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INTRODUCTION
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deux ans et demi alors que la récession offi cielle n’avait duré que huit mois 2 .
Ce constat modifi e le regard porté sur la réactivité de l’économie américaine en
matière de chômage et d’emploi. Les enchaînements passés d’entrée et de sortie
de crise attestent d’une certaine fragilité des créations d’emploi, qui ont été en
partie dopées par des bulles spéculatives. Il permet surtout de relativiser les
performances exceptionnelles en matière de baisse du chômage réalisées entre
1993 et 2000, le taux de chômage étant même repassé en dessous de 4% en 2000
sans provoquer de tensions infl ationnistes. Selon Hughes et Seneca (2009), la
sortie de la récession actuelle pourrait donc également s’orienter vers une forme
de reprise «sans emploi».
La succession de faillites de grandes entreprises, celles qui ont commencé
avec Enron au début des années 2000 et celles plus récentes et encore plus haute-
ment symboliques de Chrysler et de General Motors dans l’industrie automobile
en 2009, met pleinement en lumière l’épuisement d’un système privé d’assurance
sociale, dont le coût n’est pas mutualisé et dont les risques ont été reportés sur
les salariés. Les entreprises ne peuvent être un fondement stable pour assurer
la sécurité sociale des travailleurs sur le long terme. Le système de protection
sociale de l’après Seconde Guerre mondiale, tel qu’il a été confi guré en partie
avec le soutien des syndicats, est devenu inadapté à une économie où de moins
en moins d’emplois sont offerts à vie. Le fait de lier l’assurance maladie et la
retraite complémentaire à l’emploi au sein d’une entreprise individuelle donnée
est devenu un non-sens économique aujourd’hui.
Un modèle social ne peut trouver sa seule justifi cation dans l’atteinte de
performances économiques, s’il laisse sur le bord du chemin des millions
de citoyens plongés dans la pauvreté, voire la pauvreté extrême. Un modèle
social est aussi un choix de société, héritage d’une façon de vivre ensemble et
d’une volonté de faire cohésion. Dans un article du New York Times de 2002,
P.Krugman, qui n’avait pas encore reçu le prix Nobel, évoquait déjà la dispa-
rition de la classe moyenne américaine, celle qui avait fait les beaux jours de
l’Amérique des années 1950 et 1960, au profi t de l’émergence d’un nouvel âge
d’or pour les riches. Le niveau atteint aujourd’hui par la concentration des
richesses n’est en effet pas sans rappeler l’Amérique des «barons voleurs», celle
d’avant les grandes réformes sociales du New Deal. La crise du marché des crédits
2. Les dates offi cielles de début et de fi n de récession sont fi xées par un comité indépendant
d’économistes associés au National Bureau of Economic Research (NBER). Ce comité prend
en compte l’évolution d’un indicateur composite qui comprend le PIB et le revenu natio-
nal, mais aussi le revenu des ménages (hors transferts publics), les ventes de l’industrie
manufacturière et des secteurs du commerce de gros et de détail, la production indus-
trielle et l’emploi. Lorsque tous ces indicateurs baissent de façon substantielle, l’économie
est déclarée en récession. Quand plusieurs d’entre eux remontent, la sortie de récession
est offi ciellement annoncée. Cette méthode d’appréciation explique pourquoi en 2001, la
production industrielle et le PIB pouvaient repartir à la hausse, grâce à la stimulation de
l’économie par la Banque centrale tandis que le marché du travail continuait de se détériorer.
Le même scénario paraît se reproduire avec la récession commencée en décembre2007.
[« La crise du modèle social américain », Catherine Sauviat et Laurence Lizé]
[Presses universitaires de Rennes, 2010, www.pur-editions.fr]