Bénin
Tout comme pour la majorité des pays africains, les préoccupations
environnementales ne sont pas nouvelles au Bénin1 où des dizaines de textes ont
déjà été adoptés (ex. protection des animaux, installations classées). On peut
identifier trois phases de développement de ces préoccupations environnementales :
celle des indépendances (de 1960 à 1972) jusqu'à la Conférence sur le
développement humain de Stockholm, celle marquant la période de la révolution (de
1972 à 1990) et celle du renouveau démocratique (de 1990 à nos jours). La
préoccupation environnementale en regard de l'évaluation environnementale
apparaît clairement au cours de cette dernière phase, notamment après l'adoption
de la Constitution de 1990.
En 1991 était créé le ministère de l'Environnement, de l'Habitat et de l'Urbanisme
(MEHU). Le décret no 92-17 du 28 janvier en précise les attributions parmi
lesquelles on retrouve la définition et la mise en œuvre de la politique nationale en
matière d'environnement, l'élaboration des textes législatifs requis, ainsi que la
reconnaissance de ce ministère comme point focal de toutes questions concernant
la protection de la nature et l'environnement.
Les questions d'environnement touchent de nombreux ministères et institutions (ex.
d'Almeida, 1999, 2001). Il convenait donc de chercher à mieux centraliser les
domaines de compétence et à les rendre plus opérationnels et rationnels, visant
ainsi à amoindrir les conflits d'attribution entre les ministères, et de coordonner les
actions à mener dans le cadre du Plan d'Action Environnemental. Ainsi, une révision
du cadre institutionnel s'imposait, aboutissant à la création, en février 1995 (décret
no 95-47), de l'Agence béninoise pour l'Environnement (ABE), un organisme à
caractère public, souple et autonome, ainsi qu'opérationnel et favorable à la
participation citoyenne, d’une cellule environnementale dans chaque ministère et ses
démembrements, d’un corps de police environnementale, d’un système
d’information et de suivi environnemental. Le processus de décentralisation amorcé
avec la mise en place des communes en 2003 complète ce dispositif institutionnel
du niveau central2. Au titre des compétences dévolues à la commune par les
dispositions de la loi 97-029 portant, organisation des communes en République du
Bénin, les liens entre pauvreté et environnement ci-après apparaissent dans les
fondements de la communalisation :
‘’[…] La commune concourt avec l’État et les autres collectivités à l’administration
et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social,
sanitaire, culturel et scientifique ainsi qu’à la protection de l’environnement et à
l’amélioration du cadre de vie’’ (Article 82 de la loi 97-029).
Selon les articles 76 et 77 de la loi 97-029, le maire est chargé de la police
administrative dans la commune : (i) police des funérailles, (ii) contrôle de la
conformité aux normes des instruments de mesure, du respect des prescriptions
1 Les auteurs remercient Georges Lanmafankpotin, professionnel béninois de l’ÉIE pour la mise à jour
de ce texte.
2 Tomety S-N., Lanmafankpotin G., Guèdègbé I., Étude initiale des impacts environnementaux du
premier DSRP dans le cadre d’une évaluation environnementale stratégique (EES) au Bénin. GTZ-
PNUD-MEHU/ABE, Version finale, avril 2006, P.108
en matière d’hygiène et de salubrité, (iii) prévention et atténuation des fléaux
calamiteux comme les incendies, les inondations, les maladies épidémiques ou
contagieuses, (iv) police des routes.
Au nombre des trois (3) commissions obligatoires instituées par l’article 36 de la
loi 97-029 figure la commission des affaires domaniales et environnementales.
Les compétences du maire en matière de police administrative incluent celle de la
police environnementale et l’institution communale est, à ce titre, légalement garante
de la qualité du cadre de vie.
Au niveau supra communal, un conseil départemental de concertation et de
coordination (CDCC) institué par l’Article 20 de la loi 97-028 du 15 janvier 1999
portant organisation de l’administration territoriale de la République du Bénin, est
obligatoirement consulté sur les programmes de développement économique, social
et culturel des communes et sur la mise en cohérence de ceux-ci avec les
programmes nationaux. Il délibère, entre autres, sur le schéma directeur du territoire,
les projets de développement du département, les mesures de protection de
l’environnement, les forêts classées et les zones cynégétiques, l’arbitrage des
conflits intercommunaux… (Tomety et al., 2006)
Malgré ce dispositif institutionnel et organisationnel riche, il demeure des
incohérences dans la gestion environnementale des institutions3 ayant parfois les
mêmes attributions avec à la clé un manque de coordination dans les opérations
mises en œuvre. Alors, il s’est imposé, surtout avec l’avènement de la
décentralisation au Bénin, d’introduire la gouvernance environnementale perçue
comme « la recherche permanente de l’organisation institutionnelle pour une gestion
environnementale efficace avec en filigrane le renforcement de l’Autorité, la
coordination des mécanismes de gestion environnementale et la cohérence de
l’action pour des résultats plus visibles » (Évaluations Environnementales, 2004).
Les principes et lignes de conduite à observer par les acteurs de développement
(Etat, communes et société civile) dans leurs rôles et responsabilités pour une
gestion partagée, cohérente et durable de l’environnement béninois ont été définis
dans la charte béninoise sur la gouvernance environnementale approuvée par
décret n°2004-273 du 12 mai 2004.
La Loi-cadre sur l'environnement (98-030 du 12 février 1999) impose la procédure
d'études d'impact (a. 87-93), ainsi que celle de la participation publique (a. 96-102).
Les projets assujettis et les règles de procédure ont été adoptés par décrets en 2001
(décret no 2001-235 du 12 juillet 2001 portant organisation de la procédure d'étude
d'impact sur l'environnement). Cette procédure exige de tout maître d'ouvrage dont
un projet a des conséquences limitées ou majeures sur l'environnement, que celles-
ci surviennent dans des zones à risque ou écologiquement sensibles, d'obtenir au
préalable du ministre responsable de l'Environnement, après avis technique de
l'ABE, un certificat de conformité environnementale (a. 9).
3 Dagnon-Prince O., Gouvernance environnementale et mise en œuvre des outils de gestion de l’environnement
au Bénin, in revue « Evaluations Environnementales » de l’ABPEE, n°4, Sept. 2004, Pp.19-21
Les modalités de réalisation de ces évaluations sont les suivantes :
tout promoteur, en s’inspirant des directives sectorielles produites par l’ABE,
soumet à l'agence les termes de référence de l'ÉIE relatif à son projet qui le
valide (a. 5) ;
le rapport d'ÉIE doit comprendre au minimum une description détaillée du
projet, un inventaire « précis et détaillé» de l'environnement naturel, socio-
économique et humain, une analyse des impacts, incluant les effets
cumulatifs, une analyse comparative des options avec justifications des choix
intégrant la préoccupation environnementale, les mesures d'évitement,
d'atténuation et de compensation proposées, ainsi qu'un plan de gestion
environnementale « comprenant les activités de surveillance et de suivi
pendant et après la réalisation du projet ». Le maître d'ouvrage peut recourir à
un organisme ou à un consultant indépendant de son choix pour réaliser l'ÉIE.
«Toutefois, l'utilisation des compétences nationales en matière d'étude
d'impact environnemental est recommandée» (a. 6);
une fois le rapport terminé, le maître d'ouvrage adresse une demande
d'examen du rapport au ministre, accompagné d'exemplaires qui seront
accessibles dans les bureaux de l'ABE. L'examen des rapports est aux frais
du maître d'ouvrage en proportion de l'importance financière de son projet (a.
15 pour le barème) ;
l'ABE dispose de 3 mois à compter du moment où elle juge le dossier
complet, pour examiner le rapport d'ÉIE. Des délais sont aussi prévus si des
compléments d'information sont nécessaires. Lorsqu'un projet requiert une
étude approfondie, l'ABE constitue un groupe de travail ad hoc (a. 12). Dans
un tel cas, une audience publique peut être mise en place. Pour une
évaluation simplifiée, elle transmet le rapport «à la cellule environnementale
du département ministériel ou de la Circonscription Administrative concerné
par l'activité projetée» laquelle dispose alors de 1 mois pour en faire l'examen
et en aviser l'ABE;
au terme de ce délai, l'ABE soumet un avis technique au ministre responsable
de l'environnement qui dispose de 7 jours pour répondre;
le certificat de conformité environnementale requiert, pour sa délivrance, la
demande du promoteur, le rapport d'ÉIE, l'avis de l'ABE et le cas échéant le
rapport d'audience publique, ainsi que la quittance de versement des frais (a.
16) ;
font partie des conditions de réalisation, les caractéristiques du projet telles
que potentiellement modifiées au cours du processus d'ÉIE, les mesures
envisagées pour éviter, atténuer ou compenser les impacts, ainsi que le plan
de gestion environnementale (a. 17) ;
l'ABE veille à l'application du plan de gestion environnementale annexé au
certificat de conformité. Les dérogations aux exigences spécifiées peuvent
aller jusqu'au retrait de l'autorisation.
Au début, l'application de l'ÉIE au Bénin était essentiellement une exigence des
bailleurs de fonds comme la Banque mondiale. Actuellement, le Bénin remplit la
majorité des conditions nécessaires à une application autonome et efficace de son
processus spécifique d'ÉIE. Le cadre juridique est adopté et en vigueur. L'ABE,
après plusieurs années d'existence, a acquis une reconnaissance institutionnelle
tant au Bénin qu'à l'extérieur. La pratique de l'ÉIE progresse bien; avant même
l'adoption du décret, dans la pratique 70 certificats de conformité environnementale
ont été délivrés entre 1998 et 2000 (d'Alméida, 2001). Des professionnels de
l'évaluation environnementale sont formés par les universités, par divers
programmes ad hoc de formation et par le programme de renforcement des
capacités de l'ABE (d'Alméida, 1999, 2001) ; ils peuvent se joindre à l'Association
béninoise des professionnels en évaluation environnementale (ABPÉE), une ONG
créée en 1998. Un inventaire récent indique que près de 600 organisations
environnementales cohabitent au Bénin, ce qui pourrait contribuer à exercer des
pressions, au sein de l'État, pour une application efficace du processus. Finalement,
le Bénin est un pays politiquement stable et démocratique, ce qui facilite l'exercice
de la loi et la participation des communautés locales et des ONG.
Plusieurs problèmes sont rencontrés dans la pratique de l'évaluation
environnementale (d'Alméida, 1999, 2001), notamment l'insuffisance d'expertise tant
pour l'étude que pour l'analyse, la faiblesse de la collaboration de certains ministères
clés, le faible niveau de conscience environnementale de la population ainsi que le
haut niveau d'analphabétisme et de pauvreté. Une évaluation de la mise en œuvre
de la procédure d’étude d’impact sur l’environnement au Bénin4 couvrant la période
1999-2003 (ABE, 2005), a montré que :
au niveau de l’administration, la plupart des textes réglementaires qui datent
de l’année 2001, sont encore peu connus des administrations publiques y
comprises les structures décentralisées, de même que la procédure
administrative d’EIE qui n’est ni maîtrisée, par les structures publiques qui
devront orienter les promoteurs vers l’ABE, ni par les bureaux d’études qui
réalisent les EIE et encore moins par les promoteurs de projets. Dans la plupart
des secteurs, cette procédure n’est donc pas systématiquement exigée aux
promoteurs. De plus, les textes actuellement en vigueur pour la délivrance des
autorisations et/ou agréments dans les secteurs n’en font pas une obligation.
au niveau des promoteurs privés la procédure est encore perçue, tout au plus,
comme une formalité à vite remplir pour avoir son autorisation. Les exigences de
rapidité souvent recherchées par eux auprès des bureaux d’étude en disent long.
De plus, les tarifs des bureaux d’études leur paraissent parfois fantaisistes.
Aucune norme n’existe dans le domaine. La plupart des bureaux d’études ont
une certaine connaissance de la réglementation mais l’information donnée aux
promoteurs est souvent hachée. Ils évitent en général de parler avec les
promoteurs de la question des redevances et c’est souvent lors du dépôt des
dossiers à l’ABE que cette information est donnée. Cette redevance paraît aussi
très élevée.
au niveau des bureaux d’étude, la maîtrise de l’outil technique et de la
procédure administrative est encore approximative. Les bureaux ont du mal à
4 ABE, Evaluation de la mise en œuvre de la procédure d’étude d’impact au Bénin, Rapport, février 2005, P. 76
négocier leur contrat (faire une meilleure évaluation du travail de terrain,
analyses diverses et ses coûts) et se font faiblement payer, par complaisance ou
inexpérience. Cela affaiblit la qualité des rapports et fragilise la procédure surtout
quand toute latitude est laissée aux Bureaux d’étude pour élaborer les termes de
référence (TDR) et les faire valider ou non par l’ABE. Les rapports mal présentés
et défendus sont rejetés à l’examen. Ce qui retarde les procédures de
financement au niveau des promoteurs. De même, les bureaux ont des difficultés
à se faire payer leurs prestations et ont tendance à faire main basse sur les
rapports finaux, seul moyen de pression sur le promoteur avec un retard pour la
délivrance du Certificat de Conformité Environnementale. Ces erreurs de début
d’étude se ressentent sur la qualité de l’EIE et du rapport présenté.
au niveau des populations, la participation à la procédure reste marginale. Ce
sont les Associations locales et quelques groupes d’intérêt organisés dans les
localités, dans le contexte actuel, qui se substituent aux populations. Cela n’est
pas un mal en soi mais dans les cas où ces Associations ne sont pas une réelle
émanation du peuple, les objectifs de l’ÉIE risquent d’être récupérés à d’autres
fins. Principaux acteurs concernés par la procédure d’EIE, les populations
demeurent toutefois les moins informées et estiment tout ignorer des principales
phases de la procédure administrative d’EIE. Aussi une fois l’EIE réalisée, elles
assistent en acteurs passifs à la mise en œuvre du projet qui dans la plupart des
cas occulte la surveillance et le suivi environnemental.
Il apparaît nettement que les efforts en matière d’intégration de l’environnement
dans les politiques publiques et les projets sectoriels du public comme du privé
restent assez faible et limité (Tomety et al., 2006). Une série de facteurs sous-
tendent la faible pratique de la procédure.
L’élément premier de cette gamme de facteurs limitants est imposé par le décret
n°2001-235 du 12 juillet 2001 portant organisation de la procédure d’étude d’impact
sur l’environnement en son article 4. Cet article énumère les projets qui ne doivent
pas être soumis à la procédure d’étude d’impact environnemental. Au nombre de
ces projets on peut citer :
les projets entrepris à des fins domestiques ou artisanales, qui ne touchent pas
les milieux sensibles ou n’ont pas de rejets dans l’environnement ;
les projets touchant à l’exploration et à la prospection des ressources naturelles
n’impliquant pas la création d’infrastructures ;
les projets qui sont mis en œuvre en réaction à des situations de crise nationale ;
les projets qui sont mis en œuvre en réaction à des situations d’urgence
décrétées par les autorités responsables de la sécurité publique, et qu’il importe
de mettre en œuvre sans délai, soit pour la protection de biens ou de
l’environnement, soit pour la santé ou la sécurité publique.
Les autres éléments qui réduisent ce champ de demande sont relatifs à la non
réglementation des projets PIP qui sont pour la plupart exécutés sans la réalisation
d’EIE. Il y a aussi la faible considération accordée aux membres des cellules
environnementales. Une évaluation sommaire des projets qui ont échappé à la
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