les banques centrales : premier pilier du cycle d`investissement

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Amundi Discussion Papers Series
DP-12-2015
Novembre 2015
LES BANQUES CENTRALES :
PREMIER PILIER DU CYCLE D’INVESTISSEMENT
Éric MIJOT, Stratégie et Recherche Économique
Responsable de la Stratégie
Réservé aux investisseurs professionnels
Résumé
C
e document est le troisième d’une série de Discussion Papers qui
décrivent notre cadre d’analyse des marchés. Il est à la croisée
des chemins des deux premiers, à savoir « Les cycles longs et les
marchés d’actifs » et « Le cycle court de l’investissement : feuille de route ».
Nous allons approfondir ici l’influence des banques centrales et mettre en
évidence comment les cycles longs impactent les cycles courts, à travers la
politique monétaire.
Les banques centrales constituent en effet le premier point d’ancrage pour
comprendre le cycle d’investissement. Les banques ne sont pas des entreprises
comme les autres. Elles ont une mission pivot dans l’économie. Elles gèrent les
systèmes de paiement et de financement. Les banques centrales sont, elles,
comme leur nom l’indique, au centre du système bancaire. Elles remplissent
aujourd’hui un triple rôle : elles pilotent la politique monétaire, souvent de manière
indépendante des gouvernements, et visent à atteindre et préserver la stabilité
financière. Dans la plupart des grands pays, elles supervisent aussi le système
bancaire. Enfin, elles jouent un rôle de prêteur en dernier ressort.
Après la stagflation des années 1970, nos économies se sont lancées dans un
vaste mouvement de dérèglementation, de financiarisation et de globalisation,
propulsant les banques centrales au premier plan pour gérer les crises et assurer
le fonctionnement de nos économies. La banque centrale américaine, la Fed, au
premier rang d’entre elles, est devenue un guide économique incontournable
pour les investisseurs.
Nous allons tout d’abord passer en revue l’émergence des banques centrales et
l’évolution de leur rôle depuis leur création, puis voir comment elles agissent sur
l’économie. Ensuite, nous mettrons en évidence comment elles influencent les
marchés, en faisant ressortir les cycles courts au sein des cycles longs. Nous en
dégagerons comment en tirer parti de manière encore un peu plus approfondie
que lors des Discussion Papers précédents.
Mots-clés : allocation d’actifs, stratégie d’investissement, cycle boursier, cycle économique,
cycle d’investissement, cycle long, cycle court, market timing, marchés financiers, démographie
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
3
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LES BANQUES CENTRALES :
PREMIER PILIER DU CYCLE
D’INVESTISSEMENT
1. Origine et rôle des banques centrales
1.1 Comment les banques centrales se sont-elles développées ?
– Les banques centrales ont évolué avec le temps de manière
pragmatique.
Leur développement est loin d’être linéaire. Les guerres, les crises et la
mondialisation ont mis en avant leur nécessité et permis d’affiner leur rôle et
leur organisation. On peut considérer que la première ancêtre de nos banques
centrales était suédoise. La Stockholms banco a été créée à l’apogée du
Royaume de Suède en 1656. Elle était dirigée par Hans Wittmacher (Johan
Palmstruch, une fois anobli), un marchand aux ascendances hollandaises qui a
été le premier à émettre une monnaie papier. Il a d’abord imaginé un système de
dépôt à court terme permettant de financer des prêts à long terme… Puis il fit
émettre des billets de banques (Banknotes) en 1661 dans le cadre de crédits ;
promesses de paiement échangeables à tout moment en argent ou en cuivre 1,
beaucoup plus faciles à faire circuler que les énormes plaques de cuivre. Leur
succès favorisa un excès de prêts qui précipita la faillite de la Stockholms banco
en 1664. Palmstruch perdit son titre et mourut en prison un peu plus tard.
Mais une nouvelle banque sera créée sur les ruines de la précédente dès 1668.
Cette fois-ci, elle séparera mieux les activités de dépôts et de prêts. Les crédits
ne donneront plus lieu à la création de monnaie papier en circulation, mais on
utilisera à cet effet des « certificats de dépôt » correspondant aux dépôts effectifs.
La Riksen Ständers Bank2 sera désormais sous la tutelle du parlement. Ce qui
s’apparente en quelque sorte à une nationalisation et en fera la première banque
1
epuis 1625, ce bimétallisme prévalait en Suède pour tirer parti des importantes réserves de cuivre
D
du Royaume.
2
E lle prendra le nom de Sveriges Riksbank à partir de 1867.
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au monde formellement rattachée à un État. Son existence finira même par être
inscrite dans la constitution. Elle sera la seule banque du pays jusqu’à la création
d’une première banque commerciale, Enskilda Banken, en 1830. Cette nouvelle
concurrence la conduira à se consacrer uniquement aux finances publiques.
Après avoir établi un régime parlementaire en 1689, les Anglais emboîtent le pas
en 1694 et créent une société par action, la Banque d’Angleterre, pour financer
la guerre contre la France et moderniser un système archaïque de financement de
l’État qui reposait sur les orfèvres-banquiers de la Lombard Street. L’idée du financier
écossais William Paterson (1658-1719), que retiendra le chancelier de l’échiquier sous
Guillaume III, était que les souscripteurs à l’emprunt public apportent leurs titres au
capital d’une banque destinée avant tout à financer l’État. Les banquiers privés qui
exerçaient sous la forme de société de personnes ont alors pris l’habitude d’ouvrir
des comptes auprès de la Banque d’Angleterre et d’y déposer leurs réserves d’or. Ils
étaient assurés de pouvoir y convertir des billets si nécessaire. Ce système, construit
de manière empirique, a traversé plusieurs crises et est devenu un modèle.
Dès la fin du XVIIIe siècle, la Banque d’Angleterre jouait déjà un rôle de prêteur en
dernier ressort. Lors de la crise de 1792-1793, elle est ainsi venue au secours de la
Bank of Scotland et de la Royal Bank of Scotland en leur accordant d’importants
crédits à long terme. Ce rôle de prêteur en dernier ressort est devenu d’autant
plus évident à partir de 1844 (troisième étape du « Bank Charter Act » après celles
de 1826 et 1833) quand la Banque d’Angleterre s’est vue assigner le monopole
d’émission de la monnaie fiduciaire de l’État en contrepartie d’une détention d’or
à 100 % des billets émis ; Cette règle a été suspendue en 1847, 1857 et 1866
en réponse aux crises. Mais elle consacre l’étalon-or comme référence absolue,
tout en facilitant le développement des échanges commerciaux qui requièrent
l’utilisation de billets à grande échelle.
En 1800, l’émission de monnaie fiduciaire sera aussi la principale mission confiée
à la nouvelle Banque de France, elle aussi à capitaux privés (société anonyme),
sans qu’elle en ait pour autant le monopole national avant la révolution de 1848.
Les deux premières tentatives de monnaie papier en France s’étaient soldées par
des échecs retentissants, à savoir le système de Law (1716-1720), qui déboucha
sur la bulle de la Compagnie du Mississippi, et celui des assignats (1789-1797)
pendant la révolution française. Gagés sur les biens nationaux à vendre, les
émissions avaient été trop généreuses et la valeur des assignats finit par plonger.
La solidité de la nouvelle Banque de France a été démontrée lors la guerre de
1870. Non seulement elle a fait preuve de stabilité malgré les changements de
gouvernements, mais elle a facilité le financement des énormes indemnités de
guerre réclamées par l’Allemagne, qui allait s’en inspirer pour créer sa propre
banque centrale.
L’Allemagne adopte en effet une monnaie unique en 1873, le mark, dans la foulée
de la formation de l’Empire juste après la guerre, sous l’impulsion prussienne. La
Reichsbank absorbera la Banque de Prusse en 1876. Elle constituera des réserves
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d’or telles qu’on lui confiera le rôle d’émission alors que de grandes banques
commerciales financeront l’industrialisation rapide du pays. Le Japon aura un
parcours parallèle. Il lancera une monnaie unique, le yen, en 1871, juste après la
restauration de Meiji en 1868, et créera sa banque centrale en 1882. Bien qu’unifiée
à peu près à la même période, en 1870, l’Italie, ne créera la sienne qu’en 1893. Son
rôle de prêteur en dernier ressort dans les crises de 1893, 1899 et 1907 lui permettra
d’assoir sa crédibilité.
Les banques centrales ont donc longtemps eu pour première mission de financer des
avances aux gouvernements en émettant des billets de banque qui sont finalement
devenus les seules monnaies légales3. Le développement de la monnaie papier de
plus en plus indépendante de la monnaie métallique devait cependant être mieux
encadré. À la fin du XIXe siècle, la puissance économique écrasante de l’Angleterre
permit ainsi à la livre sterling de remplacer l’or dans les échanges internationaux.
Mais son affaiblissement au début du XX e siècle provoqua la fin de sa convertibilité
en 1919 et posa crûment la question de l’encadrement de la monnaie fiduciaire. À la
fin de la première guerre mondiale, il y eut une prise de conscience du rôle important
que les banques centrales pouvaient jouer à cet égard.
À la fin de la seconde guerre mondiale, dans un contexte propice au dirigisme
et dans un régime de change encore peu flexible, on assista à une vague de
nationalisation des banques centrales devenues indispensables (ou au moins
à un contrôle plus poussé de l’État) pour mieux maîtriser la création monétaire au
service des politiques économiques des gouvernements. La formule de Napoléon
à propos de la Banque de France, « qu’elle soit dans les mains du gouvernement,
mais qu’elle n’y soit pas trop », allait être mise de côté. La Banque de France sera
nationalisée en 1945, la Banque d’Angleterre en 1946, la Banque des Pays-Bas et
la Banque Nationale de Belgique en 1948.
– Les États-Unis ont créé leur banque centrale juste avant la Grande
Guerre qui allait révéler leur puissance économique au monde.
Le système de la Réserve fédérale, la Fed, voit le jour le 29 décembre 1913,
quelques années encore après la Banque Nationale Suisse (1907), c’est-à-dire
assez tardivement. Dans les deux cas, le fédéralisme a retardé le processus. À
noter que le capital des Fed régionales est détenu encore aujourd’hui par les
banques privées, même si le « Board of governors » qui supervise l’ensemble est
une agence fédérale et que ses 7 membres sont désignés par le Président des
États-Unis et confirmés par le sénat.
Les discussions auront été houleuses aux États-Unis depuis le XVIIIe siècle sur la
nécessité d’une banque centrale. Les démocrates, préoccupés par des intérêts locaux
et ruraux ont longtemps été contre. Les républicains, plus proches des industriels,
3
a monnaie scripturale (chèques, virements, etc.) sera rapidement la monnaie la plus utilisée, mais le
L
billet de banque restera la seule monnaie avec un cours légal.
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7
étaient pour. Il y a eu deux tentatives avant la Fed. La deuxième a pris fin en 1836. le
système financier américain est resté ainsi longtemps entre les mains des banques
régionales. L’industrialisation à la fin du XIX e siècle, le développement du chemin de
fer et des moyens de communication, la crise financière de 1907 dont le prêteur en
dernier ressort a dû être un consortium bancaire mené par JP Morgan, favorable à la
création d’une banque centrale, ont eu finalement raison des réfractaires. Sur le plan
législatif, plusieurs étapes ont conduit la Fed à son format actuel :
• En 1913, la naissance de la Fed créait un organisme central. Sa mission était
d’assurer une monnaie « souple », de faciliter l’escompte des effets de commerce
(« real bills ») et d’améliorer la surveillance du système bancaire, sans interdire au
Board de poursuivre d’autres objectifs. Toutefois, la Fed était encore sous la tutelle
du gouvernement, présent au Board. De plus, les banques régionales conservaient
beaucoup de prérogatives.
Comment la Fed a géré la période de la première guerre mondiale ?
Les États-Unis entrent en guerre en avril 1917. Jusque-là, la Fed exigeait des banques 100 % d’effets
de commerce comme garantie pour leur faire un prêt. Elle possédait aussi des réserves d’or de
40 % supérieurs à son émission de billets, qui était donc plus que couverte pour pouvoir en assurer
confortablement la convertibilité.
Les règles en vigueur seront adaptées pour permettre à la Fed de faciliter le financement de
l’effort de guerre. On étendra le principe de garantie des effets de commerce aux obligations d’État.
L’État émettra une dette spéciale pour financer la guerre : les obligations de la liberté. Enfin, un taux
d’escompte préférentiel à 3 % (100 points de base plus bas que le taux officiel) sera appliqué à qui
apportera des obligations de la liberté en garantie. Ce mécanisme incitatif fonctionna parfaitement.
L’excès de liquidité qui en résulta, combiné à la détérioration de la qualité du bilan de la banque
centrale, fit chuter le dollar US et s’envoler l’inflation vers les 20 %.
• En 1935, la Fed gagne en indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. En effet,
alors que le taux de faillite bancaire est de 40 % pendant la crise des années
1930, le Président Roosevelt fit voter le Banking Act prévoyant entre autres que
le ministre des finances et le « comptroller of the currency » ne siègeraient plus
au Board. De plus, les opérations sur le marché monétaire sont confiées à un
comité centralisé, le FOMC (Federal Open Market Committee). Auparavant cette
responsabilité était du ressort des banques régionales qui désormais disposent
d’un siège au FOMC mais sans avoir la majorité ; les 7 gouverneurs du Board et
la Reserve Bank of New York disposent chacun de 1 voix, les 11 autres banques
régionales doivent se partager 4 droits de vote de manière tournante. La Fed
obtiendra aussi le monopole d’émission.
• En 1946, obsédé par le chômage des années 1930, le congrès vote l’Employment
Act. Même si la Fed doit continuer à assurer le placement de la dette d’État, sa
focalisation passe de la dette au plein-emploi.
• En 1951 (Treasury-Fed Accord au mois de mars), la Fed retrouve les marges
de manœuvre qu’elle avait perdues pendant la seconde guerre mondiale, à partir
8
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
de 1942 (voir encadré). De 1942 à 1951, les taux courts et longs ont en effet été
plafonnés par volonté du Trésor afin de faciliter à nouveau le financement de
l’effort de guerre. Cette plus grande indépendance s’inscrit à l’opposé du vaste
mouvement de « nationalisation » des banques centrales européennes.
• En 1978, la Fed se voit finalement assigner une vraie mission de politique
monétaire. Dans un contexte de grande inflation, le congrès vote la loi de
Humphrey-Hawkins qui donne un objectif économique à la Fed en lui assignant
la tâche de « frayer un chemin entre un taux d’inflation supportable et le pleinemploi », tout ceci dans une optique de long terme. Il semblait évident que cette
responsabilité devait être attribuée à un organisme stable, non soumis aux aléas
électoraux. Par ailleurs, le congrès exigea une grande transparence selon le
principe de responsabilité (« accountability »). Depuis, chaque année, la Fed doit
entre autres exposer en février ses objectifs en matière de politique monétaire
publiquement devant le congrès. En juillet, elle doit passer en revue la conjoncture
et réviser ses objectifs, si nécessaire. Cette loi est encore en vigueur aujourd’hui.
Comment la Fed a géré la période de la seconde guerre mondiale ?
1- US de
Treasury
rate from 1934 to 196
n
n°1 américains
2- Taux longs
1920 à 3-month
1960
5,5
5,0
4,5
5,0
4,5
Taux 3 mois plafonnés
à 0,375%
2,5
2,0
Source: Shiller, NBER, Recherche Amundi
Récessions
1935
1930
0,5
1925
1959
1954
1949
Taux 3 mois
1,5
1920
Récession
1944
1934
1939
0,5
0,0
2,5
Taux longs plafonnés
2,0
à 2,5%
3-month rate
1,5
capped at 0,375%
1,0
0,0
Taux longs Recession
3-month Treasury rates
Source: Shiller, NBER, Recherche Amundi
Source: Shiller, NBER, Amundi Resea
La Fed est à nouveau mise à contribution par le Trésor pour aider à financer l’effort de guerre.
La dette va en effet plus que doubler sur la période et le maintien de taux bas devenir une priorité
nationale. En avril 1942, la Fed annonce qu’elle fige les taux des emprunts d’État à 90 jours (T-Bills)
à 0,375 %. Les taux à 1 an seront implicitement fixés à 0,875 % et les taux longs à 25 ans à
2,5 %. Ce régime durera jusqu’en juillet 1947 pour les T-Bills. Le contrôle sur les taux à un an sera
progressivement assoupli mais il faudra attendre l’accord de mars 1951 entre la Fed et le Trésor
pour que le plafond sur les taux longs soit levé. Dans un tel contexte, les investisseurs se sont
facilement portés acheteurs d’obligations à long terme pendant cette période, bénéficiant d’une
protection implicite de la part de la Fed.
Les taux longs resteront bas longtemps après mars 1951. Il faudra 5 ans (juillet 1956) pour que
les taux longs repassent les 3 % et 8 ans pour qu’ils atteignent les 4 % (avril 1959). Il faut dire que
les récessions de 1953-1954 et de 1957-1958 y ont contribué et que les années 1950 n’étaient pas
non plus très inflationnistes (printemps économique).
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1945
3,0
1940
2,0
3,0
1960
1935
3,5
1930
1955
2,5
1,0
3,5
4,0
3,0
1950
3,5
1,5
4,0
4,5
1920
1940
4,0
1945
1925
1- Taux 3 mois du Trésor américain de 1934 à 1960
5,0
9
La structure fédérale décentralisée et l’indépendance de la Fed serviront de modèle
aux statuts de la Bundesbank publiés le 26 juillet 1957. Les alliés désiraient briser
la concentration de pouvoir qui avait prévalu pendant le IIIe Reich. La Bundesbank
sera la seconde grande banque centrale réellement indépendante. Ses statuts
stipulent qu’en premier lieu la « Buba » visera un objectif d’inflation stable, les
Allemands ayant été échaudés par l’inflation galopante des années 1920, suite aux
immenses réparations de guerre qui avaient été exigées d’eux. Compte tenu de
son succès, cette structure décentralisée et indépendante servira à son tour de
modèle à la création de la BCE en 1998. La BCE reprendra la mission première
de la Bundesbank, afin de réconforter la population allemande, très sensible sur
ce point lors de l’abandon de la souveraineté nationale dans le domaine monétaire.
Le spectre de l’Union Latine
Une organisation monétaire a existé du 23 décembre 1865 au 1er janvier 1927 entre 5 pays signataires
européens (France, Belgique, Suisse, Italie, puis Grèce à partir de 1868). Elle était ouverte à d’autres
membres sous réserve de l’acceptation unanime des États signataires alors que la dénonciation du
traité par un des États signataires devait entraîner sa fin. Ce système monétaire international fut
adopté par 32 pays à son apogée, sans toutefois inclure le Royaume-Uni, ni l’Allemagne. En 60 ans, il
évolua, passant par exemple du bimétallisme à l’or, mais ne résista pas à la première guerre mondiale.
Il prit fin à l’initiative de la Belgique qui dénonça le traité en 1925.
La BCE est donc la dernière née des grandes banques centrales. Un fait majeur
la distingue de sa grande sœur la Fed. Bien qu’elle soit de nature fédérale (en fait
plutôt supranationale), il n’y a pas encore d’union politique et budgétaire en face.
Cette faiblesse avait été identifiée dès le départ mais avec la crise des années
2010, l’Europe est face à son destin. Si elle veut éviter le spectre de l’Union Latine
du début du XXe siècle qui n’a pas tenu longtemps, elle doit aujourd’hui avancer
vers plus d’intégration.
– À l’instar des États-Unis, la politique monétaire revêtira une
importance croissante dans tous les pays développés à partir des
années 1980 (automne économique), parallèlement à un puissant
mouvement de dérèglementation et de « marchéisation » de nos
économies.
Au début des années 1970, le niveau élevé et la volatilité des taux d’intérêt (été
économique) constituent un terreau fertile pour les innovations financières. La
création des SICAV monétaires aux États-Unis en 1972 par des établissements
non bancaires4 en quête de parts de marché va révolutionner la collecte de dépôts
et marquer le début du mouvement irréversible de « marchéisation » de l’activité
bancaire. À partir de 1979, toutes les banques françaises vont progressivement
4
10
es montants investis dans les MMF (Monetary Market Funds) ne sont pas couverts par la FDIC (Federal
L
Deposit Insurance Corporation), créée en 1933 pour assurer les dépôts des particuliers. Ils portent
donc un risque de défaut, même s’il est réduit par la courte maturité de ces instruments par ailleurs
très liquides. Ils ne pouvaient donc pas être proposés par les banques commerciales qui avaient le
monopole de la collecte depuis le Glass Steagle Act de 1935.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
avoir leurs SICAV monétaires. Les banques de dépôt américaines obtiendront du
congrès le droit de créer des instruments similaires à partir de 1982. Par ailleurs, les
marchés à terme vont s’organiser bien au-delà du marché des matières premières
(devises en 19725, créances hypothécaires en 1975, les bons du trésor à 3 mois
en 1976, les obligations d’État à long terme en 1977, eurodollar à 3 mois en 1981,
etc.). Ces innovations vont favoriser un automne6 économique exceptionnel à partir
des années 1980.
Le « big bang » anglais d’octobre 1986 (Financial Services Act, point d’orgue de l’ère
Thatcher) est, quant à lui, le symbole et le point de départ de la dérèglementation en
Europe. Dans les grandes lignes, il consiste à introduire la concurrence en mettant fin
à la distinction entre « Jobbers7 » et agents de change, à supprimer les commissions
fixes (ce qui était déjà le cas à New York depuis 1975 ainsi qu’à Tokyo), en remplaçant
la « criée » par la cotation électronique et en permettant l’acquisition à 100 % par
des étrangers de sociétés britanniques cotées. Enfin, les personnes morales et pas
seulement les individus peuvent désormais devenir membres de la bourse. Les
banques américaines puis européennes vont s’installer rapidement à la « City ». Le
« Big Bang » va repositionner la place de Londres au centre de la finance mondiale,
notamment sur les marchés des eurodevises8, des changes et des actions.
Il va inspirer les autres pays européens pour aller toujours plus loin en matière
de dérèglementation, à commencer par la France qui a entrepris la fin de
l’encadrement du crédit9 mis en place en 1973, à partir de 1986. Le MATIF (marché
à terme international de France) verra le jour en 1986 et le MONEP, le marché des
options en 1987. Dès 1987, les charges d’agents de change seront transformées
en « sociétés de bourse » dont le capital est ouvert et tombera rapidement dans
l’escarcelle des banques.
Cette avancée vers l’économie de marché rend les politiques monétaires de plus
en plus nécessaires et efficaces. La mission de toutes les banques centrales va
donc se concentrer sur cette tâche. La Fed conservera un rôle particulier au niveau
5
réation de l’International Monetary Market, filiale du Chicago Mercantile Exchange, qui propose dans
C
un premier temps des contrats à termes sur devises étrangères.
6
oir notre Discussion Paper : « Les cycles longs et les marchés d’actifs ». Des cycles longs d’une
V
cinquantaine d’années embrassent toute l’activité économique. Le cycle long se décompose en quatre
phases, baptisées du nom des saisons et qui revêtent chacune des caractéristiques qui leur sont
propres.
7
’agent de change (broker) reçoit les ordres d’achat ou de vente. Jusqu’à la promulgation de cette loi, il
L
devait passer par un teneur de marché, le « Jobber » (ou market maker), pour l’exécuter.
8
ne « eurodevise » est une devise détenue dans les comptes d’une banque en dehors de son pays
U
d’origine. Le terme « eurodevise » est une extension de « eurodollar » qui vient du nom de la filiale
européenne de la Banque d’État de l’URSS, l’Eurobank, dans laquelle les Soviétiques déplacèrent leurs
avoirs en dollar pendant la guerre de Corée en 1951 pour éviter qu’ils ne soient gelés aux États-Unis.
9
’arrêt de cette pratique, courante dans nombre de pays européens (Grande Bretagne, Pays nordiques,
L
Benelux, Italie…) repositionne la politique monétaire vers des pratiques de marché, basées sur le niveau
des taux, à l’instar de ce qui se faisait en Allemagne et aux États-Unis, là où les banques centrales
étaient déjà indépendantes.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
11
mondial compte tenu du poids économique considérable des États-Unis et de
l’importance du dollar, principale monnaie de réserve.
Dans les années 1990 la financiarisation s’étendra aux économies émergentes.
L’aide accordée aux pays d’Amérique Latine dans le cadre du plan Brady10 de
1989 sera complétée par un large programme de libéralisation des marchés qui
contribuera à attirer à nouveau les capitaux internationaux : levée du contrôle
des changes, privatisations, dérèglementations… En Asie, la libéralisation des
opérations en capital a encouragé les placements à court terme et les emprunts
interbancaires à l’étranger, d’autant que les États accordaient facilement des
garanties aux banques. Tout ceci provoqua deux vagues de crises de changes, en
1994 à nouveau en Amérique Latine et en 1997 en Asie.
La création de la BCE en 1998, encore plus indépendante du pouvoir politique que la
Fed11, a lieu dans ce contexte. Elle va inciter la même année à une modernisation de la
Banque d’Angleterre qui va elle aussi gagner une certaine forme d’indépendance, de
même que la Banque du Japon. Leur indépendance était moins naturelle que pour
les États fédéraux (États-Unis, Suisse, Canada). Mais la préférence des marchés pour
des banques centrales non soumises aux aléas électoraux des gouvernements a fini
par s’imposer. La « vieille dame de Threadneedle Street », devient ainsi un organisme
public indépendant du gouvernement, mais contrôlé tout de même par le Trésor
britannique. Quant à la banque du Japon, créée en 1882 sous l’ère Meiji, la réécriture
de sa « loi statutaire » fait aussi référence à une plus grande indépendance, tout en
précisant qu’elle devra être en accord avec la politique économique du gouvernement.
Ainsi, après la vague de nationalisation des banques centrales post seconde
guerre mondiale assiste-t-on à un nouvel élan généralisé, cette fois-ci vers
l’indépendance, afin d’agir efficacement sur l’économie dans une optique de
long terme. On peut aussi dans une certaine mesure dresser un parallèle avec
l’indépendance des métaux sur lesquels reposaient autrefois les monnaies.
L’indépendance reste quand même relative et jamais définitivement acquise. À
l’aube des années 2000 et de l’hiver économique12, ces institutions publiques horsnormes que sont devenues les banques centrales se voient donc dotées d’une
responsabilité accrue, alors que la financiarisation de l’économie va être poussée à
l’extrême avec le développement de la titrisation des créances bancaires.
1.2 Débats actuels sur l’évolution du rôle de la banque centrale
L’essor de la technologie, la course aux innovations financières et la mondialisation
lancent de nouveaux défis aux banquiers centraux. Ils ont dû affronter 3 crises
12
10
e plan Brady de 1989 mettra fin à la crise de la dette des pays d’Amérique Latine qui avait démarré
L
7 ans plus tôt, en 1982, suite au défaut de paiement du Mexique.
11
C hanger les statuts de la BCE réclamerait l’unanimité des 28 pays de l’Union Européenne.
12
Voir note 6.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
majeures rapprochées pendant cet hiver économique en 2000 (éclatement de
la bulle « internet »), 2008 (crise des « subprimes ») et 2010 (crise souveraine
européenne), qui chacune a ouvert un débat sur le rôle des banques centrales.
– Premier débat : comment la banque centrale doit-elle gérer une bulle
d’actifs ? Ce débat prend racine avec la bulle internet de 2000.
Autrement dit, la banque centrale ne doit-elle pas être plus proactive pour
maintenir la stabilité financière et mieux appliquer la formule de William
McChesney Martin Jr. (président de la Fed de 1951 à 1970) : « retirer le bol de
punch avant que la fête ne commence » ?
En charge de la politique monétaire, la banque centrale veille à la stabilité des
prix, condition essentielle au développement harmonieux de nos économies.
Toutefois, compte tenu de la « marchéisation » de l’économie on peut se
demander si sa mission doit uniquement se centrer sur les prix à la consommation
ou également sur celui des actifs dont l’instabilité finit par générer des crises
majeures. Le krach d’octobre 1929 ou celui du Japon en décembre 1989 en sont
de parfaites illustrations. Mais c’est celui de septembre 2000 qui a contribué à
soulever ce débat.
En décembre  1996, Alan Greenspan (président de la Fed de 1987 à 2006) dénonce
« l’exubérance irrationnelle » des marchés d’actions. Il l’a signalé fermement
mais n’est pas passé à l’acte en montant ses taux pour autant. A posteriori, on
constate qu’en ne faisant rien de concret, voire en baissant même ses taux un
peu plus tard (lors de la crise liée à la faillite du fonds LTCM en août 1998), il a
implicitement contribué à financer la bulle qu’il avait pourtant détectée et il a de
ce fait laissé se développer les mauvaises pratiques comptables révélées plus
tard (cf. Worldcom, Enron).
À l’inverse, on peut aussi penser qu’une action préventive aurait pu avoir des
effets négatifs en provoquant un ralentissement économique et même peutêtre en freinant le développement technologique. Greenspan rappellera encore
en 2013 (un siècle après la création de la Fed) au forum annuel de la Fed de
Philadelphie sur le thème « The History of Central Banking in the US » qu’on ne
peut pas éviter les bulles car elles sont inhérentes à la nature humaine, mais
qu’il faut faire le maximum pour en gérer les conséquences quand elles éclatent.
C’est ce que fera son successeur, Ben S. Bernanke (président de la Fed de 2006 à
2014), qui géra la crise des « subprimes » en mettant en place le plus tôt possible
une politique de « Quantitative Easing ». Le QE1 a été annoncé le 25 novembre
2008, soit 2 mois seulement après la faillite de Lehman Brothers (15 septembre
de la même année) et un peu plus d’un an après l’effondrement de la valeur des
fonds d’investissement de Bear Stearns (17 juillet 2007). Au mois de mai 2013,
il annonce la fin prochaine de cette politique (« QE3 Tapering ») ; le risque de
déflation s’étant suffisamment éloigné pour ne plus tout justifier, et notamment le
fait que les entreprises empruntent pour racheter leurs actions et verser plus de
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
13
dividendes. Cette prise de position tranche avec le style de son prédécesseur et
tente de prévenir la bulle suivante, ce que Janet Yellen, qui a pris les commandes
depuis 2014, doit maintenant mettre en œuvre.
L’annonce d’un QE dès 2008 a permis d’éviter un retour aux années 1930 qui
hantent les Américains et dont Ben S. Bernanke est un des plus éminents experts.
Mais le QE contribue lui aussi à injecter de la liquidité dans le système. Le défi
aujourd’hui est de normaliser la politique monétaire pour éviter la propagation de
bulles, sans pour autant précipiter la fin de cycle.
Au final, prendre en compte d’une façon ou d’une autre l’interaction de
l’économie réelle et l’évolution des marchés est devenu essentiel. Toutefois, le
juste prix de marché contient une part conséquente de subjectivité. Même si les
banques centrales ont développé des modèles d’évaluation pertinents, le risque
d’intervenir préventivement sur le prix des actifs reste élevé et exigera beaucoup
de doigté, surtout pendant l’hiver économique 13.
C’est pourquoi, l’accent est mis ces dernières années sur les politiques macroprudentielles, d’ailleurs davantage efficaces pour prévenir la formation de
bulles que pour gérer leur éclatement. Les banquiers centraux pourraient de ce
fait avoir moins besoin de durcir leur politique monétaire préventivement pour
éviter une bulle, mais conserveraient un rôle clé quand celles-ci éclatent, en
résonance avec les remarques de Greenspan. Dans un monde globalisé, ces
politiques doivent cependant être envisagées au niveau international, européen
et national, ce qui prend du temps à mettre en place. Après le mouvement
vers « l’indépendance » des banques centrales, le maître mot pourrait devenir la
« coopération internationale », une des valeurs du printemps économique.
n°3
3- Deux décennies de bulles d'actifs
600
NASDAQ 100
500
SHANGHAI SE A SHARE
MSCI USA BIOTECH
400
300
200
0
09-96
03-97
09-97
03-98
09-98
03-99
09-99
03-00
09-00
03-01
09-01
03-02
09-02
03-03
09-03
03-04
09-04
03-05
09-05
03-06
09-06
03-07
09-07
03-08
09-08
03-09
09-09
03-10
09-10
03-11
09-11
03-12
09-12
03-13
09-13
03-14
09-14
03-15
100
Source: Datastream, Recherche Amundi
13
14
Voir note 6.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
La résolution de chaque crise en injectant un peu plus de liquidité dans le système a conduit à
développer des bulles successives pendant cet hiver économique. Par ailleurs, si la bulle internet
était avant tout américaine, la suivante sera sino-américaine et la troisième euro-américaine :
- Les cours du Nasdaq décollent après la crise liée à LTCM et la réaction de la Fed de baisser les taux
(point de départ d’un nouveau cycle boursier dont la phase de hausse durera 14 mois).
- Les cours de l’indice des actions chinoises s’envolent dans la seconde partie des années 2000
(surinvestissement, envolée des prix des matières premières), parallèlement au développement des
crédits « subprimes » aux États-Unis. La Chine (zone dollar par extension) reclasse ses excédents
en achetant des bons du Trésor américains, ce qui maintient les taux longs plus bas que nécessaire.
L’arrêt de la hausse des taux de la Fed (phase iii du cycle court * ) renforce encore la hausse du prix
des actifs.
- Les valeurs de biotechnologie et de réseaux sociaux, fers de lance des valeurs de croissance,
partent à la hausse alors que les taux longs vont à nouveau être maintenus bas longtemps, notamment
du fait de la crise européenne à partir des années 2010. À noter que le retournement structurel
du prix des matières premières après le printemps arabe de 2011, prolongé par le ralentissement
économique de la Chine, contribue aussi à maintenir des pressions déflationnistes au niveau mondial.
*
Voir Discussion Paper : « les cycles courts de l’investissement : feuille de route »
– Le second débat a trait à la financiarisation de l’économie et a été
soulevé avec la crise de 2008. Existe-t-il une limite ?
La crédibilité croissante des banques centrales, qui assurent le rôle de prêteur en
dernier ressort, a rendu de moins en moins nécessaire la détention de liquidité
pour faire face aux crises. Cette crédibilité a eu pour effet de débloquer de la
liquidité et donc d’accroître la capacité de l’économie de vivre à crédit. La fluidité
croissante du marché interbancaire et l’accès de plus en plus facile au marché par
les banques ont également participé à cette dynamique.
Dans les années 1930, les banques américaines subissent une régulation plus
forte qu’ailleurs en matière de prêts interbancaires. Les crédits spécialisés sont
dès lors souvent refinancés sur le marché plutôt qu’auprès des autres banques.
Dans les années 1980, les banques hypothécaires américaines émettent des
CMO (Collateralised Mortgage Obligations) qui regroupent plusieurs centaines
de crédits immobiliers. Ces instruments ont ensuite été copiés pour regrouper
toute sorte d’autres crédits parfois de maturités différentes. Ainsi sont nés les ABS
(Asset Backed Securities). La proportion de bons crédits de ces ABS notés par
les agences de rating comme Moody’s et Standard & Poor’s étant importante, ils
recevaient souvent de bonnes notes. Puis on a même fini par créer des ABS d’ABS
qui diluaient encore un peu plus le risque. Bref, la capacité de financement grâce
au marché semblait ne plus avoir de limites dans les années 2000.
Alors que les liquidités paraissaient inépuisables, les autorités ont donc focalisé
davantage leur attention sur la solvabilité des banques et les ont contraints à
l’accroître progressivement depuis les années 1970.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
15
À l’époque de la flambée des cours du pétrole et du reclassement des pétrodollars,
la faillite de la banque Herstatt a incité à la création d’un « comité technique de
supervision bancaire » à Bâle dans le cadre de la BRI (Banque des Règlements
Internationaux), elle-même créée en 1930 pour régler la question des réparations
allemandes. Les banquiers centraux avaient pris l’habitude de se réunir souvent
dans ce cadre depuis les années 1960. Le ratio Cooke, du nom du responsable
de la supervision bancaire de la Banque d’Angleterre qui présidait alors ce comité,
vit le jour en 1975. Cette régulation sera réformée et complétée en 2004 suite aux
accords dits de Bâle II, puis en 2010 avec les accords de Bâle III.
Paradoxalement, les accords de Bâle I et II, combinés aux nouvelles normes
comptables (IFRS), ont fortement incité les banques à externaliser leurs risques
en utilisant les dérivés de crédit afin d’optimiser leurs fonds propres et donc de
pouvoir prêter davantage. Au Royaume-Uni par exemple, le financement des
banques par des investisseurs institutionnels est passé de 0 à 50 % entre 2001
et 2008. En revendant et en achetant des créances bancaires sur le marché, les
banques pensaient alors mieux maîtriser et diversifier leurs risques.
La crise des « Subprimes », ces crédits immobiliers américains à risque contenus
dans les ABS et détenus par toutes les banques du monde, a éclaté en 2007. À
ce moment, le marché mondial des CDS (Swap de dérivés de crédit) représentait
63 000 Mds $, contre 54 000 Mds $ pour le PIB mondial selon le FMI. Il est alors
devenu clair qu’il existait une limite au-delà de laquelle le système financier ne
pouvait pas aller, en tout cas aussi rapidement. Contrairement à ce qui était
espéré, la « marchéisation » de l’économie n’a pas permis une « diversification »
mais plutôt une « dissémination » des risques. Il est alors beaucoup plus difficile
de circonscrire la crise quand elle surgit que dans le cas d’une faillite isolée comme
ce fut le cas avec LTCM en 1998.
La titrisation ne va pas disparaître avec la crise ; elle se verra davantage encadrée.
Les accords de Bâle III vont imposer des mesures de type macro-prudentiel aux
banques : elles vont devoir constituer un volant de fonds propres contra-cyclique
jusqu’à 2,5 % dans la phase ascendante du cycle pour pouvoir les utiliser dans la
phase descendante. L’effet de levier se verra plafonné. Enfin, les banques seront
contraintes à disposer de davantage de liquidité à court (30 jours) et moyen
terme (12 mois). Ces mesures seront mises en œuvre progressivement jusqu’en
2019. Rappelons que le facteur démographique commencera à s’améliorer et à
soutenir la demande structurelle aux États-Unis au début des années 2020. Une
concomitance intéressante à relever, car ces deux éléments pourraient faire le lit
du printemps économique à venir.
Au final, le renforcement de la régulation après une période de crise stimule
la volonté de contourner les crises, qui se concrétise dès que l’environnement
devient propice à l’innovation financière. En surviennent alors d’autres qui incitent
le régulateur à reprendre la main, non pas pour interdire les nouvelles pratiques,
16
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
mais pour les encadrer, et ainsi de suite… Ce qui signifie que 1) le niveau structurel
d’endettement de nos économies va demeurer en moyenne plus élevé que par le
passé 2) l’assurance d’avoir de la liquidité pour faire face aux crises sera encore
endossée par les banques centrales, mais le sera aussi davantage qu’auparavant
au niveau de chaque banque 3) les marchés exploiteront un jour ou l’autre (lors du
prochain été économique ?) les failles de ce nouveau dispositif.
– Le troisième débat concerne le rôle des banques centrales vis-à-vis de
la supervision des autres banques. Il a été relancé avec la crise de 2010.
Partout, la supervision bancaire est essentielle à la stabilité des économies.
L’insuffisance de supervision bancaire a contribué aux crises de change des
années 1980 et 1990 en Amérique Latine et dans des pays asiatiques, y compris
au Japon. Dans l’archipel nippon, les banques faisaient partie des Keiretsu14 et
prêtaient sans trop y regarder aux autres filiales du groupe.
Cette mission de supervision qui fait la fierté de la Fed, est souvent du ressort
des banques centrales. Les Anglais, qui ont essayé de sortir de cette logique,
ont rapidement fait marche arrière. En accordant l’indépendance à la Banque
d’Angleterre par la loi d’avril 1998 (Bank of England Act), le parlement a en effet
limité sa mission à la conduite de la politique monétaire. Le rôle de superviseur
bancaire, qui a pourtant contribué à sa renommée, a été confié au régulateur, le
FSA. Il est vrai que les risques bancaires sont de plus en plus transférés au niveau
du marché lui-même.
Mais cette expérience aura cependant été de courte durée, puisque cette mission
réintègre le giron de la banque centrale le 1er avril 2013. En effet, le Royaume-Uni
n’a pas été épargné par la crise financière mondiale de 2008. Pour la première
fois depuis le XIXe siècle, une banque britannique, la Northern Rock, a connu une
panique de sa clientèle qui est venue faire la queue aux guichets pour retirer ses
dépôts. Même dans les années 1930, le système financier anglais avait évité cela ;
le dernier « bank run » au Royaume-Uni a eu lieu en 1866 (Overend Guerney). Des
discussions tripartites (trésor, banque centrale, régulateur) sur « l’aléa moral15 » ont
cette fois-ci fait perdre beaucoup de temps et il a finalement fallu nationaliser la
Northern Rock pour éviter le risque systémique.
Au niveau de la BCE, le rôle de supervision est longtemps resté la prérogative
des banques centrales nationales et ne tombe sous sa coupe qu’à partir de
2014 (la liste comprend 120 établissements bancaires qui représentent tous
ensemble près de 85 % de la valeur des actifs bancaires de la zone euro).
14
eiretsu : conglomérat de beaucoup d’entreprises, liées entre elles par des liens financiers organisés
K
autour d’une banque. Développées pendant le miracle japonais, elles sont les héritières des Zaibatsu
d’avant-guerre.
15
a notion « d’aléa moral » consiste en l’occurrence à dire qu’il n’est pas normal de soutenir une banque
L
en difficulté alors qu’elle s’est précédemment enrichie en prenant des risques inconsidérés.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
17
La crise européenne a en effet changé la donne. Alors que la crise sévit, le repli
sur soi des États, par ailleurs caractéristique des hivers économiques conduit les
banques des États les plus en difficulté (notamment les pays du sud) à acheter
la dette nationale alors même que celle-ci est émise pour leur venir en aide.
Afin de casser cette spirale infernale, une union bancaire européenne devient
nécessaire et passe par un superviseur commun : la BCE. La zone euro ne suivra
donc pas l’exemple anglais. Elle fait aussi le choix de plus d’intégration.
Cela illustre bien les adaptations permanentes des institutions et les banques
centrales n’y échappent pas. Il faudra cependant peut-être attendre plusieurs
années pour que l’union bancaire européenne soit vraiment aboutie. Rappelons
que la panique bancaire de 1907 aux États-Unis, n’a conduit à la création de la
Fed que 7 ans plus tard. Il aura aussi fallu attendre 7 ans après la crise du SME
(Système Monétaire Européen) de 1992 avant la naissance de l’euro.
À partir du moment où les banques centrales sont les prêteurs en dernier ressort
et les gardiens de la stabilité financière, il est logique qu’elles supervisent les autres
banques. Confortées dans leur rôle de superviseur bancaire, les banques
centrales confirment leur rôle de pivot pour répondre aux nécessités de l’économie
de marché : gérer les crises, les prévenir, mais aussi agir au quotidien sur les
conditions de financement de l’économie à travers leur politique monétaire.
2. La politique monétaire
2.1 Du ciblage monétaire au ciblage de l’inflation
Il faut savoir que les présidents de banques centrales n’avaient pas forcément
de formation économique poussée avant les années 1970. Depuis, les travaux
académiques n’ont fait que prendre plus d’importance dans leurs décisions. Au
point que les « théoriciens », comme Ben S. Bernanke puis Janet L. Yellen, ont
finalement eux-mêmes été nommés à la tête de la plus puissante banque centrale
du monde. William McChesney Martin (président de la Fed de 1951 à 1970) était
par exemple particulièrement méfiant envers les statistiques de masse monétaire.
Paul Volcker (président de la Fed de 1979 à 1987), « monétariste pragmatique »,
faisait lui-même davantage confiance à son jugement qu’à un modèle établi.
Dans la foulée de Volcker, tous les banquiers centraux se sont mis à utiliser des
objectifs de croissance de la masse monétaire comme outil principal pour anticiper
les risques inflationnistes, en tenant compte du principe de bon sens énoncé par
Milton Friedman comme quoi « l’inflation est toujours et partout un phénomène
monétaire ». Cet instrument a quand même fini par trouver ses limites et est moins
regardé aujourd’hui, sans pour autant être abandonné tant s’en faut. Même la BCE,
héritière de la Bundesbank qui en avait fait son outil fétiche, a officiellement cessé
de le mettre en avant depuis mai 2003.
18
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
Les processus d’innovation financière et de dérèglementation des années 1980 ont
perturbé cet outil d’anticipation de l’inflation. Le développement des placements
financiers a rendu la frontière entre épargne et consommation beaucoup plus
perméable ; l’épargne peut se transformer plus rapidement qu’auparavant en
consommation. Ensuite, la part de plus en plus importante d’eurodevises, notamment
en ce qui concerne le dollar mais aussi l’euro, fragilise la relation entre masse monétaire
et inflation. Enfin, les produits dérivés sur instruments financiers viennent encore
complexifier l’analyse. La financiarisation plus rapide des pays anglo-saxons explique
certainement pourquoi cet indicateur a été moins regardé chez eux en premier.
n°4
4- Règle de Taylor et Taux des Fed Funds
12
10
8
6
4
2
0
Règle de Taylor
Taux des Fed Funds
2012
2013
2014
2015
1993
1994
1994
1995
1996
1997
1997
1998
1999
2000
2000
2001
2002
2003
2003
2004
2005
2006
2006
2007
2008
2009
2009
2010
2011
2012
-4
1988
1988
1989
1990
1991
1991
1992
-2
Source: Datastream, Recherche Amundi
Taylor : à la recherche d’un taux neutre.
Il existe plusieurs façons d’écrire la formule de Taylor * et notre propos n’est pas de rentrer dans un débat
théorique ici mais plutôt de mettre en évidence qu’en 2009, ce type de méthode a montré la nécessité
d’un taux négatif, ce qui incita à passer au « Quantitative Easing ». Ceci posé, la règle de Taylor n’est
pas une martingale et n’empêche pas les « erreurs » de politique monétaire. Par ailleurs, cette même
formule suggèrerait que les taux auraient déjà dus être remontés. Il faut toutefois tenir compte de
l’ensemble des conditions monétaires (voir graphiques 9, 10, 11) et de la volonté affichée de Janet Yellen
de ne pas surprendre les intervenants de marché dans ce cycle.
*
a formule de Taylor employée ici intègre une inflation cible à 2 % et un taux de chômage d’équilibre
L
à 5 %.
D’autres approches ont pris le pas autour de la notion d’« output gap », c’est-àdire l’écart entre le PIB réel constaté ou prévisionnel et le PIB potentiel. Si le PIB
croît plus vite que son potentiel de croissance, alors cette croissance recèle des
risques inflationnistes. Inversement, s’il croît moins vite que son potentiel, les risques
inflationnistes reculent. La règle proposée par l’économiste John B. Taylor en 199316
a fini par s’imposer comme l’une des mesures phares en la matière. Selon cette
16
John B. Taylor, 1993 : “Discretion versus policy rules in practice”.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
19
règle, le taux directeur neutre devrait être équivalent à la somme de l’inflation et du
taux réel à l’instant t, du différentiel entre l’inflation à l’instant t et la cible d’inflation
(multiplié par un coefficient déterminé économétriquement par la banque centrale) et
enfin du différentiel entre le PIB et le PIB potentiel (multiplié là aussi par un coefficient
à déterminer). D’autres versions de la formule de Taylor17 ont vu le jour, notamment
en intégrant un taux de chômage d’équilibre. Reposant sur beaucoup d’hypothèses,
ces mesures ne sont pas non plus sans faille.
La Banque d’Angleterre a suivi une autre voie et utilise un modèle économétrique
de prévision d’inflation, se fixant des objectifs d’inflation avec une marge d’erreur
explicitée. La sortie de la livre sterling du Système Monétaire Européen en 1992
l’a poussée à mettre au point cette technique de ciblage. Aux États-Unis, peu
avant sa nomination au Board de la Fed par le président Bush, Bernanke suggère
lors de son audition au Congrès le 30 juillet 2002, que l’efficacité de la Fed serait
améliorée par le ciblage d’inflation18. Il mettra 10 ans pour arriver à l’imposer,
sans pour autant remettre en cause le mandat dual de la Fed. Plus de 25 pays
dans le monde sont maintenant passés à cette pratique initiée en fait avec succès
par la Nouvelle Zélande dès 199019 et rapidement suivie par le Canada (1991).
Remarquons que la BCE a aussi une cible d’inflation qu’elle définit à sa manière :
« un niveau inférieur à, mais proche de 2 % à moyen terme »20.
Cette notion de ciblage de l’inflation, transparente, vise à ancrer les anticipations
d’inflation21. Elle va de pair avec le développement d’une communication préventive.
2.2 Principaux instruments d’action de la politique monétaire
Les banques centrales peuvent agir principalement sur le niveau de réserves
obligatoires des banques, les taux de refinancement et la quantité de monnaie qu’elles
acceptent de mettre à leur disposition. Enfin, elles peuvent monétiser la dette publique.
À l’origine, les banques centrales agissaient essentiellement sur les réserves
obligatoires des banques, c’est-à-dire sur la quantité de monnaie de banque qu’elles
sont obligées de geler pour pouvoir prêter. En agissant sur ces réserves, la banque
20
17
Voir Janet L. Yellen, 2012 : “The economic outlook and monetary policy”.
18
es discussions au sein de la Fed au sujet d’une cible de 2 % avaient déjà eu lieu lors du FOMC de
D
juillet 1996, sous Greenspan. Alors que Greenspan suggérait une cible entre 0 et 1 % car l’inflation
publiée était souvent supérieure à la réalité, l’un des gouverneurs, Janet L. Yellen, avait argumenté
qu’il fallait mieux se laisser une marge pour pouvoir fixer des taux réels négatifs si nécessaire pour
contrer des récessions. Cette cible, finalement établie à 2 %, n’était cependant pas officielle.
19
e Reserve Bank Act de 1989 donne son indépendance à la banque centrale et lui confie une mission
L
de politique monétaire visant à atteindre une cible formelle d’inflation, qui sera finalement fixée à 2 %.
20
ette formulation date de 2003. Auparavant, la cible était : « inférieure à 2 % ». Mais Draghi explique a
C
posteriori qu’il fallait une marge supérieure pour faciliter la convergence entre les pays de la zone euro.
21
n retournement à la hausse des anticipations d’inflation est essentiel pour valider un passage de
U
l’hiver économique au printemps. Voir le Discussion Paper « Les cycles longs et les marchés d’actifs »,
page 19.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
centrale peut donc exercer une influence sur le montant des crédits consentis. Ces
réserves obligatoires sont avant tout de nature prudentielle, pour avoir de la liquidité en
cas de crise. Compte tenu du rôle de prêteur en dernier ressort rempli par les banques
centrales, cet instrument, qui ne permet pas une gestion fine de la liquidité, est souvent
tombé en désuétude. Il reste cependant très utilisé dans les pays émergents, dont les
marchés financiers ne sont par définition, pas encore suffisamment développés.
Dans les années 1930, les réserves obligatoires se montaient à 11 % des
dépôts bancaires en Angleterre par exemple, puis environ 8 % dans les années
1950. On a par ailleurs étendu la notion de réserves à d’autres actifs quasiliquides à cette époque, dégradant quelque peu la qualité des réserves. Une
autre réforme, en 1971 qui sera ensuite simplifiée en 1981, leva l’essentiel des
restrictions bancaires au Royaume-Uni. Les banques commerciales ne devaient
plus déposer sous cette forme que 0,5 % de leurs dépôts auprès de la banque
centrale. Les nouvelles technologies ont même permis en 1998 de passer à un
traitement en temps réel de la compensation et d’abaisser encore ce ratio, qui est
aujourd’hui tombé à 0,15  % ; l’objectif étant au Royaume-Uni de tout juste financer
le fonctionnement de la banque centrale grâce aux réserves obligatoires. Ce ratio
est tombé à 1 % au sein de la zone euro. Cette obligation légale de réserves a
même tout simplement été abolie dans certains pays comme par exemple le
Canada, la Nouvelle Zélande et l’Australie.
Ensuite, la banque centrale peut agir sur le taux de refinancement, c’est-à-dire
les taux auxquels elle prête aux banques commerciales. Lors de ces opérations
« d’open market », les banques apportent des actifs en garantie à la banque
centrale. Une baisse des taux directeurs de la banque centrale incite les banques
à emprunter auprès d’elle plutôt qu’auprès des banques commerciales ou sur
le marché, ce qui fait baisser aussi les autres taux à court terme. Une hausse
des taux directeurs produit l’effet inverse. Ces opérations de refinancement des
banques sont devenues routinières et constituent le principal instrument de
politique monétaire en rythme de croisière.
De manière plus exceptionnelle, la banque centrale peut agir au-delà du taux de
refinancement en prenant des mesures non conventionnelles, comme par exemple sur
la quantité de monnaie22 qu’elle accepte de prêter aux banques. Pour cela, il lui suffit
d’étendre la liste des actifs qu’elle accepte de prendre en garantie, ce qui a pour effet
d’accroître l’actif de la banque centrale et permet donc aux banques commerciales
de prêter davantage. Ces mesures ont été prises par la banque du Japon en 2001 et
par la Fed et la plupart des autres banques centrales à partir de 2008 pour combattre
le risque de déflation, la politique de taux devenant inefficace. En effet, en cas de
déflation, même des taux à zéro sont en fait supérieurs à l’évolution des prix qui
est alors négative. La règle de Taylor suggère dans ce cas un taux directeur négatif
(voir graphique 4) !
22
D’où la notion de « Quantitative Easing » quand il s’agit d’accroitre la quantité de monnaie.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
21
Enfin, elle peut acheter ou vendre des titres de dette publique sur le marché.
Quand elle vend ainsi des titres, elle débite en contrepartie les banques, ce qui réduit
la quantité de monnaie de banque centrale en circulation. À l’inverse, en achetant des
titres, elle crédite en contrepartie les banques et augmente la quantité de monnaie.
En fait, si ces opérations ne sont pas stérilisées23, elle monétise alors la dette.
Inflationniste par nature, monétiser une dette n’est pas non plus sans risque.
Ainsi, en décembre 1931, pour se sortir de la crise, le Japon abandonne le Gold
Standard provoquant une baisse de 40 % du yen, ce qui est déjà inflationniste. Mais
le gouvernement décide en plus d’un plan de relance keynésien massif financé par
la monétisation de la dette, qui finit par générer hyperinflation… et régime militaire.
Ce qui peut au passage expliquer pourquoi les Japonais ont longtemps hésité à
utiliser à nouveau cet outil pour sortir de déflation pendant la « décennie perdue ».
Devant le défi démographique (baisse de la croissance de sa population en âge
de travailler), qui pèse sur la croissance potentielle, et le défi géopolitique (montée
en puissance de la Chine) auquel il fait face, le Japon pourrait quand même être
le premier à l’expérimenter à nouveau pendant cet hiver économique. Combiner
endettement de l’État et financement par la banque centrale est en effet l’outil
le plus puissant à la disposition des autorités. Rappelons qu’il a d’ailleurs été à
l’origine même de la création de la Banque d’Angleterre et a contribué à financer
l’effort de guerre également lors des deux guerres mondiales du XXe siècle.
La crise de 2000 s’est soldée par la baisse des taux des banques centrales, celle
de 2008 par la mise en œuvre du Quantitative Easing. La prochaine déboucherat-elle sur la combinaison d’une monétisation de la dette et d’une relance
budgétaire, ultime recours pour sortir de l’hiver économique ?
2.3 Comment la communication est devenue un outil indispensable
Les banques centrales donnent des informations précieuses aux investisseurs qui
suivent les mêmes indicateurs, sachant qu’elles ont une longueur d’avance car leur
action est structurante pour l’économie. C’est pourquoi elles constituent un guide
privilégié pour les investisseurs.
Tout d’abord, elles agissent souvent de façon graduelle ; ceci afin d’offrir une grande
visibilité directionnelle aux marchés et limiter la probabilité d’une crise du secteur
financier. En cas de crise, évidemment, l’action doit être rapide et rassurante. Enfin,
la communication est devenue un facteur à part entière de politique monétaire. La
Fed, surtout, en a vraiment pris conscience après la crise mexicaine de 1994 lors
de laquelle elle a en quelque sorte joué le rôle de déclencheur en procédant à une
hausse inattendue de 25 pb de ses taux directeurs. Aussi la communication est-elle
une affaire sérieuse : chaque mot des communiqués officiels du FOMC est pesé.
23 Stériliser une action de banque centrale revient à retirer la liquidité émise lors de cette action par divers
moyens comme par exemple la vente d’autres actifs, ou encore en incitant les banques à déposer
leurs liquidités sur un dépôt à terme, etc.
22
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
Relevons ici un paradoxe sur cette évolution qui renforce encore la nécessité
d’une communication efficace. D’un côté, avec la financiarisation de l’économie
les taux de marché ont de plus en plus d’impact sur l’évolution de l’économie. De
l’autre, la banque centrale a de moins en moins la capacité d’agir physiquement
pour les contrôler, les sommes échangées sur les marchés étant chaque jour plus
conséquentes. Elle doit donc convaincre. La communication est définitivement clé.
Cette communication est nécessairement complexe. Le banquier central doit
être capable d’aller à contre-courant de l’opinion comme le faisait remarquer
William McChesney Martin. Il décrivait sa mission comme devant « naviguer contre
le vent », ce qui était très novateur à l’époque. Il avait dû monter les taux à de
nombreuses reprises alors qu’ils étaient restés stables autour de 1 % les deux
décennies précédentes. Il avait même osé les monter en 1965 en pleine guerre du
Vietnam, malgré l’avis du président Lyndon Johnson ; ce qui contribua d’ailleurs
grandement à affirmer l’indépendance de la Fed.
En revanche, la nouvelle mission implicite de gardien de la stabilité financière exige
en outre du banquier central que ses actions ne surprennent pas les investisseurs.
Il faut donc préparer à l’avance les intervenants sur les marchés aux décisions afin
qu’ils ne soient pas surpris, tout en se ménageant la possibilité de changer d’avis
ultérieurement sans altérer sa crédibilité. Le président d’une banque centrale se
doit donc de suggérer fermement en se laissant toujours une porte de sortie.
La fameuse phrase d’Alan Greenspan « si j’ai été clair c’est que je me suis mal
exprimé » explicite bien cette complexité.
En introduisant le ciblage d’inflation et la « forward guidance »24, Ben S. Bernanke
et Yellen vont beaucoup plus loin en termes de transparence, primordiale en régime
de Quantitative Easing.
La crédibilité du banquier central est la pierre angulaire de cet exercice.
Soulignons l’exemple déjà légendaire de Mario Draghi, président de la BCE
depuis le 1er novembre 2011, qui déclare qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir
pour sauver l’euro (« whatever it takes ») le 26 juillet 2012 (voir graphique 8). Son
discours a réussi à convaincre durablement les marchés, alors que la hausse
des taux lors du printemps arabe de 2011 avait contribué à faire rechuter la zone
euro en récession. Il a joint le geste à la parole en baissant régulièrement les taux
jusqu’à les faire passer en territoire négatif25 !
24
« Forward Guidance » : clé de lecture de l'orientation future de la politique monétaire.
25 Le taux de facilité de dépôt a été abaissé à -0,10 % en juin 2014 et -0,20 % en septembre. Trois
raisons de vouloir contourner la borne inférieure nulle (ZLB) : 1) maintenir la pression sur le taux
de change 2) faire de la répression financière sur les banques pour les inciter à prêter 3) inciter
le consommateur à consommer plutôt qu’épargner. Cette politique a été suivie par les banques
centrales danoises (DKK ancré à l’euro), suédoise (elle l’avait déjà expérimentée de juillet 2009 à
septembre 2010) et suisse. Dans les années 1970, la BNS avait déjà utilisé les taux négatifs sur les
comptes étrangers. Après le QE de janvier 2015, même les taux des obligations d’État du cœur de la
zone euro et de ces pays sont passés en territoire négatif sous l’effet de la « chasse au rendement ».
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
23
1994, 2004, 2014 : une communication de plus en plus affûtée
5- 1994: hausse surprise des taux de la Fed en février
9,0
Hausse des taux (4 février)
Taux longs à 10 ans
01-93
11-96
09-96
07-96
05-96
03-96
01-96
11-95
09-95
07-95
05-95
03-95
01-95
11-94
09-94
07-94
2,0
05-94
3,0
2,0
03-94
3,0
01-94
4,0
11-93
5,0
4,0
09-93
6,0
5,0
07-93
6,0
05-93
7,0
03-93
8,0
7,0
01-93
8,0
03-93
9,0
Taux des Fed Funds
6- 2004: hausse régulière des taux de la Fed et Conundrum
6,0
6,0
Hausse des taux (30 juin)
Annonce (3 mai)
5,0 "Risques équilibrés" (16 mars)
Taux longs à 10 ans
03-03
01-03
11-06
09-06
07-06
05-06
03-06
01-06
11-05
09-05
07-05
05-05
03-05
01-05
11-04
09-04
07-04
0,0
05-04
0,0
03-04
1,0
01-04
1,0
11-03
2,0
09-03
3,0
2,0
07-03
3,0
05-03
4,0
03-03
4,0
01-03
E
5,0
Taux des Fed Funds
7- 2014: Tapering de la Fed
2,5
3,0
2,5
Taux des Fed Funds
01-15
11-14
09-14
07-14
05-14
03-14
01-14
11-13
09-13
07-13
05-13
03-13
01-13
11-12
09-12
07-12
05-12
03-12
01-12
0,0
11-11
0,5
0,0
09-11
0,5
07-11
1,0
05-11
1,5
1,0
03-11
2,0
1,5
01-11
2,0
Taux longs à 10 ans
24
3,5
Tapering évoqué
(22 mai)
Source: Datastream, Recherche Amundi
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
03-11
3,0
4,0
Tapering effectif
(22 janvier)
Tapering annoncé
(18 décembre)
3,5
01-11
4,0
Graphique 5 : en février 1994, la Fed surprend les marchés en montant ses taux de 25 points de
base, ce qui provoque un krach obligataire.
Graphique 6 : en 2004, la hausse des taux directeurs sera très progressive et régulière pour
ne plus surprendre les marchés. Compte tenu de la forte crédibilité de la Fed, il aura d’ailleurs
suffi que Greenspan parle de « risques désormais équilibrés en matière d’inflation » dans son
communiqué du 16 mars pour que les marchés anticipent un renversement de politique monétaire.
Il n’a évoqué « un biais moins accommodant avec une remontée progressive » que lors du comité
suivant (3 mai). Les taux longs avaient déjà rebondi de 100 points de base. Puis ils évolueront sans
tendance ; c’est la Fed qui sera surprise à son tour par cette réaction. En fait, la forte visibilité
qu’elle a procurée a conduit les surplus des exportations chinoises (dégagés de la forte croissance
des États-Unis) à s’investir sur les obligations du trésor américain et peser sur les taux longs ainsi
déconnectés des taux directeurs.
Ce phénomène, qualifié par Greenspan de « Conundrum », est venu amoindrir l’action de la Fed, qui
a en conséquence, été inefficace pour empêcher l’envolée des prix immobiliers.
Graphique 7 : en 2014, en régime de QE et en plein hiver économique, la Fed prendra encore
plus de précautions. La simple évocation de la possibilité de ralentir la politique d’achat d’actifs
de la Fed le 22 mai 2013 a suffi pour provoquer une forte réaction à la hausse des taux longs.
L’annonce officielle a eu lieu le 18 décembre et sa mise en œuvre encore un mois plus tard.
On notera que le laps de temps entre son évocation et son annonce est de 7 mois, alors qu’il n’était
que d’un trimestre avant la hausse de taux en 2004.
Le 22 janvier 2015, Mario Draghi annonce un QE encore plus fort qu’attendu par
le marché avec effet en mars de la même année. Annonçant des achats d’actifs
au moins jusqu’en septembre 2016, il fait temporairement des taux européens
le nouveau point d’ancrage des taux mondiaux, alors que ces derniers
dépendent plus naturellement des taux américains. Le FMI lui-même a souligné
cette inversion des causalités à la faveur des taux européens.
n°8
8- 2012: le "whatever it takes" de Mario Draghi
1,6
7
"Whatever it takes"
(26 juillet)
1,4
6
1,2
5
1
4
0,8
3
0,6
2
0,4
Récesssion
Taux Repo
Spread 10 ans Espagne-Allemagne
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
07/15
05/15
03/15
01/15
11/14
09/14
07/14
05/14
03/14
01/14
11/13
09/13
07/13
05/13
03/13
01/13
11/12
09/12
07/12
05/12
03/12
01/12
11/11
09/11
07/11
05/11
03/11
01/11
0
11/10
0
09/10
1
07/10
0,2
Source:Datastream, Recherche Amundi
25
2.4 L’influence des taux de change
La politique de taux de change ne fait pas partie de l’attribution des banques
centrales. Elle est du ressort des gouvernements. Les décisions de fusionner le
Deutsche Mark et l’Ost Mark ou la création de l’euro sont par exemple des décisions
politiques ; le banquier central ne peut que donner son avis technique.
En revanche, si les banquiers centraux ne sont pas responsables de la politique de
change, il est clair que leurs décisions influent sur les devises par le simple mécanisme
du différentiel de politique monétaire entre les zones. Les conséquences peuvent
d’ailleurs être brutales. Au début des années 1980 les hausses de taux énergiques de
la part de la Fed et de son président Volcker provoquent une forte hausse du dollar qui
aboutira en 1985 aux accords du Plazza. La Bundesbank monta à son tour ses taux en
toute indépendance en 1987 pour faire face aux tensions inflationnistes en faisant peu de
cas des accords du Louvre signés en février de la même année par les gouvernements
du G7. Le dollar chuta et le tout provoqua le krach boursier d’octobre 1987. En 1994, c’est
à nouveau la hausse des taux de la Fed qui déclencha la « crise Tequila » mexicaine ; le
Mexique fortement endetté en dollar risquant de ne plus pouvoir honorer ses échéances.
Aussi, le banquier central doit de plus en plus tenir compte des effets collatéraux
quand il prend ses décisions. Les exemples ci-dessus sont dans toutes les mémoires.
La mondialisation accroît les risques de provoquer des crises systémiques et le change
est une variable clé de transmission de ces risques. On en revient à l’idée que la banque
centrale doit aussi de plus en plus gérer la stabilité financière, même implicitement.
Quant à la dévaluation d’une devise, elle est un des paramètres importants de la
panoplie d’un État pour se sortir d’une passe difficile. Dans les années 1930, les
États-Unis notamment l’ont utilisée. Plus proche de nous, du temps du Système
Monétaire Européen, la France et l’Italie par exemple en étaient coutumières. Les
crises bancaires, comme celles qu’ont connues les pays nordiques au début des
années 1990 (Norvège 1987, Finlande et Suède 1991), ont été définitivement vaincues
grâce à des dévaluations. À la fin des années 1990, les pays exportateurs d’Asie ont
aussi retrouvé de la compétitivité par ce moyen pour mieux rebondir ensuite.
La crise actuelle présente la particularité de voir tous les pays concernés en même temps.
Ceux qui ont employé massivement l’arme du Quantitative Easing en premier ont bénéficié
plus tôt de la faiblesse de leur devise, à savoir dans l’ordre les États-Unis et le RoyaumeUni, puis le Japon, et enfin la zone euro. À noter qu’au sein de la zone euro, la dévaluation
n’étant plus possible entre les États membres, l’ajustement a en plus du passer par une
« dévaluation interne » (destruction massive des emplois) dans les pays moins vertueux.
Le taux de change a un impact direct sur l’économie tout comme les taux d’intérêt.
Selon le FMI, 10 % de variation annuelle sur le taux de change effectif du dollar par
exemple aurait un impact économique équivalent à une centaine de points de base
des taux de la Fed, ce qui doit bien sûr entrer en ligne de compte dans la décision de
la banque centrale. Comme les marchés anticipent et que la Fed est de plus en plus
26
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
transparente sur ses actions à venir, cela pourrait réduire les mouvements effectifs
de ses taux directeurs.
Pour illustrer notre propos, reprenons l’exemple de la règle de Taylor proposé plus
haut. Dans cet exemple, le taux neutre ressortirait aujourd’hui autour de 3 %. Mais
la Fed doit aussi tenir compte de l’impact du change sur les conditions monétaires.
En appliquant la mesure du FMI, cet impact serait de l’ordre de 2 %. Toutes choses
égales par ailleurs une hausse de 100 points de base suffirait donc pour rejoindre la
neutralité. Pour bien faire il faudrait aussi tenir compte des autres éléments impactant
les conditions monétaires et notamment de l’évolution des taux longs, mais leur
impact est négligeable cette fois-ci.
Généralement, l’impact des taux longs et donc des taux hypothécaires sur les
conditions monétaires est plus fort au début des mouvements de hausse des
taux de la Fed alors que l’impact du dollar tend à prolonger les mouvements de
taux directeurs. Cela correspond, exprimé différemment, à ce que nous avons
déjà observé dans le Discussion Paper « Cycles courts de l’investissement : notre
feuille de route ». Les taux longs montent en phase ii, parallèlement (ou même par
anticipation) à la hausse des taux de la Fed, alors que les mouvements haussiers sur
le dollar sont plus puissants en phase iv, pendant laquelle la recherche de protection
de la part des investisseurs est plus prégnante.
Deux exceptions notoires à ces observations :
1. la période post LTCM en 1999 : le dollar est monté parallèlement à la hausse des
taux de la Fed,
2. le « Conundrum » de 2004 : les taux longs n’ont pas suivi la hausse des taux de
la Fed.
Impact du dollar et des taux longs sur les conditions monétaires
25
20
20
15
15
10
10
5
5
0
-5
01-74
02-75
03-76
04-77
05-78
06-79
07-80
08-81
09-82
10-83
11-84
12-85
01-87
02-88
03-89
04-90
05-91
06-92
07-93
08-94
09-95
10-96
11-97
12-98
01-00
02-01
03-02
04-03
05-04
06-05
07-06
08-07
09-08
10-09
11-10
12-11
01-13
02-14
03-15
0
-5
Récessions
Var. Taux Fed Funds (en pb)
25
20
01-74
02-75
03-76
9- Impact du Dollar US
25
Rece
YoY
Var. Taux Fed Funds (en pb) + Var USD/10 (en %)
Source: Datastream, Recherche Amundi
10- Impact des taux longs
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
20
15
27
10
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
1
1
0
0
0
0
0
0
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0
1
1
1
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0
0
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0
0
0
0
1
1
1
0
0
0
Récessions
Var. Taux Fed Funds (en pb)
Source: Datastream, Recherche Amundi
10- Impact des taux longs
20
15
20
10
15
5
0
0
-5
01-74
02-75
03-76
04-77
05-78
06-79
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08-81
09-82
10-83
11-84
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01-87
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03-89
04-90
05-91
06-92
07-93
08-94
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10-96
11-97
12-98
01-00
02-01
03-02
04-03
05-04
06-05
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-5
01-74
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5
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Récessions
Var. Taux Fed Funds (en pb)
25
Var. Taux Fed Funds + Var. Taux longs (en pb)
11- Impact du Dollar US et des taux longs
25
20
20
15
15
10
%)
5
5
0
0
-5
01-74
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03-76
04-77
05-78
06-79
07-80
08-81
09-82
10-83
11-84
12-85
01-87
02-88
03-89
04-90
05-91
06-92
07-93
08-94
09-95
10-96
11-97
12-98
01-00
02-01
03-02
04-03
05-04
06-05
07-06
08-07
09-08
10-09
11-10
12-11
01-13
02-14
03-15
10
-5
Récessions
Var. Taux Fed Funds (en pb)
Var. Taux Fed Funds et taux longs (en pb)
+ Var. USD/10 (en %)
Source: Datastream, Amundi Research
La courbe en bleu foncé correspond à la variation des taux directeurs de la Fed sur un an en points de base
sur les 3 graphiques. Pour mettre en évidence sur le premier graphique l’impact du change sur l’économie,
nous avons retenu la mesure donnée par le FMI selon laquelle 10 % de variation du taux de change effectif
du dollar correspondrait à 100 points de base des taux de la Fed. La courbe en bleu clair sur le premier
graphique additionne donc la variation annuelle des taux de la Fed en points de base et un dixième de la
variation annuelle du taux de change du dollar. Celle du second graphique associe les variations des taux de
la Fed et des taux longs. Celle du troisième est une combinaison des deux premières.
Graphique 9 : impact du dollar. Par le passé, l’impact de la variation du dollar prolongeait les mouvements de
taux de la Fed; sauf pendant la période post LTCM en 1999. Cette fois-ci, le marché des changes a anticipé du fait
de la transparence accrue de la Fed sur ses actions futures. Cela pourrait l’inciter à tempérer sa hausse de taux.
Graphique 10 : impact des taux longs. Généralement, les taux longs produisent leur effet surtout au début
du durcissement de la politique monétaire ; sauf dans le cas du « Conundrum » de 2004-2006. Aujourd’hui, La
courbe des taux est impactée par la course aux rendements entretenue par les taux de dépôts négatifs de la
BCE qui jouent un rôle d’ancrage pour les taux longs mondiaux, et la faiblesse des prix des matières premières.
Graphique 11 : combinaison des deux. Alors que les taux de la Fed n’ont pas encore bougé, la communication a
déjà eu valeur d’action, mais à travers le taux de change plus que les taux longs.
28
Rece
YoY
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
01-74
02-75
03-76
25
Rece
YoY
Var. Taux Fed Funds (en pb) + Var USD/10 (en %)
Rece
YoY
3. Banques centrales et cycle d’investissement
Maintenant que l’on comprend mieux le rôle d’une banque centrale, son évolution et
ses moyens d’agir sur l’économie, observons le comportement des taux américains
qui sont devenus centraux pour les marchés mondiaux au cours du XXe siècle. Puis
nous examinerons leur impact sur les marchés à la lumière des cycles courts et longs.
3.1 Évolution des taux directeurs américains depuis la création de la Fed
– Évolution des taux nominaux de la Fed
Si on considère la tendance de long terme (voir graphique 12), on peut noter
4 grands mouvements : un point haut à 7  % en juin  1920 puis une baisse séculaire
qui démarre en mai 1921, et se prolonge jusqu’en septembre 1937, établissant un
point bas à 1  %. Les taux ne reprennent le chemin de la hausse qu’en janvier  1948
pour dépasser les 20 % en 1981. Ensuite, ils ont baissé jusqu’à établir un plus
bas historique à 0.25 % depuis décembre 2008. Ces mouvements épousent par
définition le rythme des saisons économiques : à la hausse au printemps et en
été, à la baisse en automne et en hiver.
Si on considère les cycles courts, on constate que quand la tendance de long
terme de l’inflation et des taux est à la hausse, la hausse des taux au sein des
cycles courts est logiquement plus forte que la baisse qui suit et inversement
quand la tendance de long terme est à la baisse, conformément à ce que faisait
remarquer Kondratieff en son temps (cf. le Discussion Paper « Les cycles longs et
les marchés d’actifs », p : 9-10).
– Évolution des taux réels de la Fed
La notion de taux réels (c’est-à-dire les taux corrigés des prix à la consommation)
ne fait son apparition que dans les années 1950. La confusion entre les deux
notions de taux nominaux et taux réels a d’ailleurs contribué à donner jusque-là
un caractère en partie pro-cyclique à la politique des banques centrales.
Deux périodes se distinguent donc : avant et après la seconde guerre mondiale
(voir graphique 13). Avant, la volatilité de l’inflation était beaucoup plus forte
qu’après, alors que les mouvements de taux directeurs étaient moins puissants.
La politique monétaire était très contrainte par la détention d’or physique dont
la quantité variait peu. C’est l’économie qui absorbait davantage les chocs. La
dépendance à l’or s’estompe après la seconde guerre mondiale et les accords
de Bretton Woods qui consacrent le dollar comme la seule devise au monde
directement convertible en or, avant que Nixon n’abandonne définitivement la
référence à l’or en 1971 et donne par là même encore plus de flexibilité à la Fed.
Malgré les avancées méthodologiques que nous avons rappelées plus haut,
le point neutre d’une politique monétaire au sein du cycle court reste très
délicat à déterminer encore aujourd’hui et n’est pas observable. Il correspond
au taux nécessaire pour que l’épargne finance parfaitement l’investissement
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
29
Évolution des taux directeurs américains depuis la création de la Fed
12- Taux nominaux de la Fed (en %)
20
IV
III
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
13- Taux réels de la Fed (en %)
20
III
IV
15
10
5
0
-5
-10
-15
-20
Source: NBER, FED, Datastream, Recherche Amundi
Ces graphiques reprennent les codes couleur utilisés pour caractériser les 4 saisons économiques des
cycles longs (voir Discussion Paper : « les cycles longs et les marchés d’actifs ») : bleu= printemps, rouge =
été, vert= automne, violet = hiver.
Le premier graphique reprend les taux de la Fed depuis sa création et permet de visualiser
l’imbrication des cycles courts au sein des cycles longs : les taux directeurs dessinent des cycles
courts autour d’une tendance à long terme qui monte pendant le printemps et l’été et qui rebaisse à
l’automne et en hiver.
Le second graphique représente l’évolution des taux réels de la Fed. Il permet de mettre en évidence
deux cas d’école en termes d’erreur de politique monétaire : les années 1930 (trop restrictive à l’entrée
de l’hiver) et les années 1970 (trop accommodante à la fin de l’été). Les taux réels très négatifs pendant
les deux guerres mondiales sont le reflet d’une inflation élevée, provoquée notamment par la politique
très accommodante de la Fed pour participer à l’effort de guerre.
30
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
et que le plein-emploi soit compatible avec une stabilité des prix. Ainsi, en
bonne logique, la politique monétaire doit être neutre quand les risques sont
équilibrés, restrictive quand il y a un risque inflationniste, et accommodante en
période de désinflation ou a fortiori en cas de risque déflationniste.
Dans la pratique, comme l’exercice est compliqué et repose sur beaucoup
d’hypothèses, la banque centrale fait régulièrement des « erreurs » aux
extrémités des cycles courts, ce qui entérine généralement la fin de cycle.
Observer les taux réels permet de mettre en évidence deux erreurs de politique
monétaire notoires qui sont devenues des cas d’école. Elles sont logées aux
deux extrémités du cycle long (à la fin de l’été et au début de l’hiver), les deux
virages économiques les plus durs à négocier.
•La dépression des années 1930 : si la politique monétaire a été justement
restrictive à partir de décembre 1920, elle l’a été trop longtemps et continue de
l’être après le krach de 1929 (jusqu’en décembre 1933) alors que l’économie
rentre en récession. La hausse des taux en 1931 était anachronique. Rappelons
que la Fed ne gagnera son indépendance qu’en 1935. De plus, entre août 1936
et mai 1937, la Fed double son taux de réserves obligatoires de 8 à 16 % en
3 fois et stérilise les entrées d’or sur son territoire. Dans le même temps, la
politique fiscale devient elle aussi restrictive. Bien que l’économie était repartie,
que le marché des actions avait triplé depuis son point bas de 1933 et que les
prix de l’immobilier avaient aussi retrouvé le chemin de la hausse, le remède
fut trop lourd pour une économie encore structurellement convalescente. Il
provoqua une nouvelle chute de 50 % des actions qui ne retrouvèrent leur point
haut qu’une décennie plus tard.
Le même type d’erreur sera répété par la Banque du Japon qui resserrera
à contre temps pendant la crise des années 1990. Elle laissera la bulle se
développer avant de durcir tardivement sa politique. Puis elle continuera à
monter les taux même quand la bulle aura éclaté. En 1994, elle tentera à nouveau
de monter les taux mais devra rapidement faire marche arrière. La politique
budgétaire était aussi inappropriée. En 1997, la faillite de 3 banques (Sanyo
Securities, Yamaichi Securities et la Hokkaido Takushoku Bank) annonçait une
prolongation de la crise qui fera basculer le Japon dans la déflation. Finalement
cette « décennie perdue » conduira à une certaine forme d’indépendance de la
banque centrale à partir de 1998.
•La stagflation des années 1970 : la politique monétaire avait été justement
neutre à restrictive pendant les années 1950 et 1960. Mais la réponse
à l’emballement de l’inflation après le premier choc pétrolier de 1974 a été
insuffisante jusqu’au début des années 1980. En 1968 déjà, le président de
la Fed, Martin, baissa trop vite sa garde à partir du moment où la politique
budgétaire commençait à devenir plus restrictive, ce qui marqua le point de
départ de la Grande Inflation. Cette période mettra définitivement en évidence
qu’en cas de stagflation, mieux vaut agir en priorité sur l’inflation plutôt que sur la
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
31
relance de la croissance, ce que fera Volcker dès qu’il prendra les commandes,
en montant brutalement les taux.
– Il semble qu’on maîtrise maintenant les règles du jeu
Si l’inflation s’emballe tendanciellement, la bonne réponse est de conduire une
politique restrictive. La politique monétaire est d’ailleurs plus adéquate que la
politique budgétaire pour résoudre ce fléau. C’était la vision du monétariste Milton
Friedman, qui inspira Volcker à la fin des années 1970.
Encore plus important, il faut absolument éviter de tomber en déflation. La
politique monétaire est moins efficace dans ce cas car les taux ne peuvent baisser
à l’infini. En effet, comme Keynes l’a démontré dans les années 1930 et comme
le cas japonais l’a rappelé dans les années 1990, la politique monétaire est
pratiquement impuissante pour solutionner une déflation compte tenu de l’effet
de « trappe à liquidités ». Elle doit alors employer les instruments de politique
monétaire non conventionnelles (Quantitative Easing, taux de dépot négatifs, etc.)
et agir au plus vite.
En 2008 pourtant, dans un premier temps, bien que très vigilantes sur ce point,
la Fed mais surtout la BCE26 se font à nouveau piéger. L’envolée des prix des
matières premières a d’abord masqué les risques déflationnistes. Cette hausse des
prix, influencée par l’émergence de la Chine, était aussi le fruit de la spéculation
et de la financiarisation. Comme quoi, faire un diagnostic à chaud n’est jamais
aisé, même pour des banquiers centraux de plus en plus avertis. En revanche, ces
deux banques centrales réagirent plus vite que dans les années 1930 quand elles
réalisèrent qu’elles se trompaient de combat.
– Reste à expérimenter comment sortir efficacement d’un régime
de « Quantitative Easing »
La période de « 
Tapering 
» (mai 
2013-octobre 
2014) a exceptionnellement
correspondu à la phase ii du cycle court (renversement de politique monétaire) et a
été très profitable aux actions. On quittait une période de risque déflationniste sans
pour autant enclencher une période de risque inflationniste. La fin du « Tapering »
s’apparente à la phase iii (stabilisation de la politique monétaire)27 qui prépare
la récession à venir mais qui peut aussi passer par une bulle, ou au moins une
exagération de marché, au préalable.
Espérons que le « ciblage d’inflation » et la « forward guidance » constituent la
bonne formule pour franchir l’étape suivante qui consiste, selon la Fed, à monter
les taux :
26
ans ses objectifs, la BCE fait référence à l’inflation publiée, alors que la Fed fait
D
référence à l’inflation sous-jacente.
27
E n période de QE, on peut considérer que la stabilité de la taille du bilan de la Fed
correspond à la stabilité des taux de la Fed dans un cycle plus classique.
32
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
• D’un côté, comme la Fed est très transparente, les acteurs de marché ont anticipé
la hausse des taux à venir via la hausse du dollar qui équivaut déjà à une hausse
de 200 points de base de taux au moment où nous écrivons (voir graphique 4).
Monter les taux sera-t-il une nouvelle « erreur » de politique monétaire qui viendra
casser le cycle court ?
•D’un autre côté, si habituellement les taux longs américains influencent
les autres taux longs ailleurs dans le monde, cette fois-ci l’ancrage des taux
mondiaux sur les taux européens pourrait freiner la hausse des taux longs
américains ; d’autant que le ralentissement structurel de la croissance des pays
émergents renforce le risque de déflation mondiale. Va-t-on vers une autre
sorte de « Conundrum », sachant que le dernier avait débouché sur une bulle,
emmenée par la hausse des prix des actifs immobiliers, aux États-Unis, mais
aussi au Royaume-Uni, en Espagne, etc. ?
Enfin, depuis 2008, toute banque centrale qui a commencé à monter ses taux
(Norvège, Australie, Suède, zone euro…) a du très vite faire marche arrière.
L’économie mondiale est encore très lourdement endettée alors que les facteurs
démographiques ne soutiendront pas la demande structurelle avant environ
2020-2025 aux États-Unis, première région à pouvoir présenter une amélioration
sur ce plan. Si la Fed montait ses taux et que les choses se passaient mal, il
est probable qu’elle soit amenée, elle aussi, à faire marche arrière rapidement.
Au total, la banque centrale doit donc prévenir non seulement le risque d’inflation
mais aussi le risque de déflation. C’est pourquoi son objectif d’inflation à long terme
n’est pas 0 mais légèrement supérieur, souvent autour de 2 %. Sortir d’un régime
de QE nécessite de sortir définitivement du risque déflationniste et donc de
rétablir des attentes positives en matière d’inflation.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
33
Erreurs de politique monétaire :
les leçons du passé et la situation actuelle
14- Erreurs de poltique monétaire aux Etats-Unis dans les années 1930
7
Hausse des taux
6
35
Hausse des taux de
réserves obligatoires
30
5
25
4
20
3
15
2
10
1
5
0
0
1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933 1934 1935 1936 1937 1938 1939 1940 1941 1942 1943 1944 1945
Taux des Fed Funds
S&P500 Source: NBER, Fed, Shiller data, Recherche Amundi
15- Années 1990 au Japon
9
Trop tard !
8
3000
2800
2600
Hausse des taux
7
2400
2200
2000
6
5
1800
1600
1400
4
3
2
1988
1989
1990
1991
1992
1993
Taux directeur Banque du Japon
1994
Topix
1995
1996
1997
1998
1200
1000
Source: Datastream, Recherche Amundi
16- Années 1990 et 2000 aux Etats-Unis
7
6
LTCM
Première hausse de taux
CONUNDRUM
5
2500
2000
4
1500
3
1000
2
1
500
BULLES
0
0
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Taux des Fed Funds
34
S&P500
Source: Datastream, Recherche Amundi
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
n°1
17- Depuis 2009: taille du Bilan de la Fed et S&P500
2200
5000
Fin du Tapering
2000
4500
Tapering
1800
4000
1600
3500
1400
3000
1200
2500
QE3
1000
800
600
2009
QE1
S&P500
QE2
2010
2000
1500
Operation Twist
2011
2012
Taille du bilan de la Fed (Mds $)
2013
2014
2015
1000
Source: Datastream, Recherche Amundi
Pour éviter les « erreurs » du passé (graphiques 14 et 15), Greenspan (baisse des taux) puis
Bernanke (QE) inondent l’économie de liquidités, chacun à leur manière (graphiques 16 et 17).
Le « ciblage de l’inflation » et la « forward guidance » seront-ils suffisants pour sortir de cette
logique ?
Graphique 14 : « erreurs » des années 1930. En 1931 (1), les taux sont remontés alors que le
marché des actions baissait, ce qui traduit une « erreur ». Celle de 1937 (2) n’est pas visible ici
puisque ce sont les taux de réserves obligatoires qui avaient été remontés. Mais l’effet négatif sur les
marchés d’actions a été durable jusqu’en 1942, autrement dit, l’attaque de Pearl Harbor et l’entrée
en guerre des États-Unis (taux plafonnés à la hausse).
Graphique 15 : « erreurs » du Japon dans les années 1990. La banque du Japon a durci trop tard
sa politique monétaire à la fin des années 1980. Qui plus est, elle continue de resserrer alors que la
bulle a déjà éclaté (3). De plus, elle remonte trop tôt ses taux en 1994 (4).
BULLES
Graphique 16 : les années 2000 aux États-Unis. La baisse des taux d’août 1998 suite à la faillite
de LTCM servira de déclencheur à la bulle internet ; le retour à la hausse des taux finira par la faire
éclater. Greenspan maintiendra ensuite sa politique de baisse des taux jusqu’après le redémarrage
du marché, tirant expérience de la crise des années 1930 et du rappel du cas japonais. Mais le
« Conundrum » favorisera la création d’une autre bulle, celle des « subprimes ». L’éclatement de cette
nouvelle bulle s’accompagnera à nouveau rapidement de baisses de taux, qui seront judicieusement
prolongées par le QE de Bernanke.
Graphique 17 : les années 2010 et le régime de QE. Le QE a été bénéfique aux actions. Le
« Tapering » (réduction du QE) correspond à un retournement de politique monétaire et au passage
à la phase ii du cycle court de l’investissement. La fin du « Tapering » correspond à un plateau sur
la taille du bilan de la Fed, un peu comme un plateau de taux directeurs dans un cycle classique ;
cela marque le passage en phase iii. Typiquement, cela débouche sur une fin de cycle, mais peut
aussi passer par le développement d’une bulle ou au moins une exagération de marché au préalable.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
35
3.2 Influence de la politique monétaire sur les marchés d’actifs
Le comportement des actifs stylisé dans le Discussion Paper « Cycles courts : notre
feuille de route » présente un cycle moyen en 4 étapes (i, ii, iii, iv). Nous allons voir ici
que pour bien en tirer parti, il convient d’être encore plus fin dans l’analyse en tenant
compte de la position dans le cycle long décrit dans le Discussion Paper « Les cycles
longs et les marchés d’actifs » et qui comporte lui aussi 4 périodes (I, II, III, IV).
Performance des actifs suivant la position haussière
et baissière du cycle long
PHASE HAUSSIÈRE
Cycle long
PHASE BAISSIÈRE
Haut
Haut
Hausse
Baisse
Hausse
Baisse
Bas
Bas
18 - PRINTEMPS
30%
BAS
HAUSSE
HAUT
19 - AUTOMNE
BAISSE
25%
40%
BAS
HAUSSE
HAUT
BAISSE
30%
20%
20%
15%
10%
10%
5%
0%
0%
-10%
-5%
-20%
-10%
Actions
Obligations
Matières Premières
Monétaire
————: Évolution stylisée des taux de la Fed suivant la phase haussière ou baissière du cycle long
Source : Shiller, GFD, CRB, Datastream, Recherche Amundi
Les cycles économiques courts sont répertoriés ici suivant l’évolution des taux directeurs de la
Fed qui a été découpée en 4 phases, suivant que les taux forment un plateau en bas de cycle, montent,
forment un plateau en haut de cycle puis baissent. Cette approche, volontairement simplificatrice, est
pragmatique ; ces étapes sont faciles à identifier.
Les deux graphiques répertorient la moyenne des performances réelles des 4 principales classes
d’actifs, selon ces 4 phases de cycle court sur la période du dernier cycle long. Nous présentons
simplement le printemps et l’automne pour bien mettre en évidence le mécanisme, car ces saisons
économiques sont les plus pures.
– Phase ascendante du cycle long
Pendant cette phase, les cycles courts s’enchaînent dans une tendance à la
hausse ; lors de chaque cycle court, les taux de la banque centrale montent plus
qu’ils ne corrigent ensuite. La performance des actions est plus forte pendant
la phase d’accélération du cycle court que pendant sa phase de décélération.
Ce mouvement est initié au creux de « l’hiver », se développe et prend son essor au
« printemps ». Le paroxysme de cette logique est atteint pendant l’été économique.
36
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
Les obligations d’État ont du mal à battre le monétaire avant la phase de baisse
des taux de la banque centrale. Les matières premières montent dans la deuxième
phase (hausse des taux) et au début de la troisième (plateau) avant de lâcher prise.
– Phase descendante du cycle long
Pendant cette phase, les cycles courts s’enchaînent dans une tendance à la baisse ;
lors de chaque cycle court, les taux de la banque centrale baissent plus qu’ils n’ont
monté précédemment. La performance des actions est plus forte pendant la
phase de décélération du cycle court que pendant sa phase d’accélération.
Le krach qui conclut l’automne rompt cette logique. Au cours de l’hiver, la politique
monétaire doit remplir sa mission la plus compliquée : gérer le point bas de l’inflation
et le désendettement. Pendant la grande dépression des années 1930, la Fed a dû
baisser ses taux à un plancher de 1 % sans le bouger ensuite pendant 10 ans. Ce
mouvement prend racine au paroxysme de l’été économique, se développe, prend
son essor pendant l’automne et vient s’échouer en hiver. Quant aux obligations,
elles battent généralement le monétaire et les matières premières.
3.3 Performance du marché d’actions en croisant cycles courts et longs
Nous allons maintenant examiner de près la réaction des marchés d’actions aux
changements de politique monétaire depuis la création de la Fed en 1913 (pendant
les cycles longs III et IV). Nous verrons que le proverbe boursier « ne pas aller
contre la Fed » (« don’t fight the Fed ») est valable mais doit être appliqué avec
quelques subtilités. Nous remarquerons aussi que bien que le rôle de la Fed ait
évolué au fil du temps, la réaction des marchés a conservé une grande cohérence
en fonction des saisons économiques. La performance des actions est répertoriée
ici suivant les 4 phases des taux de la Fed décrites précédemment, à savoir :
la hausse des taux, quand les taux ont fini de monter et sont stables, quand ils
baissent, puis quand ils ont fini de baisser et sont stables.
– Performance des actions quand les taux de la Fed montent :
encore positive, sauf en cas de très forte inflation
n°20
20 - Perf. réelle du S&P500 pendant les hausses de taux de la Fed
100%
III
IV
80%
60%
40%
20%
0%
-20%
-40%
-60%
1917 1923 1925 1931 1947 1955 1958 1961 1967 1972 1977 1980 1983 1986 1993 1999 2004
Source: NBER, Fed, Shiller, Datastream,Recherche Amundi
Les dates correspondent aux années de départ de la hausse des taux et les couleurs aux 4 saisons du cycle long.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
37
Cette phase correspond à la phase ii du cycle court de l’investissement. La Fed
initie une hausse des taux car elle craint que l’inflation ne s’emballe. La réaction
des actions dépend alors du régime d’inflation en cours, autrement dit, de la
saison économique.
Elle est négative dans les cas de très forte inflation (été) comme pendant la
première guerre mondiale et à partir de la fin des années 1960 jusqu’à la fin des
années 1970. Remarquons aussi l’erreur flagrante de la Fed en 1931 (hiver) qui
remonta beaucoup trop à l’avance ses taux alors que l’économie s’enfonçait en
déflation ; le marché des actions a, lui, continué sa baisse. Dans tous les autres
cas, la performance des actions est positive sur la période.
En fait, la correction des actions commence quand même pendant le
mouvement de hausse des taux, mais trois trimestres après le début de la
hausse en moyenne. En effet dans un premier temps il est possible pour les
sociétés de répercuter les hausses de prix sur le consommateur sans impacter
leurs marges et les entreprises utilisent l’effet de levier pour investir.
Si on va plus dans le détail, on constate que dans les années 1950 (printemps)
le durcissement de la politique monétaire n’a pratiquement pas interrompu la
hausse des actions en dépit de l’accord Treasury-Fed de 1951 qui déplafonnait le
niveau des taux longs. C’est d’ailleurs pendant cette période que le rendement des
actions est passé en dessous du rendement obligataire pour la première fois de
l’histoire, en août 1958.
Il n’en va plus de même à la fin des années 1960 (été). En 1967 le marché continue
de monter de 6 % et établit un point haut 14 mois après l’initiation du mouvement
de hausse des taux directeurs. Ensuite, il doit céder. La croissance de l’activité va
plus vite que son potentiel et commence à générer de l’inflation, davantage que dans
les années 1950. Le marché perd -15 %. Au total, la baisse par rapport à l’initiation
du mouvement de la Fed est de -10 %. Lors des cycles qui suivent pendant les
années 1970 et jusqu’à l’intervention musclée de Volcker, le marché réagit de la même
manière. La problématique inflationniste devient de plus en plus forte. Le temps
de réponse du marché à l’action de la Fed se raccourcit. Il passe de 14 mois à
11 mois puis à un trimestre seulement lors des 2 cycles qui suivent (1972 et 1977).
Les cycles des années 1980 correspondent encore à une autre période : c’est
l’automne. La recette pour vaincre l’inflation a été trouvée. Les taux courts et
longs se trouvent maintenant à un niveau très élevé mais sont entrés dans un
mouvement séculaire baissier qui va durer jusqu’aux années 2010. La détente
des taux longs va jouer un rôle encore plus positif que la croissance de l’activité
dans la forte hausse des actions qui va durer de 1982 à 2000. Il faudra à nouveau
environ 3 trimestres pour que les marchés réagissent à une hausse des taux
directeurs. Le cas de 1986 est particulier. Bien que les actions enregistrent une
performance positive sur la période de hausse des taux, celle-ci se décompose
en deux parties distinctes. Dans un premier temps le marché ignore la hausse
38
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
des taux et progresse encore de +34 % en 3 trimestres avant de sombrer lors
du krach de 1987.
Enfin, les années 1990 marquent la fin de l’automne. En 1994, les marchés sont
surpris et baissent immédiatement avant d’entamer la construction de la bulle
internet. La hausse des taux de 1999 n’interrompt pas la formation de cette bulle
qui éclate finalement en septembre 2000. Greenspan avait d’ailleurs justifié son
resserrement en parlant d’une « normalisation » après la baisse exceptionnelle de
75 pb en 1998 pour briser le risque lié à la crise russe et assurer le sauvetage du
fonds LTCM. De plus, il s’agit d’une période de faible inflation qui n’exigeait pas une
action trop drastique de la part de la Fed.
Depuis 2000 et l’entrée en hiver, il n’y a eu pour l’instant qu’un seul mouvement de
hausse des taux (juin 2004-juin 2006). Les efforts de la Fed pour tirer les leçons
des années 1930 et du cas japonais des années 1990 ont permis aux actions de
progresser pendant cette période (taux longs contenus par l’effet « Conundrum »
et hausse des profits prolongée par le surendettement).
– Performance des actions quand les taux de la Fed ont fini de monter
et sont stables : négative, sauf en cas de construction de bulle.
n°21
21 - Perf. réelle du S&P500 quand les taux de la Fed sont hauts et stables
III
25%
IV
20%
15%
10%
5%
0%
-5%
-10%
-15%
-20%
-25%
1920
1923
1929
1931
1953
1957
1959
1966
1969
1974
1980
1984
1989
1995
2000
2006
Source: NBER, Fed, Shiller, Datastream, Recherche Amundi
Cette phase correspond à la phase iii du cycle court de l’investissement. Les taux
directeurs sont maintenant arrivés à leur apogée cyclique et vont être maintenus
quelque temps au même niveau. Cette période est délicate. La Fed estime que les
risques inflationnistes n’ont pas tout à fait disparu mais elle ne veut pas précipiter
une récession en durcissant trop tôt sa politique monétaire.
Comme on le voit sur le graphique, cette phase de stabilité des taux de la Fed sur
un plateau n’est pas favorable aux actions. Les actions prolongent leur correction
cyclique entamée au cours de la phase précédente. Le maintien des taux à un
niveau élevé finit même par avoir raison du marché des actions dans les années
1950, alors qu’ils avaient résisté à la phase de hausse des taux.
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
39
Les seules vraies exceptions ont lieu en 1989, 1995 et 2006. Après le krach de
1987, la forte hausse du marché alors que les taux de la Fed étaient sur un plateau
s’apparentait à une normalisation. En 1995, la réaction atypique du marché fera
dire en décembre 1996 à Alan Greenspan que la hausse était « irrationnelle ».
Les gains de productivité liés à la « nouvelle économie » allaient le faire ensuite
changer d’avis sur les risques inflationnistes, un peu comme si finalement les
marchés avaient eu raison. Mais cela allait faire le lit de la bulle « internet ». 2006
correspond aussi à la formation d’une bulle, celle liée à la prolifération des crédits
« subprimes » sur fond de taux longs plus bas que nécessaire (« Conundrum »).
– Performance du marché quand les taux de la Fed sont orientés
à la baisse : très positive, sauf en cas de désendettement structurel
ou de dégonflement de bulle.
Cette phase correspond à la fin de la phase iv et au début de la phase i
du cycle court de l’investissement. Rappelons que la phase i démarre avec la
formation d’un point bas majeur des actions.
Dans la pratique, la Fed est souvent amenée à baisser sa garde quand une crise
éclate. Elle n’accélère la baisse que quand les prix des matières premières sont
à leur paroxysme ou quand ils ont commencé à se retourner.
22 - Perf. réelle du S&P500 pendant les baisses de taux de la Fed
140%
III
IV
120%
100%
80%
60%
40%
20%
0%
-20%
-40%
-60%
1921 1924 1929 1932 1954 1957 1960 1966 1970 1974 1980 1981 1984 1989 1995 2000 2007
Source: Datastream, Recherche Amundi
La baisse des taux directeurs est toujours favorable aux actions sauf dans les
cas de dégonflement de bulles, de dépression ou de baisse structurelle de
l’endettement. En effet, ces phénomènes emmènent tout sur leur passage et
les baisses de taux ne sont pas suffisantes pour rétablir la confiance. 1929 est
caractéristique. En 2000, les actions corrigent leur surévaluation patente. En
2007, le désendettement (entreprises et ménages) est plus puissant que la baisse
des taux.
Dans les années 1950 et jusqu’en 1966 (printemps), les actions ne semblent pas
réagir énormément aux baisses de taux. En effet, dans ces périodes de forte
40
Amundi Discussion Papers Series - DP-12-2015
n°22
croissance et de faible inflation, les actions réagissent surtout à la progression
des bénéfices. En revanche en période de forte inflation (de 1966 à 1982) et
surtout de désinflation (1982-2000) les hausses des marchés consécutives aux
baisses de taux sont conséquentes.
1989 et 1995 sont des cas particuliers, on l’a vu ; les marchés étaient déjà orientés
à la hausse quand la Fed a baissé ses taux, ce qui n’a donc fait qu’accélérer la
hausse des actions.
Enfin, notons que les actions ne démarrent pas vraiment au premier geste de
la Fed, mais plutôt quand elle accélère sa baisse des taux. On observe que le
délai pour reprendre le chemin de la hausse (de l’ordre du trimestre en moyenne)
suite à une détente de la politique monétaire est plus court que le délai pour partir
à la baisse en cas de durcissement de politique monétaire (environ 3 trimestres).
Cela confirme que l’investisseur en actions a un biais haussier.
– Performance des actions quand les taux de la Fed ont fini
de baisser et sont stables : encore positive, sauf « erreur »
de politique monétaire.
n°23
23 - Perf. Réelle du S&P500 quand les taux de la Fed sont bas et stables
III
30%
IV
25%
20%
15%
10%
5%
0%
-5%
-10%
-15%
-20%
1922
1924
1931
1937
1954
1958
1960
1967
1972
1977
1980
1983
1986
1992
1999
2003
Source: NBER, Fed, Shiller, Datastream, Recherche Amundi
Cette phase correspond à la fin de la phase i du cycle court de l’investissement.
La hausse des actions s’est souvent déclenchée pendant la baisse des taux
directeurs. Quand les taux atteignent un plancher et sont désormais stables, les
actions continuent généralement de bien se porter. Les seules exceptions sont
1931 et 1977, soit une fois en hiver et une fois en été, c’est-à-dire pendant les
saisons les plus délicates. Ce sont les deux cas d’école « d’erreurs » de politique
monétaire que nous avons commentés précédemment.
Autrement dit, cette période correspond à un retour de la croissance économique
et les marchés d’actions l’anticipent. On remarque que les taux ne marquent
d’ailleurs pas toujours cette étape de plateau.
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4. Conclusion
Le rôle des banques centrales a évolué avec le temps, de fournisseur d’avances
aux gouvernements à celui de gardien de la stabilité. Privées puis nationalisées,
publiques mais indépendantes, ces institutions hors du commun, sont devenues
incontournables avec la financiarisation de l’économie à partir des années 1980 :
prêteur en dernier ressort, superviseur des autres banques, en charge de la
politique monétaire et acteur de premier plan des politiques macroprudentielles.
Elles interagissent donc de plus en plus avec les marchés financiers :
– La réaction des marchés aux actions des banques centrales
respecte une logique bien établie, depuis plus d’un siècle.
Par définition, les taux directeurs influencent toute la courbe des taux et les
différences de politique monétaire entre zones économiques impactent l’évolution
des changes.
L’effet de la hausse des taux longs sur les conditions monétaires accompagne
celui de la hausse des taux directeurs (phase ii du cycle court) surtout au début
du durcissement, ce qui s’explique notamment par la capacité d’anticipation du
marché obligataire. Quant à l’impact de la variation du dollar, devise de réserve
avec un statut de valeur refuge, il prolonge en général les mouvements de taux de
la Fed à la hausse comme à la baisse.
Les deux exceptions notoires à ces constatations sont la période post LTCM en
1999 (le dollar est monté parallèlement à la hausse des taux en phase ii du cycle) et
le « Conundrum » en 2004 (les taux longs n’ont pas vraiment suivi les taux directeurs).
Ces cas exceptionnels accompagnèrent tous deux la formation de bulle des actions.
D’ailleurs, c’est surtout la réaction des marchés d’actions qui nous semble
intéressante à retenir. Même si le rôle des banques centrales a évolué avec le
temps, la réaction des actions à leurs décisions a gardé une grande cohérence en
fonction des saisons économiques. En résumé, la performance des actions reste
positive quand la Fed monte ses taux, sauf en cas de très forte inflation (été). Leur
performance est négative en général quand les taux ont fini de monter et sont
stables, sauf en cas de construction de bulle (automne et hiver). Leur performance
quand la Fed baisse ses taux est très positive, sauf en cas de désendettement
structurel ou d’éclatement de bulle (hiver). Elle le reste quand la Fed a fini de baisser
ses taux, sauf en cas d’« erreur » notoire de politique monétaire.
Historiquement, il ne fallait pas anticiper les durcissements de politique
monétaire trop en avance ; le marché des actions a un biais positif. En cas de
hausse des taux directeurs, il continue dans la plupart des cas sur sa lancée
pendant encore 1, 2 ou 3 trimestres avant d’inverser à son tour la tendance. Il
peut ainsi progresser encore de 5 à 10 %, tiré par les profits des entreprises qui
montent leurs prix et utilisent le levier de l’endettement pour investir. Ceci dit, plus
les risques sont élevés, plus le marché a un biais prudent et inversement.
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Ainsi ne faut-il pas attendre pour réduire le risque en été à cause de l’inflation ou en
hiver à cause du risque déflationniste.
Le marché des actions a aussi un comportement asymétrique. En général, il
faut attendre moins longtemps pour acheter en cas de baisse de taux qu’il ne faut
attendre pour vendre en cas de hausse de taux.
– Ces observations historiques, particulièrement pérennes, sont
aujourd’hui confrontées au régime de QE et à l’évolution de la
communication de la Fed.
Le passage à la phase ii du cycle court de l’investissement n’a pas été caractérisé
cette fois-ci par la hausse des taux de la Fed mais par l’évocation d’un possible
« tapering » par Ben S. Bernanke en mai 2013. La fin du « tapering » a marqué
le passage à la phase iii (plateau du bilan de la Fed, plutôt que plateau du niveau
des taux). On peut alors se demander si la hausse des taux à venir, qui a entre
autres pour vocation de prévenir la prochaine bulle, sera une « erreur » de politique
monétaire propre à mettre fin au cycle court ou pas. En effet, si les règles du jeu ont
déjà été fixées dans les grandes lignes en matière de régime classique de politique
monétaire, elles restent à découvrir dans le cas d’une sortie de régime de QE :
• D’un côté, les précautions de la Fed pour ne pas réitérer les « erreurs » des
années 1930 font que le marché est préparé à cette hausse de taux, alors que les
autres banques centrales ailleurs dans le monde luttent encore contre la déflation.
Le dollar a donc exceptionnellement anticipé cette hausse, ce qui réduit par là
même sa nécessité ou au moins son amplitude, et accroit paradoxalement le
risque d’« erreur » en cas d’action.
• D’un autre côté, les taux allemands sont devenus le point d’ancrage des taux longs
globaux suite aux annonces crédibles du président de la BCE pour lutter contre
la déflation. Cette inversion des causalités entre taux américains et européens,
accentuée par les difficultés des pays émergents, pourrait freiner la hausse des
taux longs aux États-Unis, un peu comme lors du « Conundrum ». Cette possibilité,
si elle se révélait exacte, serait positive pour les actions et argumenterait pour un
nouveau scénario de bulle ou de prolongation du mouvement de hausse des cours
au niveau mondial, au moins pour certains marchés.
Enfin, remarquons que lors du passage du dernier hiver (1929-1949) au dernier
printemps (1949-1966), les actions ont monté de manière concomitante avec
les taux de la Fed (en phase ii du cycle court de l’investissement) pour la
première fois depuis la crise de 1929 et enregistrent même l’une des plus
fortes hausses de l’histoire en pareil cas. On quittait définitivement une période
de forte instabilité pour une période de forte croissance peu inflationniste.
Si la phase ii du cycle actuel (« tapering ») a été très positive pour les actions,
ce qui constitue un marqueur nécessaire mais non suffisant pour caractériser le
passage au printemps, la phase iii, dans laquelle sont les États-Unis aujourd’hui,
est toujours délicate à gérer… et pas seulement en hiver.
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Bibliographie
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Previous Discussion Papers
DP-11-2015Equity factor investing according to the macroeconomic environment
RUSSO Alessandro, 2015-11
DP-10-2015Les cycles longs et les marchés d’actifs
MIJOT Éric, 05-2015
DP-09-2015Réallouer l’épargne à l’investissement :
le nouveau role des asset managers
PERRIER Yves, 02-2015
DP-08-2014Actifs alternatifs dans une allocation :
pourquoi, comment, combien ?
De LAGUICHE Sylvie, TAZÉ-BERNARD Éric, 11-2014
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feuille de route
MIJOT Éric, 10-2014
DP-06-2014Gérer l’incertitude avec le concept DAMS :
de la segmentation des actifs à la gestion de portefeuille
FACCHINATO Simone, POLA Gianni, 10-2014
DP-05-2014L’immobilier physique dans l’allocation d’actifs à long terme :
le cas de la France
BLANCHARD Cécile, De LAGUICHE Sylvie, RUSSO Alessandro, 05-2014
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diversification, investissement a faible risque et plus encore
RUSSO Alessandro, 05-2014
DP-03-2014ISR et performance :
impact des critères ESG dans les gestions actions et crédit
BERG Florian, De LAGUICHE Sylvie, LE BERTHE Tegwen,
RUSSO Alessandro, SORANGE Antoine, 03-2014
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DP-01-2014Qui êtes-vous, Madame Yellen ?
ITHURBIDE Philippe, 01-2014
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Éditeurs :
Pascal BLANQUÉ
Directeur Général Délégué
Directeur du Métier Institutionnels et Distributeurs Tiers
Chief Investment Officer Group
Philippe ITHURBIDE
Directeur Recherche, Stratégie et Analyse
Pia BERGER — Recherche, Stratégie et Analyse
Benoit PONCET — Recherche, Stratégie et Analyse
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Novembre 2015
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