Une lettre de la Région sanitaire de Winnipeg
Arlene Wilgosh, présidente-directrice générale
Un membre de la famille, la mère ou le père
peut-être, reçoit un diagnostic de maladie
d’Alzheimer ou de démence présénile. Au
début, ses proches en prennent soin à la maison,
convaincus que la personne atteinte se sentira
mieux dans un décor familier.
Éventuellement, toutefois, on se rend bien
compte que l’être cher a besoin du genre de
soins qui, souvent, ne sont prodigués que dans
un foyer de soins de longue durée.
C’est une histoire de plus en plus courante
dans la région sanitaire de Winnipeg (RSW).
Les 39 foyers de soins personnels de la ville
hébergent plus ou moins 6 000 personnes. Bon
nombre des résidents de ces établissements
souffrent d’Alzheimer ou de démence.
Les familles des résidents comptent sur
le personnel de ces établissements, qu’ils
soient détenus et gérés par la RSW ou par
un partenaire du secteur privé, pour prendre
soin de leurs proches. Évidemment, s’occuper
de gens aussi vulnérables est une énorme
responsabilité, une tâche difficile, bien sûr,
mais qui réserve aussi son lot de récompenses.
Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion
de découvrir tous les défis liés à un tel travail
en tant que directrice des services de soins
aux patients du Centre de soins Kildonan. À
l’époque, un certain nombre de nos résidents
nécessitaient une attention particulière en
raison de la maladie d’Alzheimer ou d’une
forme de démence.
Comme on peut le constater en lisant
l’article présenté à la page 24 du présent
numéro du Courant, il n’est pas toujours facile
de dispenser des soins à ces résidents. De
nombreux résidents ont des « comportements
difficiles », pour reprendre la terminologie des
fournisseurs de soins de santé. Comme on le lit
dans ce reportage : « Ils sont souvent confus,
désorientés et anxieux. Certains résidents
peuvent se montrer agressifs, ce qui peut être
dangereux pour eux-mêmes, le personnel et
les autres. »
Les membres du personnel soignant des
établissements de soins de longue durée
nord-américains emploient différentes
approches pour s’occuper de leurs résidents.
Ils recourent parfois aux antipsychotiques,
comme la rispéridone et la quétiapine,
pour calmer un résident agité. Ce n’est pas
la meilleure façon de faire. Même si une
ordonnance d’un médecin est obligatoire pour
administrer des médicaments dans les foyers
de soins personnels, les professionnels de la
santé savent bien qu’il existe un problème
à cet égard. D’abord, les antipsychotiques
peuvent avoir des effets secondaires, dont un
risque accru de crise cardiaque et d’accident
cérébrovasculaire. Cela n’est assurément pas
une bonne chose pour les résidents concernés.
Nous nous devons donc de répondre
à cette importante interrogation : Si les
médicaments ne sont pas la solution, que
faire? Comment pouvons-nous, dans la RSW,
aider les soignants des établissements de soins
de longue durée à mieux soigner les résidents
atteints de la maladie d’Alzheimer ou de
démence?
Je crois que nous détenons heureusement
une partie de la réponse ici même à Winnipeg
grâce aux recherches de Cynthia Sinclair et Joe
Puchniak.
À titre de dirigeants du Programme de maison
d’accueil pour personnes âgées, il y a longtemps
que Mme Sinclair et M. Puchniak cherchent des
moyens d’améliorer les soins prodigués aux
résidents des maisons d’accueil pour personnes
âgées. C’est pourquoi, il y a un peu plus d’un
an, ils ont entrepris un projet de recherche pour
étudier l’administration des médicaments dans
les établissements de soins de longue durée
et voir comment il serait possible d’en réduire
l’utilisation.
La possibilité qu’ils ont eue de puiser dans
l’ensemble minimal de données (EMD) de la
RSW a été un facteur clé de leur projet. Mise
à jour quatre fois l’an, cette base de données
contient de l’information sur les résidents
qui va de leur médication à leur capacité
cognitive.
En analysant ces données, Sinclair et
Puchniak ont constaté que certains foyers
de soins de longue durée de la RSW
affichaient une proportion plus élevée de
résidents prenant des médicaments que
d’autres établissements. Leurs recherches ont
également révélé que certains programmes,
dont le programme P.I.E.C.E.S., permettent
de diminuer le recours aux médicaments
chez les résidents des maisons d’accueil pour
personnes âgées.
Le programme P.I.E.C.E.S., qui intègre les
aspects Physiques, Intellectuels, Émotionnels,
les Capacités, l’Environnement et la dimension
Sociale, est un modèle relativement nouveau
de prestation des soins, en cours de
déploiement dans la RSW. Il ne rend pas les
médicaments entièrement superflus, mais il
permet aux soignants de faire preuve de plus
créativité dans le cadre de leur travail auprès
des résidents, transformant du même coup la
prise de médicaments en solution de dernier
recours.
Comme indiqué dans l’article, Mme
Sinclair et M. Puchniak ont tenu à confirmer
les conclusions de leur étude au foyer
pour personnes âgées Middlechurch Home
of Winnipeg, dont la direction souhaitait
administrer moins de médicaments à ses
résidents. En collaboration avec les principaux
membres du personnel de l’établissement,
Mme Sinclair et M. Puchniak ont mis au
point une variante du modèle P.I.E.C.E.S, afin
de l’adapter à Middlechurch, et ont préparé
des ateliers de formation à l’intention du
personnel de l’établissement. Les résultats
obtenus ont été très positifs. Au bout de six
mois, l’administration d’antipsychotiques
avait diminué de plus de 20 p. 100 parmi les
résidents de Middlechurch soumis à une telle
médication au début du projet.
Les travaux de Mme Sinclair et de M.
Puchniak sont déterminants pour la prestation
des soins aux résidents des maisons d’accueil
pour personnes âgées de Winnipeg comme
du pays dans son ensemble. Compte tenu du
vieillissement de la population canadienne,
le nombre de personnes atteintes de la
maladie d’Alzheimer ou de démence ne
cessera d’augmenter. Il nous incombe à
tous au sein du système de santé de voir à
dispenser aussi efficacement que possible des
soins de qualité.
C’est un objectif qui ne sera pas facile à
atteindre. Cela dépendra pour une bonne part
d’approches du genre de celle préconisée par
Mme Sinclair et M. Puchniak. Après avoir fait
les calculs requis, ils ont réussi à produire une
nouvelle formule de prestation plus efficace
des soins. Voilà à quoi tient le pouvoir de
l’innovation—une puissance qu’il nous faut
harnacher dans tous les domaines du secteur
de la santé.
Dans la foulée des travaux de Mme Sinclair
et de M. Puchniak, les membres du personnel
du foyer Middlechurch ont été habilités à
élaborer une nouvelle approche des soins
destinés aux personnes souffrant de maladies
dégénératives comme la maladie d’Alzheimer
et la démence, d’où une meilleure qualité de
vie pour les résidents. Ce faisant, ils ont aussi
pu répondre aux attentes des familles qui leur
avaient confié leurs proches. Rien n’est plus
gratifiant que ce sentiment d’accomplissement
pour ceux et celles qui travaillent sur la ligne
de front des soins de santé.
Le pouvoir de
l’innovation
C’est toujours une
histoire déchirante.
Janvier/février 2012 5