En outre, une comparaison entre 94 pays en développement révèle qu'à la fin des années 80,
seuls deux pays (Cuba et Singapour) avaient une mortalité des moins de 5 ans inférieure à celle
du Costa Rica, aucun ne le dépassait pour ce qui est de l’espérance de vie à la naissance, et
quatre seulement (Argentine, Chili, Cuba et la Trinité-et-Tobago) avaient un taux
d'alphabétisation des adultes supérieur, sachant que tous les pays qui dépassaient le Costa Rica
avaient un revenu par habitant supérieur au sien (Trejos, 1991).
Comment cela a-t-il été possible ?
La fin de cette introduction examine un certain nombre de caractéristiques de la politique et
de la société costariciennes. La section suivante propose une interprétation pour chaque étape de
développement identifiée dans le présent chapitre. La section finale s’intéresse aux fondements
économiques des politiques sociales du Costa Rica et s’achève sur les perspectives de durabilité
du modèle social costaricien pour les 40 années à venir, notamment en ce qui concerne les
aspects institutionnels, financiers et socio-politiques.
A partir de 1948 et ce, durant 30 ans, l’État devient le moteur du développement social en
adoptant de nouveaux rôles socio-économiques, et en créant la plupart des institutions actuelles.
La junte qui prend le pouvoir au bout d'un an et demi de guerre civile, sous la houlette de José
Figueres, un exploitant agricole, entame un processus de transformation rapide2. Figueres fournit
à la fois le cadre de développement national et l’impulsion politique nécessaires pour mener à
bien ces changements radicaux. Ses politiques sociales sont reprises par le Partido Liberación
Nacional (ci-après, PLN), parti politique créé sous son impulsion par les vainqueurs de la guerre
civile de 1948. Les administrations successives du PLN jouent un rôle instrumental dans les
changements que connaît la société costaricienne à partir des années 50 ;3 les événements
politiques et les luttes entre les différentes forces sociales du pays y contribuent (Rovira, 1982).
Figueres, deux fois Président du Costa Rica, joue un rôle de premier plan au sein du PLN et
constitue la force agissante de ces changements.
En l’espace de trois décennies, la fonction publique passe de 6 % à 20 % environ de la main-
d'œuvre. L’efficacité de l’État s’explique par trois facteurs. Premièrement, une séparation claire
entre les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). Deuxièmement, la large représentation des
divers groupes sociaux au sein des institutions de l’État. Et, troisièmement, les efforts déployés
avec une relative efficacité pour moderniser l’État et améliorer les compétences professionnelles
des fonctionnaires publics (Garnier et Hidalgo, 1991).
L'élaboration du système politique suit les principes démocratiques. L'abolition de l'armée
permet au Costa Rica d'éviter les régimes autoritaires et l'ingérence des élites militaires sur un
terrain politique essentiellement démocratique, situation courante dans la région et qui constitue
une entrave à la stabilité politique et au développement social. Qui plus est, les ressources
publiques qui auraient été allouées aux forces armées sont désormais disponibles pour financer
les programmes sociaux 4.
Le système politique est également renforcé par «la machine électorale la plus libre et la plus
équitable du monde » (Ameringer, 1982), ce qui signifie que depuis 1948, chaque gouvernement
a accédé au pouvoir par des élections populaires et qu’il y a eu une alternance des partis au
pouvoir. Depuis plusieurs dizaines d’années, la participation électorale avoisine les 80 % .
Les réformes économiques accélèrent l'expansion et la diversification de la structure de
production du Costa Rica, grâce à un certain nombre de mesures telles que la nationalisation et le
renforcement du système bancaire national (qui facilite l'accès général au crédit), le
développement de l'infrastructure, essentiel pour la modernisation de l’économie, et le lancement
de politiques sociales dynamiques favorisant l’épanouissement des ressources humaines. Depuis
une quarantaine d’années, le taux de croissance moyen du produit intérieur brut (PIB) est de
l'ordre de 5 % par année, un véritable record pour la région latino-américaine. (Rama, 1994 : 12)
Ce processus de changement radical dans le domaine social jette les bases d'un modèle de
développement social unique. Ce modèle recèle de nombreuses clés pour expliquer le contraste
frappant entre la production économique modeste du Costa Rica et son niveau de développement
social élevé. Dans le modèle costaricien, le développement social, interprété comme un