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Influence des troubles inflammatoires
et des infections sur l’absorption du fer
et efficacité des aliments enrichis
en fer
Richard F. Hurrell
Environ 90% des besoins quotidiens en fer peuvent être couverts par
le recyclage du fer des globules rouges circulants, dégradés en fin de leur
cycle de vie naturel. Bien qu’il n’y ait pas de mécanisme physiologique
d’excrétion du fer, il existe des pertes obligatoires de fer par la peau, l’intestin et les reins ainsi que des pertes pendant la menstruation chez les
femmes en âge de procréer.
Un apport de fer par l’alimentation est cependant indispensable pour
maintenir l’équilibre ferrique, compenser les pertes martiales obligatoires
et menstruelles et couvrir les besoins en fer du nourrisson, de l’enfant et
de l’adolescent pour leur croissance. Les besoins en fer sont à peu près à
1–2 mg de fer assimilé par jour. Un grand nombre de jeunes femmes, de
nourrissons et d’enfants ne parviennent pas à satisfaire ces besoins par
leur alimentation et ils représentent la majorité des 2 milliards de personnes à travers le monde estimées être carencées en fer [1]. La situation est
pire encore dans les pays en voie de développement à cause de la faible
biodisponibilité du fer contenu dans les régimes alimentaires végétariens;
la carence en fer produit des effets délétères sur la santé et l’économie:
nombre élevé de grossesses non menées à terme, développement cognitif
médiocre chez l’enfant et baisse des performances physiques et de la productivité [2].
La fourniture d’aliments enrichis en fer constitue une stratégie classique dans la prévention de la carence en fer; cependant, assurer une
absorption de fer adéquate représente un réel défi. La biodisponibilité du
fer dépend du choix des composés de fer, de la présence dans la matrice
alimentaire d’agents favorisant ou inhibant son absorption et de l’état
physiologique du consommateur, c’est-à-dire son statut martial, ses éventuelles autres carences nutritionnelles et ses affections inflammatoires. En
effet, l’inflammation associée aux infections et aux troubles inflammatoires induit une diminution de l’absorption du fer et donc une réduction de
25
Tableau 1. Influence du paludisme parasitaire sur l’absorption fractionnaire
du fer et les marqueurs de l’inflammation chez les jeunes femmes béninoises consommant un porridge de sorgho enrichi en fer [4]
Avec paludisme
parasitémique
Parasitémie,
parasites/ml
Absorption du fer, %
Ferritine sérique, μg/l
Hepcidine, nmol/l
IL-6, pg/ml
IL-8, pg/ml
IL-10, pg/ml
880 (123–2760)
10,2 (4,42; 23,5)
71 (29–99)
2,7 (1,0–4,6)
1,32 (0,96–1,92)
7,31 (4,58–10,0)
7,38 (4,44–13,9)
Après traitement:
pas de parasitémie
0 (0)
17.6 (9.17; 33.8)
37 (21–57)
1,4 (0,7–2,4)
1,27 (0,7–1,32)
4,18 (2,60–5,67)
2,9 (1,91–2,94)
Valeur de p
p < 0,01
p < 0,01
p < 0,001
p < 0,005
p < 0,05
p < 0,001
p < 0,001
Toutes les valeurs sont données sous la forme de moyennes, les 25e et 75e centiles
étant notés entre parenthèses sauf pour l’absorption du fer qui est une moyenne géométrique (± écart type).
l’efficacité des aliments enrichis en fer. Cette diminution de l’absorption
est due à une augmentation des taux d’hepcidine circulante en réponse
aux cytokines inflammatoires. L’hepcidine dégrade la ferroportine et bloque le passage du fer des cellules intestinales vers le plasma. Il s’agit là de la
réponse immunitaire naturelle aux infections qui a pour but de restreindre la croissance d’agents pathogènes en réduisant l’approvisionnement
en fer.
Les rapports d’études ayant utilisé des isotopes stables ont démontré
chez les femmes et des enfants souffrant de paludisme parasitaire chronique ou de paludisme fébrile une augmentation des cytokines inflammatoires, et des taux d’hepcidine ainsi qu’une diminution de l’absorption
du fer. Doherty et al. [3] ont étudié l’absorption du fer provenant de jus
d’orange enrichi en sulfate de fer chez de jeunes enfants gambiens, 1 jour
et 15 jours après le début du traitement du paludisme. Le traitement a
diminué l’inflammation et augmenté l’absorption du fer dans des proportions allant de 8,7 à 15,5%. Une étude béninoise plus récente a examiné
avant et après traitement l’absorption du fer fourni par du porridge de
sorgho enrichi en NaFeEDTA chez des femmes souffrant de paludisme
parasitaire [4]. Alors que le paludisme fébrile aigu n’affecte les individus que quelques jours par an, la parasitémie asymptomatique dans des
régions de transmission permanente affecte une grande partie de la population pendant la majeure partie de l’année, entraînant une inflammation
prolongée de faible intensité. Dans l’étude béninoise (tab. 1), le traitement
du paludisme parasitaire a augmenté le taux moyen d’absorption du fer
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log absorption fractionnaire de Fe (%)
1,8
y = –0,029x + 1,5032
R2 = 0,051
1,5
1,2
0,9
0,6
0,3
0,0
15
18
21
24
Indice de masse corporelic
27
Fig. 1. Relation entre l’absorption du fer fractionnaire et l’IMC chez
des femmes thaïlandaises ménopausées (n = 92) ayant consommé des repas à
base de riz et de végétaux marqués avec environ 4 mg de 57Fe/58Fe-sulfate
ferreux.
de 10,2 à 17,6% (p < 0.01); cette augmentation peut s’expliquer par une
diminution de l’inflammation (diminution des taux IL-6, IL-8 et IL-10) et
une chute de presque 50% des taux d’hepcidine plasmatique. Cependant,
aucune étude n’a spécifiquement comparé l’efficacité d’aliments enrichis
en fer en l’absence et en présence d’infections.
Cependant, une adiposité augmentée, consécutive au surpoids et à
l’obésité, constitue elle aussi une affection inflammatoire et plusieurs études ont rapporté une diminution des réserves martiales chez les populations en surpoids et obèses. Ceci s’explique par un accroissement des
taux d’hepcidine circulante consécutive à l’augmentation des marqueurs
de l’inflammation et l’adipokine-leptine. Des études sur l’absorption d’isotopes stables de fer réalisées chez des femmes thaïlandaises ont montré
que l’absorption du fer provenant de riz ou de repas à base de végétaux
enrichis diminue à mesure que l’IMC augmente; par ailleurs, des études
nutritionnelles à long terme ont montré que la capacité du sel et du riz
enrichis en fer à accroître le statut en fer chez les enfants marocains et
indiens diminue lorsque l’IMC augmente [5] (fig. 1).
Bibliographie
1
2
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Fortification with Micronutrients. Geneva, World Health Organization, 2006.
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4
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Cercamondi CI, Egli IM, Ahouandjinou E, et al: Afebrile Plasmodium falciparum
parasitemia decreases absorption of fortification iron but does not affect systemic
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