offensés". Le chrétien ne se reconnaît pas à sa capacité à éviter de pécher, non, car de ce point de
vue, il est un homme comme les autres, il reste pécheur. Le chrétien se reconnaît à sa capacité à
demander pardon et à pardonner à celui qui lui demande pardon. Le chrétien se reconnaît tout
simplement à son honnêteté intellectuelle : il se sait imparfait et se dit donc prêt à pardonner les
imperfections des autres.
Nous assistons présentement dans le monde au retour de la barbarie et de la brutalité. Daesh, Trump
et Poutine sont les symptomes de cette barbarie : ils exaltent la force pure, la provocation, la bêtise
en un mot. Ils méprisent l'intelligence, la modération et le sens des nuances qu'ils jugent faibles et
décadents, exactement à la façon dont, dans les années 1930, Hitler et Mussolini décrivaient les
démocraties. L'Europe est leur tête de turc car elle incarne tout ce qu'ils détestent : le sens de la
mesure, la tolérance et l'ouverture d'esprit. Nous sommes entrés de nouveau dans une époque
instable, lourde de dangers et de guerres futures. On y somme les gens de prendre parti pour des
idéologies frustes et rudimentaires, stupides et taillées à la serpe.
Or balayons devant notre porte, car chez les protestants, les Eglises les plus fondamentalistes ont le
vent en poupe qui proposent une lecture littérale de la Bible et, je n'hésiterai pas à le dire, au ras des
pâquerettes. Je dois vous avouer mon exaspération quand j'entends certains de ces protestants-là
nous expliquer que nous Réformés sommes "trop intellos", ou pire encore, que nous ne sommes pas
de vrais chrétiens parce que nous n'adhérons pas à 100% à leur interprétation surnaturelle, magique,
irrationnelle et, pardonnez-moi, "cucul la praline" des Saintes Ecritures.
Alors, dans un tel monde, soumis à une régression intellectuelle et spirituelle sans précédent depuis
les années du totalitarisme, devons-nous tendre l'autre joue à Poutine ou Donald Trump? Devons-
nous tendre la joue à ceux qui osent se prendre pour Dieu Lui-même et s'arrogent le droit de dire
qui est le vrai juif, qui est le vrai chrétien et qui est le vrai musulman ou pas?
Oui, devons-nous aller jusqu'à pardonner à ceux qui ne nous demandent pas pardon? Ce n'est pas ce
que nous apprend en tout cas le passage de la Genèse que nous avons lu plus haut et où Joseph
pardonne à ses frères : il leur pardonne leurs offenses parce qu'ils lui en ont demandé pardon.