HYPERTENSION Coordonnée par le Pr J.J. Mourad Pourquoi je décide de dilater une artère rénale sténosée ? Cette rubrique a été réalisée avec le soutien institutionnel du Laboratoire MENARINI. Elle témoigne de l’engagement de MENARINI dans le domaine de l’hypertension artérielle. Dans le respect total de l’indépendance scientifique et éditoriale. Pr C. Jacquot, service de néphrologie, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris Quelles sont les principales indications de dilatation des sténoses d’artères rénales ? Dans le cas particulier de l’HTA secondaire à une sténose de l’artère rénale par fibrodysplasie de la femme jeune ou de l’enfant, l’angioplastie permet d’obtenir d’excellents résultats. À l’opposé, il n’existe aucun intérêt à dilater de façon systématique les sténoses athéroscléreuses des artères rénales. Les conclusions de 5 grands essais prospectifs randomisés sont sans appel et ne montrent aucun bénéfice de l’angioplastie par rapport à un traitement médical bien conduit : pas d’amélioration de la fonction rénale, pas ou peu d’amélioration de l’HTA et absence de bénéfice en ce qui concerne le pronostic cardiovasculaire et vital (1, 2). Ce message très négatif doit cependant être tempéré, car ces essais ont des limitations importantes : faiblesse des effectifs pour 4 d’entre eux, exclusion a priori de certains patients (les plus susceptibles d’en bénéficier), insuffisance rénale modeste ou absente, définition photographique et non fonctionnelle de la sténose (> 50 ou 60 %), ce qui peut en expliquer en partie leurs résultats. Un nouvel essai multicentrique international destiné à évaluer l’intérêt de la dilatation des seules sténoses supérieures à 70 % a été lancé. Mais, en dépit des résultats de ces grands essais, le clinicien “de terrain” sait, par expérience, que l’angioplastie peut sauver un petit nombre de patients dans des situations cliniques bien particulières et peu fréquentes. En pratique, quels patients peuvent être concernés par cette procédure ? Les œdèmes aigus du poumon à répétition du sujet âgé peuvent-ils constituer une indication ? L’angioplastie doit être discutée chez les patients âgés, hypertendus et avec une athérosclérose diffuse et symptomatique – ces critères constituant une indication incontournable de traitement par IEC ou sartan – lorsqu’on assiste à l’apparition ou l’aggravation rapide de la fonction rénale à l’introduction de ces classes thérapeutiques. Il faut alors chercher une sténose des artères rénales par échographie-Doppler, si la morphologie du patient le permet, ou par angio-IRM. Ce dernier examen a cependant tendance à surestimer le degré de sténose. Si la sténose est bilatérale ou sur rein unique, serrée (> 70-80 %), et si le rein en aval mesure plus de 80 mm de haut, l’angioplastie doit être tentée si l’état des axes iliaques et de l’aorte le permet. Son succès permet de maintenir les IEC/­sartans et de préserver ou d’améliorer la fonction rénale. Pour répondre à la deuxième partie de votre question, les insuffisances cardiaques sévères et réfractaires associées à une insuffisance rénale doivent effectivement faire penser à une sténose serrée bilatérale des artères rénales, de même que des œdèmes aigus du poumon (OAP) à répétition (OAP flash) : on en trouve dans 7 à 10 % des cas. Le diagnostic n’est pas toujours évident, en particulier dans un contexte de bas débit cardiaque où l’hypertension artérielle peut avoir disparu et l’échographie-Doppler être mise en défaut. Lorsque la situation cardiaque paraît désespérée et que le traitement médical maximal est en échec, il faut savoir aller jusqu’à l’artériographie diagnostique, en utilisant une faible quantité de produit de contraste iodé pour éviter ou limiter une aggravation de l’insuffisance rénale. Mais le risque majeur de l’artériographie est en fait représenté par les embols de cholestérol (compris entre 5 et 10 %) à partir des plaques d’athérome, ulcérées de l’aorte, qui sont particulièrement à redouter chez les patients sous anticoagulants. Il est souhaitable de les arrêter avant la procédure tout en conservant les antiagrégants plaquettaires. Doit-on encore réaliser en 2010 des tests d’imputabilité pour affirmer le caractère hémodynamique de ces sténoses ? Il n’existe aucun test sensible et spécifique – y compris scintigraphique – qui permette d’imputer une insuffisance rénale, une HTA ou une insuffisance cardiaque réfractaire à une sténose athéro­ scléreuse des artères rénales. Pour conclure, je voudrais faire 2 dernières remarques : l’aggravation d’une insuffisance rénale sous IEC ou sartan est loin d’être toujours en rapport avec une sténose des artères rénales. Elle est le plus souvent la conséquence d’une déplétion hydrosodée trop poussée et d’un mauvais équilibre entre vasodilatateurs et diurétiques. Les sténoses des artères rénales ne doivent pas constituer, malgré les questions d’internat, une contre-indication à l’emploi, certes prudent et étroitement surveillé, des IEC et des sartans. Ces classes thérapeutiques améliorent le pronostic vital et même rénal des patients souffrant de sténose athéroscléreuse des artères rénales qui sont tous à très haut risque cardiovasculaire. Une angioplastie pourra toujours être effectuée en cas de dégradation menaçante de la fonction rénale. Le cœur doit primer sur le rein : plus des trois quarts de ces patients décèdent avant d’arriver au stade de l’épuration extrarénale. ■ Références bibliographiques 1. Bax L, Woittiez AJ, Kouwenberg HJ et al. Stent placement in patients with atherosclerotic renal artery stenosis and impaired renal function: a randomized trial. Ann Intern Med 2009;150(12):840-8. 2. Plouin PF, Bax L. Diagnosis and treatment of renal artery stenosis. Nat Rev Nephrol 2010;6(3):151-9. La Lettre du Cardiologue • n° 442 - février 2011 | 29