SALUS SANGUINIS - ANNEE 2013. Synthèse des engagements pris en 2013 dans des projets de recherche contre les maladies du sang. Classés en 5 domaines : 1) Soutien aux projets d’études cliniques évaluant de nouvelles approches diagnostiques, thérapeutiques ainsi que leurs conséquences pour l’ensemble des pathologies malignes. A) Aide au recueil des données d’études cliniques : E. van Den Neste, C. Hermans, M-C. Vekemans, C. Lambert, L. Knoops, X. Poiré, V. Havelange, L. Michaux : Service d’Hématologie adulte Ch. Vermylen, B. Brichard, S. Dupont: Service d’Hématologie et Oncologie pédiatrique La recherche clinique, engagée dans une participation active à des protocoles thérapeutiques internationaux, permet, en y rassemblant des cohortes significatives de patients de contribuer valablement aux efforts visant à mieux comprendre les maladies leucémiques, à optimaliser les soins prodigués aux patients cancéreux et, ainsi, à accroître les % de guérisons et diminuer les toxicités éventuelles. La participation à ces études multicentriques internationales est un gage formel d’une prise en charge diagnostique et thérapeutique efficiente. Les progrès majeurs obtenus dans le succès des traitements préconisés auprès des patients adultes ou enfants atteints de leucémies ou lymphomes ont été acquis grâce à la participation active à des études cliniques internationales dans lesquelles les modalités thérapeutiques sont comparées sur des cohortes significatives de patients. Les services d’hématologie participent à de nombreux protocoles de recherche clinique et sont d’ailleurs membres de plusieurs groupes coopérateurs de niveau international, contribuant grandement aux progrès des connaissances dans le domaine des pathologies hématologiques malignes. 1 B) Etude de phase 2 d’inhibition de JAK1/2 par le RUXOLITINIB chez les patients adultes avec un lymphome de HODGKIN en rechute réfractaire. E. van Den Neste et L. Knoops La maladie de HODGKIN, lymphome B de bon pronostic, présente cependant un risque de récidive de l’ordre de 5 à 40% au cours des 5 ans d’évolution après traitement, en fonction de certaines caractéristiques à la présentation. Il existe heureusement des traitements de rattrapage très efficaces. Néanmoins, certains patients resteront réfractaires au traitement de rattrapage et auront une survie médiocre. Les kinases JAK1/2 sont impliquées dans les voies de signalisation responsables de la prolifération cellulaire et sont fréquemment dérégulées dans diverses pathologies hématologiques malignes. L’inhibition des JAKs pourrait diminuer la prolifération de cellules de Hodgkin, induire leur apoptose et les rendre plus sensibles à la chimiothérapie. Dans le cadre de la maladie de Hodgkin réfractaire, l’inhibition de JAK1/2 est théoriquement d’un grand intérêt thérapeutique, aussi, ce groupe de recherche souhaite y développer un protocole d’étude clinique d’un inhibiteur de JAK1 et JAK2 (RUXOLITINIB). C) Thérapie cellulaire en chirurgie ostéo-articulaire : Modèle préclinique d’autogreffe cellulaire. D. DUFRANE, Ch. DELLOYE Ce projet de thérapie cellulaire étudie le potentiel d’une autogreffe de cellules souches adipeuses dans le traitement de zones de non-consolidation d’allogreffes osseuses massives, utilisées notamment dans la reconstruction d’une perte de substance osseuse consécutive à l’exérèse d’une tumeur. Les auteurs du projet ont ainsi l’espoir d’obtenir une reconstitution de tissu osseux néoformé là où la substance osseuse a été perdue. Le rapport d’activité 2012 permet d’apprécier l’évolution de ces recherches dans un modèle préclinique et en clinique où notamment 8 patients ont pu bénéficier avec succès d’une autogreffe de cellules souches adipeuses. 2 D) Caractérisation et différenciation des cellules germinales primordiales dérivées des cellules souches pluripotentes induites en vue de restaurer la fertilité chez les patients traités par chimio – et/ou radiothérapie pour une pathologie hématologique. C. WYNS et O. BOTMAN. L’unité de gynécologie-andrologie de l’UCL, pionnière dans le domaine de la préservation de la fertilité, a étudié diverses méthodes de cryo-préservation de tissu testiculaire immature avec succès et obtenu l’approbation du comité d’éthique pour créer une banque de tissu testiculaire immature et stocker ces tissus gonadiques de garçons pré pubères en vue de pouvoir restaurer ultérieurement leur fertilité altérée par divers traitements de chimio-ou radiothérapie. Toutefois, pour des jeunes patients cancéreux qui n’ont pu bénéficier d’une préservation de gamètes matures ou immatures préalable à leur traitement gonado-toxique, une source de cellules souches alternative est envisageable. L’objet de ce projet de recherche vise, en effet, à explorer une stratégie alternative qui consiste à obtenir des spermatogonies à partir de cellules somatiques (fibroblastes cutanés) du patient et à développer une approche de restauration de la fertilité chez des patients cancéreux rendus stériles par le traitement du cancer. En 2012, cette équipe a créé une lignée de cellules souches pluripotentes induites à partir de fibroblastes adultes d’un patient atteint d’un syndrome de KLINEFELTER (infertilité masculine) et a pu confirmer leur reprogrammation effective vers une différenciation en spermatides. Ces premiers résultats encourageants confirment ainsi la capacité de ces cellules souches pluripotentes à se différencier en cellules germinales potentielles dans la perspective de restaurer la fertilité chez des patients cancéreux. 3 2) Etude de différents mécanismes physiopathologiques pouvant expliquer le comportement des cellules leucémiques ou cancéreuses ainsi que leur implication dans de nouvelles approches thérapeutiques A) Potentialisation de l’action anticancéreuse des analogues de nucléosides par l’aphidicoline. Fr. BONTEMPS, E. VAN DEN NESTE. Ce groupe de recherche s’est particulièrement investi, ces 10 dernières années, dans la compréhension des mécanismes d’action des chimiothérapies, notamment « les analogues de nucléosides » (AN) utilisées dans le traitement des leucémies lymphoïdes chroniques ou des leucémies myéloïdes aiguës. Pour exercer leur action, les AN doivent être activés sous formes de dérivés triphosphates, incorporés à l’ADN et y provoquer des lésions irréversibles qui déclenchent la mort cellulaire par apoptose. Malgré leur succès, l’utilisation clinique des AN est limitée par des phénomènes de résistance qui peuvent être présents d’emblée ou apparaître au fil des traitements. Les recherches de ce groupe visent à mieux comprendre les mécanismes d’action des AN et à rechercher des stratégies permettant d’augmenter leur efficacité. En 2012, ils ont démontré l’effet potentialisateur de l’APHIDICOLINE sur la cytotoxicité des AN. La compréhension de ces mécanismes de potentialisation permettrait de développer une stratégie thérapeutique qui pourrait contrecarrer certaines formes de résistance aux AN. B) Rôle et Régulation de HES6 dans les pathologies myéloïdes malignes. V. HAVELANGE, J-B. DEMOULIN. Une altération des récepteurs du PDGF a été décrite par ces auteurs dans certains syndromes myélo-prolifératifs atypiques. Plusieurs réarrangements chromosomiques impliquant les gènes des récepteurs du PDGF ont ainsi été décrits. Générant la formation de protéines de fusion « oncogéniques », ces réarrangements seraient responsables d’une prolifération cellulaire incontrôlée. Pour comprendre les mécanismes par lesquels ces oncogènes induisent une prolifération cellulaire anormale, ces chercheurs se proposent d’infecter des cellules souches de sang de cordon avec des lentivirus recombinants contenant les gènes de fusion oncogéniques pour induire la prolifération de colonies hématopoïétiques. 4 Ils y étudieront l’expression et la fonction des gènes dérégulés, notamment le gène HES6 et espèrent préciser leur implication dans les pathologies myéloïdes malignes. C) Recherche de nouveaux bio-marqueurs pour les néoplasmes myéloprolifératifs et identification des voies de signalisation favorisant le développement de la myélofibrose. S. CONSTANTINESCU. Les syndromes myélo-prolifératifs (SMP) tels que la Polycythémie essentielle, la thrombocythémie essentielle et la myélofibrose primaire sont caractérisés par une atteinte des cellules souches hématopoïétiques rendant les progéniteurs hématopoïétiques hypersensibles aux cytokines. La myélo-fibrose en est souvent l’évolution péjorative. L’identification de bio-marqueurs favorisant la myélo-fibrose est hautement souhaitable afin de la prévenir et d’éviter l’évolution fatale. Au cours des années précédentes, ce groupe de recherche a découvert qu’une mutation du gène JAK2 était responsable de plusieurs SMP (90% des polycythémies essentielles en sont porteurs). Il a également participé, dans le cadre de travaux sur les SMP, à la découverte d’autres mutations activatrices situées au niveau du récepteur de la thrombopoïétine. Cependant, si les mutations responsables d’une minorité des cas de SMP restent inconnues, ces auteurs ont découvert que la présence du microARN 28 est un marqueur de certains néoplasmes myélo-prolifératifs dans lesquels il inhibe l’expression de certains gènes. Leur but est, par conséquent, de poursuivre leurs recherches pour identifier de nouvelles mutations et déterminer les voies de signalisation qui induisent la myélo-fibrose. D) Etude des mécanismes de transformation tumorale dans un modèle d’hémopathie maligne plasmocytaire. L. KNOOPS, J-C. RENAULD. La croissance des cellules hématopoïétiques est strictement contrôlée par des facteurs de croissance, constitués essentiellement de cytokines. Les cytokines se lient à des récepteurs transmembranaires pour transmettre un signal de prolifération. La voie de signalisation principale des récepteurs aux cytokines est la voie JAK-STAT, par laquelle les tyrosines kinases JAKs activent des facteurs de transcription cytoplasmiques, les STATs. Les hémopathies malignes sont fréquemment associées à une activation constitutive de la voie JAK-STAT, permettant aux cellules de proliférer de manière autonome. Pour étudier les mécanismes responsables de la transformation de cellules hématopoïétiques dépendantes de cytokines en cellules autonomes, ces chercheurs ont mis au point un modèle de tumorigenèse in vitro qu’ils souhaitent adapter à une lignée 5 plasmocytaire, dépendante de l’IL-6 pour sa croissance. L’IL-6 active principalement STAT3. La plupart des lignées plasmocytaires sont dépendantes de l’IL-6 pour leur croissance. Cependant, le myélome multiple avancé perd sa réponse à l’IL-6 et devient autonome. Ainsi, le traitement du myélome par des anticorps bloquant l’IL-6 n’engendre qu’une réponse transitoire et souvent sans effet thérapeutique significatif. Leur hypothèse est que la pathologie myélomateuse se caractérise par une perte progressive de la réponse à l’IL-6 et l’acquisition d’anomalies génétiques provoquant une activation constitutive de la voie STAT3. Si ces mécanismes impliquant l’activation constitutive de la voie JAK-STAT se confirment, les auteurs testeront sur leurs lignées cellulaires des inhibiteurs des JAKs qui pourraient par la suite être utiles dans le traitement du myélome multiple. E) Rôle des cellules NATURAL KILLER dans le contrôle d’un plasmocytome. J.-P. COUTELIER. Ce projet a pour but de préciser les conditions dans lesquelles des cellules « NATURAL KILLER » (NK) peuvent intervenir dans le contrôle d’un myélome. La capacité de cellules NK humaines à lyser des cellules myélomateuses a été récemment démontrée et des premiers essais cliniques utilisant ces cellules NK ont été entamés, à côté des traitements classiques par chimiothérapie. Chez la souris infectée par le lactate déshydrogénase-elevating virus, on assiste à une prévention de la croissance de plasmocytomes (l’équivalent du myélome chez l’homme). Cette inhibition du développement tumoral est générée par des cellules NK. L’activité des cellules NK est cependant réglée par une balance entre les signaux transmis par des récepteurs inhibiteurs et activateurs. Dans cette perspective, le rôle potentiel de la molécule CEACAM-1 a été évoqué. Par ce projet, ces chercheurs souhaitent affiner les connaissances sur le rôle de CEACAM-1 dans le contrôle des fonctions anti-tumorales des cellules NK. 6 3) Etude génétique de diverses maladies hématologiques malignes pour une meilleure compréhension du rôle pathogène d’anomalies génétiques décrites. Les anomalies génétiques sont connues pour jouer un rôle pathogène déterminant dans les hémopathies malignes (leucémies, lymphomes) classiquement par activation d’oncogènes (gènes dominants) ou inactivation de gènes suppresseurs de tumeur. Les chercheurs ont ainsi pu constater la fréquence des remaniements de certaines régions chromosomiques dans le large spectre des hémopathies malignes lymphoïdes et myéloïdes. Le but de ces recherches en génétique hématologique est de caractériser ces remaniements chromosomiques afin d’étudier les gènes impliqués dans ces translocations chromosomiques, dans l’optique d’améliorer la compréhension du rôle pathogène des anomalies génétiques dans le processus oncogène. Caractérisation génétique des leucémies aiguës infantiles. H. ANTOINE –POIREL en coll. avec Ch. Vermylen, B. Brichard, S. Dupont. La leucémie aiguë représente un des cancers pédiatriques les plus fréquents. La leucémie lymphoblastique aiguë en est le paradigme. La leucémie aiguë néonatale ou du nourrisson de moins d’un an (leucémie infantile) est heureusement rare et présente des caractéristiques cliniques et biologiques distinctes de celles observées chez les enfants plus âgés. La particularité de ces leucémies aiguës infantiles se retrouve essentiellement au niveau génétique par l’incidence élevée de réarrangements du gène MLL (11q23) sous forme de translocations chromosomiques. La récurrence des translocations chromosomiques impliquant le gène MLL dans les leucémies infantiles est bien décrite mais, dans certains cas, ces anomalies ne sont pas retrouvées. La question est de savoir si dans ces quelques cas, il s’agirait de leucémies avec des anomalies cryptiques du gène MLL, c'est-à-dire non mises en évidence par les techniques classiques de détection ou si d’autres remaniements géniques favoriseraient le processus leucémogène. L’objectif de cette recherche est de bien préciser les mutations retrouvées dans les cellules blastiques de leucémie infantile à partir de 13 cas suivis en hématologie pédiatrique dans l’espoir d’ouvrir des perspectives de recherche thérapeutique. 7 4) Etude des mécanismes immunologiques responsables de la résistance tumorale au rejet immunitaire. Caractérisation des réponses lymphocytaires T dans les métastases de mélanome. N. van BAREN, P. COULIE. Ce groupe de recherche orienté vers l’immunothérapie anticancéreuse avait au fil de ses recherches découvert plusieurs mécanismes de résistance au rejet immunitaire. Depuis plusieurs années, ils étudient l’interaction entre le système immunitaire et les cellules tumorales au sein de métastases de mélanome. Les métastases de mélanome contiennent, en effet, une proportion variable de lymphocytes T, associés à une activité interféron-gamma (IFN-γ), une cytokine sensée stimuler la réponse cytolytique. Elle est cependant présente à des degrés divers suivant les tumeurs et est corrélée au nombre de lymphocytes T intra-tumoraux, suggérant que l’IFNγ est produit par ces lymphocytes T. Ces observations sont en apparente contradiction avec le concept fréquemment défendu selon lequel l’environnement tumoral est immunosuppresseur, et contient des lymphocytes T inhibés et inactifs. Aussi, ces chercheurs souhaitent : confirmer l’expression du gène IFNG qui code pour l’IFN-γ affirmant ainsi l’activité cytolytique des lymphocytes T. apprécier l’action de 2 gènes induits par l’INF-γ, CD 274 et INDO, tous deux identifiés comme capables d’inhiber l’action anti-tumorale des lymphocytes T. poursuivre l’analyse de la diversité clonale des lymphocytes T intratumoraux et apprécier s’ils sont dirigés contre les antigènes tumoraux. 5) Intérêt vis-à-vis de maladies hématologiques non malignes dans le cadre d’approches diagnostiques et/ou thérapeutiques innovantes. Organisation des lipides membranaires en domaines micrométriques : biogénèse, rôles physiologiques et implications dans les maladies hématologiques familiales. P. COURTOY, D. TYTECA. Les lipides sont des constituants majoritaires des membranes. L’élucidation de leur organisation est indispensable pour comprendre la cohésion et la déformabilité des membranes, notamment au sein des globules rouges. Ceci a des implications dans la fragilité de ces derniers au cours de maladies hématologiques héréditaires du globule rouge telle que la sphérocytose héréditaire. 8 Cette affection se caractérise, en effet, par une instabilité et une fragilité des parois lipidiques entraînant un manque de souplesse, de déformabilité du globule rouge et surtout sa destruction prématurée au niveau de la rate. Ce tableau se traduit par une anémie hémolytique chronique constitutionnelle, souvent sévère. Ces chercheurs veulent étudier au sein du globule rouge l’organisation micrométrique des lipides, leur cohésion et leur participation à la stabilité membranaire, et clarifier ainsi la physiopathologie des maladies de la stabilité du globule rouge telles que la sphérocytose héréditaire et d’autres affections hémolytiques constitutionnelles. 9