7Phénomènes de corrosion

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LES PHÉNOMÈNES DE CORROSION
La corrosion des métaux correspond à l’ensemble des transformations qui les font passer à l’état d’ions, soit en solution,
soit à l’état solide ioniques.
Elle pose de graves problèmes économiques et industriels, en particulier celle du fer. Il s’agit du métal le plus utilisé dans
l’industrie (sous forme de fontes ou d’aciers); à part les aciers spéciaux dits inoxydables, tous les composés du fer sont
corrodés. A l’heure actuelle, 20% de la production annuelle d’acier sert à remplacer les installations corrodées (150
millions de tonnes); ce qui signifie que plus de 4 tonnes d’acier passent chaque seconde à l’état de rouille Fe2O3,xH2O(s).
2 Fe(OH)3Fe2O3+3H2O
Les conséquences économiques sont importantes : au coût du remplacement des pièces corrodées s’ajoutent celui des
arrêts de fonctionnement nécessaires à leur changement ou à leur réparation : la protection du fer et de l’acier et plus
généralement de tous les métaux oxydables est donc un objectif prioritaire de l’industrie chimique (boîtes métalliques pour
aliments, ouvrage d’art, structures de bâtiments, navires, prothèses…).
I.
Nature de la corrosion
1.
Définition
La corrosion d’un métal est l’ensemble des phénomènes qui le font passer à l’état d’ion métallique (réactions
d’oxydoréduction).
Elle est dite « sèche » quand les agents oxydants ne sont pas en solution (mais dans une atmosphère sèche : par O2 ou Cl2)
(cf chp 5), elle est dite humide quand elle a lieu en milieu aqueux (un simple film d’humidité suffit) : objet de ce chapitre.
Remarque : l’atmosphère terrestre contient toujours un peu de vapeur d’eau; par condensation sur les pièces métalliques,
cette vapeur forme un film d’eau chargé des diverses substances présentes dans l’atmosphère (O2, CO2 …) : tous les
facteurs de la corrosion humide sont réunis, même en l’absence de solutions véritables mais en présence d’une atmosphère
légèrement humide.
2.
Corrosion uniforme : étude à l’aide du diagramme E(pH)
On parle de corrosion uniforme quand toute la surface du métal en contact avec la solution est attaquée de la même façon
partout. Selon la valeur du couple (E,pH), le métal peut soit rester intact, soit passer en solution sous forme d’ions, soit se
recouvrir d’une couche d’oxyde ou d’hydroxyde.
a)
Conventions
La possibilité thermodynamique de la corrosion uniforme d’un métal se visualise à l’aide de son diagramme potentiel pH,
tracé avec les conventions particulières suivantes :
concentration en espèces dissoutes : 10-6mol.L-1 (la corrosion étant un phénomène étalé dans le temps, les
concentrations des espèces produites sont généralement faibles).
les phases condensées (hydroxydes, oxydes…) figurant dans le diagramme sont les plus stables
Phénomènes de corrosion (chimie7)
1
b)
Les trois domaines du diagramme
On définit sur le diagramme potentiel pH d’un élément métallique, 3 domaines :
le domaine d’immunité : où toute attaque du métal est thermodynamiquement impossible : domaine de stabilité du
métal.
le domaine de corrosion : où l’attaque du métal est thermodynamiquement possible et conduit à des espèces solubles,
ce qui permet la poursuite de l’oxydation du métal.
le domaine de passivité : où une attaque du métal est thermodynamiquement possible, mais où l’oxydant formé
constitue une couche imperméable qui rend une attaque ultérieure infiniment lente. (C’est le domaine où se trouvent
les différentes phases condensées stables, qui recouvre le métal et le protège d’une attaque ultérieure : le métal a été
oxydé en surface mais est protégé d’une attaque en profondeur).
c)
Cas du zinc
On considère c0 = 10-6mol.l-1. La méthode est identique à celle utilisée dans le cours sur les diagrammes potentiel-pH, et
l'on établit le diagramme ci-dessus.
2+
2• Le domaine de corrosion correspond à la réunion des domaines de prédominance de Zn et Zn(OH)4 . On constate
que le zinc se corrode pour pH < 9 et pH > 11,25 : il réduit l’eau en H2. (Des facteurs cinétiques peuvent venir contredire
cette prévision thermodynamique).
• Le domaine d'immunité est celui de stabilité du métal. On constate donc que le zinc porté à un potentiel fortement négatif
ne peut s'oxyder.
• Le domaine de passivité est assez étroit : 9 < pH < 11,25. Il suppose bien sûr une protection surfacique efficace par le
précipité d'hydroxyde Zn(OH)2.
Phénomènes de corrosion (chimie7)
2
d)
Cas du fer
On utilise c0 = 10-6mol.l-1
On ne considère plus Fe(OH)3, mais Fe2O3 (oxyde de fer III), beaucoup plus stable (forme déshydratée de Fe(OH)3).
En revanche, l’oxyde de fer (II) FeO, n’est pas stable à température ordinaire et n’est donc pas pris en compte.
On prend en compte l'existence de l’ion ferrite HFeO2 (espèce soluble en milieu basique). En fait cet ion a un domaine de
prédominance à cause de la très faible valeur de concentration choisie c0 = 10-6mol.l-1
On établit le diagramme suivant :
passivité
corrosion
immunité
2+
3+
• corrosion : elle intervient essentiellement en milieu acide, le fer étant oxydé en Fe puis éventuellement en ions Fe .
Elle intervient aussi en milieu basique, par suite de l'existence de l'ion ferrite HFeO2 .
On constate la possibilité d'oxydation du fer dans ces deux domaines, Fe et H2O ayant des domaines de prédominance
disjoints.
• immunité : elle correspond à la zone de stabilité du métal Fe.
• passivité : elle résulte de la formation d'une couche d'oxyde ferrique protectrice, pour des pH intermédiaires.
3.
Corrosion différentielle : Piles de corrosion
Lorsque le système n’est pas homogène, la corrosion s’exerce différemment dans les différentes zones, elle est dite
différentielle.
Le métal ne plonge pas entièrement dans une solution mais il subit la corrosion car il fait partie d’une pile électrochimique
dans laquelle les deux électrodes sont en contact électrique : c’est une pile de corrosion. On distingue deux types de piles
de corrosion :
Phénomènes de corrosion (chimie7)
3
a)
piles avec électrodes différentes
Souvent, dans l’industrie, des pièces métalliques sont constituées de métaux différents liés entre eux. Si ces métaux sont en
contact avec de l'eau (dans laquelle existe toujours quelques traces d’ions), une pile est réalisée (exemple : canalisation en
cuivre et radiateur en fer dans un chauffage central).
La manipulation suivante simule le contact par l'eau d'une pièce en fer et d'une pièce en cuivre :
Les deux électrodes sont court-circuitées. Globalement, aux électrodes :
◊ Deux espèces peuvent être oxydées : Fe ou Cu
◊ Une espèce peut être réduite : H2O
Observations :
2+
• Un indicateur spécifique des ions Fe (orthophénantroline) prouve l'apparition d'ions Fe2+, à cause de l'oxydation
2+
du fer : FeFe +2e : apparition de Fe2+ au voisinage de l’électrode de Fe
• La phénolphtaleïne rosit au voisinage de l'électrode de cuivre, à cause des ions OH qui apparaissent lors de la
(écriture pour Nernst : 2H++2e- ⇌ H2)
réduction de H2O : H2O+1e-(1/2)H2+OHOn a E°(Fe
2+
2+
/Fe) = - 0,44 V et E°(Cu /Cu) = + 0,34 V. On observe que c'est le métal le plus réducteur qui a été oxydé.
e-
E°
Cu2+/Cu
Fe2+
H2
H2O/H2
OH-
Fe2+/Fe
Ce résultat est général :
Lorsque deux métaux constituent une pile de corrosion, c'est le plus réducteur (celui du couple qui a le plus petit E°) qui se
corrode.
Conséquence pour protéger un métal de la corrosion, il suffit de le relier à un autre métal plus réducteur que lui … Ex :
protection du fer : on utilise Zn à la place de Cu. Zn étant plus réducteur que le fer, Zn est corrodé et le fer est ainsi
protégé.
Remarque : Dans la corrosion différentielle, l’oxydation et la réduction ont lieu dans des zones différentes : les électrons
échangés ne le sont pas directement comme dans la corrosion homogène, mais ils transitent par des conducteurs
métalliques : les électrodes elles-mêmes.
b)
Piles de concentration
premier exemple :
On réalise l'expérience suivante : on place deux électrodes de fer, identiques, dans deux solutions d'ions Fe2+ à des
concentrations différentes :
0,06
.log[Fe2+], on a E2 > E1. On a donc un
2
courant électrique provoqué par la différence de concentrations. Le retour à l'équilibre de ce système, si on le laisse
débiter, va s'accompagner d'une égalisation des concentrations en Fe2+ dans chaque compartiment (pour avoir : e=E2-E1=0
à l'équilibre).
Le potentiel du couple Fe2+/Fe s'exprimant, à 298 K, par E = E°( Fe2+/Fe) +
Phénomènes de corrosion (chimie7)
4
-
• [Fe2+]2 doit diminuer :
compartiment (2) : Fe2+ + 2 e
• [Fe2+]1 doit augmenter :
compartiment (1) : Fe Fe2+ + 2 e
Fe
-
[réduction]
[oxydation]
Il y a corrosion de l’électrode de fer plongeant dans la solution la plus diluée en Fe2+ (loi de modération)
deuxième exemple
On réalise l'expérience suivante (pile d'Evans) :
E°
O2/H2O
Fe2+/Fe
• L'eau du becher de gauche a été chauffée pour être dégazée (il ne reste quasiment plus de gaz dissous, en
particulier il ne reste quasiment plus de O2 dissous).
• Au contraire, on fait barboter de l'air dans le bécher de droite.
On observe :
• becher de droite : réduction du O2 dissout
(1/2)O2 + H2O + 2 e
• becher de gauche : oxydation du fer
Fe
-
Fe2+ + 2 e
2 OH (couple O2/H2O)
-
C’est l’électrode de fer qui se trouve dans la partie la moins aérée (la moins oxygénée) qui est corrodée
Il fournit à cet endroit des électrons au circuit. Ces électrons arrivent par l’électrode de fer dans le bécher de droite et
permettent la réduction de O2.
Dans la corrosion différentielle, les électrons ne sont pas échangés directement entre le réducteur d’un couple et l’oxydant
d’un autre couple (comme dans la corrosion homogène), mais ils transitent par le conducteur électrique constitué par le
métal lui-même.
Phénomènes de corrosion (chimie7)
5
Situation concrète :
Considérons une fissure dans une plaque de fer, celle-ci étant
recouverte d’eau au contact d’air. C’est dans la partie la plus
profonde de la fissure, qui est la partie la moins oxygénée, que la
corrosion va avoir lieu.
Il y aura donc, à plus ou moins long terme, perforation de la plaque.
La région périphérique offre à l’atmosphère une surface de contact plus grande que sa région centrale : O2 s’y dissout plus
facilement : c’est là qu’a lieu la réduction (1/2)O2+H2O+2e-2OH- (région cathodique). La région où a lieu l’oxydation
du métal FeFe2++2e- (région anodique), est celle où la concentration en O2 dissous est la plus faible. La réaction qui se
produit tend à faire disparaître cette différence.
Ces réactions ont lieu simultanément mais dans des zones différentes. Les électrons mis en jeu passent de la zone
d’oxydation du fer à la zone de réduction de O2 en se déplaçant à l’intérieur de la pièce métallique; un déplacement d’ions
vient fermer le circuit des charges électriques (la présence d’ions Na+ et Cl- rend la solution plus conductrice, ce qui
accélère la corrosion du métal) : on a bien une pile de corrosion (aussi appelée micropile).
OH- et Fe2+ qui migrent en sens inverse se rencontrent dans la zone intermédiaire pour donner Fe(OH)2 qui s’oxyde
ensuite (par O2 dissout) en Fe(OH)3, ce qui donne par déshydratation, la rouille.
Conclusion :
Lorsqu'un métal plonge dans une solution présentant des différences de concentration d'éléments électroactifs, il y a
corrosion :
• dans la zone la plus diluée.
• dans la zone la moins aérée.
Exemple : l’acier de la coque d’un navire se corrode le plus dans les zones les plus profondes.
c)
autres piles
Dans le fond d’un bécher, on dispose un clou dégraissé et on le recouvre de la solution précédente : au bout d’une vingtaine de minutes,
on constate qu’il y a formation de Fe2+ à la tête et à l’extrémité du clou et formation d’ions OH- dans la partie centrale du clou.
Dans le cas du clou, les régions anodiques (où le métal est oxydé), sont la tête et la pointe du clou : par rapport au reste du clou, ces deux
zones ont été soumises à des contraintes mécaniques supplémentaires dues à l’écrouissage, ce qui les a rendues plus sensibles à la
corrosion.
conclusion : dans la pratique, même si un métal est unique, il peut donner des piles de corrosion
s’il est soumis à des contraintes non uniformes
si c’est un alliage, ses différents constituants jouant le rôle d’électrode
s’il a des défauts
Phénomènes de corrosion (chimie7)
6
II.
Protection contre la corrosion du fer
Remarque : le fer est souvent utilisé en alliage avec le carbone. L’acier ordinaire contient 0,15 à 0,85% en masse de
carbone (fonte : c>2,5%). Le carbone améliore beaucoup les propriétés mécaniques du fer mais ne réduit pas sa
vulnérabilité à la corrosion. En revanche si on ajoute du chrome au fer, l’alliage obtenu résiste beaucoup mieux à la
corrosion. Quand le pourcentage massique en chrome dépasse 12%, on obtient de l’acier inoxydable. Le nickel est
également utilisé.
Le chrome et le nickel coûtant cher, les aciers inoxydables sont réservés à des usages particuliers.
85% de l’acier utilisé est donc de l’acier ordinaire qu’il est nécessaire de protéger contre la corrosion.
1.
Protection physique
Elle consiste à isoler physiquement le métal du contact avec toute solution aqueuse. Elle nécessite un revêtement très
adhérent
• La plus simple des protections est le dépôt d'une couche de peinture (peinture anti rouille à base de minium Pb3O4). Cette
technique est fiable si la peinture est adhérente, et qu'elle recouvre tout le métal. La protection dure aussi longtemps que la
couche de peinture perdure.
Elle permet de protéger des ouvrages métalliques (ponts, pylônes électriques, …).
• On peut déposer également un revêtement plastique permettant de réaliser des clôtures (grillage plastifié), de l’émail, ou
encore un vernis.
• On utilise également le procédé dit de parkérisation ou phosphatation pour les carrosseries automobiles : les pièces à
protéger sont plongées dans une solution chaude de phosphate de zinc, de fer ou de manganèse. Une fine couche de
phosphate de fer se forme (réaction chimique) sur la pièce d’acier; elle constitue un bon support pour la peinture.
2.
Protection métallique
Elle consiste à recouvrir le fer d’une couche d’un autre métal. On distingue deux cas selon la nature du métal utilisé.
a)
Choix d’un métal plus électropositif
C’est le cas du zinc. 40% de la production française de zinc est utilisée pour la protection contre la corrosion du fer. On
parle de galvanisation.
Bien entendu, la couche protectrice de zinc ne doit pas s’oxyder, ce qui suppose un traitement spécial conduisant à la
passivation du zinc (couche d’hydrocarbonate de zinc, imperméable et adhérente).
Si il y a une éraflure, ou un rayure dans le métal protecteur, il se crée une pile de corrosion dans laquelle le métal le plus
réducteur s'oxyde, c'est-à-dire le zinc. Cet accident n'entraîne donc pas la corrosion du fer, d’autant plus que les produits
d’oxydation du zinc provoque souvent le colmatage des fissures. La protection de la pièce de fer reste assurée tant que la
couche de zinc n’est pas totalement détruite.
Zn
Zn
Fe
Le dépôt de zinc peut être effectué principalement de deux manières :
immersion (galvanisation) : on recouvre l’acier en le plongeant dans un bain de zinc fondu (température de fusion du zinc
419°C, du fer 1535°C) (méthode employée depuis le milieu du 19ème).
Phénomènes de corrosion (chimie7)
7
électrozingage : le dépôt est électrolytique (méthode de plus en plus employée). La pièce à zinguer joue le rôle de cathode.
Le bain électrolytique est un solution concentrée de zinc (II) et l’anode est en zinc très pur. L’épaisseur du dépôt est en
général de 5 à 10µm.
b)
Cas d’un métal moins électropositif
C’est le cas du nickel, du chrome, de l’étain : ceux-ci se recouvrent eux-mêmes d’un film d’oxyde fin, adhérent et
protecteur.
Dans ce cas, une rayure entraîne la corrosion du métal le plus réducteur, c’est-à-dire le fer : ce dernier joue le rôle d’anode
et subit une corrosion accélérée (par rapport à « fer seul avec solution aqueuse »).
Ni
Ni
Fe
3.
Protection par anode sacrificielle
Le fer à protéger est relié électriquement à un métal plus électropositif que lui, qui subit l’oxydation à sa place; le fer reçoit
alors un courant d’électrons, de sorte que le dioxygène est réduit à son contact sans qui lui-même soit attaqué.
Le métal utilisé constitue une anode qui se corrode peu à peu : c’est une anode sacrificielle. La protection cesse dès que
l’anode est entièrement consommée. On utilise principalement le zinc.
Ce type de protection utilisant le zinc est très utilisé car facile à mettre en œuvre, contrairement à la galvanisation, qui
demande un dépôt très adhérent.
Exemple : les coques en acier des navires ou les conduites enterrées sont protégées par des électrodes de zinc
convenablement disposées. Pour une cuve souterraine, l’anode en zinc doit être placée sur un lit de sable poreux, ce qui
permet l’élimination des ions Zn2+.
4.
Protection électrochimique
a)
Protection cathodique
On relie le fer à protéger au pôle négatif d’un générateur électrique, de sorte que le point de fonctionnement soit dans le
domaine d’immunité du fer, le pôle positif étant relié à une anode inerte.
b)
Protection anodique
On relie le fer à protéger au pôle positif d’un générateur électrique, de sorte que le point de fonctionnement soit dans le
domaine de passivation du fer, le pôle négatif étant relié à une cathode inerte.
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