IUFM de l’Académie de Montpellier Site de Nîmes LA CONJUGAISON…AUTREMENT PASSE PRESENT FUTUR M. CATUOGNO Didier année 2000-2001 Directeur de mémoire : M. Maurer Assesseur : Melle Canat 0 1 RESUME Dans les écoles, la conjugaison est souvent une matière déconsidérée, tant par les élèves que par les enseignants. Comme justification, ces derniers s’accordent à dire que la matière est complexe et pleine d’irrégularités. Du fait de cette vision, les élèves n’abordent pas son apprentissage de façon motivée et les enseignants, faute de mieux, n’envisagent son enseignement qu’à travers la présentation d’une succession de verbes conjugués devant être appris par cœur. Dans ce contexte, il semble donc difficile de faire évoluer les conceptions des parties en présence. Néanmoins cela est impératif. La conjugaison est une discipline nécessaire à la maîtrise de la langue et nul ne doit la négliger, surtout compte tenu des difficultés que rencontrent les élèves. Certes, un changement des pratiques enseignantes nécessite du temps et les propositions faites dans ce mémoire ne sont qu’une pierre à l’édifice d’une grande réflexion didactique. Mais il est clair que seule une approche simple, raisonnée et pratique de la conjugaison peut faire ressurgir un intérêt pour la matière, tant chez les élèves que chez les enseignants . Mots-clés : conjugaison – conceptions - enseignement – didactique SUMMARY At school conjugation has often been discredited not only by the pupils but even sometimes by the teachers themselves, who as a justification, advance the argument that it is a complex subject full of irregularities. Because of this biased view the pupils are not enclined to start learning conjugation with enthusiasm and motivation. As for the teachers, for lack of anything better, they regard the subject as a series of tense structures to be learnt by heart. In such a context any evolution is hardly conceivable as regards the teachers or the pupils. But for all that, things must imperatively evolve. Conjugation is necessary to the mastery of language and must not be disregarded taking into account the difficulties the pupils have to face. Indeed a change in the teaching methods requires time and the suggestions made in this memoir are only a modest contribution to a larger didactic reflection. But it is obvious that only a simple reasoned and practical approach of conjugation may arouse a renewed interest for the subject among the pupils and the teachers as well. Keywords : conjugation - evolution - teaching methods 2 SOMMAIRE INTRODUCTION ………………………………………………………………….…4 . I – La conjugaison : une matière déconsidérée …………………………………….. 5 A- Une vision négative de la conjugaison chez les élèves ……….…………….... 5 1°) La conjugaison et les élèves : un rapport difficile …………………………...5 2°) La conjugaison : une utilité difficile à concevoir pour les élèves ………..…..6 B- Une action timide de la part des enseignants ……………………………...….8 1°) L’état de fait ……………………………………………………………….....8 2°) Des instructions officielles confuses……………………………………….....8 a) la maîtrise de la langue à l’école …...…………………………………9 b) les programmes de l’école primaire …………….. ……………………9 3°) Une pénurie d’ouvrages pédagogiques ……………………………...………10 II - Un enseignement peu motivant de la conjugaison ……………………..…....11 A - Le choix de la progression dans les apprentissages ……………………....….12 B - L’usage fait du tableau de conjugaison ………………...……………………..12 C - Des lois de formation des temps quelquefois gênantes ……………..………..14 III - Vers une nouvelle conception de la conjugaison……………..…...…………15 A - Donner du sens à l’apprentissage de la conjugaison ………………….……...15 B - Présenter la conjugaison simplement …………………..……………………...23 1°) une marginalisation des exceptions …………………..……………….….......24 2°) un usage ponctuel des groupes de verbes …………………..………...…..…..25 C- Engager une réelle réflexion didactique au niveau national ….………...……27 CONCLUSION …………………………………………………………………………...29 Bibliographie …………………………………………………………………...…………30 Annexes 3 INTRODUCTION « La conjugaison. 1- Action de conjuguer un verbe 2- Ensemble des formes que prennent les verbes selon les personnes, les temps, les modes, les voix, etc. Apprendre la conjugaison des verbes irréguliers » Par ces définitions de la conjugaison, tirées du Petit Larousse Illustré, le Professeur des Ecoles que je suis entre directement au cœur du sujet. La conjugaison se résumerait-elle à un apprentissage mécanique des formes verbales et notamment de celles des verbes irréguliers ? Ayant eu en charge une classe de CE2 l’année dernière, j’ai dû bien évidemment enseigner la conjugaison. Comme points de repères, je disposais d’éléments théoriques acquis durant l’année de préparation au concours, ainsi que d’éléments pratiques remontant à ma propre scolarité. A la fin de l’année scolaire, j’ai réalisé que, tout compte fait, je n’avais pas été très original dans ma façon d’enseigner la conjugaison. Dans le cadre de mon année de formation, et plus particulièrement du mémoire professionnel, j’ai donc décidé d’approfondir la question et de concevoir un ensemble de propositions permettant un enseignement raisonné et surtout motivant de la conjugaison. En effet, cette dernière suscite peu d’intérêt et beaucoup de rejets. Afin d’atteindre mon objectif, je suis parti de la réalité quotidienne des élèves et des enseignants. Dans les écoles, la conjugaison est une matière déconsidérée (I) à la fois par les élèves et les enseignants. Ce manque d’intérêt résulte principalement du type d’enseignement pratiqué (II) mais pas uniquement. Pour changer cet état de fait, j’ai donc réfléchi à diverses propositions qui prennent en considération les besoins de chacun : élèves et enseignants (III). 4 I - La conjugaison : une matière déconsidérée Le premier obstacle, et non des moindres, à l’enseignement de la conjugaison est le fait qu’à l’école, il s’agisse d’une matière déconsidérée. Déconsidérée par les élèves , pour toutes sortes de raisons énoncées ultérieurement dans cette partie, mais aussi par les enseignants ! A- Une vision négative de la conjugaison chez les élèves Quand nous parlons de conjugaison avec les enfants, que ce soit dans le cadre scolaire, ou en dehors, ces derniers ont toujours une certaine appréhension. Dans le cadre de mon étude, j’ai réalisé un sondage auprès d’élèves de cycle3 afin d’illustrer mes propos par des remarques, des ressentis. Après réflexion, j’ai décidé de poser deux questions : - Est ce que tu aimes faire de la conjugaison ? Pourquoi ? - A quoi sert la conjugaison ? Successivement, nous allons étudier les réponses à ces deux questions afin de tirer des conclusions sur les conceptions des élèves à propos de la conjugaison. 1°) La conjugaison et les élèves : un rapport difficile Lorsqu’on demande aux élèves s’ils aiment faire de la conjugaison, les réponses sont diverses. Analysons ces dernières, présentées de la plus fréquente à la moins fréquente. Je n’aime pas trop la conjugaison parce-que : - c’est dur , ce n’est pas facile (23) c’est un peu dur (22) c’est embêtant, c’est énervant (10) il faut apprendre tous les verbes (7) c’est difficile à comprendre (5) J’aime bien faire de la conjugaison parce que : - c’est facile (14) - c’est intéressant (7) 5 - on apprend plein de choses et c’est particulier (5) - c’est intéressant de faire les terminaisons (2) - c’est amusant quand on les récite (1) Pour les élèves la conjugaison est souvent un exercice formel, difficile, et pourtant nécessaire. Cette idée n’est pas le fruit du pur hasard. Il est possible de trouver deux causes majeures à cette vison. La première est la façon dont leur est enseignée la conjugaison, leur propre vécu d’élève. Et la seconde est le vécu de leurs parents qui, encore plus qu’eux, ont appris mécaniquement les conjugaisons des verbes sans réfléchir . Quand les élèves ont des difficultés en conjugaison, les attitudes des parents dans leur majorité traduisent bien cette idée. Certains élèves ont des réflexions du style « La conjugaison y’a rien à comprendre, il faut apprendre par cœur » « …c’est comme les tables de multiplication ». Toutefois, même si beaucoup d’élèves ont des difficultés, ils ont plus ou moins conscience de la nécessité de cet apprentissage. Alors justement, pour eux, à quoi sert l’apprentissage de la conjugaison ? Là aussi, la question leur a été posée. 2°) La conjugaison : une utilité difficile à concevoir pour les élèves Selon les élèves, la conjugaison sert : - à écrire comme il faut les verbes, à ne pas faire de fautes (53) - à savoir parler, à bien parler (11) - à nous apprendre savoir (10) - à écrire (9) 6 des choses pour le - pour notre vie, pour écrire et remplir certaines choses, pour avoir un métier (6) - à lire (3) - à avoir de bonnes notes et à passer en 6ème, en 5ème, en 4ème, en 3ème, au lycée et à passer le bac (3) - à savoir conjuguer les verbes qu’on connaît pas (2) Ces réponses montrent que, pour les élèves, l’utilité première de la conjugaison est de savoir écrire correctement les verbes. Certes, c’est la première chose qui vient à l’esprit, mais le fait est qu’on ne fait pas de la conjugaison pour le plaisir de faire de la conjugaison. Surtout que d’après la majorité des élèves, le plaisir n’y est pas. Seule une minorité d’élèves conçoit l’utilité de la conjugaison au delà du cadre scolaire, dans un cadre social beaucoup plus vaste. La connaissance de la conjugaison et de ses mécanismes est un outil qui permet de maîtriser la langue, d’être compris et de se faire comprendre. C’est ce qu’on peut déduire de ce que disent les élèves qui parlent de savoir lire, de savoir parler, de savoir écrire. A travers, le questionnaire que j’ai proposé aux élèves, le manque d’intérêt des élèves pour la conjugaison est donc flagrant. Cela est dû principalement au type d’enseignement proposé qui ne répond pas souvent à leurs besoins. Les enseignants ont donc un rôle primordial à jouer pour faire évoluer cette conception négative de la conjugaison. Oui mais voilà, comment faire ? B- Une action timide de la part des enseignants 7 Les enseignants sont conscients des difficultés de leurs élèves en conjugaison, mais ils ont du mal à changer leurs pratiques (1) d’autant plus que les Instructions Officielles sont confuses (2) et qu’il existe une carence d’ ouvrages pédagogiques sur la question de cet enseignement (3) 1°) L’état de fait Lorsqu’on interroge les enseignants du primaire sur la façon dont ils enseignent la conjugaison, beaucoup sont gênés d’en parler. Autant ils ont de nombreuses idées à la fois personnelles et théoriques en ce qui concerne la didactique des autres disciplines, autant la conjugaison leur pose un cas de conscience professionnel. La plupart d’entre eux estiment que la conjugaison française est compliquée et comporte beaucoup trop d’exceptions et d’irrégularités. De ce fait, ils ont des difficultés à concevoir son enseignement à travers des activités motivantes et novatrices. Ce dernier se résume alors souvent, pour les élèves, à un apprentissage mécanique des formes verbales, en dehors de toute réflexion sur la langue. Bien sûr, une telle résignation n’est pas acceptable et des enseignants tentent de trouver des solutions, mais nous allons voir que cela n’est pas facile. En effet, les professeurs des écoles sont confrontés, en la matière, à des instructions officielles confuses et à une carence d’ouvrages pédagogiques. 2°) Des instructions officielles confuses Pour les enseignants, deux documents sont des références: La Maîtrise de la Langue à l’école et les Programmes de l’Ecole Primaire de 1995. Voyons successivement comment ces derniers envisagent l’apprentissage de la conjugaison. a) la maîtrise de la langue à l’école 8 Dans la répartition des enseignements par cycle, pour chaque compétence, des exemples d’activités, de situations d’apprentissage sont proposés. En ce qui concerne, la conjugaison, la seule compétence qui s’y rapporte est : « se doter d’une langue écrite correcte et dotée d’une orthographe assurée » En regard, il est proposé : « approche analytique des difficultés (ou planification ou mise en mots). Problème :une fois que les enseignants ont analysé les difficultés des élèves, quel type d’apprentissage doivent-ils mettre en place ? Un élément de réponse apparaît plus loin dans le document. En effet, il est rappelé que : « méthodologiquement, le cycle 3 se différencie du cycle 2 par la place qu’y prennent les apprentissages réflexifs. La grammaire, le vocabulaire, l’orthographe, la conjugaison, en devenant plus assurés, permettent un meilleur contrôle des activités de lecture et d’écriture » […] Les activités réflexives (orthographe, vocabulaire, grammaire) ne sont pas traitées pour elles-mêmes. Cela ne signifie pas, bien au contraire, qu’elles ne doivent pas faire l’objet d’exercices et de progressions spécifiques….On se reportera aux programmes en vigueur et au tableau des compétences attendues en fin de cycle pour les mettre en œuvre. » « Les activités réflexives (orthographe, vocabulaire, grammaire) » , cela signifie –t-il que la conjugaison n’est pas une activité réflexive et qu’elle doit donc-être traitée pour elle-même ? b) les programmes de l’ école primaire Ces derniers apportent également peu d’éléments sur la façon d’enseigner la conjugaison. Il est juste dit ce qu’il ne faut pas faire : « Il s’agira pour l’élève, moins d’enregistrer mécaniquement la morphologie des conjugaisons que de s’initier à l’usage des temps et des modes et d’en appréhender progressivement la signification. » 9 En fait, ce qui ressort des documents La maîtrise de la langue à l’école et les programmes de l’ école primaire de 1995 , ce sont surtout des compétences à acquérir. Il n’est pas dit comment faire, mais comment ne pas faire. Face à cette situation, les enseignants doivent donc rechercher des solutions dans des ouvrages pédagogiques. Mais comme nous allons le voir, ces derniers sont rares et souvent peu novateurs. 3°) Une pénurie d’ouvrages pédagogiques Les ouvrages qui traitent spécifiquement et exclusivement de la conjugaison sont rares. Le plus souvent, en effet, la matière est abordée de façon succincte dans un ouvrage de grammaire. Si l’on prend par exemple le livre de Roberte Tomassone, "Pour enseigner la grammaire", une vingtaine de pages seulement sur trois cent quinze est consacrée à la conjugaison. Qui plus est, il ne s’agit pas d’une réflexion didactique mais théorique basée sur la forme et le sens des temps. Et c’est là le "défaut" de nombreux ouvrages qui ne répondent pas directement aux besoins des enseignants. Comme disaient déjà Jacqueline Pinchon et Bernard Coute(1), en 1981, "à lire les grammaires françaises ou les ouvrages consacrés au verbe, on s’apercevra que la description du système verbal y est traditionnelle. " Concrètement, il existe trois approches de la conjugaison. La première consiste à décrire de façon précise le verbe et ses formes, soit en considérant les groupes de verbes de la langue écrite (1er, 2ème, 3ème), soit en considérant ceux de la langue parlée, selon le nombre de radicaux du verbe (cf. J.DUBOIS in Grammaire de base). La seconde approche, adoptée par D.LEEMAN-BOUIX(2), plus complète, envisage une étude du verbe basée sur la forme mais aussi sur le sens. Mais ces deux approches n’aident pas vraiment les professeurs des écoles à concevoir leur enseignement. Elles restent dans le cadre d’une grammaire scolaire traditionnelle qui, d’après Emile Genouvrier et Claudine Gruwez, « nous apprend à considérer les choses de façon si atomisée, si morphologique, que pour beaucoup, le verbe est (1) (2) Le système verbal du français – J.PINCHON & B.COUTE Grammaire du verbe français – Des formes au sens – D.LEEMAN-BOUIX 10 immédiatement associé à des paradigmes de terminaisons récités imperturbablement et à des cases coincées dans l’espace d’une grille. »(1) En revanche, la troisième approche, plus didactique, est d’une utilité incontestable pour les enseignants. Il s’agit d’une approche pratique et simplifiée de la conjugaison dans l’optique d’applications pédagogiques. Les partisans de celle-ci proposent des activités directement réalisables en classe et n’hésitent pas, lorsque cela est nécessaire, à remettre en cause les bases de l’enseignement traditionnel de la conjugaison. Parmi ces auteurs, on peut citer Serge Meleuc et Nicole Fauchart(2) qui, à la suite d’une critique constructive de l’enseignement actuel de la conjugaison, proposent de véritables solutions aux enseignants démunis. Le problème est que lorsqu’on répertorie les ouvrages traitant de la conjugaison, rares sont ceux qui privilégient cette troisième approche. De ce fait, la majorité des enseignants reste sous l’influence d’une vision traditionnelle de la matière. Des élèves désintéressés, des professeurs des écoles démunis, des instructions officielles confuses, des ouvrages pédagogiques trop rares, tout cela aboutit forcément un enseignement peu motivant de la conjugaison. II Un enseignement peu motivant de la conjugaison Dans les écoles, l’enseignement de la conjugaison repose souvent sur trois points : - le choix de la progression dans les apprentissages - l’usage fait du tableau de conjugaison - les lois de formation des temps proposées aux élèves A- Le choix de la progression dans les apprentissages (1) (2) Grammaire pour enseigner le français – E.GENOUVRIER & C.GRUWEZ Didactique de la conjugaison – Le verbe autrement. S. MELEUC & N.FAUCHART 11 Comme pour les autres disciplines, les enseignants conçoivent leur progression en conjugaison sur l’année. Au cours du cycle, de l’année, il y a un certain nombre de temps, de modes et de verbes à étudier. Pour le cycle 3, il s’agit pour l’enfant, d’après les programmes de l’ école primaire de 1995 , d’être capable de : « Identifier et utiliser à bon escient les modes et les temps usuels des auxiliaires avoir et être, des verbes en –er (du type chanter et les particularités des verbes en –ger et –cer), des verbes en –ir, (du type finir) et des verbes faire, pouvoir, aller, venir, voir, prendre. Les programmes énoncent des objectifs et les enseignants sont libres d’organiser leurs apprentissages pour les atteindre. Toutefois, le plus souvent, ils suivent la progression dictée par le manuel qu’ils utilisent. De ce fait, les temps et les verbes sont étudiés les uns après les autres, sans tenir compte des besoins des élèves, sans aucun lien avec une activité de lecture ou d’écriture. Plus rare, mais toujours pratiquée, on observe aussi une étude de la conjugaison à travers un corpus de phrases n’ayant aucun lien entre elles. La conséquence première de cette étude décontextualisée est que les élèves ne comprennent pas toujours pourquoi ils apprennent tel temps à tel moment et de ce fait, leur motivation est moindre. B- L’usage fait du tableau de conjugaison Le tableau de conjugaison est souvent utilisé pour apprendre les formes des verbes. Pour les enseignants, il s’agit de faire en sorte que les élèves, pour un temps déterminé, connaissent les terminaisons des verbes du 1er, 2ème et 3ème groupe. Mais dans la plupart des cas, il s’agit d’un apprentissage réflexe qui ne permet aux élèves de mettre en œuvre leurs capacités de raisonnement sur la morphologie verbale. Ainsi, il n’est pas évident pour ces derniers de faire le lien entre le verbe appris et les autres verbes semblables qu’ils vont être amenés à utiliser en production écrite. 12 De plus, lorsqu’on parle de tableaux de conjugaison, il est obligatoire de dire un mot d’un ouvrage présent dans beaucoup de classes et dans tous les cartables d’élèves : Le Bescherelle, répertoire de verbes conjugués, éditions NATHAN Dans les années 80, il proposait plus de 10000 verbes conjugués et aujourd’hui, sur la couverture de cet ouvrage, on peut lire cette phrase : « L’assurance de trouver la totalité des verbes de la langue française. » Cet ouvrage contribue sans aucun doute à renforcer chez les élèves l’idée que la conjugaison française est complexe et pleine d’irrégularités : une quantité astronomique de formes verbales impossible à mémoriser. Il ne met pas en valeur les régularités morphologiques existant entre de nombreux verbes. De ce fait, pour les élèves, autant le dictionnaire est un accessoire, autant le Bescherelle est la référence. Pourtant, en réalité, les deux ouvrages ont les mêmes règles d’utilisation. Ils ne sont et ne doivent rester que des répertoires auxquels on a recours en cas de doute orthographique. Un répertoire de verbes conjugués doit être consulté "pour rechercher une forme verbale que l’on ne connaît pas ou pour vérifier une forme verbale que l’on construit mais pour laquelle on a cependant un doute" (1) . Il ne viendrait à personne l’idée d’apprendre par cœur l’orthographe de tous les mots contenus dans les dictionnaires, page par page. Pourtant comme je l’ai dit précédemment, pour de nombreux élèves, la conjugaison doit être apprise mécaniquement. Pour exemple, voici quelques propositions d’élèves pour apprendre la conjugaison : • • une télévision qui passe des verbes conjugués un casque qui fait rentrer dans la tête la conjugaison • des lunettes où il y a plein de phrases avec les réponses • inventer des lunettes et rentrer un CD, et chaque minute il y a un verbe conjugué (1) Didactique de la conjugaison. Le verbe autrement- Serge MEULEC & Nicole FAUCHART p.26-27 13 • fabriquer une machine à oreille puis après il connaîtrait la conjugaison par cœur • "la machine des sous-doués. Il devait marquer les terminaisons et si ils font plusieurs fautes, il la recopie 3 ou 4 fois et ils doivent l’apprendre" C- Des lois de formation des temps quelquefois gênantes Les élèves ont des difficultés à conjuguer des verbes similaires à ceux qu’ils ont appris dans un tableau de conjugaison. Alors, pour les aider, il existe des lois de formation des temps, simples à mémoriser. exemple : pour former le futur d’un verbe du 1er ou 2ème groupe, on prend l’infinitif et on ajoute les terminaisons du futur. Je finir ai nous finir ons Tu finir as vous finir ez Il/elle/on finir a ils/elles finir ont Néanmoins, ces lois peuvent quelquefois embrouiller les élèves par leur forme, en posant des problèmes de sens du temps étudié. exemple : pour trouver la forme d’un verbe à l’imparfait On prend son radical au présent de l’indicatif, à la 1 ère personne du pluriel et on ajoute les terminaisons de l’imparfait. PRENDRE Au présent de l’indicatif, cela fait : nous prenons On extrait le radical "pren" et on ajoute les terminaisons de l’imparfait Je pren ais nous pren ions Tu pren ais vous pren iez il/elle/ on pren ait ils/elles pren aient Une loi de formation comme celle-là peut perturber des élèves. L’imparfait est un temps du passé et comme je l’ai entendu de la bouche d’un élève: 14 « il est formé d’un bout du présent et d’un bout du passé ». Dans sa réflexion sur la forme et l’usage du temps, l’élève est donc perturbé. Une fois encore, la forme est privilégiée au détriment du sens. A travers cette partie ont été analysées diverses pratiques courantes dans les classes. Le but n’est pas tellement de porter un jugement sur celles-ci mais d’envisager le plus objectivement possible des propositions qui pourraient améliorer ces conditions d’enseignement et d’apprentissage de la conjugaison. III - Vers une nouvelle conception de la conjugaison. Nous avons vu quelles étaient les représentations de la conjugaison tant chez les élèves que chez les enseignants, et le type d’enseignement pratiqué dans les classes. Partant de cette vision d’ensemble, il est donc possible de proposer des évolutions afin de parvenir à une nouvelle conception de la conjugaison. Celles-ci peuvent s’articuler en trois points : - donner du sens à l’apprentissage de la conjugaison - présenter simplement la conjugaison - engager une réelle réflexion didactique au niveau national A– Donner du sens à l’apprentissage de la conjugaison Le manque de motivation des élèves en conjugaison résulte principalement du fait que son enseignement est décontextualisé et arrive le plus souvent comme "un cheveu sur la soupe". Il faut prendre conscience qu’il est possible de respecter le programme tout en donnant du sens à l’apprentissage de cette discipline. S’il estime avoir besoin d’apprendre un temps, un élève entrera plus facilement dans l’apprentissage que s’il n’en voit pas l’utilité. Bien sûr, il n’est pas évident de susciter le besoin et puis ce dernier ne sera pas toujours source de motivation. Pas toujours oui, mais souvent. Il convient donc de démontrer à l’élève l’ut ilité de cet apprentissage. 15 Durant un de mes stages, en CM1, j’ai été amené à aborder le passé-composé. Ce temps ,est fréquemment utilisé par les élèves et pourtant, peu d’entre eux maîtrisent sa formation. En production écrite, il était prévu d’aborder, avant la fin de l’année, le récit ; et une des compétences était de raconter un événement proche. J’ai donc décidé de lier ce type d’écrit avec l’étude du passé-composé. (cf. fiches de préparation annexe 1) Il a d’abord fallu leur faire prendre conscience de l’utilité de ce temps. Pour la première séance, mon objectif était de leur faire comprendre la valeur et la forme de ce temps. Pour ce faire, je leur ai demandé individuellement de me raconter en quelques lignes ce qu’ils avaient fait le matin, avant de venir à l’école. J’étais certain qu’ils emploieraient spontanément le passé-composé du fait de la proximité dans le temps de ces actions vécues. Voici les productions de quelques élèves : 16 17 Tous les élèves ont employé le passé-composé sauf un qui a employé un présent de généralité. 18 Une fois leur petit texte produit, je leur ai demandé de souligner tous les verbes qu’ils avaient conjugués. Puis, chacun m’a proposé l’un d’eux que j’ai écrit au tableau , ceci afin d’avoir un corpus de verbes (j’ai écrit correctement les verbes qu’ils me dictaient, ma séance étudiant essentiellement la forme et non l’orthographe). Durant cette phase, certains élèves ne m’ont donné que le participe passé du verbe en ne reconnaissant pas l’auxiliaire comme faisant partie de la forme verbale. Une fois le temps reconnu par d’autres élèves (le passé-composé), auxiliaire et participe passé m’ont été dicté. Les quelques verbes écrits au présent ou à l‘imparfait ont été rapidement écartés, une fois observé que la majorité des verbes conjugués étaient au passé-composé. Pour insister sur la valeur et l’utilisation de ce temps, j’ai alors demandé aux élèves pourquoi ils avaient utilisé le passé-composé. Les réponses tournées autour de deux idées : -« parce-que c’est du passé , parce que c’est passé » -« parce-que ça s’est passé y’a pas longtemps » Les élèves appréhendant bien l’emploi de ce temps, je décidais alors d’axer l’étude sur la forme. Les élèves ayant nommé ce temps, je leur ai demandé pourquoi on l’appelait le passécomposé. « Passé , c’est parce que c’est pour dire des choses passées » En revanche, le terme de composé n’a pas été évident pour eux. Ce n’est que lorsqu’ils ont cherché dans le dictionnaire le sens exact de ce mot, que l’évidence leur est apparue : « composé , parce-qu’il a deux morceaux ». Ainsi, petit à petit, en partant de leurs productions, on avait abordé le valeur et la forme du passé-composé. A ce stade de la séance, la motivation des élèves était importante car la réflexion portait sur leurs productions, basées sur leur vécu. 19 Dans leurs productions, les élèves avaient, de fait, beaucoup employé la première personne du singulier. Avant d’étudier plus précisément la morphologie des verbes conjugués, je leur ai donc distribué un poème de J.PREVERT « Déjeuner du matin » (cf.annexe 2) Ils ont eu pour tâche de souligner les verbes conjugués au passé-composé. Puis par une mise en commun, le corpus de verbes constitué précédemment a pu être enrichi, par d’autres, conjugués à la troisième personne du singulier. A alors suivi une phase d’observation et d’émission d’hypothèses sur la formation du passé-composé, les élèves échangeant leurs idées pendant que je restais en retrait. Voici quelques idées : è exemple : « C’est j’ ai mangé le verbe avoir plus le verbe à l’infinitif » « mais non, y’a pas -er à la fin de manger, c’est pas l’infinitif » à l’élève contestant la proposition a alors pris un exemple dans le poème. On dit « il est parti » et pas « il est partir » è « oui mais alors devant, on peut mettre avoir ou être ». è « et après on met -é ou -i à la fin des verbes » Après ces remarques, j’ai pris part à la discussion pour revenir sur ce qui avait été dit. J’ai écarté le problème infinitif/participe passé dans le but d’y revenir plus tard en orthographe. 20 Puis nous nous sommes interrogés sur le premier mot : avoir ou être. Il s’agit d’un verbe mais utilisé comme auxiliaire, il sert à former les temps composés. Au tableau, étaient écrits des verbes conjugués au passé-composé à la 1ère ou à la 3ème personne du singulier. J’ai retenu « j’ai mangé » et par changements successifs du pronom personnel, j’ai invité les élèves à trouver toute la conjugaison du verbe "manger" au passé-composé : j’ ai mangé tu as mangé il a mangé Ainsi présenté, les élèves ont immédiatement reconnu nous avons mangé l’auxiliaire "avoir" conjugué au présent. vous avez mangé ils ont mangé Par la suite , avec « je suis parti » , les élèves ont admis que l’auxiliaire « être » était aussi conjugué au présent. Restait alors à identifier les participes passés. Les élèves ne connaissant pas cette forme, je leur ai présentée. Une fois toute cette analyse menée par les élèves, ce sont eux qui ont eu à construire la trace écrite sur la formation du passé-composé. Ils sont arrivés à celle -ci : Le passé-composé sert à raconter des choses qui se sont passées il n’y a pas longtemps. Il se compose de deux mots : - l’auxiliaire (terme que j’ai "avoir" ou "être" au présent - le participe passé du verbe Ensuite ils ont écrit cette trace dans leur "classeur-outils". 21 rajouté) Pour clore cette séance, je leur ai proposé individuellement le texte ci-dessous, l’objectif étant de réinvestir ce qui venait d’être appris. La consigne était de souligner les verbes conjugués au passé-composé. Rencontre en forêt J'ai marché longtemps dans la forêt; il faisait beau. écureuil. Je me suis mis à l'observer discrètement. en branche. Je ne le voyais plus. En haut d'un arbre, j'ai vu un Il m'a aperçu, puis il a bondi de branche Alors j'ai continué ma promenade et je suis revenu jusqu'à la route. Sur 25 élèves, 21 ont réussi entièrement l’exercice. Les erreurs rencontrées ont été de trois types : F certains élèves n’ont souligné que le participe passé des verbes, oubliant ainsi d’inclure l’auxiliaire dans la forme verbale Fd’autres ont considéré que « à observer » était un passé-composé. Durant la correction, j’ai donc demandé à un des élèves qui avait fait cette erreur de venir au tableau pour expliquer. Là, en se référant à la règle encore écrite au tableau, il s’est rendu compte qu’"observer" était l’infinitif et pas le participe-passé du verbe "observer" et que de plus, il avait confondu à la préposition "à" avec le verbe "avoir" au présent, conjugué à la troisième personne du singulier. F un élève a souligné tous les verbes conjugués. Au moment de la correction, il a réalisé qu’il n’avait pas suivi la consigne, occultant une partie. Souligne les verbes conjugués [au passé-composé] Après cette séance, deux autres ont suivi (cf.annexe 1) et puis j’ai redistribué à chaque élève sa production initiale (non-corrigée). Chacun a dû corriger les verbes conjugués au passé-composé qu’ils pensaient erronés. Le résultat a été concluant (cf.annexe 3) Au cours de la séance analysée ci-dessus et des suivantes (cf.annexe 1) les élèves se sont impliqués dans la réflexion sur le passé-composé. L’apprentissage de ce temps a eu un sens pour eux. Il résultait d’un besoin qu’ils avaient pu découvrir en situation de 22 production écrite. De plus, le fait d’entamer la réflexion à partir de leurs écrits a augmenté leur motivation, qui n’aurait certainement pas été la même si l’on avait utilisé un texte d’auteur ou une série de phrases. Enfin, corriger sa production après avoir étudier la règle est encore un élément qui donne du sens à l’apprentissage. Cette idée est reprise par Serge MEULEC et Nicole FAUCHART (1) qui affirment qu’"il faut mettre la conjugaison en relation avec la réalité de l’expression, redonner un FOND à la forme, redonner du sens " Ecriture Recherche d’une solution pour la surmonter. Rencontre d’une difficulté Activité décrochée (lecture, grammaire, conjugaison…) Elaboration d’une solution Mise en œuvre de la solution et poursuite de l’activité Cette façon d’aborder la conjugaison est nécessaire à l’évolution des conceptions des élèves mais elle ne suffit pas à atténuer la complexité apparente de la discipline. Pour cela, un autre type de comportement doit être adopté. B– Présenter la conjugaison simplement La conjugaison, pour les élèves, comme pour la plupart des enseignants, est une discipline complexe, débordant d’exceptions et de cas particuliers. Toutefois, une présentation simple et claire des différents temps et modes doit amener les élèves à dégage r une certaine logique dans la construction des verbes. De plus, pour l’enseignant, une telle présentation permet de décomposer, voire d’éliminer, les difficultés que peut comporter l’étude de certains temps. Ainsi, son travail de préparation et de mise en œuvre des séances n’en sera que plus facile. Cette présentation repose sur deux postulats : - une marginalisation des exceptions - un usage ponctuel des groupes de verbes (1) Didactique de la conjugaison. Le verbe autrement- p.95 23 1°) Une marginalisation des exceptions La maîtrise de la conjugaison implique la connaissance des formes verbales que je qualifierai de « régulières », mais aussi d’un certain nombre de formes qui laissent apparaître quelques irrégularités : LES EXCEPTIONS. Si j’ai écrit ce terme en caractère gras, c’est que ces exceptions sont "au centre des apprentissages". Cette formule détournée peut choquer au premier abord, mais c’est un fait. Quand un nouveau temps est abordé, le principe de sa formation est aussitôt suivi d’exceptions. Bien souvent, on trouve dans des cahiers d’élèves des règles de la forme : Principe……………….. ATTENTION : - exception - exception - exception …………. Le résultat est que le soir, quand l’élève rentre chez lui et revoie sa leçon, il se souvient que le maître a dit qu’il fallait faire attention aux exceptions ; et quand il relit sa règle, les exceptions prennent plus de place sur la feuille que le principe. Ainsi, il a tendance à les apprendre par cœur et à ne pas retenir la règle générale, celle qui lui servira dans la majorité des cas. Cette pratique est fréquente, et moi-même, l’année dernière, dans ma classe, j’ai commis cette erreur. Pour bien faire, on veut que les élèves sachent tout, qu’ils connaissent toutes les irrégularités, tous les pièges de la conjugaison. Tout oui, mais pas forcément en même temps, le même jour. De plus, il ne faut pas trop mettre en valeur les exceptions. Il faut laisser le temps aux élèves de s’approprier la règle, le principe, puis leur faire découvrir qu’il existe quelques exceptions pour certains verbes. Dans le but d’une maîtrise rapide de la conjugaison, il est impératif de mettre l’accent sur les régularités. Par ailleurs, il est également nécessaire de remettre en question les groupes de verbes traditionnels au travers desquels sont étudiés les différents temps et modes. 24 2°) Un usage ponctuel des groupes de verbes L’ensemble des verbes de la Langue Française est constitué de trois groupes. Dans les écoles, ces derniers font l’objet d’une attention particulière lors de l’apprentissage de nouveaux temps ou modes. Le principe est que les verbes d’un même groupe ont la même forme pour un temps déterminé. Alors voyons un peu le détail de ces groupes : - le 1er est composé des verbes dont l’infinitif est en –er - le 2ème est composé des verbes dont l’infinitif est en –ir et le participe présent en –issant - le 3ème est composé de tous les autres verbes Je ne tiens pas ici à aborder le problème du 3ème groupe qui est à l’évidence un groupe fourre-tout, aux justifications lointaines(1), mais l’utilisation qui est faite en classe de ces trois groupes. Le plus souvent l’étude d’un temps respecte ces groupes. On traite par exemple de l’imparfait des verbes du 1er groupe, puis de celui des verbes du 2ème groupe, et enfin, de celui des verbes du 3ème groupe. Or, en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il n’y a pas toujours de raison valable pour cloisonner cet apprentissage. Et là encore, on revient à l’idée développée précédemment, à savoir qu’on ne met pas en évidence les régularités. Pour Emile Genouvrier et Claudine Gruwez, certains verbes ont des formes homologues et il faut avoir le souci de "rapprocher le semblable" dès qu’il existe(2). Dans tous les cas, sauf au présent de l’indicatif, les verbes du 2ème et le 3ème groupe peuvent donc être fondus dans un même groupe. Durant un autre de mes stages, cette fois en CM2, j’ai dû traiter du passé simple. A un certain moment de la leçon, les élèves ont eu à classer différents verbes conjugués au passé simple(cf annexe 4), le but était pour moi qu’ils arrivent (1) (2) Grammaire structurale du français. Le verbe – J.Dubois p.56/57 Grammaire pour enseigner le français à l’école élémentaire – E.Genouvrier & C.Gruwez p.144 25 à dégager les terminaisons de ce temps. Et bien tous, ont opéré un classement selon le groupe du verbe. Une fois écrit au tableau, j’ai demandé aux élèves d’observer ce classement et de tirer des conclusions quant aux terminaisons du passé simple. Ils ont abouti à cela : 1er groupe 2ème groupe 3ème groupe -ai -is - is - ins - us -as - is - is - ins - us -a - it - it - int - ut -âmes -îmes - îmes -înmes - ûmes - âtes - îtes -îtes - întes - ûtes - èrent -îrent - îrent - inrent -urent Je leur ai alors fait remarqué que les verbes du 2ème groupe avaient les mêmes terminaisons que certains du 3ème groupe. Un élève a proposé de regrouper 2ème et 3ème groupe mais à cet instant, des protestations ont été émises par d’autres : « on ne peut pas mélanger les groupes de verbes ! ». Pour eux, l’idée de réunir 2ème et 3ème groupe, alors que depuis "toujours" ils faisaient la distinction, était inconcevable. Et puis finalement, après une brève discussion, les élèves ont accepté cette réunion, convaincus de la simplification ainsi apportée à la règle. Cet exemple montre combien chez les élèves la séparation des verbes en trois groupes est profondément ancrée. Il ne s’agit donc pas de nier ce qu’ils ont appris jusque là mais plutôt de les sensibiliser à une autre approche qui permet de simplifier l’apprentissage de la conjugaison. 26 Donner du sens à l’apprentissage de la conjugaison, adopter un présentation simple et claire de la discipline, ses deux propositions peuvent sans aucun doute arriver à faire changer les mentalités à propos de la conjugaison. Reste que dans sa classe, l’enseignant est seul, et que si l’on veut vraiment que la didactique de la conjugaison change, il faut engager une réelle réflexion au niveau national. C – Engager une réelle réflexion didactique au niveau national J’ai évoqué le vide théorique et didactique qui existe en conjugaison et qui fait qu’un certain nombre d’enseignants, faute de mieux, continuent à enseigner la conjugaison comme au siècle dernier. En la matière, les pratiques ont beaucoup été critiquées, mais rares sont les alternatives qui ont été proposées. Posons-nous la question : Quand a eu lieu la dernière réforme de la conjugaison ? Y en a-t-il eu une un jour ? Le fait est que depuis des dizaines d’années, la conjugaison est laissée pour compte. Et même si des enseignants pleins de bonne volonté, conçoivent un enseignement différent, les effets de celui-ci sont limités dans le meilleur des cas à une école et dans le pire, à une classe, à une année. Ce qu’il faut, c’est engager une réelle réflexion didactique au niveau national. Des groupes de recherche travaillent régulièrement sur la grammaire, la réforme de l’orthographe, alors pourquoi pas sur la conjugaison. Depuis trop longtemps chacun réfléchit dans son coin, il est temps que toutes les idées, toutes les tentatives isolées, soient échangées et mises en commun. Et la communauté scolaire n’est pas seule concernée. Une action de fond nécessite la participation à la réflexion de tous les professionnels de l’éducation, quel que soit leur niveau d’enseignement, ainsi que des linguistes et autres spécialistes de la Langue Française. 27 Alors seulement pourront être envisagés des objectifs, des principes didactiques nouveaux, permettant aux élèves d’aborder la conjugaison selon une approche réflexive et motivante. A la suite de cela, les résultats de ces recherches pourront être communiqués à tout le corps enseignant, qui s’y référera pour sa pratique quotidienne de l’enseignement de la conjugaison. Cette proposition de réflexion commune peut paraître utopique, tant dans sa réalisation que dans l’application par les enseignants des principes qui en découleraient. Mais ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas en restant dans sa classe à constater l’échec des élèves et à leur faire apprendre par cœur leurs verbes que la situation va évoluer. 28 CONCLUSION La conjugaison est une, sinon la matière la plus déconsidérée par les élèves et les enseignants. Mais il n’est pas possible d’accepter cet état de fait. En effet, il s’agit d’une discipline nécessaire à la maîtrise de la langue et chaque enseignant se doit de concevoir un enseignement adapté de celle-ci. La démarche n’est pas évidente et nécessite d’une part une analyse et une remise en question de ses pratiques et d’autre part, une réflexion théorique et didactique. Et même si une telle réflexion est nécessaire au niveau national, celle-ci ne semble toujours pas être une priorité pour le corps enseignant. C’est donc à chaque instituteur, à chaque professeur des écoles, d’oser changer ses pratiques pour tendre vers un enseignement simple, pratique et raisonné de la conjugaison. J’ai envisagé quelques approches de la matière qui visent à faire évoluer la conception négative de la conjugaison chez les élèves, et la réflexion reste ouverte. Pour finir, je citerai les propos d’une élève relevés dans un des questionnaires que j’ai proposé. Ceux-ci révèlent une fois de plus, certes de manière inattendue, l’utilité de la conjugaison dans les diverses situations de la vie courante, bases de la motivation des élèves. Est-ce que tu aimes faire de la conjugaison ? Pourquoi ? « Oui parce-que comme ça je peux dire à mon amoureux que je l’aime à tous les temps. » 29 BIBLIOGRAPHIE * COUTE Bernard & PINCHON Jacqueline Le système verbal du français – Nathan - 1980 * DUBOIS Jean Grammaire structurale du français. Le verbe. – Larousse – 1967 * DUBOIS Jean Grammaire de base – Larousse – 1976 * GENOUVRIER Emile & GRUWEZ Claudine Grammaire pour enseigner le français à l’école élémentaire – Larousse – 1996 * LEEMAN-BOUIX Danielle Grammaire du verbe français – Des formes au sens – Nathan Université – 1994 * MELEUC Serge & FAUCHART Nicole Didactique de la conjugaison. Le verbe « autrement » - CRDP Midi-Pyrénées – 1999 * MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA CULTURE La Maîtrise de la Langue à l’Ecole – CNDP – 1992 * MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE Programmes de l’école primaire – CNDP – 1995 * TOMASSONE Roberte Pour enseigner la grammaire – Delagrave Pédagogie – 1997 30 * Bescherelle – Hatier - 2000 31