CANCER COLORECTAL Généralités Dr David Malka Département de Médecine Oncologique Gustave Roussy Université Paris Saclay Villejuif Définition • Côlon = en amont de la jonction recto-sigmoïdienne • > 15 cm de la marge anale en rectoscopie • Au dessus de S3 Quelle partie du colo-rectum est atteinte ? Sièges les plus fréquents du cancer : - Côlon (60%) • Notamment côlon gauche, particulièrement la charnière recto-sigmoïdienne - Rectum (40%) Mais toutes les parties du côlon et du rectum peuvent être atteintes 3 Fréquence des cancers, France, hommes Nombre de nouveaux cas (2002) Nombre de décès (2004) Prostate Poumon Colon et rectum Bouche, pharynx & larynx Vessie Lymphome non hodgkinien Estomac Œsophage Foie Rein Leucémies Pancréas Encéphale Mélanome Testicule Myélome Source INSERM Source: IARC 2005 -30000 -20000 -10000 0 10000 20000 Thyroïde Fréquence des cancers, France, femmes Nombre de nouveaux cas (2002) Nombre de décès (2004) Source: IARC 2005 -40 000 -30 000 -20 000 -10 000 Sein Colon et Endomètre Mélanome Ovaire Poumon Col utérin Lymphome Leucémies Bouche, Thyroïde Estomac Rein Pancréas Encéphale Vessie Myélome Foie Oesophage Hodgkin Source INSERM 0 10 000 Mortalité par cancer (homme) Poumon 70 Bouche, pharynx, larynx, oesophage En vie à 5 ans du diagnostic, tous stades : Année Taux 1990 54 % 2010 63% Taux pour 100 000, à âge égal (standard Europe) 60 50 40 Prostate 30 Colon & rectum 20 Estomac 10 Foie Vessie 0 1950 1960 1970 1980 1990 2000 Épidémiologie du cancer colorectal 36 000 nouveaux cas par an en France, stable depuis 1980 Espérance de vie 63% à 5 ans, tous stades, en 2010 - Stades 1 : 95% Raisons : - Amélioration de la chirurgie et de l’endoscopie - Introduction de radiothérapie préopératoire (stades 3) - Amélioration de la chimiothérapie (stades 3 et 4) - Stades I = 20% : amélioration du dépistage ? 7 Lésion pré-cancéreuse : l’adénome • 1/3 des sujets > 65 ans • 2 formes – polype (pédiculé ou sessile) – Adénome plan • Séquence d’oncogenèse – Foyer de cryptes aberrantes – Adénome – Adénocarcinome • risque de dégénérescence si – – – – 3 1 cm (10% des polypes) Contingent villeux > 25% Dysplasie de haut grade Séquence foyer de cryptes aberrantes – adénome – adénocarcinome Métastases Mutation 17p Cancer Dysplasie bas grade Epithélium Délétion 5q 21 normal APC p53, p73 Dysplasie Délétion 18q 21 haut grade DCC Mutation 12p/1p Smad2,4 K-ras Types d’anomalies chromosomiques Gènes Oncogénèse : voies LOH et MSI normal APC (5p) / -caténine Gènes MMR (hMLH1, hMSH2,...) Adénome précoce K-ras Adénome tardif TGFRII, BAX, IGF-RII,... LOH 17p (p53) Instabilité chromosomique (aneuploïdie) (CIN, LOH) (85 % CCR, dont PAF) CCR proximaux (30-40 %) : - 40 % MSI+ - 60 % LOH+ CCR C C R C C pro R x di ima st au ux x LOH 18q (DCC, DPC4, Smad2...) Instabilité génétique (diploïdie) (MSI, RER) (15 % CCR, dont HNPCC) CCR distaux (60-70 %) : - 5-10 % MSI+ - 90-95 % LOH+ Towards a molecular taxonomy of CRC Mesenchymal TGF VEGF up MSI BRAFmut CIMP+ Immune up CIN+ WNT & MYC activation KRAS mut Metabolic deregulation 78% Guinney J et al. Submitted to Nature 22% Guinney J et al. Submitted to Nature Quels sont les facteurs de risque environnementaux du CCR ? Protecteurs Néfastes Activité physique Sédentarité Poids normal Surpoids Apport excessif de calories Fibres alimentaires (légumes, fruits) Régimes riches en protéines (notamment Vitamines (notamment A, C, D, E) viandes rouges, grasses, grillées) Calcium (?) Régimes riches en graisses (notamment Antioxydants (?) saturées, animales) Alcool & tabac (sur-risque modéré) L’action sur ces facteurs permettrait de réduire le risque de 30 % Le dépistage est une autre réponse au problème 19 Quels sont les facteurs de risque génétiques du cancer colorectal ? Niveaux de risques Sujets concernés Risque Fréquence spontané (parmi les de CCR cas de sur CCR) l’existence Syndromes de prédisposition héréditaire : Très élevé - Polyposes adénomateuses - Syndrome de Lynch <5% 40-100 % 15 % 5-10 % 80 % 3-4 % Antécédent d’adénome « avancé » ou de CCR : Élevé - Personnel - Ou chez un apparenté au 1er degré < 60 ans (ou quelque soit l’âge si 2 apparentés) Antécédent personnel de MICI Moyen Population générale (sans symptômes ni antécédents personnels ou familiaux) CCR : cancer colorectal. MICI : maladie inflammatoire chronique intestinale (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) 21 Syndromes familiaux 1. Polyposes adénomateuses familiales Forme classique précoce : 100-1 000 adénomes, dès l’adolescence Forme atténuée tardive : 10-100 adénomes, début à l’âge adulte Adénomes : colorectum, mais aussi intestin grêle Risque de transmission aux enfants : 25-50 % (garçons = filles) PAF (APC) (autosomique dominante) MAP (MUTYH Associated Polyposis) (autosomique récessive) 2. Syndrome de Lynch Syndrome de Lynch (HNPCC) • Autosomique dominant : risque de transmission aux enfants : 50 % (garçons = filles) • Mutation d’un gène MMR (MisMatch Repair : réparation mésappariements de l’ADN) • Surtout hMLH1, hMSH2; plus rarement hMSH6; exceptionnellement PMS2 • Cancers : phénotype MSI (MicroSatellite Instability) • • • Test RER (Replication ERror) (comparaison ADN somatique [tumeur] vs germinal [sang]) Immunohistochimie tumorale des protéines MMR Spectre : CCR +++, endomètre ++, estomac, ovaire, grêle, voies urinaires,… • A rechercher si – – – CCR < 50 ans (60 ans si proximal ou histologie évocatrice) CCR multiples (synchrones ou métachrones) CCR + ATCD personnel ou familial au 1er degré de cancer du spectre HNPCC Comment dépister le cancer colorectal ? Niveaux de risques Sujets concernés Fréquence Risque (parmi les spontané Dépistage de CCR sur cas de l’existence CCR) Syndromes de prédisposition héréditaire : Très élevé - Polyposes adénomateuses - Syndrome de Lynch <5% 40-100 % Coloscopie 10-15 % 5-10 % Coloscopie 85 % 3-4 % Test fécal Antécédent d’adénome « avancé » ou de CCR : Élevé - Personnel - Ou chez un apparenté au 1er degré < 60 ans (ou quelque soit l’âge si 2 apparentés) Antécédent personnel de MICI Moyen Population générale (sans symptômes ni antécédents personnels ou familiaux) CCR : cancer colorectal. MICI : maladie inflammatoire chronique intestinale (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) 25 Comment dépister le cancer colorectal ? Risque moyen (population générale) : Hemoccult remplacé par test immunologique Nouveau test Dépistage national de masse TOUS les hommes et femmes - Sans symptômes (saignement,…) Sans antécédents personnels ou familiaux d’adénome ou cancer colorectal Dès 50 ans Tous les 2 ans Recherche d’un saignement invisible dans les selles Un seul; prélèvement Sans danger si positif (3 %) : coloscopie (positive dans ~ 40% des cas : adénome, cancer [10%] généralement débutant) 26 Dépistage organisé : le test immunologique Sensibilité : 80% Spécificité : 95% Plus simple que l’Hemoccult Cible les candidats à la coloscopie Valeur prédictive positive : 40 % (cancer : 10%) Plusieurs campagnes avec l’hémoccult ont prouvé son efficacité sur la réduction de la mortalité par cancer (-40%) : répéter tous les 2 ans 27 Modalités de mise en place Envoi d’une invitation à participer à partir de 50 ans Fourniture du test par le médecin de famille Envoi du test au laboratoire agréé Si test normal : nouvelle invitation 2 ans plus tard Si test positif : coloscopie - Probabilité de polypes : 30 % - Probabilité de cancer : 10 % Comment dépister le cancer colorectal ? Risque élevé ou très élevé : coloscopie Coloscopie Acte médical réalisé par un gastro-entérologue Tube flexible, introduit par l’anus Déplacé à l’intérieur du colorectum Visualisation : écran vidéo numérique Nécessite une préparation du côlon (régime, purge) Anesthésie générale dans > 95 % des cas (donc indolore) Rapide (15-30 mn) Réalisable en ambulatoire (hôpital de jour) Acte diagnostique - Acte thérapeutique - Visualise la totalité de la muqueuse colorectale Permet de détecter des lésions planes ou surélevées (polypes) Permet de réaliser des prélèvements (biopsies) pour examen au microscope (diagnostic d’adénome, dysplasie, cancer) Permet l’ablation des lésions planes ou surélevées (si pas trop grosses), en règle au moment même de leur diagnostic Complications rares (perforation, hémorragie) N.B. : coloscopie virtuelle (par scanner) : place non validée 29 Mucosectomie colique Surveillance colique ultérieure Risque de la population générale - Dépistage de masse (test immunologique) - Coloscopie selon symptomes Moins de 3 adénomes, en dysplasie de bas grade - Coloscopie à 5 ans Adénome avancé ou cancer colorectal - Coloscopie à 3 ans puis tous les 5 ans en l’absence de lésion nouvelle Risque très élevé : coloscopie tous les 1 à 2 ans Peut-on prévenir le cancer colorectal ? Alimentation, hygiène de vie On peut conseiller : - Activité physique régulière, lutte contre la surcharge pondérale Arrêt du tabac, consommation d’alcool modérée Régime pauvre en graisses animales et viande rouge, riche en fibres, fruits et légumes Toutefois : nombreuses études d’intervention nutritionnelle (modifications des habitudes alimentaires, suppléments en fibres, vitamines ou oligo-éléments) : toutes négatives (ou réduction modeste du risque d’adénome) Anti-inflammatoires non stéroïdiens Réduction des adénomes dans la polypose adénomateuse familiale (nombre, taille) Mais effet transitoire et inconstant, et toxicité potentielle à long terme Aspirine (à faible dose) Nombreuses études d’observation et d’intervention positives Mais prise prolongée nécessaire, réduction modeste du risque de récidive des adénomes La prévention ne suffit pas : le dépistage est indispensable 37 CCR : synthèse en 5 points 1. 2. 3. 4. 5. ONCOGENESE : multi-étapes (séquence adénome-cancer, voies LOH & MSI) FACTEURS DE RISQUE : nutritionnels & génétiques (PAF, HNPCC) PREVENTION : aspirine ? DEPISTAGE : risque moyen : Hemoccult ; risque (très) élevé : coloscopie DIAGNOSTIC : coloscopie