Proxima b : si proche et si différente

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12 septembre 2016
Science au LAB : News & Co
Proxima b : si proche et si différente
En orbite autour de la naine rouge Proxima du Centaure, à seulement 4.2 années-lumière,
Proxima b est l'exoplanète connue la plus proche de nous. Après deux ans de suivi de la vitesse
radiale de son étoile, le spectrographe HARPS de l’ESO a mis en évidence son mouvement
orbital qui s’accomplit en 11,2 jours (Anglada-Escude et al., Nature, 2016). Sa masse minimale de
1,3 fois celle de la Terre en fait une planète certainement rocheuse. Elle reçoit 70% du flux
lumineux que notre planète reçoit du Soleil ce qui lui confère la possibilité de posséder de l’eau
liquide à sa surface. Au sein du consortium dédié à Proxima, des chercheurs du LAB étudient ce
monde nouveau, à la fois voisin et exotique. Il s’agit de Jérémy Leconte, Franck Selsis, Sean
Raymond, et Emeline Bolmont, une ex-doctorante du LAB actuellement en postdoc à Namur.
Nous résumons ici les résultats principaux qu’ils ont obtenus.
✦ Si la planète se trouve aujourd'hui dans la zone
dite habitable, où des océans peuvent exister en
surface, cela n'a pas toujours été le cas. Pendant
les 100-200 premiers millions d’années de son
histoire, l'étoile était beaucoup plus brillante et
l’eau éventuellement présente devait être
vaporisée en une atmosphère exposée au
rayonnement stellaire. Proxima b reçoit 250 fois
plus de rayonnement X et 15 fois plus d'extrême
UV que la Terre. Cette irradiation a pu briser les
molécules d'eau et fortement chauffer la haute
atmosphère au point de générer une importante
perte de gaz et d’eau vers l’espace, équivalente
à un océan terrestre. L’habitabilité de Proxima b
nécessite donc de grandes quantités d'eau et de
Proxima b est 20 fois plus près de son étoile
que la Terre du Soleil et elle subit de ce fait
✦
d’importantes forces de marées qui ont altéré sa
rotation. Deux cas de figure se présentent. Soit
l ’ o r b i t e e s t c i rc u l a i re l a ro t a t i o n s ’ e s t
synchronisée avec le mouvement orbital. La
planète présente alors toujours le même
hémisphère à son étoile, comme la Lune par
rapport à la Terre. Mais si l’excentricité de
l’orbite est supérieure à 0,06, les marées
imposent une autre danse, dite résonance spinorbite 3:2. Comme Mercure, la planète effectue
alors 3 rotations toutes les 2 révolutions. Dans
les deux cas, l’obliquité est nulle et la planète ne
connait pas de saisons.
gaz lors de sa formation.
Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux : http://www.obs.u-bordeaux1.fr
[email protected]
12 septembre 2016
Science au LAB : News & Co
Les climats possibles ont été étudiés avec
des simulations 3D réalisées pour une large
gamme de quantités d’eau, de pressions de
CO 2 et N 2 et pour les deux rotations
possibles. Une grande variété de composition
est compatible avec de l’eau liquide en
surface. Toutefois, si les quantités d’eau ou de
gaz à effet de serre sont insuffisantes, l’eau se
trouve alors piégée sous forme de glace dans
les régions les moins ensoleillées : le côté nuit
permanent dans le cas synchrone et les pôles
dans le cas 3:2. La figure ci-contre, tirée de
Turbet et al. (2016) montre la température
moyenne de surface pour 8 simulations
différentes ayant en commun une couverture
océanique globale, liquide ou glacé en
surface. Les cas en rotation synchrone (côtés
jour/nuit permanents) sont à gauche, ceux en
rotation 3:2 à droite. En allant vers le bas de
la figure les atmosphères considérées sont
plus ténues et l’effet de serre du CO2 réduit.
Les courbes en trait plein délimitent la région
où la surface de l'océan est toujours liquide et
celles en trait pointillés les régions où elle
n'est liquide qu'une partie du temps.
✦
Ces simulations ont également permis de proposer de futures observations pour mesurer l’orientation
de l’orbite (et ainsi la masse de Proxima b), inférer la présence d’une atmosphère et d’eau et contraindre
les propriétés du climat. Une première observation pourra être tentée avec le télescope spatial James
Webb (2018) et consistera la mesurer la modulation du flux infrarouge due au fait que la planète nous
présente différentes phases au cours de son mouvement orbital. Si l’atmosphère est très ténue ou
inexistante, l’hémisphère jour est beaucoup plus chaud que le côté nuit créant ainsi une modulation de
11,2 jours. A plus long terme (2025), le télescope E-ELT et son miroir de 39 mètres, en construction au
Chili, pourra "voir" la planète en la séparant de son étoile et obtenir un spectre détaillé.
✦
Si les caractéristiques de Proxima b n’empêchent a priori pas la vie d’y exister, ce monde est
forcément très différent du nôtre. Sa caractérisation prochaine, permise par sa proximité, nous
apportera de précieux éléments pour comprendre la formation et l’évolution des planètes
telluriques au-delà des quatre exemplaires du système solaire.
Pour aller plus loin : Ribas, Bolmont, Selsis, Reiners, Leconte, Raymond et al., A&A 2016, The habitability of
Proxima Centauri b. I. Irradiation, rotation and volatile inventory from formation to the present
Turbet, Leconte, Selsis, Bolmont, Forget, Ribas, Raymond, Anglada-Escudé, A&A, 2016, The habitability of
Proxima Centauri b II. Possible climates and Observability
Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux : http://www.obs.u-bordeaux1.fr
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