S. INGEN-HOUSZ, V. SA yAG-BOUKRIS, P. CHAZERAIN, A. HORUSITZKY, C. VINCIGUERRA, P. LEV AN, G. RAGUIN, J.M. ZIZA
Les pyomyosites non tropicales (PNT) sont rares dans les
pays tempérés, Leur mode de révélation est volontiers
trompeur, prenant parfois un «masque» rhumatologique.
Leur évolution peut être rapide et grave, même chez des
patients immuno-compétents. Un traitement précoce et
adapté doit être très rapidement institué, Nous en rappor-
tons une observation.
OBSERVATION
Un homme de 29 ans, interne des hôpitaux, est hospitalisé
le 14 avril 1995 pour lombalgies apparues dix jours aupara-
vant, d'horaire inflammatoire, irradiant à la fosse lombaire
gauche et à la face antérieure de la cuisse gauche, rebelles
aux antalgiques périphériques et aux anti-inflammatoires
non stéroïdiens. Il n'y a ni fièvre ni frissons. On ne retrouve
aucun facteur déclenchant si ce n'est une violente douleur
lombaire trois mois auparavant et rapidement résolutive au
cours d'une séance de musculation.
A l'examen, il est subfébrile à 37°8, a une raideur rachi-
dienne majeure avec un indice de Schober à 10 +0, une
cassure lombaire gauche antalgique et une contracture para-
vertébrale gauche. On retrouve une douleur exquise à la
palpation des masses musculaires paravertébrales gauches
en regard de L4. Il existe un signe de Lasègue lombaire
bilatéral à 70°. L'examen neurologique est strictement nor-
mal.
Biologiquement, on note une hyperleucocytose à 21 400
globules blancs par mm3 (dont 17 000 polynucléaires neu-
trophiles par mm3), une hémoglobine à 14.1 g/dl, un syn-
drome inflammatoire marqué avec une vitesse de sédimen-
tation à 38 mm à la première heure et une C-Réactive pro-
téine à 150 mg/I (normale inférieure à 10 mg/I). La créatine
phosphokinase est à trois fois la normale. Le reste du bilan
biologique standard est normal. Au plan bactériologique,
Figure 1:
Premier scanner lombaire (14 avril 1995): abcès paraspinal gauche.
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Figure 2:
Deuxième scanner lombaire (20 avril 1995): importante extension des
lésions abcédées au muscle psoas gauche.
les premières hémocultures et l'ECBU sont stériles. La
sérologk VIH est négative.
Les radiographies du bassin, du rachis lombaire et de
l'abdomen sans préparation sont normales. L'échographie
rénale est normale ainsi que l'échographie du psoas gauche.
Le scanner du rachis lombaire du 14 avril 1995 (figure 1)
retrouve une zone hypodense, prenant le contraste en péri-
phérie, siègeant à la partie profonde des muscles paraspi-
naux gauches, débordant au niveau du carré des lombes et
du psoas gauches, évocatrice d'un abcès. Il n'y a ni spondy-
lodiscite ni épidurite.
La ponction échoguidée de cette collection ramène du pus
franc avec de nombreuses colonies de staphylocoques dorés
sensibles à la méticilline. Un traitement antibiotique intra-
veineux par Cloxacilline 8 g par jour et Gentamicine 3
mg/kg/jour est rapidement institué le 15 avril au soir.
L'évolution au troisième jour de l'antibiothérapie pourtant
adaptée est défavorable puisque le patient devient nette-
ment fébrile à 39-40° et très algique. Une altération nette de
l'état général s'installe. Biologiquement, on note une insuf-
fisance rénale (créatininerie à 170 flmol/l pour une normale
inférieure à 115 flmol/l).
Un nouveau scanner (figure 2) réalisé au sixième jour
montre une très importante majoration des lésions abcédées
qui diffusent au psoas gauche sur 15 cm de hauteur.
Devant l'aggravation clinique et tomodensitométrique,
l'antibiothérapie est donc modifiée pour une autre associa-
tion intraveineuse, Céfotaxime 8 g par jour et Fosfomycine
8 g par jour, mais le patient doit finalement être opéré le 20
avril 1995 pour évacuer l'abcès paraspinal et du psoas
gauche, laver la cavité et installer un drainage. Tous les
prélèvements bactériologiques per-opératoires retrouvent le
même staphylocoque doré. Après l'intervention, le patient
devient immédiatement apyrétique et asymptomatique, son
état général s'améliore de façon durable.