Les mystères
I
Les confrères de la Passion
Quand on songe aux combinaisons multiples qu’exige la
représentation d’un ouvrage dramatique, on est tenté de croire
que l’invention d’une œuvre théâtrale ne peut appartenir qu’à
une société sinon vieillie, du moins complète.
En effet, nulle autre exécution artistique ne réclame un pareil
concours d’arts différents : la musique, la peinture, la pantomi-
me ; nulle autre conception de l’esprit n’exige une plus large
application des facultés données par Dieu à l’homme : la poésie,
l’imagination, le style.
Il n’en est point ainsi cependant.
À peine le roman a-t-il tracé un faible sentier dans le champ
de l’imagination, à peine la poésie a-t-elle bégayé ses premières
paroles rythmées, à peine la musique a-t-elle échelonné sa gamme
imparfaite que l’esprit impatient de l’homme, devançant la mar-
che tardive de l’art, s’empare d’une intrigue décousue, traduit ses
pensées par des vers boiteux, accompagne l’entrée et la sortie de
ses personnages avec une musique criarde, et, de trois parties
incomplètes, fait un tout plus incomplet encore, mais dont les
progrès suivront de près l’application de ces principes, qui vivra
de leur triple vie, se développera dans sa force unitaire, tandis
qu’ils se développeront dans leur force individuelle et, à peine en
retard sur eux à sa naissance, arrivera presque en même temps
qu’eux à sa perfection.
Les cantiques spirituels que chantaient, en les accompagnant
de gestes et de postures, les pèlerins qui revenaient de Jérusalem
et de Saint-Jacques de Compostelle sont les premiers essais
mimiques dont nous retrouvions la trace dans notre histoire.