernes.Des trépanations étaient déjà
effectuées occasionnellement sur des
malades épileptiques. L’ouverture arti-
ficielle de la boîte crânienne devait
permettreaux démons de la maladie,
aux vapeurs toxiques ou aux «sub-
stances malades» de s’échapper. A
l’époque du Troisième Reich, l’épilep-
sie fut considérée (à tort) comme héré-
ditaire par des médecins obsédés par la
purification de la race.
Il y a eu de nombreux épileptiques
célèbres – Socrate, César, Napoléon et
Dostoïevski, van Gogh, Lénine ainsi
que l’actrice Margot Hemingway.Le
thème de l’épilepsie revient ainsi régu-
lièrement dans la littératureet dans
des représentations artistiques de dif-
férentes époques. (ul)
Source: www.epilepsiemuseum.com
Aspects historiques
Diète et
trépanation
patient, des proches ou des soignants
peuvent éventuellement essayer de fil-
mer une crise avec leur portable.
Médicaments utiles – en général
Une bonne nouvelle maintenant: à l’âge
avancé, l’épilepsie généralement peut être
bien soignée. La plupart des nombreux
antiépileptiques disponibles permettent
de stopper les crises. Cependant, trouver
le bon médicament reste un défi, car
beaucoup de personnes concernées doi-
vent lutter contre les effets secondaires.
Comme le métabolisme fonctionne plus
lentement avec l’âge, la moitié de la dose
généralement administrée aux jeunes
adultes suffit.
Il s’agit également de tenir compte des in-
teractions lorsque les patients prennent
plusieurs médicaments, ce qui est géné-
ralement le cas chez les personnes âgées.
Dans des cas extrêmes, une intoxication
ou une perte d’efficacité peut survenir.
Un exemple particulièrement délicat est
l’interaction entre d’ «anciens» antiépi-
leptiques tels que la phenytoïne ou la
carbamazepine avec l’anticoagulant Mar-
coumar: comme ces produits se repous-
sent mutuellement lors de la fixation des
protéines dans le flux sanguin, l’effet de
cette combinaison est imprévisible et
donc dangereuse.C’est là une des raisons
pour lesquelles ces anciennes substances
ne sont plus que rarement prescrites.
Mais il existe également de nouvelles
substances que les médecins ne recom-
mandent pas aux patients,par exemple
l’Oxcarpazepine.De nouveaux médica-
ments sont bien tolérés, tels que la Lamo-
trigine ou le Lévétiracetam.
Même si personne n’apprécie de devoir
prendre pour le restant de ses jours plu-
sieurs médicaments (supplémentaires),
c’est souvent un moindre mal pour des
personnes âgées souffrant d’épilepsie.
C’est très probablement leur seule chan-
ce de ne plus avoir de crises.
Les crises ne sont pas seulement ef-
frayantes, mais également dangereuses:
en dehors de l’état épileptique mention-
né au début de cet article, une épilepsie
non traitée implique toujours un risque
accru de chutes qui peuvent occasion-
ner, chez des personnes âgées, des bles-
sures ou des fractures osseuses aux con-
séquences lourdes. A l’inverse, à trop
haute dose, les médicaments peuvent
être source d’une démarche incertaine,
ce qui accroît à nouveau le risque de
chute. Une raison de plus d’augmenter
lentement et avec précaution les médi-
caments.
Dosage important
La prise régulièredes médicaments
constitue un autre défi. Les dosettes, qui
permettent aux patients de voir immé-
diatement si elles ont déjà pris leurs
pilules, ne sont pas utiles uniquement
pour les personnes distraites ou dé-
mentes. Une personne concernée racon-
te qu’elle était devenue un peu plus
souple avec ses médicaments au bout
d’un moment, parce qu’elle se sentait
bien. Peu de temps après, elle est tom-
bée «comme un arbre mort» sur la route
et n’a plus osé sortir de chez elle pen-
dant quelque temps.
Si le choix et le dosage des médicaments
aété judicieux et que la personne
concernée les prend régulièrement,
l’épilepsie n’affecte que peu la qualité
de vie. Les seniors actifs peuvent conti-
nuer à voyager et pratiquer du sport si la
planification est adéquate. Les person-
nes autonomes peuvent continuer à
vivre comme avant – pour autant qu’el-
les aient de la chance et soient entourées
d’observateurs attentifs, même après
une crise d’épilepsie.
«L’épilepsie peut être
confondue avec une
démence, et les crises
avec un AVC.»
Suspicion d’épilepsie
àl‘âge avancé
• Des signes avant-coureurs de
la crise ou de l’épisode ont-ils
été observés?
Description de la crise, dans
la mesure du possible
• La crise/l’épisode est-elle/il sur-
venue/u plus d’une d’une fois?
• Troubles du rythme cardiaque?
• Diabète?
• Démence?
• Autres maladies?
• Médicaments?
Checklist
Lorsqu’on est confronté pour la premiè-
re fois à une crise d’épilepsie, on risque
d’être stressé ou paniqué. Et c’est le
contraire qui doit se passer. Tabe Rama-
dani, aide-soignante à l’EMS de Zollikon,
en a fait l’expérience et a suivi l’an der-
nier une formation complémentaire pro-
posée par la Ligue suisse contre l’épi-
lepsie.Elle affirme qu’il est essentiel de
garder son calme. Aux premiers sym-
ptômes,il faut coucher la personne con-
cernée sur un lit, un canapé ou sur le sol.
Il s’agit ensuite d’éliminer tous les objets
dangereux, par exemple des ciseaux et
enlever les lunettes.La tête doit êtrepro-
tégée par des coussins et la personne doit
êtrepositionnée sur le côté de manière
stable.Cela permet d’assurer que les
voies respiratoires sont libres et que la sa-
liveou les vomissures ne pénètrent pas
dans la trachée et les poumons.
Différentes formes
Les crises d’épilepsie peuvent se mani-
fester de différentes façons – par des
mouvements (contractions,tremble-
ments, rigidification de la musculature),
des troubles sensoriels (picotements,
engourdissements, impressions audi-
tives ou visuelles), des signes végétatifs
(p.ex. rougeur du visage, lèvres bleues,
salivation, manifestations intestinales,
énurésie) ou des modifications psy-
chiques (peur,troubles de la mémoire,
perte de conscience). Ces manifesta-
tions sont souvent combinées – par
exemple rigidité, contractions, saliva-
tion et perte de conscience lorsque sur-
vient le «Grand mal».
La crise la plus longue à laquelle a assis-
té Tabe Ramadani a duré 20 minutes. Il
ne faut pas s’éloigner lors d’une crise, dit-
elle: «il peut par exemple arriver que la
personne concernée se morde la langue».
Souvent l’entourage essaie avec les
meilleures intentions du monde de glis-
ser un objet entre les dents de la per-
sonne en crise afin d’éviter qu’elle ne se
morde la langue.Mais en règle générale
cela ne marche pas et les dégâts sont plus
importants que les bienfaits.
Empêcher les chutes
Actuellement, l’EMS accueille un résident
avec un diagnostic d’épilepsie dans cha-
cune de ses deux unités, tous deux
stables et avec une médication appro-
priée.«Pour assurer la sécurité des rési-
dents souffrant d’épilepsie,les mêmes di-
rectives que pour les résidents à risque de
chute sont valables» explique Sonja Bau-
mann, responsable des soins à l’EMS de
Zollikon. Il faut des auxiliaires de marche,
de bonnes chaussures et un lit positionné
le plus bas possible. La contention phy-
sique n’est pas utilisée. Quant aux panta-
lons anti-chute, ils sont mal-aimés et sou-
vent refusés par les résidents.
Sonja Baumann s’engage pour que les
soignants dans les institutions de longue
durée utilisent des instruments permet-
tant de faire la distinction entre les pertes
de conscience liées à l’épilepsie et celles
liées à d’autres maladies.Elle sait d’expé-
rience que l’épilepsie à l’âge avancé est
généralement sous-estimée.En cas de
suspicion, un diagnostic clair est indis-
pensable.En effet, des crises d’épilepsie
peuvent passer inaperçues chez les per-
sonnes âgées, par exemple lorsque quel-
qu’un paraît «simplement» absent à
table. La distinction avec les symptômes
d’une dépression, de démence ou juste
un «mauvais jour» est très difficile.
Le traitement des personnes âgées avec
des antiépileptiques est souvent efficace,
mais exigeant: «C’est pourquoi il est im-
portant que les médicaments soient pré-
parés par des infirmières diplômées et
administrés à heureprécise en leur pré-
sence». Les résidents concernés de l’EMS
ne sont pas atteints sur le plan cognitif,
ce qui leur permet de comprendrepour-
quoi ils doivent prendredes médica-
ments».
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Tabe Ramadani a de l’expérience avec les personnes souffrant d’épilepsie.
Gestion des crises d’épilepsie
«Garder son calme»
Pour être en mesure de distinguer l’épilepsie d’autres maladies, des formations
complémentaires spécifiques sont nécessaires. Deux collaboratrices de l’EMS de
Zollikon parlent de leurs expériences.
Texte et photo: Urs Lüthi
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