Amundi Discussion Papers Series DP-12-2015 Novembre 2015 LES BANQUES CENTRALES : PREMIER PILIER DU CYCLE D’INVESTISSEMENT Éric MIJOT, Stratégie et Recherche Économique Responsable de la Stratégie Réservé aux investisseurs professionnels Résumé C e document est le troisième d’une série de Discussion Papers qui décrivent notre cadre d’analyse des marchés. Il est à la croisée des chemins des deux premiers, à savoir « Les cycles longs et les marchés d’actifs » et « Le cycle court de l’investissement : feuille de route ». Nous allons approfondir ici l’influence des banques centrales et mettre en évidence comment les cycles longs impactent les cycles courts, à travers la politique monétaire. Les banques centrales constituent en effet le premier point d’ancrage pour comprendre le cycle d’investissement. Les banques ne sont pas des entreprises comme les autres. Elles ont une mission pivot dans l’économie. Elles gèrent les systèmes de paiement et de financement. Les banques centrales sont, elles, comme leur nom l’indique, au centre du système bancaire. Elles remplissent aujourd’hui un triple rôle : elles pilotent la politique monétaire, souvent de manière indépendante des gouvernements, et visent à atteindre et préserver la stabilité financière. Dans la plupart des grands pays, elles supervisent aussi le système bancaire. Enfin, elles jouent un rôle de prêteur en dernier ressort. Après la stagflation des années 1970, nos économies se sont lancées dans un vaste mouvement de dérèglementation, de financiarisation et de globalisation, propulsant les banques centrales au premier plan pour gérer les crises et assurer le fonctionnement de nos économies. La banque centrale américaine, la Fed, au premier rang d’entre elles, est devenue un guide économique incontournable pour les investisseurs. Nous allons tout d’abord passer en revue l’émergence des banques centrales et l’évolution de leur rôle depuis leur création, puis voir comment elles agissent sur l’économie. Ensuite, nous mettrons en évidence comment elles influencent les marchés, en faisant ressortir les cycles courts au sein des cycles longs. Nous en dégagerons comment en tirer parti de manière encore un peu plus approfondie que lors des Discussion Papers précédents. Mots-clés : allocation d’actifs, stratégie d’investissement, cycle boursier, cycle économique, cycle d’investissement, cycle long, cycle court, market timing, marchés financiers, démographie Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 3 4 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 LES BANQUES CENTRALES : PREMIER PILIER DU CYCLE D’INVESTISSEMENT 1. Origine et rôle des banques centrales 1.1 Comment les banques centrales se sont-elles développées ? – Les banques centrales ont évolué avec le temps de manière pragmatique. Leur développement est loin d’être linéaire. Les guerres, les crises et la mondialisation ont mis en avant leur nécessité et permis d’affiner leur rôle et leur organisation. On peut considérer que la première ancêtre de nos banques centrales était suédoise. La Stockholms banco a été créée à l’apogée du Royaume de Suède en 1656. Elle était dirigée par Hans Wittmacher (Johan Palmstruch, une fois anobli), un marchand aux ascendances hollandaises qui a été le premier à émettre une monnaie papier. Il a d’abord imaginé un système de dépôt à court terme permettant de financer des prêts à long terme… Puis il fit émettre des billets de banques (Banknotes) en 1661 dans le cadre de crédits ; promesses de paiement échangeables à tout moment en argent ou en cuivre 1, beaucoup plus faciles à faire circuler que les énormes plaques de cuivre. Leur succès favorisa un excès de prêts qui précipita la faillite de la Stockholms banco en 1664. Palmstruch perdit son titre et mourut en prison un peu plus tard. Mais une nouvelle banque sera créée sur les ruines de la précédente dès 1668. Cette fois-ci, elle séparera mieux les activités de dépôts et de prêts. Les crédits ne donneront plus lieu à la création de monnaie papier en circulation, mais on utilisera à cet effet des « certificats de dépôt » correspondant aux dépôts effectifs. La Riksen Ständers Bank2 sera désormais sous la tutelle du parlement. Ce qui s’apparente en quelque sorte à une nationalisation et en fera la première banque 1 epuis 1625, ce bimétallisme prévalait en Suède pour tirer parti des importantes réserves de cuivre D du Royaume. 2 E lle prendra le nom de Sveriges Riksbank à partir de 1867. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 5 au monde formellement rattachée à un État. Son existence finira même par être inscrite dans la constitution. Elle sera la seule banque du pays jusqu’à la création d’une première banque commerciale, Enskilda Banken, en 1830. Cette nouvelle concurrence la conduira à se consacrer uniquement aux finances publiques. Après avoir établi un régime parlementaire en 1689, les Anglais emboîtent le pas en 1694 et créent une société par action, la Banque d’Angleterre, pour financer la guerre contre la France et moderniser un système archaïque de financement de l’État qui reposait sur les orfèvres-banquiers de la Lombard Street. L’idée du financier écossais William Paterson (1658-1719), que retiendra le chancelier de l’échiquier sous Guillaume III, était que les souscripteurs à l’emprunt public apportent leurs titres au capital d’une banque destinée avant tout à financer l’État. Les banquiers privés qui exerçaient sous la forme de société de personnes ont alors pris l’habitude d’ouvrir des comptes auprès de la Banque d’Angleterre et d’y déposer leurs réserves d’or. Ils étaient assurés de pouvoir y convertir des billets si nécessaire. Ce système, construit de manière empirique, a traversé plusieurs crises et est devenu un modèle. Dès la fin du XVIIIe siècle, la Banque d’Angleterre jouait déjà un rôle de prêteur en dernier ressort. Lors de la crise de 1792-1793, elle est ainsi venue au secours de la Bank of Scotland et de la Royal Bank of Scotland en leur accordant d’importants crédits à long terme. Ce rôle de prêteur en dernier ressort est devenu d’autant plus évident à partir de 1844 (troisième étape du « Bank Charter Act » après celles de 1826 et 1833) quand la Banque d’Angleterre s’est vue assigner le monopole d’émission de la monnaie fiduciaire de l’État en contrepartie d’une détention d’or à 100 % des billets émis ; Cette règle a été suspendue en 1847, 1857 et 1866 en réponse aux crises. Mais elle consacre l’étalon-or comme référence absolue, tout en facilitant le développement des échanges commerciaux qui requièrent l’utilisation de billets à grande échelle. En 1800, l’émission de monnaie fiduciaire sera aussi la principale mission confiée à la nouvelle Banque de France, elle aussi à capitaux privés (société anonyme), sans qu’elle en ait pour autant le monopole national avant la révolution de 1848. Les deux premières tentatives de monnaie papier en France s’étaient soldées par des échecs retentissants, à savoir le système de Law (1716-1720), qui déboucha sur la bulle de la Compagnie du Mississippi, et celui des assignats (1789-1797) pendant la révolution française. Gagés sur les biens nationaux à vendre, les émissions avaient été trop généreuses et la valeur des assignats finit par plonger. La solidité de la nouvelle Banque de France a été démontrée lors la guerre de 1870. Non seulement elle a fait preuve de stabilité malgré les changements de gouvernements, mais elle a facilité le financement des énormes indemnités de guerre réclamées par l’Allemagne, qui allait s’en inspirer pour créer sa propre banque centrale. L’Allemagne adopte en effet une monnaie unique en 1873, le mark, dans la foulée de la formation de l’Empire juste après la guerre, sous l’impulsion prussienne. La Reichsbank absorbera la Banque de Prusse en 1876. Elle constituera des réserves 6 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 d’or telles qu’on lui confiera le rôle d’émission alors que de grandes banques commerciales financeront l’industrialisation rapide du pays. Le Japon aura un parcours parallèle. Il lancera une monnaie unique, le yen, en 1871, juste après la restauration de Meiji en 1868, et créera sa banque centrale en 1882. Bien qu’unifiée à peu près à la même période, en 1870, l’Italie, ne créera la sienne qu’en 1893. Son rôle de prêteur en dernier ressort dans les crises de 1893, 1899 et 1907 lui permettra d’assoir sa crédibilité. Les banques centrales ont donc longtemps eu pour première mission de financer des avances aux gouvernements en émettant des billets de banque qui sont finalement devenus les seules monnaies légales3. Le développement de la monnaie papier de plus en plus indépendante de la monnaie métallique devait cependant être mieux encadré. À la fin du XIXe siècle, la puissance économique écrasante de l’Angleterre permit ainsi à la livre sterling de remplacer l’or dans les échanges internationaux. Mais son affaiblissement au début du XX e siècle provoqua la fin de sa convertibilité en 1919 et posa crûment la question de l’encadrement de la monnaie fiduciaire. À la fin de la première guerre mondiale, il y eut une prise de conscience du rôle important que les banques centrales pouvaient jouer à cet égard. À la fin de la seconde guerre mondiale, dans un contexte propice au dirigisme et dans un régime de change encore peu flexible, on assista à une vague de nationalisation des banques centrales devenues indispensables (ou au moins à un contrôle plus poussé de l’État) pour mieux maîtriser la création monétaire au service des politiques économiques des gouvernements. La formule de Napoléon à propos de la Banque de France, « qu’elle soit dans les mains du gouvernement, mais qu’elle n’y soit pas trop », allait être mise de côté. La Banque de France sera nationalisée en 1945, la Banque d’Angleterre en 1946, la Banque des Pays-Bas et la Banque Nationale de Belgique en 1948. – Les États-Unis ont créé leur banque centrale juste avant la Grande Guerre qui allait révéler leur puissance économique au monde. Le système de la Réserve fédérale, la Fed, voit le jour le 29 décembre 1913, quelques années encore après la Banque Nationale Suisse (1907), c’est-à-dire assez tardivement. Dans les deux cas, le fédéralisme a retardé le processus. À noter que le capital des Fed régionales est détenu encore aujourd’hui par les banques privées, même si le « Board of governors » qui supervise l’ensemble est une agence fédérale et que ses 7 membres sont désignés par le Président des États-Unis et confirmés par le sénat. Les discussions auront été houleuses aux États-Unis depuis le XVIIIe siècle sur la nécessité d’une banque centrale. Les démocrates, préoccupés par des intérêts locaux et ruraux ont longtemps été contre. Les républicains, plus proches des industriels, 3 a monnaie scripturale (chèques, virements, etc.) sera rapidement la monnaie la plus utilisée, mais le L billet de banque restera la seule monnaie avec un cours légal. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 7 étaient pour. Il y a eu deux tentatives avant la Fed. La deuxième a pris fin en 1836. le système financier américain est resté ainsi longtemps entre les mains des banques régionales. L’industrialisation à la fin du XIX e siècle, le développement du chemin de fer et des moyens de communication, la crise financière de 1907 dont le prêteur en dernier ressort a dû être un consortium bancaire mené par JP Morgan, favorable à la création d’une banque centrale, ont eu finalement raison des réfractaires. Sur le plan législatif, plusieurs étapes ont conduit la Fed à son format actuel : • En 1913, la naissance de la Fed créait un organisme central. Sa mission était d’assurer une monnaie « souple », de faciliter l’escompte des effets de commerce (« real bills ») et d’améliorer la surveillance du système bancaire, sans interdire au Board de poursuivre d’autres objectifs. Toutefois, la Fed était encore sous la tutelle du gouvernement, présent au Board. De plus, les banques régionales conservaient beaucoup de prérogatives. Comment la Fed a géré la période de la première guerre mondiale ? Les États-Unis entrent en guerre en avril 1917. Jusque-là, la Fed exigeait des banques 100 % d’effets de commerce comme garantie pour leur faire un prêt. Elle possédait aussi des réserves d’or de 40 % supérieurs à son émission de billets, qui était donc plus que couverte pour pouvoir en assurer confortablement la convertibilité. Les règles en vigueur seront adaptées pour permettre à la Fed de faciliter le financement de l’effort de guerre. On étendra le principe de garantie des effets de commerce aux obligations d’État. L’État émettra une dette spéciale pour financer la guerre : les obligations de la liberté. Enfin, un taux d’escompte préférentiel à 3 % (100 points de base plus bas que le taux officiel) sera appliqué à qui apportera des obligations de la liberté en garantie. Ce mécanisme incitatif fonctionna parfaitement. L’excès de liquidité qui en résulta, combiné à la détérioration de la qualité du bilan de la banque centrale, fit chuter le dollar US et s’envoler l’inflation vers les 20 %. • En 1935, la Fed gagne en indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. En effet, alors que le taux de faillite bancaire est de 40 % pendant la crise des années 1930, le Président Roosevelt fit voter le Banking Act prévoyant entre autres que le ministre des finances et le « comptroller of the currency » ne siègeraient plus au Board. De plus, les opérations sur le marché monétaire sont confiées à un comité centralisé, le FOMC (Federal Open Market Committee). Auparavant cette responsabilité était du ressort des banques régionales qui désormais disposent d’un siège au FOMC mais sans avoir la majorité ; les 7 gouverneurs du Board et la Reserve Bank of New York disposent chacun de 1 voix, les 11 autres banques régionales doivent se partager 4 droits de vote de manière tournante. La Fed obtiendra aussi le monopole d’émission. • En 1946, obsédé par le chômage des années 1930, le congrès vote l’Employment Act. Même si la Fed doit continuer à assurer le placement de la dette d’État, sa focalisation passe de la dette au plein-emploi. • En 1951 (Treasury-Fed Accord au mois de mars), la Fed retrouve les marges de manœuvre qu’elle avait perdues pendant la seconde guerre mondiale, à partir 8 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 de 1942 (voir encadré). De 1942 à 1951, les taux courts et longs ont en effet été plafonnés par volonté du Trésor afin de faciliter à nouveau le financement de l’effort de guerre. Cette plus grande indépendance s’inscrit à l’opposé du vaste mouvement de « nationalisation » des banques centrales européennes. • En 1978, la Fed se voit finalement assigner une vraie mission de politique monétaire. Dans un contexte de grande inflation, le congrès vote la loi de Humphrey-Hawkins qui donne un objectif économique à la Fed en lui assignant la tâche de « frayer un chemin entre un taux d’inflation supportable et le pleinemploi », tout ceci dans une optique de long terme. Il semblait évident que cette responsabilité devait être attribuée à un organisme stable, non soumis aux aléas électoraux. Par ailleurs, le congrès exigea une grande transparence selon le principe de responsabilité (« accountability »). Depuis, chaque année, la Fed doit entre autres exposer en février ses objectifs en matière de politique monétaire publiquement devant le congrès. En juillet, elle doit passer en revue la conjoncture et réviser ses objectifs, si nécessaire. Cette loi est encore en vigueur aujourd’hui. Comment la Fed a géré la période de la seconde guerre mondiale ? 1- US de Treasury rate from 1934 to 196 n n°1 américains 2- Taux longs 1920 à 3-month 1960 5,5 5,0 4,5 5,0 4,5 Taux 3 mois plafonnés à 0,375% 2,5 2,0 Source: Shiller, NBER, Recherche Amundi Récessions 1935 1930 0,5 1925 1959 1954 1949 Taux 3 mois 1,5 1920 Récession 1944 1934 1939 0,5 0,0 2,5 Taux longs plafonnés 2,0 à 2,5% 3-month rate 1,5 capped at 0,375% 1,0 0,0 Taux longs Recession 3-month Treasury rates Source: Shiller, NBER, Recherche Amundi Source: Shiller, NBER, Amundi Resea La Fed est à nouveau mise à contribution par le Trésor pour aider à financer l’effort de guerre. La dette va en effet plus que doubler sur la période et le maintien de taux bas devenir une priorité nationale. En avril 1942, la Fed annonce qu’elle fige les taux des emprunts d’État à 90 jours (T-Bills) à 0,375 %. Les taux à 1 an seront implicitement fixés à 0,875 % et les taux longs à 25 ans à 2,5 %. Ce régime durera jusqu’en juillet 1947 pour les T-Bills. Le contrôle sur les taux à un an sera progressivement assoupli mais il faudra attendre l’accord de mars 1951 entre la Fed et le Trésor pour que le plafond sur les taux longs soit levé. Dans un tel contexte, les investisseurs se sont facilement portés acheteurs d’obligations à long terme pendant cette période, bénéficiant d’une protection implicite de la part de la Fed. Les taux longs resteront bas longtemps après mars 1951. Il faudra 5 ans (juillet 1956) pour que les taux longs repassent les 3 % et 8 ans pour qu’ils atteignent les 4 % (avril 1959). Il faut dire que les récessions de 1953-1954 et de 1957-1958 y ont contribué et que les années 1950 n’étaient pas non plus très inflationnistes (printemps économique). Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 1945 3,0 1940 2,0 3,0 1960 1935 3,5 1930 1955 2,5 1,0 3,5 4,0 3,0 1950 3,5 1,5 4,0 4,5 1920 1940 4,0 1945 1925 1- Taux 3 mois du Trésor américain de 1934 à 1960 5,0 9 La structure fédérale décentralisée et l’indépendance de la Fed serviront de modèle aux statuts de la Bundesbank publiés le 26 juillet 1957. Les alliés désiraient briser la concentration de pouvoir qui avait prévalu pendant le IIIe Reich. La Bundesbank sera la seconde grande banque centrale réellement indépendante. Ses statuts stipulent qu’en premier lieu la « Buba » visera un objectif d’inflation stable, les Allemands ayant été échaudés par l’inflation galopante des années 1920, suite aux immenses réparations de guerre qui avaient été exigées d’eux. Compte tenu de son succès, cette structure décentralisée et indépendante servira à son tour de modèle à la création de la BCE en 1998. La BCE reprendra la mission première de la Bundesbank, afin de réconforter la population allemande, très sensible sur ce point lors de l’abandon de la souveraineté nationale dans le domaine monétaire. Le spectre de l’Union Latine Une organisation monétaire a existé du 23 décembre 1865 au 1er janvier 1927 entre 5 pays signataires européens (France, Belgique, Suisse, Italie, puis Grèce à partir de 1868). Elle était ouverte à d’autres membres sous réserve de l’acceptation unanime des États signataires alors que la dénonciation du traité par un des États signataires devait entraîner sa fin. Ce système monétaire international fut adopté par 32 pays à son apogée, sans toutefois inclure le Royaume-Uni, ni l’Allemagne. En 60 ans, il évolua, passant par exemple du bimétallisme à l’or, mais ne résista pas à la première guerre mondiale. Il prit fin à l’initiative de la Belgique qui dénonça le traité en 1925. La BCE est donc la dernière née des grandes banques centrales. Un fait majeur la distingue de sa grande sœur la Fed. Bien qu’elle soit de nature fédérale (en fait plutôt supranationale), il n’y a pas encore d’union politique et budgétaire en face. Cette faiblesse avait été identifiée dès le départ mais avec la crise des années 2010, l’Europe est face à son destin. Si elle veut éviter le spectre de l’Union Latine du début du XXe siècle qui n’a pas tenu longtemps, elle doit aujourd’hui avancer vers plus d’intégration. – À l’instar des États-Unis, la politique monétaire revêtira une importance croissante dans tous les pays développés à partir des années 1980 (automne économique), parallèlement à un puissant mouvement de dérèglementation et de « marchéisation » de nos économies. Au début des années 1970, le niveau élevé et la volatilité des taux d’intérêt (été économique) constituent un terreau fertile pour les innovations financières. La création des SICAV monétaires aux États-Unis en 1972 par des établissements non bancaires4 en quête de parts de marché va révolutionner la collecte de dépôts et marquer le début du mouvement irréversible de « marchéisation » de l’activité bancaire. À partir de 1979, toutes les banques françaises vont progressivement 4 10 es montants investis dans les MMF (Monetary Market Funds) ne sont pas couverts par la FDIC (Federal L Deposit Insurance Corporation), créée en 1933 pour assurer les dépôts des particuliers. Ils portent donc un risque de défaut, même s’il est réduit par la courte maturité de ces instruments par ailleurs très liquides. Ils ne pouvaient donc pas être proposés par les banques commerciales qui avaient le monopole de la collecte depuis le Glass Steagle Act de 1935. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 avoir leurs SICAV monétaires. Les banques de dépôt américaines obtiendront du congrès le droit de créer des instruments similaires à partir de 1982. Par ailleurs, les marchés à terme vont s’organiser bien au-delà du marché des matières premières (devises en 19725, créances hypothécaires en 1975, les bons du trésor à 3 mois en 1976, les obligations d’État à long terme en 1977, eurodollar à 3 mois en 1981, etc.). Ces innovations vont favoriser un automne6 économique exceptionnel à partir des années 1980. Le « big bang » anglais d’octobre 1986 (Financial Services Act, point d’orgue de l’ère Thatcher) est, quant à lui, le symbole et le point de départ de la dérèglementation en Europe. Dans les grandes lignes, il consiste à introduire la concurrence en mettant fin à la distinction entre « Jobbers7 » et agents de change, à supprimer les commissions fixes (ce qui était déjà le cas à New York depuis 1975 ainsi qu’à Tokyo), en remplaçant la « criée » par la cotation électronique et en permettant l’acquisition à 100 % par des étrangers de sociétés britanniques cotées. Enfin, les personnes morales et pas seulement les individus peuvent désormais devenir membres de la bourse. Les banques américaines puis européennes vont s’installer rapidement à la « City ». Le « Big Bang » va repositionner la place de Londres au centre de la finance mondiale, notamment sur les marchés des eurodevises8, des changes et des actions. Il va inspirer les autres pays européens pour aller toujours plus loin en matière de dérèglementation, à commencer par la France qui a entrepris la fin de l’encadrement du crédit9 mis en place en 1973, à partir de 1986. Le MATIF (marché à terme international de France) verra le jour en 1986 et le MONEP, le marché des options en 1987. Dès 1987, les charges d’agents de change seront transformées en « sociétés de bourse » dont le capital est ouvert et tombera rapidement dans l’escarcelle des banques. Cette avancée vers l’économie de marché rend les politiques monétaires de plus en plus nécessaires et efficaces. La mission de toutes les banques centrales va donc se concentrer sur cette tâche. La Fed conservera un rôle particulier au niveau 5 réation de l’International Monetary Market, filiale du Chicago Mercantile Exchange, qui propose dans C un premier temps des contrats à termes sur devises étrangères. 6 oir notre Discussion Paper : « Les cycles longs et les marchés d’actifs ». Des cycles longs d’une V cinquantaine d’années embrassent toute l’activité économique. Le cycle long se décompose en quatre phases, baptisées du nom des saisons et qui revêtent chacune des caractéristiques qui leur sont propres. 7 ’agent de change (broker) reçoit les ordres d’achat ou de vente. Jusqu’à la promulgation de cette loi, il L devait passer par un teneur de marché, le « Jobber » (ou market maker), pour l’exécuter. 8 ne « eurodevise » est une devise détenue dans les comptes d’une banque en dehors de son pays U d’origine. Le terme « eurodevise » est une extension de « eurodollar » qui vient du nom de la filiale européenne de la Banque d’État de l’URSS, l’Eurobank, dans laquelle les Soviétiques déplacèrent leurs avoirs en dollar pendant la guerre de Corée en 1951 pour éviter qu’ils ne soient gelés aux États-Unis. 9 ’arrêt de cette pratique, courante dans nombre de pays européens (Grande Bretagne, Pays nordiques, L Benelux, Italie…) repositionne la politique monétaire vers des pratiques de marché, basées sur le niveau des taux, à l’instar de ce qui se faisait en Allemagne et aux États-Unis, là où les banques centrales étaient déjà indépendantes. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 11 mondial compte tenu du poids économique considérable des États-Unis et de l’importance du dollar, principale monnaie de réserve. Dans les années 1990 la financiarisation s’étendra aux économies émergentes. L’aide accordée aux pays d’Amérique Latine dans le cadre du plan Brady10 de 1989 sera complétée par un large programme de libéralisation des marchés qui contribuera à attirer à nouveau les capitaux internationaux : levée du contrôle des changes, privatisations, dérèglementations… En Asie, la libéralisation des opérations en capital a encouragé les placements à court terme et les emprunts interbancaires à l’étranger, d’autant que les États accordaient facilement des garanties aux banques. Tout ceci provoqua deux vagues de crises de changes, en 1994 à nouveau en Amérique Latine et en 1997 en Asie. La création de la BCE en 1998, encore plus indépendante du pouvoir politique que la Fed11, a lieu dans ce contexte. Elle va inciter la même année à une modernisation de la Banque d’Angleterre qui va elle aussi gagner une certaine forme d’indépendance, de même que la Banque du Japon. Leur indépendance était moins naturelle que pour les États fédéraux (États-Unis, Suisse, Canada). Mais la préférence des marchés pour des banques centrales non soumises aux aléas électoraux des gouvernements a fini par s’imposer. La « vieille dame de Threadneedle Street », devient ainsi un organisme public indépendant du gouvernement, mais contrôlé tout de même par le Trésor britannique. Quant à la banque du Japon, créée en 1882 sous l’ère Meiji, la réécriture de sa « loi statutaire » fait aussi référence à une plus grande indépendance, tout en précisant qu’elle devra être en accord avec la politique économique du gouvernement. Ainsi, après la vague de nationalisation des banques centrales post seconde guerre mondiale assiste-t-on à un nouvel élan généralisé, cette fois-ci vers l’indépendance, afin d’agir efficacement sur l’économie dans une optique de long terme. On peut aussi dans une certaine mesure dresser un parallèle avec l’indépendance des métaux sur lesquels reposaient autrefois les monnaies. L’indépendance reste quand même relative et jamais définitivement acquise. À l’aube des années 2000 et de l’hiver économique12, ces institutions publiques horsnormes que sont devenues les banques centrales se voient donc dotées d’une responsabilité accrue, alors que la financiarisation de l’économie va être poussée à l’extrême avec le développement de la titrisation des créances bancaires. 1.2 Débats actuels sur l’évolution du rôle de la banque centrale L’essor de la technologie, la course aux innovations financières et la mondialisation lancent de nouveaux défis aux banquiers centraux. Ils ont dû affronter 3 crises 12 10 e plan Brady de 1989 mettra fin à la crise de la dette des pays d’Amérique Latine qui avait démarré L 7 ans plus tôt, en 1982, suite au défaut de paiement du Mexique. 11 C hanger les statuts de la BCE réclamerait l’unanimité des 28 pays de l’Union Européenne. 12 Voir note 6. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 majeures rapprochées pendant cet hiver économique en 2000 (éclatement de la bulle « internet »), 2008 (crise des « subprimes ») et 2010 (crise souveraine européenne), qui chacune a ouvert un débat sur le rôle des banques centrales. – Premier débat : comment la banque centrale doit-elle gérer une bulle d’actifs ? Ce débat prend racine avec la bulle internet de 2000. Autrement dit, la banque centrale ne doit-elle pas être plus proactive pour maintenir la stabilité financière et mieux appliquer la formule de William McChesney Martin Jr. (président de la Fed de 1951 à 1970) : « retirer le bol de punch avant que la fête ne commence » ? En charge de la politique monétaire, la banque centrale veille à la stabilité des prix, condition essentielle au développement harmonieux de nos économies. Toutefois, compte tenu de la « marchéisation » de l’économie on peut se demander si sa mission doit uniquement se centrer sur les prix à la consommation ou également sur celui des actifs dont l’instabilité finit par générer des crises majeures. Le krach d’octobre 1929 ou celui du Japon en décembre 1989 en sont de parfaites illustrations. Mais c’est celui de septembre 2000 qui a contribué à soulever ce débat. En décembre 1996, Alan Greenspan (président de la Fed de 1987 à 2006) dénonce « l’exubérance irrationnelle » des marchés d’actions. Il l’a signalé fermement mais n’est pas passé à l’acte en montant ses taux pour autant. A posteriori, on constate qu’en ne faisant rien de concret, voire en baissant même ses taux un peu plus tard (lors de la crise liée à la faillite du fonds LTCM en août 1998), il a implicitement contribué à financer la bulle qu’il avait pourtant détectée et il a de ce fait laissé se développer les mauvaises pratiques comptables révélées plus tard (cf. Worldcom, Enron). À l’inverse, on peut aussi penser qu’une action préventive aurait pu avoir des effets négatifs en provoquant un ralentissement économique et même peutêtre en freinant le développement technologique. Greenspan rappellera encore en 2013 (un siècle après la création de la Fed) au forum annuel de la Fed de Philadelphie sur le thème « The History of Central Banking in the US » qu’on ne peut pas éviter les bulles car elles sont inhérentes à la nature humaine, mais qu’il faut faire le maximum pour en gérer les conséquences quand elles éclatent. C’est ce que fera son successeur, Ben S. Bernanke (président de la Fed de 2006 à 2014), qui géra la crise des « subprimes » en mettant en place le plus tôt possible une politique de « Quantitative Easing ». Le QE1 a été annoncé le 25 novembre 2008, soit 2 mois seulement après la faillite de Lehman Brothers (15 septembre de la même année) et un peu plus d’un an après l’effondrement de la valeur des fonds d’investissement de Bear Stearns (17 juillet 2007). Au mois de mai 2013, il annonce la fin prochaine de cette politique (« QE3 Tapering ») ; le risque de déflation s’étant suffisamment éloigné pour ne plus tout justifier, et notamment le fait que les entreprises empruntent pour racheter leurs actions et verser plus de Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 13 dividendes. Cette prise de position tranche avec le style de son prédécesseur et tente de prévenir la bulle suivante, ce que Janet Yellen, qui a pris les commandes depuis 2014, doit maintenant mettre en œuvre. L’annonce d’un QE dès 2008 a permis d’éviter un retour aux années 1930 qui hantent les Américains et dont Ben S. Bernanke est un des plus éminents experts. Mais le QE contribue lui aussi à injecter de la liquidité dans le système. Le défi aujourd’hui est de normaliser la politique monétaire pour éviter la propagation de bulles, sans pour autant précipiter la fin de cycle. Au final, prendre en compte d’une façon ou d’une autre l’interaction de l’économie réelle et l’évolution des marchés est devenu essentiel. Toutefois, le juste prix de marché contient une part conséquente de subjectivité. Même si les banques centrales ont développé des modèles d’évaluation pertinents, le risque d’intervenir préventivement sur le prix des actifs reste élevé et exigera beaucoup de doigté, surtout pendant l’hiver économique 13. C’est pourquoi, l’accent est mis ces dernières années sur les politiques macroprudentielles, d’ailleurs davantage efficaces pour prévenir la formation de bulles que pour gérer leur éclatement. Les banquiers centraux pourraient de ce fait avoir moins besoin de durcir leur politique monétaire préventivement pour éviter une bulle, mais conserveraient un rôle clé quand celles-ci éclatent, en résonance avec les remarques de Greenspan. Dans un monde globalisé, ces politiques doivent cependant être envisagées au niveau international, européen et national, ce qui prend du temps à mettre en place. Après le mouvement vers « l’indépendance » des banques centrales, le maître mot pourrait devenir la « coopération internationale », une des valeurs du printemps économique. n°3 3- Deux décennies de bulles d'actifs 600 NASDAQ 100 500 SHANGHAI SE A SHARE MSCI USA BIOTECH 400 300 200 0 09-96 03-97 09-97 03-98 09-98 03-99 09-99 03-00 09-00 03-01 09-01 03-02 09-02 03-03 09-03 03-04 09-04 03-05 09-05 03-06 09-06 03-07 09-07 03-08 09-08 03-09 09-09 03-10 09-10 03-11 09-11 03-12 09-12 03-13 09-13 03-14 09-14 03-15 100 Source: Datastream, Recherche Amundi 13 14 Voir note 6. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 La résolution de chaque crise en injectant un peu plus de liquidité dans le système a conduit à développer des bulles successives pendant cet hiver économique. Par ailleurs, si la bulle internet était avant tout américaine, la suivante sera sino-américaine et la troisième euro-américaine : - Les cours du Nasdaq décollent après la crise liée à LTCM et la réaction de la Fed de baisser les taux (point de départ d’un nouveau cycle boursier dont la phase de hausse durera 14 mois). - Les cours de l’indice des actions chinoises s’envolent dans la seconde partie des années 2000 (surinvestissement, envolée des prix des matières premières), parallèlement au développement des crédits « subprimes » aux États-Unis. La Chine (zone dollar par extension) reclasse ses excédents en achetant des bons du Trésor américains, ce qui maintient les taux longs plus bas que nécessaire. L’arrêt de la hausse des taux de la Fed (phase iii du cycle court * ) renforce encore la hausse du prix des actifs. - Les valeurs de biotechnologie et de réseaux sociaux, fers de lance des valeurs de croissance, partent à la hausse alors que les taux longs vont à nouveau être maintenus bas longtemps, notamment du fait de la crise européenne à partir des années 2010. À noter que le retournement structurel du prix des matières premières après le printemps arabe de 2011, prolongé par le ralentissement économique de la Chine, contribue aussi à maintenir des pressions déflationnistes au niveau mondial. * Voir Discussion Paper : « les cycles courts de l’investissement : feuille de route » – Le second débat a trait à la financiarisation de l’économie et a été soulevé avec la crise de 2008. Existe-t-il une limite ? La crédibilité croissante des banques centrales, qui assurent le rôle de prêteur en dernier ressort, a rendu de moins en moins nécessaire la détention de liquidité pour faire face aux crises. Cette crédibilité a eu pour effet de débloquer de la liquidité et donc d’accroître la capacité de l’économie de vivre à crédit. La fluidité croissante du marché interbancaire et l’accès de plus en plus facile au marché par les banques ont également participé à cette dynamique. Dans les années 1930, les banques américaines subissent une régulation plus forte qu’ailleurs en matière de prêts interbancaires. Les crédits spécialisés sont dès lors souvent refinancés sur le marché plutôt qu’auprès des autres banques. Dans les années 1980, les banques hypothécaires américaines émettent des CMO (Collateralised Mortgage Obligations) qui regroupent plusieurs centaines de crédits immobiliers. Ces instruments ont ensuite été copiés pour regrouper toute sorte d’autres crédits parfois de maturités différentes. Ainsi sont nés les ABS (Asset Backed Securities). La proportion de bons crédits de ces ABS notés par les agences de rating comme Moody’s et Standard & Poor’s étant importante, ils recevaient souvent de bonnes notes. Puis on a même fini par créer des ABS d’ABS qui diluaient encore un peu plus le risque. Bref, la capacité de financement grâce au marché semblait ne plus avoir de limites dans les années 2000. Alors que les liquidités paraissaient inépuisables, les autorités ont donc focalisé davantage leur attention sur la solvabilité des banques et les ont contraints à l’accroître progressivement depuis les années 1970. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 15 À l’époque de la flambée des cours du pétrole et du reclassement des pétrodollars, la faillite de la banque Herstatt a incité à la création d’un « comité technique de supervision bancaire » à Bâle dans le cadre de la BRI (Banque des Règlements Internationaux), elle-même créée en 1930 pour régler la question des réparations allemandes. Les banquiers centraux avaient pris l’habitude de se réunir souvent dans ce cadre depuis les années 1960. Le ratio Cooke, du nom du responsable de la supervision bancaire de la Banque d’Angleterre qui présidait alors ce comité, vit le jour en 1975. Cette régulation sera réformée et complétée en 2004 suite aux accords dits de Bâle II, puis en 2010 avec les accords de Bâle III. Paradoxalement, les accords de Bâle I et II, combinés aux nouvelles normes comptables (IFRS), ont fortement incité les banques à externaliser leurs risques en utilisant les dérivés de crédit afin d’optimiser leurs fonds propres et donc de pouvoir prêter davantage. Au Royaume-Uni par exemple, le financement des banques par des investisseurs institutionnels est passé de 0 à 50 % entre 2001 et 2008. En revendant et en achetant des créances bancaires sur le marché, les banques pensaient alors mieux maîtriser et diversifier leurs risques. La crise des « Subprimes », ces crédits immobiliers américains à risque contenus dans les ABS et détenus par toutes les banques du monde, a éclaté en 2007. À ce moment, le marché mondial des CDS (Swap de dérivés de crédit) représentait 63 000 Mds $, contre 54 000 Mds $ pour le PIB mondial selon le FMI. Il est alors devenu clair qu’il existait une limite au-delà de laquelle le système financier ne pouvait pas aller, en tout cas aussi rapidement. Contrairement à ce qui était espéré, la « marchéisation » de l’économie n’a pas permis une « diversification » mais plutôt une « dissémination » des risques. Il est alors beaucoup plus difficile de circonscrire la crise quand elle surgit que dans le cas d’une faillite isolée comme ce fut le cas avec LTCM en 1998. La titrisation ne va pas disparaître avec la crise ; elle se verra davantage encadrée. Les accords de Bâle III vont imposer des mesures de type macro-prudentiel aux banques : elles vont devoir constituer un volant de fonds propres contra-cyclique jusqu’à 2,5 % dans la phase ascendante du cycle pour pouvoir les utiliser dans la phase descendante. L’effet de levier se verra plafonné. Enfin, les banques seront contraintes à disposer de davantage de liquidité à court (30 jours) et moyen terme (12 mois). Ces mesures seront mises en œuvre progressivement jusqu’en 2019. Rappelons que le facteur démographique commencera à s’améliorer et à soutenir la demande structurelle aux États-Unis au début des années 2020. Une concomitance intéressante à relever, car ces deux éléments pourraient faire le lit du printemps économique à venir. Au final, le renforcement de la régulation après une période de crise stimule la volonté de contourner les crises, qui se concrétise dès que l’environnement devient propice à l’innovation financière. En surviennent alors d’autres qui incitent le régulateur à reprendre la main, non pas pour interdire les nouvelles pratiques, 16 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 mais pour les encadrer, et ainsi de suite… Ce qui signifie que 1) le niveau structurel d’endettement de nos économies va demeurer en moyenne plus élevé que par le passé 2) l’assurance d’avoir de la liquidité pour faire face aux crises sera encore endossée par les banques centrales, mais le sera aussi davantage qu’auparavant au niveau de chaque banque 3) les marchés exploiteront un jour ou l’autre (lors du prochain été économique ?) les failles de ce nouveau dispositif. – Le troisième débat concerne le rôle des banques centrales vis-à-vis de la supervision des autres banques. Il a été relancé avec la crise de 2010. Partout, la supervision bancaire est essentielle à la stabilité des économies. L’insuffisance de supervision bancaire a contribué aux crises de change des années 1980 et 1990 en Amérique Latine et dans des pays asiatiques, y compris au Japon. Dans l’archipel nippon, les banques faisaient partie des Keiretsu14 et prêtaient sans trop y regarder aux autres filiales du groupe. Cette mission de supervision qui fait la fierté de la Fed, est souvent du ressort des banques centrales. Les Anglais, qui ont essayé de sortir de cette logique, ont rapidement fait marche arrière. En accordant l’indépendance à la Banque d’Angleterre par la loi d’avril 1998 (Bank of England Act), le parlement a en effet limité sa mission à la conduite de la politique monétaire. Le rôle de superviseur bancaire, qui a pourtant contribué à sa renommée, a été confié au régulateur, le FSA. Il est vrai que les risques bancaires sont de plus en plus transférés au niveau du marché lui-même. Mais cette expérience aura cependant été de courte durée, puisque cette mission réintègre le giron de la banque centrale le 1er avril 2013. En effet, le Royaume-Uni n’a pas été épargné par la crise financière mondiale de 2008. Pour la première fois depuis le XIXe siècle, une banque britannique, la Northern Rock, a connu une panique de sa clientèle qui est venue faire la queue aux guichets pour retirer ses dépôts. Même dans les années 1930, le système financier anglais avait évité cela ; le dernier « bank run » au Royaume-Uni a eu lieu en 1866 (Overend Guerney). Des discussions tripartites (trésor, banque centrale, régulateur) sur « l’aléa moral15 » ont cette fois-ci fait perdre beaucoup de temps et il a finalement fallu nationaliser la Northern Rock pour éviter le risque systémique. Au niveau de la BCE, le rôle de supervision est longtemps resté la prérogative des banques centrales nationales et ne tombe sous sa coupe qu’à partir de 2014 (la liste comprend 120 établissements bancaires qui représentent tous ensemble près de 85 % de la valeur des actifs bancaires de la zone euro). 14 eiretsu : conglomérat de beaucoup d’entreprises, liées entre elles par des liens financiers organisés K autour d’une banque. Développées pendant le miracle japonais, elles sont les héritières des Zaibatsu d’avant-guerre. 15 a notion « d’aléa moral » consiste en l’occurrence à dire qu’il n’est pas normal de soutenir une banque L en difficulté alors qu’elle s’est précédemment enrichie en prenant des risques inconsidérés. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 17 La crise européenne a en effet changé la donne. Alors que la crise sévit, le repli sur soi des États, par ailleurs caractéristique des hivers économiques conduit les banques des États les plus en difficulté (notamment les pays du sud) à acheter la dette nationale alors même que celle-ci est émise pour leur venir en aide. Afin de casser cette spirale infernale, une union bancaire européenne devient nécessaire et passe par un superviseur commun : la BCE. La zone euro ne suivra donc pas l’exemple anglais. Elle fait aussi le choix de plus d’intégration. Cela illustre bien les adaptations permanentes des institutions et les banques centrales n’y échappent pas. Il faudra cependant peut-être attendre plusieurs années pour que l’union bancaire européenne soit vraiment aboutie. Rappelons que la panique bancaire de 1907 aux États-Unis, n’a conduit à la création de la Fed que 7 ans plus tard. Il aura aussi fallu attendre 7 ans après la crise du SME (Système Monétaire Européen) de 1992 avant la naissance de l’euro. À partir du moment où les banques centrales sont les prêteurs en dernier ressort et les gardiens de la stabilité financière, il est logique qu’elles supervisent les autres banques. Confortées dans leur rôle de superviseur bancaire, les banques centrales confirment leur rôle de pivot pour répondre aux nécessités de l’économie de marché : gérer les crises, les prévenir, mais aussi agir au quotidien sur les conditions de financement de l’économie à travers leur politique monétaire. 2. La politique monétaire 2.1 Du ciblage monétaire au ciblage de l’inflation Il faut savoir que les présidents de banques centrales n’avaient pas forcément de formation économique poussée avant les années 1970. Depuis, les travaux académiques n’ont fait que prendre plus d’importance dans leurs décisions. Au point que les « théoriciens », comme Ben S. Bernanke puis Janet L. Yellen, ont finalement eux-mêmes été nommés à la tête de la plus puissante banque centrale du monde. William McChesney Martin (président de la Fed de 1951 à 1970) était par exemple particulièrement méfiant envers les statistiques de masse monétaire. Paul Volcker (président de la Fed de 1979 à 1987), « monétariste pragmatique », faisait lui-même davantage confiance à son jugement qu’à un modèle établi. Dans la foulée de Volcker, tous les banquiers centraux se sont mis à utiliser des objectifs de croissance de la masse monétaire comme outil principal pour anticiper les risques inflationnistes, en tenant compte du principe de bon sens énoncé par Milton Friedman comme quoi « l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ». Cet instrument a quand même fini par trouver ses limites et est moins regardé aujourd’hui, sans pour autant être abandonné tant s’en faut. Même la BCE, héritière de la Bundesbank qui en avait fait son outil fétiche, a officiellement cessé de le mettre en avant depuis mai 2003. 18 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 Les processus d’innovation financière et de dérèglementation des années 1980 ont perturbé cet outil d’anticipation de l’inflation. Le développement des placements financiers a rendu la frontière entre épargne et consommation beaucoup plus perméable ; l’épargne peut se transformer plus rapidement qu’auparavant en consommation. Ensuite, la part de plus en plus importante d’eurodevises, notamment en ce qui concerne le dollar mais aussi l’euro, fragilise la relation entre masse monétaire et inflation. Enfin, les produits dérivés sur instruments financiers viennent encore complexifier l’analyse. La financiarisation plus rapide des pays anglo-saxons explique certainement pourquoi cet indicateur a été moins regardé chez eux en premier. n°4 4- Règle de Taylor et Taux des Fed Funds 12 10 8 6 4 2 0 Règle de Taylor Taux des Fed Funds 2012 2013 2014 2015 1993 1994 1994 1995 1996 1997 1997 1998 1999 2000 2000 2001 2002 2003 2003 2004 2005 2006 2006 2007 2008 2009 2009 2010 2011 2012 -4 1988 1988 1989 1990 1991 1991 1992 -2 Source: Datastream, Recherche Amundi Taylor : à la recherche d’un taux neutre. Il existe plusieurs façons d’écrire la formule de Taylor * et notre propos n’est pas de rentrer dans un débat théorique ici mais plutôt de mettre en évidence qu’en 2009, ce type de méthode a montré la nécessité d’un taux négatif, ce qui incita à passer au « Quantitative Easing ». Ceci posé, la règle de Taylor n’est pas une martingale et n’empêche pas les « erreurs » de politique monétaire. Par ailleurs, cette même formule suggèrerait que les taux auraient déjà dus être remontés. Il faut toutefois tenir compte de l’ensemble des conditions monétaires (voir graphiques 9, 10, 11) et de la volonté affichée de Janet Yellen de ne pas surprendre les intervenants de marché dans ce cycle. * a formule de Taylor employée ici intègre une inflation cible à 2 % et un taux de chômage d’équilibre L à 5 %. D’autres approches ont pris le pas autour de la notion d’« output gap », c’est-àdire l’écart entre le PIB réel constaté ou prévisionnel et le PIB potentiel. Si le PIB croît plus vite que son potentiel de croissance, alors cette croissance recèle des risques inflationnistes. Inversement, s’il croît moins vite que son potentiel, les risques inflationnistes reculent. La règle proposée par l’économiste John B. Taylor en 199316 a fini par s’imposer comme l’une des mesures phares en la matière. Selon cette 16 John B. Taylor, 1993 : “Discretion versus policy rules in practice”. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 19 règle, le taux directeur neutre devrait être équivalent à la somme de l’inflation et du taux réel à l’instant t, du différentiel entre l’inflation à l’instant t et la cible d’inflation (multiplié par un coefficient déterminé économétriquement par la banque centrale) et enfin du différentiel entre le PIB et le PIB potentiel (multiplié là aussi par un coefficient à déterminer). D’autres versions de la formule de Taylor17 ont vu le jour, notamment en intégrant un taux de chômage d’équilibre. Reposant sur beaucoup d’hypothèses, ces mesures ne sont pas non plus sans faille. La Banque d’Angleterre a suivi une autre voie et utilise un modèle économétrique de prévision d’inflation, se fixant des objectifs d’inflation avec une marge d’erreur explicitée. La sortie de la livre sterling du Système Monétaire Européen en 1992 l’a poussée à mettre au point cette technique de ciblage. Aux États-Unis, peu avant sa nomination au Board de la Fed par le président Bush, Bernanke suggère lors de son audition au Congrès le 30 juillet 2002, que l’efficacité de la Fed serait améliorée par le ciblage d’inflation18. Il mettra 10 ans pour arriver à l’imposer, sans pour autant remettre en cause le mandat dual de la Fed. Plus de 25 pays dans le monde sont maintenant passés à cette pratique initiée en fait avec succès par la Nouvelle Zélande dès 199019 et rapidement suivie par le Canada (1991). Remarquons que la BCE a aussi une cible d’inflation qu’elle définit à sa manière : « un niveau inférieur à, mais proche de 2 % à moyen terme »20. Cette notion de ciblage de l’inflation, transparente, vise à ancrer les anticipations d’inflation21. Elle va de pair avec le développement d’une communication préventive. 2.2 Principaux instruments d’action de la politique monétaire Les banques centrales peuvent agir principalement sur le niveau de réserves obligatoires des banques, les taux de refinancement et la quantité de monnaie qu’elles acceptent de mettre à leur disposition. Enfin, elles peuvent monétiser la dette publique. À l’origine, les banques centrales agissaient essentiellement sur les réserves obligatoires des banques, c’est-à-dire sur la quantité de monnaie de banque qu’elles sont obligées de geler pour pouvoir prêter. En agissant sur ces réserves, la banque 20 17 Voir Janet L. Yellen, 2012 : “The economic outlook and monetary policy”. 18 es discussions au sein de la Fed au sujet d’une cible de 2 % avaient déjà eu lieu lors du FOMC de D juillet 1996, sous Greenspan. Alors que Greenspan suggérait une cible entre 0 et 1 % car l’inflation publiée était souvent supérieure à la réalité, l’un des gouverneurs, Janet L. Yellen, avait argumenté qu’il fallait mieux se laisser une marge pour pouvoir fixer des taux réels négatifs si nécessaire pour contrer des récessions. Cette cible, finalement établie à 2 %, n’était cependant pas officielle. 19 e Reserve Bank Act de 1989 donne son indépendance à la banque centrale et lui confie une mission L de politique monétaire visant à atteindre une cible formelle d’inflation, qui sera finalement fixée à 2 %. 20 ette formulation date de 2003. Auparavant, la cible était : « inférieure à 2 % ». Mais Draghi explique a C posteriori qu’il fallait une marge supérieure pour faciliter la convergence entre les pays de la zone euro. 21 n retournement à la hausse des anticipations d’inflation est essentiel pour valider un passage de U l’hiver économique au printemps. Voir le Discussion Paper « Les cycles longs et les marchés d’actifs », page 19. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 centrale peut donc exercer une influence sur le montant des crédits consentis. Ces réserves obligatoires sont avant tout de nature prudentielle, pour avoir de la liquidité en cas de crise. Compte tenu du rôle de prêteur en dernier ressort rempli par les banques centrales, cet instrument, qui ne permet pas une gestion fine de la liquidité, est souvent tombé en désuétude. Il reste cependant très utilisé dans les pays émergents, dont les marchés financiers ne sont par définition, pas encore suffisamment développés. Dans les années 1930, les réserves obligatoires se montaient à 11 % des dépôts bancaires en Angleterre par exemple, puis environ 8 % dans les années 1950. On a par ailleurs étendu la notion de réserves à d’autres actifs quasiliquides à cette époque, dégradant quelque peu la qualité des réserves. Une autre réforme, en 1971 qui sera ensuite simplifiée en 1981, leva l’essentiel des restrictions bancaires au Royaume-Uni. Les banques commerciales ne devaient plus déposer sous cette forme que 0,5 % de leurs dépôts auprès de la banque centrale. Les nouvelles technologies ont même permis en 1998 de passer à un traitement en temps réel de la compensation et d’abaisser encore ce ratio, qui est aujourd’hui tombé à 0,15 % ; l’objectif étant au Royaume-Uni de tout juste financer le fonctionnement de la banque centrale grâce aux réserves obligatoires. Ce ratio est tombé à 1 % au sein de la zone euro. Cette obligation légale de réserves a même tout simplement été abolie dans certains pays comme par exemple le Canada, la Nouvelle Zélande et l’Australie. Ensuite, la banque centrale peut agir sur le taux de refinancement, c’est-à-dire les taux auxquels elle prête aux banques commerciales. Lors de ces opérations « d’open market », les banques apportent des actifs en garantie à la banque centrale. Une baisse des taux directeurs de la banque centrale incite les banques à emprunter auprès d’elle plutôt qu’auprès des banques commerciales ou sur le marché, ce qui fait baisser aussi les autres taux à court terme. Une hausse des taux directeurs produit l’effet inverse. Ces opérations de refinancement des banques sont devenues routinières et constituent le principal instrument de politique monétaire en rythme de croisière. De manière plus exceptionnelle, la banque centrale peut agir au-delà du taux de refinancement en prenant des mesures non conventionnelles, comme par exemple sur la quantité de monnaie22 qu’elle accepte de prêter aux banques. Pour cela, il lui suffit d’étendre la liste des actifs qu’elle accepte de prendre en garantie, ce qui a pour effet d’accroître l’actif de la banque centrale et permet donc aux banques commerciales de prêter davantage. Ces mesures ont été prises par la banque du Japon en 2001 et par la Fed et la plupart des autres banques centrales à partir de 2008 pour combattre le risque de déflation, la politique de taux devenant inefficace. En effet, en cas de déflation, même des taux à zéro sont en fait supérieurs à l’évolution des prix qui est alors négative. La règle de Taylor suggère dans ce cas un taux directeur négatif (voir graphique 4) ! 22 D’où la notion de « Quantitative Easing » quand il s’agit d’accroitre la quantité de monnaie. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 21 Enfin, elle peut acheter ou vendre des titres de dette publique sur le marché. Quand elle vend ainsi des titres, elle débite en contrepartie les banques, ce qui réduit la quantité de monnaie de banque centrale en circulation. À l’inverse, en achetant des titres, elle crédite en contrepartie les banques et augmente la quantité de monnaie. En fait, si ces opérations ne sont pas stérilisées23, elle monétise alors la dette. Inflationniste par nature, monétiser une dette n’est pas non plus sans risque. Ainsi, en décembre 1931, pour se sortir de la crise, le Japon abandonne le Gold Standard provoquant une baisse de 40 % du yen, ce qui est déjà inflationniste. Mais le gouvernement décide en plus d’un plan de relance keynésien massif financé par la monétisation de la dette, qui finit par générer hyperinflation… et régime militaire. Ce qui peut au passage expliquer pourquoi les Japonais ont longtemps hésité à utiliser à nouveau cet outil pour sortir de déflation pendant la « décennie perdue ». Devant le défi démographique (baisse de la croissance de sa population en âge de travailler), qui pèse sur la croissance potentielle, et le défi géopolitique (montée en puissance de la Chine) auquel il fait face, le Japon pourrait quand même être le premier à l’expérimenter à nouveau pendant cet hiver économique. Combiner endettement de l’État et financement par la banque centrale est en effet l’outil le plus puissant à la disposition des autorités. Rappelons qu’il a d’ailleurs été à l’origine même de la création de la Banque d’Angleterre et a contribué à financer l’effort de guerre également lors des deux guerres mondiales du XXe siècle. La crise de 2000 s’est soldée par la baisse des taux des banques centrales, celle de 2008 par la mise en œuvre du Quantitative Easing. La prochaine déboucherat-elle sur la combinaison d’une monétisation de la dette et d’une relance budgétaire, ultime recours pour sortir de l’hiver économique ? 2.3 Comment la communication est devenue un outil indispensable Les banques centrales donnent des informations précieuses aux investisseurs qui suivent les mêmes indicateurs, sachant qu’elles ont une longueur d’avance car leur action est structurante pour l’économie. C’est pourquoi elles constituent un guide privilégié pour les investisseurs. Tout d’abord, elles agissent souvent de façon graduelle ; ceci afin d’offrir une grande visibilité directionnelle aux marchés et limiter la probabilité d’une crise du secteur financier. En cas de crise, évidemment, l’action doit être rapide et rassurante. Enfin, la communication est devenue un facteur à part entière de politique monétaire. La Fed, surtout, en a vraiment pris conscience après la crise mexicaine de 1994 lors de laquelle elle a en quelque sorte joué le rôle de déclencheur en procédant à une hausse inattendue de 25 pb de ses taux directeurs. Aussi la communication est-elle une affaire sérieuse : chaque mot des communiqués officiels du FOMC est pesé. 23 Stériliser une action de banque centrale revient à retirer la liquidité émise lors de cette action par divers moyens comme par exemple la vente d’autres actifs, ou encore en incitant les banques à déposer leurs liquidités sur un dépôt à terme, etc. 22 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 Relevons ici un paradoxe sur cette évolution qui renforce encore la nécessité d’une communication efficace. D’un côté, avec la financiarisation de l’économie les taux de marché ont de plus en plus d’impact sur l’évolution de l’économie. De l’autre, la banque centrale a de moins en moins la capacité d’agir physiquement pour les contrôler, les sommes échangées sur les marchés étant chaque jour plus conséquentes. Elle doit donc convaincre. La communication est définitivement clé. Cette communication est nécessairement complexe. Le banquier central doit être capable d’aller à contre-courant de l’opinion comme le faisait remarquer William McChesney Martin. Il décrivait sa mission comme devant « naviguer contre le vent », ce qui était très novateur à l’époque. Il avait dû monter les taux à de nombreuses reprises alors qu’ils étaient restés stables autour de 1 % les deux décennies précédentes. Il avait même osé les monter en 1965 en pleine guerre du Vietnam, malgré l’avis du président Lyndon Johnson ; ce qui contribua d’ailleurs grandement à affirmer l’indépendance de la Fed. En revanche, la nouvelle mission implicite de gardien de la stabilité financière exige en outre du banquier central que ses actions ne surprennent pas les investisseurs. Il faut donc préparer à l’avance les intervenants sur les marchés aux décisions afin qu’ils ne soient pas surpris, tout en se ménageant la possibilité de changer d’avis ultérieurement sans altérer sa crédibilité. Le président d’une banque centrale se doit donc de suggérer fermement en se laissant toujours une porte de sortie. La fameuse phrase d’Alan Greenspan « si j’ai été clair c’est que je me suis mal exprimé » explicite bien cette complexité. En introduisant le ciblage d’inflation et la « forward guidance »24, Ben S. Bernanke et Yellen vont beaucoup plus loin en termes de transparence, primordiale en régime de Quantitative Easing. La crédibilité du banquier central est la pierre angulaire de cet exercice. Soulignons l’exemple déjà légendaire de Mario Draghi, président de la BCE depuis le 1er novembre 2011, qui déclare qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour sauver l’euro (« whatever it takes ») le 26 juillet 2012 (voir graphique 8). Son discours a réussi à convaincre durablement les marchés, alors que la hausse des taux lors du printemps arabe de 2011 avait contribué à faire rechuter la zone euro en récession. Il a joint le geste à la parole en baissant régulièrement les taux jusqu’à les faire passer en territoire négatif25 ! 24 « Forward Guidance » : clé de lecture de l'orientation future de la politique monétaire. 25 Le taux de facilité de dépôt a été abaissé à -0,10 % en juin 2014 et -0,20 % en septembre. Trois raisons de vouloir contourner la borne inférieure nulle (ZLB) : 1) maintenir la pression sur le taux de change 2) faire de la répression financière sur les banques pour les inciter à prêter 3) inciter le consommateur à consommer plutôt qu’épargner. Cette politique a été suivie par les banques centrales danoises (DKK ancré à l’euro), suédoise (elle l’avait déjà expérimentée de juillet 2009 à septembre 2010) et suisse. Dans les années 1970, la BNS avait déjà utilisé les taux négatifs sur les comptes étrangers. Après le QE de janvier 2015, même les taux des obligations d’État du cœur de la zone euro et de ces pays sont passés en territoire négatif sous l’effet de la « chasse au rendement ». Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 23 1994, 2004, 2014 : une communication de plus en plus affûtée 5- 1994: hausse surprise des taux de la Fed en février 9,0 Hausse des taux (4 février) Taux longs à 10 ans 01-93 11-96 09-96 07-96 05-96 03-96 01-96 11-95 09-95 07-95 05-95 03-95 01-95 11-94 09-94 07-94 2,0 05-94 3,0 2,0 03-94 3,0 01-94 4,0 11-93 5,0 4,0 09-93 6,0 5,0 07-93 6,0 05-93 7,0 03-93 8,0 7,0 01-93 8,0 03-93 9,0 Taux des Fed Funds 6- 2004: hausse régulière des taux de la Fed et Conundrum 6,0 6,0 Hausse des taux (30 juin) Annonce (3 mai) 5,0 "Risques équilibrés" (16 mars) Taux longs à 10 ans 03-03 01-03 11-06 09-06 07-06 05-06 03-06 01-06 11-05 09-05 07-05 05-05 03-05 01-05 11-04 09-04 07-04 0,0 05-04 0,0 03-04 1,0 01-04 1,0 11-03 2,0 09-03 3,0 2,0 07-03 3,0 05-03 4,0 03-03 4,0 01-03 E 5,0 Taux des Fed Funds 7- 2014: Tapering de la Fed 2,5 3,0 2,5 Taux des Fed Funds 01-15 11-14 09-14 07-14 05-14 03-14 01-14 11-13 09-13 07-13 05-13 03-13 01-13 11-12 09-12 07-12 05-12 03-12 01-12 0,0 11-11 0,5 0,0 09-11 0,5 07-11 1,0 05-11 1,5 1,0 03-11 2,0 1,5 01-11 2,0 Taux longs à 10 ans 24 3,5 Tapering évoqué (22 mai) Source: Datastream, Recherche Amundi Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 03-11 3,0 4,0 Tapering effectif (22 janvier) Tapering annoncé (18 décembre) 3,5 01-11 4,0 Graphique 5 : en février 1994, la Fed surprend les marchés en montant ses taux de 25 points de base, ce qui provoque un krach obligataire. Graphique 6 : en 2004, la hausse des taux directeurs sera très progressive et régulière pour ne plus surprendre les marchés. Compte tenu de la forte crédibilité de la Fed, il aura d’ailleurs suffi que Greenspan parle de « risques désormais équilibrés en matière d’inflation » dans son communiqué du 16 mars pour que les marchés anticipent un renversement de politique monétaire. Il n’a évoqué « un biais moins accommodant avec une remontée progressive » que lors du comité suivant (3 mai). Les taux longs avaient déjà rebondi de 100 points de base. Puis ils évolueront sans tendance ; c’est la Fed qui sera surprise à son tour par cette réaction. En fait, la forte visibilité qu’elle a procurée a conduit les surplus des exportations chinoises (dégagés de la forte croissance des États-Unis) à s’investir sur les obligations du trésor américain et peser sur les taux longs ainsi déconnectés des taux directeurs. Ce phénomène, qualifié par Greenspan de « Conundrum », est venu amoindrir l’action de la Fed, qui a en conséquence, été inefficace pour empêcher l’envolée des prix immobiliers. Graphique 7 : en 2014, en régime de QE et en plein hiver économique, la Fed prendra encore plus de précautions. La simple évocation de la possibilité de ralentir la politique d’achat d’actifs de la Fed le 22 mai 2013 a suffi pour provoquer une forte réaction à la hausse des taux longs. L’annonce officielle a eu lieu le 18 décembre et sa mise en œuvre encore un mois plus tard. On notera que le laps de temps entre son évocation et son annonce est de 7 mois, alors qu’il n’était que d’un trimestre avant la hausse de taux en 2004. Le 22 janvier 2015, Mario Draghi annonce un QE encore plus fort qu’attendu par le marché avec effet en mars de la même année. Annonçant des achats d’actifs au moins jusqu’en septembre 2016, il fait temporairement des taux européens le nouveau point d’ancrage des taux mondiaux, alors que ces derniers dépendent plus naturellement des taux américains. Le FMI lui-même a souligné cette inversion des causalités à la faveur des taux européens. n°8 8- 2012: le "whatever it takes" de Mario Draghi 1,6 7 "Whatever it takes" (26 juillet) 1,4 6 1,2 5 1 4 0,8 3 0,6 2 0,4 Récesssion Taux Repo Spread 10 ans Espagne-Allemagne Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 07/15 05/15 03/15 01/15 11/14 09/14 07/14 05/14 03/14 01/14 11/13 09/13 07/13 05/13 03/13 01/13 11/12 09/12 07/12 05/12 03/12 01/12 11/11 09/11 07/11 05/11 03/11 01/11 0 11/10 0 09/10 1 07/10 0,2 Source:Datastream, Recherche Amundi 25 2.4 L’influence des taux de change La politique de taux de change ne fait pas partie de l’attribution des banques centrales. Elle est du ressort des gouvernements. Les décisions de fusionner le Deutsche Mark et l’Ost Mark ou la création de l’euro sont par exemple des décisions politiques ; le banquier central ne peut que donner son avis technique. En revanche, si les banquiers centraux ne sont pas responsables de la politique de change, il est clair que leurs décisions influent sur les devises par le simple mécanisme du différentiel de politique monétaire entre les zones. Les conséquences peuvent d’ailleurs être brutales. Au début des années 1980 les hausses de taux énergiques de la part de la Fed et de son président Volcker provoquent une forte hausse du dollar qui aboutira en 1985 aux accords du Plazza. La Bundesbank monta à son tour ses taux en toute indépendance en 1987 pour faire face aux tensions inflationnistes en faisant peu de cas des accords du Louvre signés en février de la même année par les gouvernements du G7. Le dollar chuta et le tout provoqua le krach boursier d’octobre 1987. En 1994, c’est à nouveau la hausse des taux de la Fed qui déclencha la « crise Tequila » mexicaine ; le Mexique fortement endetté en dollar risquant de ne plus pouvoir honorer ses échéances. Aussi, le banquier central doit de plus en plus tenir compte des effets collatéraux quand il prend ses décisions. Les exemples ci-dessus sont dans toutes les mémoires. La mondialisation accroît les risques de provoquer des crises systémiques et le change est une variable clé de transmission de ces risques. On en revient à l’idée que la banque centrale doit aussi de plus en plus gérer la stabilité financière, même implicitement. Quant à la dévaluation d’une devise, elle est un des paramètres importants de la panoplie d’un État pour se sortir d’une passe difficile. Dans les années 1930, les États-Unis notamment l’ont utilisée. Plus proche de nous, du temps du Système Monétaire Européen, la France et l’Italie par exemple en étaient coutumières. Les crises bancaires, comme celles qu’ont connues les pays nordiques au début des années 1990 (Norvège 1987, Finlande et Suède 1991), ont été définitivement vaincues grâce à des dévaluations. À la fin des années 1990, les pays exportateurs d’Asie ont aussi retrouvé de la compétitivité par ce moyen pour mieux rebondir ensuite. La crise actuelle présente la particularité de voir tous les pays concernés en même temps. Ceux qui ont employé massivement l’arme du Quantitative Easing en premier ont bénéficié plus tôt de la faiblesse de leur devise, à savoir dans l’ordre les États-Unis et le RoyaumeUni, puis le Japon, et enfin la zone euro. À noter qu’au sein de la zone euro, la dévaluation n’étant plus possible entre les États membres, l’ajustement a en plus du passer par une « dévaluation interne » (destruction massive des emplois) dans les pays moins vertueux. Le taux de change a un impact direct sur l’économie tout comme les taux d’intérêt. Selon le FMI, 10 % de variation annuelle sur le taux de change effectif du dollar par exemple aurait un impact économique équivalent à une centaine de points de base des taux de la Fed, ce qui doit bien sûr entrer en ligne de compte dans la décision de la banque centrale. Comme les marchés anticipent et que la Fed est de plus en plus 26 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 transparente sur ses actions à venir, cela pourrait réduire les mouvements effectifs de ses taux directeurs. Pour illustrer notre propos, reprenons l’exemple de la règle de Taylor proposé plus haut. Dans cet exemple, le taux neutre ressortirait aujourd’hui autour de 3 %. Mais la Fed doit aussi tenir compte de l’impact du change sur les conditions monétaires. En appliquant la mesure du FMI, cet impact serait de l’ordre de 2 %. Toutes choses égales par ailleurs une hausse de 100 points de base suffirait donc pour rejoindre la neutralité. Pour bien faire il faudrait aussi tenir compte des autres éléments impactant les conditions monétaires et notamment de l’évolution des taux longs, mais leur impact est négligeable cette fois-ci. Généralement, l’impact des taux longs et donc des taux hypothécaires sur les conditions monétaires est plus fort au début des mouvements de hausse des taux de la Fed alors que l’impact du dollar tend à prolonger les mouvements de taux directeurs. Cela correspond, exprimé différemment, à ce que nous avons déjà observé dans le Discussion Paper « Cycles courts de l’investissement : notre feuille de route ». Les taux longs montent en phase ii, parallèlement (ou même par anticipation) à la hausse des taux de la Fed, alors que les mouvements haussiers sur le dollar sont plus puissants en phase iv, pendant laquelle la recherche de protection de la part des investisseurs est plus prégnante. Deux exceptions notoires à ces observations : 1. la période post LTCM en 1999 : le dollar est monté parallèlement à la hausse des taux de la Fed, 2. le « Conundrum » de 2004 : les taux longs n’ont pas suivi la hausse des taux de la Fed. Impact du dollar et des taux longs sur les conditions monétaires 25 20 20 15 15 10 10 5 5 0 -5 01-74 02-75 03-76 04-77 05-78 06-79 07-80 08-81 09-82 10-83 11-84 12-85 01-87 02-88 03-89 04-90 05-91 06-92 07-93 08-94 09-95 10-96 11-97 12-98 01-00 02-01 03-02 04-03 05-04 06-05 07-06 08-07 09-08 10-09 11-10 12-11 01-13 02-14 03-15 0 -5 Récessions Var. Taux Fed Funds (en pb) 25 20 01-74 02-75 03-76 9- Impact du Dollar US 25 Rece YoY Var. Taux Fed Funds (en pb) + Var USD/10 (en %) Source: Datastream, Recherche Amundi 10- Impact des taux longs Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 20 15 27 10 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 0 0 0 Récessions Var. Taux Fed Funds (en pb) Source: Datastream, Recherche Amundi 10- Impact des taux longs 20 15 20 10 15 5 0 0 -5 01-74 02-75 03-76 04-77 05-78 06-79 07-80 08-81 09-82 10-83 11-84 12-85 01-87 02-88 03-89 04-90 05-91 06-92 07-93 08-94 09-95 10-96 11-97 12-98 01-00 02-01 03-02 04-03 05-04 06-05 07-06 08-07 09-08 10-09 11-10 12-11 01-13 02-14 03-15 -5 01-74 02-75 03-76 04-77 5 10 Récessions Var. Taux Fed Funds (en pb) 25 Var. Taux Fed Funds + Var. Taux longs (en pb) 11- Impact du Dollar US et des taux longs 25 20 20 15 15 10 %) 5 5 0 0 -5 01-74 02-75 03-76 04-77 05-78 06-79 07-80 08-81 09-82 10-83 11-84 12-85 01-87 02-88 03-89 04-90 05-91 06-92 07-93 08-94 09-95 10-96 11-97 12-98 01-00 02-01 03-02 04-03 05-04 06-05 07-06 08-07 09-08 10-09 11-10 12-11 01-13 02-14 03-15 10 -5 Récessions Var. Taux Fed Funds (en pb) Var. Taux Fed Funds et taux longs (en pb) + Var. USD/10 (en %) Source: Datastream, Amundi Research La courbe en bleu foncé correspond à la variation des taux directeurs de la Fed sur un an en points de base sur les 3 graphiques. Pour mettre en évidence sur le premier graphique l’impact du change sur l’économie, nous avons retenu la mesure donnée par le FMI selon laquelle 10 % de variation du taux de change effectif du dollar correspondrait à 100 points de base des taux de la Fed. La courbe en bleu clair sur le premier graphique additionne donc la variation annuelle des taux de la Fed en points de base et un dixième de la variation annuelle du taux de change du dollar. Celle du second graphique associe les variations des taux de la Fed et des taux longs. Celle du troisième est une combinaison des deux premières. Graphique 9 : impact du dollar. Par le passé, l’impact de la variation du dollar prolongeait les mouvements de taux de la Fed; sauf pendant la période post LTCM en 1999. Cette fois-ci, le marché des changes a anticipé du fait de la transparence accrue de la Fed sur ses actions futures. Cela pourrait l’inciter à tempérer sa hausse de taux. Graphique 10 : impact des taux longs. Généralement, les taux longs produisent leur effet surtout au début du durcissement de la politique monétaire ; sauf dans le cas du « Conundrum » de 2004-2006. Aujourd’hui, La courbe des taux est impactée par la course aux rendements entretenue par les taux de dépôts négatifs de la BCE qui jouent un rôle d’ancrage pour les taux longs mondiaux, et la faiblesse des prix des matières premières. Graphique 11 : combinaison des deux. Alors que les taux de la Fed n’ont pas encore bougé, la communication a déjà eu valeur d’action, mais à travers le taux de change plus que les taux longs. 28 Rece YoY Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 01-74 02-75 03-76 25 Rece YoY Var. Taux Fed Funds (en pb) + Var USD/10 (en %) Rece YoY 3. Banques centrales et cycle d’investissement Maintenant que l’on comprend mieux le rôle d’une banque centrale, son évolution et ses moyens d’agir sur l’économie, observons le comportement des taux américains qui sont devenus centraux pour les marchés mondiaux au cours du XXe siècle. Puis nous examinerons leur impact sur les marchés à la lumière des cycles courts et longs. 3.1 Évolution des taux directeurs américains depuis la création de la Fed – Évolution des taux nominaux de la Fed Si on considère la tendance de long terme (voir graphique 12), on peut noter 4 grands mouvements : un point haut à 7 % en juin 1920 puis une baisse séculaire qui démarre en mai 1921, et se prolonge jusqu’en septembre 1937, établissant un point bas à 1 %. Les taux ne reprennent le chemin de la hausse qu’en janvier 1948 pour dépasser les 20 % en 1981. Ensuite, ils ont baissé jusqu’à établir un plus bas historique à 0.25 % depuis décembre 2008. Ces mouvements épousent par définition le rythme des saisons économiques : à la hausse au printemps et en été, à la baisse en automne et en hiver. Si on considère les cycles courts, on constate que quand la tendance de long terme de l’inflation et des taux est à la hausse, la hausse des taux au sein des cycles courts est logiquement plus forte que la baisse qui suit et inversement quand la tendance de long terme est à la baisse, conformément à ce que faisait remarquer Kondratieff en son temps (cf. le Discussion Paper « Les cycles longs et les marchés d’actifs », p : 9-10). – Évolution des taux réels de la Fed La notion de taux réels (c’est-à-dire les taux corrigés des prix à la consommation) ne fait son apparition que dans les années 1950. La confusion entre les deux notions de taux nominaux et taux réels a d’ailleurs contribué à donner jusque-là un caractère en partie pro-cyclique à la politique des banques centrales. Deux périodes se distinguent donc : avant et après la seconde guerre mondiale (voir graphique 13). Avant, la volatilité de l’inflation était beaucoup plus forte qu’après, alors que les mouvements de taux directeurs étaient moins puissants. La politique monétaire était très contrainte par la détention d’or physique dont la quantité variait peu. C’est l’économie qui absorbait davantage les chocs. La dépendance à l’or s’estompe après la seconde guerre mondiale et les accords de Bretton Woods qui consacrent le dollar comme la seule devise au monde directement convertible en or, avant que Nixon n’abandonne définitivement la référence à l’or en 1971 et donne par là même encore plus de flexibilité à la Fed. Malgré les avancées méthodologiques que nous avons rappelées plus haut, le point neutre d’une politique monétaire au sein du cycle court reste très délicat à déterminer encore aujourd’hui et n’est pas observable. Il correspond au taux nécessaire pour que l’épargne finance parfaitement l’investissement Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 29 Évolution des taux directeurs américains depuis la création de la Fed 12- Taux nominaux de la Fed (en %) 20 IV III 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 13- Taux réels de la Fed (en %) 20 III IV 15 10 5 0 -5 -10 -15 -20 Source: NBER, FED, Datastream, Recherche Amundi Ces graphiques reprennent les codes couleur utilisés pour caractériser les 4 saisons économiques des cycles longs (voir Discussion Paper : « les cycles longs et les marchés d’actifs ») : bleu= printemps, rouge = été, vert= automne, violet = hiver. Le premier graphique reprend les taux de la Fed depuis sa création et permet de visualiser l’imbrication des cycles courts au sein des cycles longs : les taux directeurs dessinent des cycles courts autour d’une tendance à long terme qui monte pendant le printemps et l’été et qui rebaisse à l’automne et en hiver. Le second graphique représente l’évolution des taux réels de la Fed. Il permet de mettre en évidence deux cas d’école en termes d’erreur de politique monétaire : les années 1930 (trop restrictive à l’entrée de l’hiver) et les années 1970 (trop accommodante à la fin de l’été). Les taux réels très négatifs pendant les deux guerres mondiales sont le reflet d’une inflation élevée, provoquée notamment par la politique très accommodante de la Fed pour participer à l’effort de guerre. 30 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 et que le plein-emploi soit compatible avec une stabilité des prix. Ainsi, en bonne logique, la politique monétaire doit être neutre quand les risques sont équilibrés, restrictive quand il y a un risque inflationniste, et accommodante en période de désinflation ou a fortiori en cas de risque déflationniste. Dans la pratique, comme l’exercice est compliqué et repose sur beaucoup d’hypothèses, la banque centrale fait régulièrement des « erreurs » aux extrémités des cycles courts, ce qui entérine généralement la fin de cycle. Observer les taux réels permet de mettre en évidence deux erreurs de politique monétaire notoires qui sont devenues des cas d’école. Elles sont logées aux deux extrémités du cycle long (à la fin de l’été et au début de l’hiver), les deux virages économiques les plus durs à négocier. •La dépression des années 1930 : si la politique monétaire a été justement restrictive à partir de décembre 1920, elle l’a été trop longtemps et continue de l’être après le krach de 1929 (jusqu’en décembre 1933) alors que l’économie rentre en récession. La hausse des taux en 1931 était anachronique. Rappelons que la Fed ne gagnera son indépendance qu’en 1935. De plus, entre août 1936 et mai 1937, la Fed double son taux de réserves obligatoires de 8 à 16 % en 3 fois et stérilise les entrées d’or sur son territoire. Dans le même temps, la politique fiscale devient elle aussi restrictive. Bien que l’économie était repartie, que le marché des actions avait triplé depuis son point bas de 1933 et que les prix de l’immobilier avaient aussi retrouvé le chemin de la hausse, le remède fut trop lourd pour une économie encore structurellement convalescente. Il provoqua une nouvelle chute de 50 % des actions qui ne retrouvèrent leur point haut qu’une décennie plus tard. Le même type d’erreur sera répété par la Banque du Japon qui resserrera à contre temps pendant la crise des années 1990. Elle laissera la bulle se développer avant de durcir tardivement sa politique. Puis elle continuera à monter les taux même quand la bulle aura éclaté. En 1994, elle tentera à nouveau de monter les taux mais devra rapidement faire marche arrière. La politique budgétaire était aussi inappropriée. En 1997, la faillite de 3 banques (Sanyo Securities, Yamaichi Securities et la Hokkaido Takushoku Bank) annonçait une prolongation de la crise qui fera basculer le Japon dans la déflation. Finalement cette « décennie perdue » conduira à une certaine forme d’indépendance de la banque centrale à partir de 1998. •La stagflation des années 1970 : la politique monétaire avait été justement neutre à restrictive pendant les années 1950 et 1960. Mais la réponse à l’emballement de l’inflation après le premier choc pétrolier de 1974 a été insuffisante jusqu’au début des années 1980. En 1968 déjà, le président de la Fed, Martin, baissa trop vite sa garde à partir du moment où la politique budgétaire commençait à devenir plus restrictive, ce qui marqua le point de départ de la Grande Inflation. Cette période mettra définitivement en évidence qu’en cas de stagflation, mieux vaut agir en priorité sur l’inflation plutôt que sur la Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 31 relance de la croissance, ce que fera Volcker dès qu’il prendra les commandes, en montant brutalement les taux. – Il semble qu’on maîtrise maintenant les règles du jeu Si l’inflation s’emballe tendanciellement, la bonne réponse est de conduire une politique restrictive. La politique monétaire est d’ailleurs plus adéquate que la politique budgétaire pour résoudre ce fléau. C’était la vision du monétariste Milton Friedman, qui inspira Volcker à la fin des années 1970. Encore plus important, il faut absolument éviter de tomber en déflation. La politique monétaire est moins efficace dans ce cas car les taux ne peuvent baisser à l’infini. En effet, comme Keynes l’a démontré dans les années 1930 et comme le cas japonais l’a rappelé dans les années 1990, la politique monétaire est pratiquement impuissante pour solutionner une déflation compte tenu de l’effet de « trappe à liquidités ». Elle doit alors employer les instruments de politique monétaire non conventionnelles (Quantitative Easing, taux de dépot négatifs, etc.) et agir au plus vite. En 2008 pourtant, dans un premier temps, bien que très vigilantes sur ce point, la Fed mais surtout la BCE26 se font à nouveau piéger. L’envolée des prix des matières premières a d’abord masqué les risques déflationnistes. Cette hausse des prix, influencée par l’émergence de la Chine, était aussi le fruit de la spéculation et de la financiarisation. Comme quoi, faire un diagnostic à chaud n’est jamais aisé, même pour des banquiers centraux de plus en plus avertis. En revanche, ces deux banques centrales réagirent plus vite que dans les années 1930 quand elles réalisèrent qu’elles se trompaient de combat. – Reste à expérimenter comment sortir efficacement d’un régime de « Quantitative Easing » La période de « Tapering » (mai 2013-octobre 2014) a exceptionnellement correspondu à la phase ii du cycle court (renversement de politique monétaire) et a été très profitable aux actions. On quittait une période de risque déflationniste sans pour autant enclencher une période de risque inflationniste. La fin du « Tapering » s’apparente à la phase iii (stabilisation de la politique monétaire)27 qui prépare la récession à venir mais qui peut aussi passer par une bulle, ou au moins une exagération de marché, au préalable. Espérons que le « ciblage d’inflation » et la « forward guidance » constituent la bonne formule pour franchir l’étape suivante qui consiste, selon la Fed, à monter les taux : 26 ans ses objectifs, la BCE fait référence à l’inflation publiée, alors que la Fed fait D référence à l’inflation sous-jacente. 27 E n période de QE, on peut considérer que la stabilité de la taille du bilan de la Fed correspond à la stabilité des taux de la Fed dans un cycle plus classique. 32 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 • D’un côté, comme la Fed est très transparente, les acteurs de marché ont anticipé la hausse des taux à venir via la hausse du dollar qui équivaut déjà à une hausse de 200 points de base de taux au moment où nous écrivons (voir graphique 4). Monter les taux sera-t-il une nouvelle « erreur » de politique monétaire qui viendra casser le cycle court ? •D’un autre côté, si habituellement les taux longs américains influencent les autres taux longs ailleurs dans le monde, cette fois-ci l’ancrage des taux mondiaux sur les taux européens pourrait freiner la hausse des taux longs américains ; d’autant que le ralentissement structurel de la croissance des pays émergents renforce le risque de déflation mondiale. Va-t-on vers une autre sorte de « Conundrum », sachant que le dernier avait débouché sur une bulle, emmenée par la hausse des prix des actifs immobiliers, aux États-Unis, mais aussi au Royaume-Uni, en Espagne, etc. ? Enfin, depuis 2008, toute banque centrale qui a commencé à monter ses taux (Norvège, Australie, Suède, zone euro…) a du très vite faire marche arrière. L’économie mondiale est encore très lourdement endettée alors que les facteurs démographiques ne soutiendront pas la demande structurelle avant environ 2020-2025 aux États-Unis, première région à pouvoir présenter une amélioration sur ce plan. Si la Fed montait ses taux et que les choses se passaient mal, il est probable qu’elle soit amenée, elle aussi, à faire marche arrière rapidement. Au total, la banque centrale doit donc prévenir non seulement le risque d’inflation mais aussi le risque de déflation. C’est pourquoi son objectif d’inflation à long terme n’est pas 0 mais légèrement supérieur, souvent autour de 2 %. Sortir d’un régime de QE nécessite de sortir définitivement du risque déflationniste et donc de rétablir des attentes positives en matière d’inflation. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 33 Erreurs de politique monétaire : les leçons du passé et la situation actuelle 14- Erreurs de poltique monétaire aux Etats-Unis dans les années 1930 7 Hausse des taux 6 35 Hausse des taux de réserves obligatoires 30 5 25 4 20 3 15 2 10 1 5 0 0 1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933 1934 1935 1936 1937 1938 1939 1940 1941 1942 1943 1944 1945 Taux des Fed Funds S&P500 Source: NBER, Fed, Shiller data, Recherche Amundi 15- Années 1990 au Japon 9 Trop tard ! 8 3000 2800 2600 Hausse des taux 7 2400 2200 2000 6 5 1800 1600 1400 4 3 2 1988 1989 1990 1991 1992 1993 Taux directeur Banque du Japon 1994 Topix 1995 1996 1997 1998 1200 1000 Source: Datastream, Recherche Amundi 16- Années 1990 et 2000 aux Etats-Unis 7 6 LTCM Première hausse de taux CONUNDRUM 5 2500 2000 4 1500 3 1000 2 1 500 BULLES 0 0 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Taux des Fed Funds 34 S&P500 Source: Datastream, Recherche Amundi Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 n°1 17- Depuis 2009: taille du Bilan de la Fed et S&P500 2200 5000 Fin du Tapering 2000 4500 Tapering 1800 4000 1600 3500 1400 3000 1200 2500 QE3 1000 800 600 2009 QE1 S&P500 QE2 2010 2000 1500 Operation Twist 2011 2012 Taille du bilan de la Fed (Mds $) 2013 2014 2015 1000 Source: Datastream, Recherche Amundi Pour éviter les « erreurs » du passé (graphiques 14 et 15), Greenspan (baisse des taux) puis Bernanke (QE) inondent l’économie de liquidités, chacun à leur manière (graphiques 16 et 17). Le « ciblage de l’inflation » et la « forward guidance » seront-ils suffisants pour sortir de cette logique ? Graphique 14 : « erreurs » des années 1930. En 1931 (1), les taux sont remontés alors que le marché des actions baissait, ce qui traduit une « erreur ». Celle de 1937 (2) n’est pas visible ici puisque ce sont les taux de réserves obligatoires qui avaient été remontés. Mais l’effet négatif sur les marchés d’actions a été durable jusqu’en 1942, autrement dit, l’attaque de Pearl Harbor et l’entrée en guerre des États-Unis (taux plafonnés à la hausse). Graphique 15 : « erreurs » du Japon dans les années 1990. La banque du Japon a durci trop tard sa politique monétaire à la fin des années 1980. Qui plus est, elle continue de resserrer alors que la bulle a déjà éclaté (3). De plus, elle remonte trop tôt ses taux en 1994 (4). BULLES Graphique 16 : les années 2000 aux États-Unis. La baisse des taux d’août 1998 suite à la faillite de LTCM servira de déclencheur à la bulle internet ; le retour à la hausse des taux finira par la faire éclater. Greenspan maintiendra ensuite sa politique de baisse des taux jusqu’après le redémarrage du marché, tirant expérience de la crise des années 1930 et du rappel du cas japonais. Mais le « Conundrum » favorisera la création d’une autre bulle, celle des « subprimes ». L’éclatement de cette nouvelle bulle s’accompagnera à nouveau rapidement de baisses de taux, qui seront judicieusement prolongées par le QE de Bernanke. Graphique 17 : les années 2010 et le régime de QE. Le QE a été bénéfique aux actions. Le « Tapering » (réduction du QE) correspond à un retournement de politique monétaire et au passage à la phase ii du cycle court de l’investissement. La fin du « Tapering » correspond à un plateau sur la taille du bilan de la Fed, un peu comme un plateau de taux directeurs dans un cycle classique ; cela marque le passage en phase iii. Typiquement, cela débouche sur une fin de cycle, mais peut aussi passer par le développement d’une bulle ou au moins une exagération de marché au préalable. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 35 3.2 Influence de la politique monétaire sur les marchés d’actifs Le comportement des actifs stylisé dans le Discussion Paper « Cycles courts : notre feuille de route » présente un cycle moyen en 4 étapes (i, ii, iii, iv). Nous allons voir ici que pour bien en tirer parti, il convient d’être encore plus fin dans l’analyse en tenant compte de la position dans le cycle long décrit dans le Discussion Paper « Les cycles longs et les marchés d’actifs » et qui comporte lui aussi 4 périodes (I, II, III, IV). Performance des actifs suivant la position haussière et baissière du cycle long PHASE HAUSSIÈRE Cycle long PHASE BAISSIÈRE Haut Haut Hausse Baisse Hausse Baisse Bas Bas 18 - PRINTEMPS 30% BAS HAUSSE HAUT 19 - AUTOMNE BAISSE 25% 40% BAS HAUSSE HAUT BAISSE 30% 20% 20% 15% 10% 10% 5% 0% 0% -10% -5% -20% -10% Actions Obligations Matières Premières Monétaire ————: Évolution stylisée des taux de la Fed suivant la phase haussière ou baissière du cycle long Source : Shiller, GFD, CRB, Datastream, Recherche Amundi Les cycles économiques courts sont répertoriés ici suivant l’évolution des taux directeurs de la Fed qui a été découpée en 4 phases, suivant que les taux forment un plateau en bas de cycle, montent, forment un plateau en haut de cycle puis baissent. Cette approche, volontairement simplificatrice, est pragmatique ; ces étapes sont faciles à identifier. Les deux graphiques répertorient la moyenne des performances réelles des 4 principales classes d’actifs, selon ces 4 phases de cycle court sur la période du dernier cycle long. Nous présentons simplement le printemps et l’automne pour bien mettre en évidence le mécanisme, car ces saisons économiques sont les plus pures. – Phase ascendante du cycle long Pendant cette phase, les cycles courts s’enchaînent dans une tendance à la hausse ; lors de chaque cycle court, les taux de la banque centrale montent plus qu’ils ne corrigent ensuite. La performance des actions est plus forte pendant la phase d’accélération du cycle court que pendant sa phase de décélération. Ce mouvement est initié au creux de « l’hiver », se développe et prend son essor au « printemps ». Le paroxysme de cette logique est atteint pendant l’été économique. 36 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 Les obligations d’État ont du mal à battre le monétaire avant la phase de baisse des taux de la banque centrale. Les matières premières montent dans la deuxième phase (hausse des taux) et au début de la troisième (plateau) avant de lâcher prise. – Phase descendante du cycle long Pendant cette phase, les cycles courts s’enchaînent dans une tendance à la baisse ; lors de chaque cycle court, les taux de la banque centrale baissent plus qu’ils n’ont monté précédemment. La performance des actions est plus forte pendant la phase de décélération du cycle court que pendant sa phase d’accélération. Le krach qui conclut l’automne rompt cette logique. Au cours de l’hiver, la politique monétaire doit remplir sa mission la plus compliquée : gérer le point bas de l’inflation et le désendettement. Pendant la grande dépression des années 1930, la Fed a dû baisser ses taux à un plancher de 1 % sans le bouger ensuite pendant 10 ans. Ce mouvement prend racine au paroxysme de l’été économique, se développe, prend son essor pendant l’automne et vient s’échouer en hiver. Quant aux obligations, elles battent généralement le monétaire et les matières premières. 3.3 Performance du marché d’actions en croisant cycles courts et longs Nous allons maintenant examiner de près la réaction des marchés d’actions aux changements de politique monétaire depuis la création de la Fed en 1913 (pendant les cycles longs III et IV). Nous verrons que le proverbe boursier « ne pas aller contre la Fed » (« don’t fight the Fed ») est valable mais doit être appliqué avec quelques subtilités. Nous remarquerons aussi que bien que le rôle de la Fed ait évolué au fil du temps, la réaction des marchés a conservé une grande cohérence en fonction des saisons économiques. La performance des actions est répertoriée ici suivant les 4 phases des taux de la Fed décrites précédemment, à savoir : la hausse des taux, quand les taux ont fini de monter et sont stables, quand ils baissent, puis quand ils ont fini de baisser et sont stables. – Performance des actions quand les taux de la Fed montent : encore positive, sauf en cas de très forte inflation n°20 20 - Perf. réelle du S&P500 pendant les hausses de taux de la Fed 100% III IV 80% 60% 40% 20% 0% -20% -40% -60% 1917 1923 1925 1931 1947 1955 1958 1961 1967 1972 1977 1980 1983 1986 1993 1999 2004 Source: NBER, Fed, Shiller, Datastream,Recherche Amundi Les dates correspondent aux années de départ de la hausse des taux et les couleurs aux 4 saisons du cycle long. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 37 Cette phase correspond à la phase ii du cycle court de l’investissement. La Fed initie une hausse des taux car elle craint que l’inflation ne s’emballe. La réaction des actions dépend alors du régime d’inflation en cours, autrement dit, de la saison économique. Elle est négative dans les cas de très forte inflation (été) comme pendant la première guerre mondiale et à partir de la fin des années 1960 jusqu’à la fin des années 1970. Remarquons aussi l’erreur flagrante de la Fed en 1931 (hiver) qui remonta beaucoup trop à l’avance ses taux alors que l’économie s’enfonçait en déflation ; le marché des actions a, lui, continué sa baisse. Dans tous les autres cas, la performance des actions est positive sur la période. En fait, la correction des actions commence quand même pendant le mouvement de hausse des taux, mais trois trimestres après le début de la hausse en moyenne. En effet dans un premier temps il est possible pour les sociétés de répercuter les hausses de prix sur le consommateur sans impacter leurs marges et les entreprises utilisent l’effet de levier pour investir. Si on va plus dans le détail, on constate que dans les années 1950 (printemps) le durcissement de la politique monétaire n’a pratiquement pas interrompu la hausse des actions en dépit de l’accord Treasury-Fed de 1951 qui déplafonnait le niveau des taux longs. C’est d’ailleurs pendant cette période que le rendement des actions est passé en dessous du rendement obligataire pour la première fois de l’histoire, en août 1958. Il n’en va plus de même à la fin des années 1960 (été). En 1967 le marché continue de monter de 6 % et établit un point haut 14 mois après l’initiation du mouvement de hausse des taux directeurs. Ensuite, il doit céder. La croissance de l’activité va plus vite que son potentiel et commence à générer de l’inflation, davantage que dans les années 1950. Le marché perd -15 %. Au total, la baisse par rapport à l’initiation du mouvement de la Fed est de -10 %. Lors des cycles qui suivent pendant les années 1970 et jusqu’à l’intervention musclée de Volcker, le marché réagit de la même manière. La problématique inflationniste devient de plus en plus forte. Le temps de réponse du marché à l’action de la Fed se raccourcit. Il passe de 14 mois à 11 mois puis à un trimestre seulement lors des 2 cycles qui suivent (1972 et 1977). Les cycles des années 1980 correspondent encore à une autre période : c’est l’automne. La recette pour vaincre l’inflation a été trouvée. Les taux courts et longs se trouvent maintenant à un niveau très élevé mais sont entrés dans un mouvement séculaire baissier qui va durer jusqu’aux années 2010. La détente des taux longs va jouer un rôle encore plus positif que la croissance de l’activité dans la forte hausse des actions qui va durer de 1982 à 2000. Il faudra à nouveau environ 3 trimestres pour que les marchés réagissent à une hausse des taux directeurs. Le cas de 1986 est particulier. Bien que les actions enregistrent une performance positive sur la période de hausse des taux, celle-ci se décompose en deux parties distinctes. Dans un premier temps le marché ignore la hausse 38 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 des taux et progresse encore de +34 % en 3 trimestres avant de sombrer lors du krach de 1987. Enfin, les années 1990 marquent la fin de l’automne. En 1994, les marchés sont surpris et baissent immédiatement avant d’entamer la construction de la bulle internet. La hausse des taux de 1999 n’interrompt pas la formation de cette bulle qui éclate finalement en septembre 2000. Greenspan avait d’ailleurs justifié son resserrement en parlant d’une « normalisation » après la baisse exceptionnelle de 75 pb en 1998 pour briser le risque lié à la crise russe et assurer le sauvetage du fonds LTCM. De plus, il s’agit d’une période de faible inflation qui n’exigeait pas une action trop drastique de la part de la Fed. Depuis 2000 et l’entrée en hiver, il n’y a eu pour l’instant qu’un seul mouvement de hausse des taux (juin 2004-juin 2006). Les efforts de la Fed pour tirer les leçons des années 1930 et du cas japonais des années 1990 ont permis aux actions de progresser pendant cette période (taux longs contenus par l’effet « Conundrum » et hausse des profits prolongée par le surendettement). – Performance des actions quand les taux de la Fed ont fini de monter et sont stables : négative, sauf en cas de construction de bulle. n°21 21 - Perf. réelle du S&P500 quand les taux de la Fed sont hauts et stables III 25% IV 20% 15% 10% 5% 0% -5% -10% -15% -20% -25% 1920 1923 1929 1931 1953 1957 1959 1966 1969 1974 1980 1984 1989 1995 2000 2006 Source: NBER, Fed, Shiller, Datastream, Recherche Amundi Cette phase correspond à la phase iii du cycle court de l’investissement. Les taux directeurs sont maintenant arrivés à leur apogée cyclique et vont être maintenus quelque temps au même niveau. Cette période est délicate. La Fed estime que les risques inflationnistes n’ont pas tout à fait disparu mais elle ne veut pas précipiter une récession en durcissant trop tôt sa politique monétaire. Comme on le voit sur le graphique, cette phase de stabilité des taux de la Fed sur un plateau n’est pas favorable aux actions. Les actions prolongent leur correction cyclique entamée au cours de la phase précédente. Le maintien des taux à un niveau élevé finit même par avoir raison du marché des actions dans les années 1950, alors qu’ils avaient résisté à la phase de hausse des taux. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 39 Les seules vraies exceptions ont lieu en 1989, 1995 et 2006. Après le krach de 1987, la forte hausse du marché alors que les taux de la Fed étaient sur un plateau s’apparentait à une normalisation. En 1995, la réaction atypique du marché fera dire en décembre 1996 à Alan Greenspan que la hausse était « irrationnelle ». Les gains de productivité liés à la « nouvelle économie » allaient le faire ensuite changer d’avis sur les risques inflationnistes, un peu comme si finalement les marchés avaient eu raison. Mais cela allait faire le lit de la bulle « internet ». 2006 correspond aussi à la formation d’une bulle, celle liée à la prolifération des crédits « subprimes » sur fond de taux longs plus bas que nécessaire (« Conundrum »). – Performance du marché quand les taux de la Fed sont orientés à la baisse : très positive, sauf en cas de désendettement structurel ou de dégonflement de bulle. Cette phase correspond à la fin de la phase iv et au début de la phase i du cycle court de l’investissement. Rappelons que la phase i démarre avec la formation d’un point bas majeur des actions. Dans la pratique, la Fed est souvent amenée à baisser sa garde quand une crise éclate. Elle n’accélère la baisse que quand les prix des matières premières sont à leur paroxysme ou quand ils ont commencé à se retourner. 22 - Perf. réelle du S&P500 pendant les baisses de taux de la Fed 140% III IV 120% 100% 80% 60% 40% 20% 0% -20% -40% -60% 1921 1924 1929 1932 1954 1957 1960 1966 1970 1974 1980 1981 1984 1989 1995 2000 2007 Source: Datastream, Recherche Amundi La baisse des taux directeurs est toujours favorable aux actions sauf dans les cas de dégonflement de bulles, de dépression ou de baisse structurelle de l’endettement. En effet, ces phénomènes emmènent tout sur leur passage et les baisses de taux ne sont pas suffisantes pour rétablir la confiance. 1929 est caractéristique. En 2000, les actions corrigent leur surévaluation patente. En 2007, le désendettement (entreprises et ménages) est plus puissant que la baisse des taux. Dans les années 1950 et jusqu’en 1966 (printemps), les actions ne semblent pas réagir énormément aux baisses de taux. En effet, dans ces périodes de forte 40 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 n°22 croissance et de faible inflation, les actions réagissent surtout à la progression des bénéfices. En revanche en période de forte inflation (de 1966 à 1982) et surtout de désinflation (1982-2000) les hausses des marchés consécutives aux baisses de taux sont conséquentes. 1989 et 1995 sont des cas particuliers, on l’a vu ; les marchés étaient déjà orientés à la hausse quand la Fed a baissé ses taux, ce qui n’a donc fait qu’accélérer la hausse des actions. Enfin, notons que les actions ne démarrent pas vraiment au premier geste de la Fed, mais plutôt quand elle accélère sa baisse des taux. On observe que le délai pour reprendre le chemin de la hausse (de l’ordre du trimestre en moyenne) suite à une détente de la politique monétaire est plus court que le délai pour partir à la baisse en cas de durcissement de politique monétaire (environ 3 trimestres). Cela confirme que l’investisseur en actions a un biais haussier. – Performance des actions quand les taux de la Fed ont fini de baisser et sont stables : encore positive, sauf « erreur » de politique monétaire. n°23 23 - Perf. Réelle du S&P500 quand les taux de la Fed sont bas et stables III 30% IV 25% 20% 15% 10% 5% 0% -5% -10% -15% -20% 1922 1924 1931 1937 1954 1958 1960 1967 1972 1977 1980 1983 1986 1992 1999 2003 Source: NBER, Fed, Shiller, Datastream, Recherche Amundi Cette phase correspond à la fin de la phase i du cycle court de l’investissement. La hausse des actions s’est souvent déclenchée pendant la baisse des taux directeurs. Quand les taux atteignent un plancher et sont désormais stables, les actions continuent généralement de bien se porter. Les seules exceptions sont 1931 et 1977, soit une fois en hiver et une fois en été, c’est-à-dire pendant les saisons les plus délicates. Ce sont les deux cas d’école « d’erreurs » de politique monétaire que nous avons commentés précédemment. Autrement dit, cette période correspond à un retour de la croissance économique et les marchés d’actions l’anticipent. On remarque que les taux ne marquent d’ailleurs pas toujours cette étape de plateau. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 41 4. Conclusion Le rôle des banques centrales a évolué avec le temps, de fournisseur d’avances aux gouvernements à celui de gardien de la stabilité. Privées puis nationalisées, publiques mais indépendantes, ces institutions hors du commun, sont devenues incontournables avec la financiarisation de l’économie à partir des années 1980 : prêteur en dernier ressort, superviseur des autres banques, en charge de la politique monétaire et acteur de premier plan des politiques macroprudentielles. Elles interagissent donc de plus en plus avec les marchés financiers : – La réaction des marchés aux actions des banques centrales respecte une logique bien établie, depuis plus d’un siècle. Par définition, les taux directeurs influencent toute la courbe des taux et les différences de politique monétaire entre zones économiques impactent l’évolution des changes. L’effet de la hausse des taux longs sur les conditions monétaires accompagne celui de la hausse des taux directeurs (phase ii du cycle court) surtout au début du durcissement, ce qui s’explique notamment par la capacité d’anticipation du marché obligataire. Quant à l’impact de la variation du dollar, devise de réserve avec un statut de valeur refuge, il prolonge en général les mouvements de taux de la Fed à la hausse comme à la baisse. Les deux exceptions notoires à ces constatations sont la période post LTCM en 1999 (le dollar est monté parallèlement à la hausse des taux en phase ii du cycle) et le « Conundrum » en 2004 (les taux longs n’ont pas vraiment suivi les taux directeurs). Ces cas exceptionnels accompagnèrent tous deux la formation de bulle des actions. D’ailleurs, c’est surtout la réaction des marchés d’actions qui nous semble intéressante à retenir. Même si le rôle des banques centrales a évolué avec le temps, la réaction des actions à leurs décisions a gardé une grande cohérence en fonction des saisons économiques. En résumé, la performance des actions reste positive quand la Fed monte ses taux, sauf en cas de très forte inflation (été). Leur performance est négative en général quand les taux ont fini de monter et sont stables, sauf en cas de construction de bulle (automne et hiver). Leur performance quand la Fed baisse ses taux est très positive, sauf en cas de désendettement structurel ou d’éclatement de bulle (hiver). Elle le reste quand la Fed a fini de baisser ses taux, sauf en cas d’« erreur » notoire de politique monétaire. Historiquement, il ne fallait pas anticiper les durcissements de politique monétaire trop en avance ; le marché des actions a un biais positif. En cas de hausse des taux directeurs, il continue dans la plupart des cas sur sa lancée pendant encore 1, 2 ou 3 trimestres avant d’inverser à son tour la tendance. Il peut ainsi progresser encore de 5 à 10 %, tiré par les profits des entreprises qui montent leurs prix et utilisent le levier de l’endettement pour investir. Ceci dit, plus les risques sont élevés, plus le marché a un biais prudent et inversement. 42 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 Ainsi ne faut-il pas attendre pour réduire le risque en été à cause de l’inflation ou en hiver à cause du risque déflationniste. Le marché des actions a aussi un comportement asymétrique. En général, il faut attendre moins longtemps pour acheter en cas de baisse de taux qu’il ne faut attendre pour vendre en cas de hausse de taux. – Ces observations historiques, particulièrement pérennes, sont aujourd’hui confrontées au régime de QE et à l’évolution de la communication de la Fed. Le passage à la phase ii du cycle court de l’investissement n’a pas été caractérisé cette fois-ci par la hausse des taux de la Fed mais par l’évocation d’un possible « tapering » par Ben S. Bernanke en mai 2013. La fin du « tapering » a marqué le passage à la phase iii (plateau du bilan de la Fed, plutôt que plateau du niveau des taux). On peut alors se demander si la hausse des taux à venir, qui a entre autres pour vocation de prévenir la prochaine bulle, sera une « erreur » de politique monétaire propre à mettre fin au cycle court ou pas. En effet, si les règles du jeu ont déjà été fixées dans les grandes lignes en matière de régime classique de politique monétaire, elles restent à découvrir dans le cas d’une sortie de régime de QE : • D’un côté, les précautions de la Fed pour ne pas réitérer les « erreurs » des années 1930 font que le marché est préparé à cette hausse de taux, alors que les autres banques centrales ailleurs dans le monde luttent encore contre la déflation. Le dollar a donc exceptionnellement anticipé cette hausse, ce qui réduit par là même sa nécessité ou au moins son amplitude, et accroit paradoxalement le risque d’« erreur » en cas d’action. • D’un autre côté, les taux allemands sont devenus le point d’ancrage des taux longs globaux suite aux annonces crédibles du président de la BCE pour lutter contre la déflation. Cette inversion des causalités entre taux américains et européens, accentuée par les difficultés des pays émergents, pourrait freiner la hausse des taux longs aux États-Unis, un peu comme lors du « Conundrum ». Cette possibilité, si elle se révélait exacte, serait positive pour les actions et argumenterait pour un nouveau scénario de bulle ou de prolongation du mouvement de hausse des cours au niveau mondial, au moins pour certains marchés. Enfin, remarquons que lors du passage du dernier hiver (1929-1949) au dernier printemps (1949-1966), les actions ont monté de manière concomitante avec les taux de la Fed (en phase ii du cycle court de l’investissement) pour la première fois depuis la crise de 1929 et enregistrent même l’une des plus fortes hausses de l’histoire en pareil cas. On quittait définitivement une période de forte instabilité pour une période de forte croissance peu inflationniste. Si la phase ii du cycle actuel (« tapering ») a été très positive pour les actions, ce qui constitue un marqueur nécessaire mais non suffisant pour caractériser le passage au printemps, la phase iii, dans laquelle sont les États-Unis aujourd’hui, est toujours délicate à gérer… et pas seulement en hiver. Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 43 44 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 Bibliographie Alan H. Meltzer (2003) : “A history of the Federal Reserve. Volume 1: 1913-1951” – University of Chicago Press Alan H. Meltzer (2009) : “A history of the Federal Reserve. Volume 2, Book1: 1951-1969” – University of Chicago Press Alan H. Meltzer (2009) : “A history of the Federal Reserve. Volume 2, Book2: 1970-1986” – University of Chicago Press Jean-Pierre Patat (2003) : « L’ère des banques centrales » – Innoval Alan Greenspan (2004) : “Remarks on Risk and Uncertainty in Monetary Policy” – At the meeting of the American Economic Association, San Diego, California (January 3) Alan Greenspan (2005) : “Remarks on Risk Transfer and Financial Stability” – At the Fed of Chicago 41st annual conference on Bank structure (May 5) Alan Greenspan (2005) : “Reflections on Central Banking” – At a symposium sponsored by the Fed of Kansas City, Jackson Hole, Wyoming (August 26) Alan Greenspan (2007) : “The Age of Turbulence” – The Penguin Press Ben S. Bernanke (2012) : “Remarks on Monetary Policy since the Onset of the Crisis” – At the Fed of Kansas City Economic Symposium Jackson Hole (August 31) Janet L. 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De LAGUICHE Sylvie, TAZÉ-BERNARD Éric, 11-2014 DP-07-2014Le cycle court de l’investissement : feuille de route MIJOT Éric, 10-2014 DP-06-2014Gérer l’incertitude avec le concept DAMS : de la segmentation des actifs à la gestion de portefeuille FACCHINATO Simone, POLA Gianni, 10-2014 DP-05-2014L’immobilier physique dans l’allocation d’actifs à long terme : le cas de la France BLANCHARD Cécile, De LAGUICHE Sylvie, RUSSO Alessandro, 05-2014 DP-04-2014Strategies smart beta : diversification, investissement a faible risque et plus encore RUSSO Alessandro, 05-2014 DP-03-2014ISR et performance : impact des critères ESG dans les gestions actions et crédit BERG Florian, De LAGUICHE Sylvie, LE BERTHE Tegwen, RUSSO Alessandro, SORANGE Antoine, 03-2014 DP-02-2014Actif « sans risque » : quelle rentabilité normative a long terme ? De LAGUICHE Sylvie, 03-2014 DP-01-2014Qui êtes-vous, Madame Yellen ? ITHURBIDE Philippe, 01-2014 Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015 47 Éditeurs : Pascal BLANQUÉ Directeur Général Délégué Directeur du Métier Institutionnels et Distributeurs Tiers Chief Investment Officer Group Philippe ITHURBIDE Directeur Recherche, Stratégie et Analyse Pia BERGER — Recherche, Stratégie et Analyse Benoit PONCET — Recherche, Stratégie et Analyse Amundi Discussion Papers Series Novembre 2015 Les destinataires de ce document sont en ce qui concerne l’Union Européenne, les investisseurs « Professionnels » au sens de la Directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 « MIF », les prestataires de services d’investissements et professionnels du secteur financier, le cas échéant au sens de chaque règlementation locale et, dans la mesure où l’offre en Suisse est concernée, les « investisseurs qualifiés » au sens des dispositions de la Loi fédérale sur les placements collectifs (LPCC), de l’Ordonnance sur les placements collectifs du 22 novembre 2006 (OPCC) et de la Circulaire FINMA 08/8 au sens de la législation sur les placements collectifs du 20 novembre 2008. Ce document ne doit en aucun cas être remis dans l’Union Européenne à des investisseurs non « Professionnels » au sens de la MIF ou au sens de chaque règlementation locale, ou en Suisse à des investisseurs qui ne répondent pas à la définition d’« investisseurs qualifiés » au sens de la législation et de la règlementation applicable. Le présent document ne constitue en aucun cas une offre d’achat ou une sollicitation de vente et ne peut être assimilé ni à sollicitation pouvant être considérée comme illégale ni à un conseil en investissement. Amundi n’accepte aucune responsabilité, directe ou indirecte, qui pourrait résulter de l’utilisation de toutes informations contenues dans ce document. Amundi ne peut en aucun cas être tenue responsable pour toute décision prise sur la base de ces informations. 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