M ÉTHODE SPECTRALE QUASI - STATIQUE EFFICACE POUR LA MOD ÉLISATION EN INTENSIT É DE LA DIFFUSION R AMAN STIMUL ÉE Stéphane Blin1 , Alain Mugnier2 , David Pureur2 , et Thierry Chartier1 1 2 Laboratoire Foton, CNRS UMR 6082, Enssat, BP 80518, 22305 Lannion cedex, France Quantel Établissement R&D Lannion, 4 rue Louis de Broglie, Bât. D, 22300 Lannion, France [email protected] R ÉSUM É Nous proposons une méthode efficace pour la modélisation quasi-statique en intensité de la propagation d’un spectre optique soumis à la diffusion Raman stimulée dans une fibre optique. Le modèle présenté offre un gain de temps de calcul d’un ordre de grandeur pour l’étude de la propagation d’impulsions de largeurs temporelles supérieures à la dizaine de nanosecondes. M OTS - CLEFS : Optique non linéaire ; Fibre optique ; Modélisation ; Diffusion Raman. 1. I NTRODUCTION Les lasers à fibre de puissance sont des outils de choix pour des applications telles que la gravure ou le marquage de matériaux. Les impulsions optiques requises pour ces applications présentent typiquement des largeurs temporelles supérieures à la nanoseconde et des puissances crêtes supérieures à la dizaine de kilowatts. Augmenter la puissance de sortie de tels lasers tout en conservant des impulsions de qualité est principalement limité par l’apparition de diffusion Raman stimulée [1] lors de la propagation dans la fibre optique. Afin de mieux appréhender cette limitation, nous nous intéressons ici à la modélisation de la propagation d’un spectre optique en présence de diffusion Raman stimulée. Si de telles descriptions existent dans la littérature [2, 3], nous proposons ici une formulation simple et efficace, formulation originale à notre connaissance. 2. M ÉTHODOLOGIE La principale caractéristique de la diffusion Raman stimulée est de transférer la puissance d’une fréquence optique dite pompe vers une fréquence inférieure dite Stokes. Pour une fibre de silice, le décalage Raman ∆νr est de -13 THz. L’onde Stokes générée peut elle-même pomper une onde Stokes d’ordre plus élevé. En régime de pompage continu ou quasi-continu, l’évolution de l’intensité In d’une onde Stokes d’ordre n et de fréquence νn est reliée à l’intensité lui servant de pompe In−1 à une fréquence νn−1 par l’équation différentielle [1], présentée ici sous une forme discrétisée dans l’espace : δ In νn−1 =+ gr0 In−1 In , δz ν0 (1) où δ z représente une distance de propagation infinitésimale, gr0 est le coefficient de gain Raman pour un pompage à la fréquence ν0 . Le rapport de fréquences νn−1 /ν0 traduit la dépendance de l’amplitude du coefficient de gain Raman avec la fréquence de pompage [4]. L’équation (1) n’offre qu’une description sommaire du spectre optique, car limitée aux fréquences pompe et Stokes. Souhaitant une description plus détaillée, nous décrivons le spectre optique par l’intensité optique I(ν) contenue autour d’une fréquence ν dans une bande spectrale δ ν très inférieure au décalage Raman ∆νr . Nous utiliserons aussi le spectre de gain Raman gr0 (∆ν), où ∆ν représente la différence entre les fréquences sonde et pompe. Conformément à l’équation (1), toute bande spectrale d’intensité I(νi ) crée par diffusion Raman stimulée le spectre SRSi dont l’expression est : SRSi (ν) = νi gr (ν − νi ) I(νi ) I(ν) δ z. ν0 0 (2) Notons que contrairement à l’équation (1), la fréquence de pompage νi n’est pas limitée au maximum du spectre optique (typiquement à la fréquence dite pompe), car toute fréquence du spectre optique participe à sa mesure à l’évolution du spectre optique par diffusion Raman stimulée. Le spectre optique généré par diffusion Raman stimulée par l’ensemble des composantes spectrales du spectre optique initial est la somme des spectres générés par chaque composante prise individuellement, soit : SRS(ν) = ∑ SRSi (ν) = i δz I(ν) ν0 δz ∑ gr (ν − νi ) νi I(νi ) = ν0 I(ν) [gr 0 0 ∗ P] (ν). (3) i Nous utilisons le symbole ∗ pour la convolution, et introduisons la fonction P : x 7→ x I(x). L’équation (2) décrit le spectre généré par un pompage Raman de fréquence νi . Afin de conserver l’énergie totale, l’intensité de pompe I(νi ) doit être déplétée de la valeur DPL(νi ) correspondant à la somme des intensités générées par effet Raman, avec prise en compte du rendement quantique : DPL(νi ) = − ∑ k νi νi 2 δ z I(νi ) SRSi (νk ) = − νk ν0 ∑ gr (νk − νi ) 0 k I(νk ) νi 2 δ z I(νi ) [gr0 ⊗ Q] (νi ). (4) =− νk ν0 Nous utilisons le symbole ⊗ pour la corrélation, et introduisons la fonction Q : x 7→ I(x)/x. La description de la déplétion par une simple corrélation est à notre connaissance un résultat original. Connaissant le spectre d’atténuation linéique α(ν), l’utilisation des équations (3) & (4) permet d’obtenir le spectre en z + δ z en fonction du spectre en z pour un choix de δ z suffisamment petit : δz δ z ν2 Iz+dz (ν) = Iz (ν) + δ Iz (ν) = Iz (ν) 1 + [gr0 ∗ P] (ν) − [gr0 ⊗ Q] (ν) − δ z α(ν) . (5) ν0 ν0 Cette dernière équation présente une grande efficacité numérique, car le calcul de convolution ou de corrélation dans des languages avancés (Matlab par exemple) offrent une rapidité incomparable par rapport à une méthode traditionnelle basée sur un calcul itératif. Nous avons évalué un gain de temps de calcul égal à 10 environ. Notons aussi que tous les ordres Stokes peuvent être décrits en propageant numériquement un simple spectre optique en entrée de fibre. Les seules autres grandeurs nécessaires sont le spectre du coefficient de gain Raman et le spectre d’atténuation de la fibre optique. Enfin, l’introduction de l’émission spontanée Raman peut se faire a priori sans difficulté majeure. 3. VALIDATION DU MOD ÈLE PAR L’ EXP ÉRIENCE Afin de valider ce modèle nous avons mesuré le spectre optique en entrée et en sortie d’une fibre optique monomode (aire effective 36 µm2 ) à maintien de polarisation de 70 m (Corning PM98), injectée par un laser continu polarisé émettant 16 W à 1064 nm. La figure 1(a) présente le spectre du laser en entrée (z = 0) de la fibre optique. Le signal laser à 1064 nm est polarisé selon un axe propre de la fibre. Un résidu filtré de l’émission spontanée du laser est présent autour 1085 nm. Après propagation dans la fibre de 70 m, le spectre optique (z = 70 m) présente une forte composante Raman autour de 1115 nm. La connaissance des spectres d’entrée et de sortie de la fibre permet de déterminer le spectre du coefficient de gain Raman pour cette fibre optique, avec un maximum mesuré de 25 10−14 m/W. Associé à l’atténuation de 0,70 dB/km mesurée dans la fibre, l’équation (5) permet de calculer l’évolution du spectre optique le long de la fibre, tel que représenté en figure 1(a). Pour cette modélisation, la résolution spectrale est de 0,07 nm et la résolution spatiale de 0,7 m. Nous observons un très bon accord entre le spectre expérimental et celui issu de la modélisation. L’élargissement de la composante à 1064 nm observé expérimentalement est probablement dû à un phénomène de mélange à quatre ondes. Il est important de noter que l’accord entre le modèle et l’expérience se dégrade fortement pour de plus faibles puissances optiques injectées dans la fibre. Puisque le gain Raman est réduit d’un ordre de grandeur si les polarisations des ondes pompe et Stokes sont orthogonales [5], nous pensons que le résidu d’émission spontanée amplifiée du laser, initialement non polarisé, se polarise parallèlement à la pompe (a) (b) Expérience Modèle Puissance crête, W Intensité optique, dB 100 80 z = 70 m (modèle) z = 70 m (expérience) 60 Impulsion d'entrée 60 (1064 nm) Impulsion Stokes (1115 nm) 0 Di 40 z=0 1060 1080 1100 1120 Longueur d'onde, nm 1140 Impulsion pompe (1064 nm) sta n 1160 ce, +90 m 70 0 -90 , ns Temps F IG . 1 : Diffusion Raman stimulée dans 70 m de fibre à maintien de polarisation. (a) Propagation du spectre optique pour une puissance continue de 16 W ; (b) Propagation d’une impulsion de puissance crête 64 W. au cours de la propagation. Ainsi, le coefficient de gain Raman évoluerait au cours de la propagation. La prise en compte des effets de polarisation dans notre modèle devrait permettre de vérifier ces hypothèses. Enfin, ce modèle permet d’étudier l’évolution de la forme temporelle d’une impulsion en présence de l’effet Raman pour des impulsions de durées suffisamment importantes devant le temps caractéristique de l’effet Raman. Dans une approche quasi-statique, le spectre de sortie est calculé à différents instants (puissances) de l’impulsion. Nous considérons une impulsion gaussienne de 100 ns de largeur temporelle et 64 W de puissance crête, tout autre paramètre étant identique aux résultats présentés en Fig. 1(a). La figure 1(b) présente l’évolution de l’impulsion calculée autour de la fréquence de pompe, ainsi que l’impulsion de sortie générée autour de la fréquence Stokes. Au maximum de l’impulsion pompe en entrée, toute la puissance est convertie à la longueur d’onde Stokes, amenant à un dédoublement de l’impulsion de pompe en sortie de fibre pouvant être néfaste pour des applications de type marquage. 4. C ONCLUSION Nous avons présenté un modèle simple permettant de décrire la propagation d’un spectre optique et d’une impulsion en présence d’effet Raman. Le formalisme du modèle permet de réduire le temps de calcul de la solution numérique d’un ordre de grandeur environ. Si ce modèle est restreint à la seule présence de l’effet Raman, il permet d’appréhender les problématiques rencontrées pour des lasers à fibre appliqués au marquage de matériaux. R EMERCIEMENTS Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du projet Hippocamp financé par la Région Bretagne. Merci à T. Robin (iXFiber), M. Jacquemet (Quantel), et L. Provino (Perfos) pour leur aide. R ÉF ÉRENCES [1] G. P. Agrawal, Nonlinear Fiber Optics, 4th ed., New York, Ed. Academic press, 2006. [2] R. H. Stolen, C. Lee, and R. K. Jain, “Development of the stimulated raman spectrum in single-mode silica fibers,” J. Opt. Soc. Am. B, vol. 1, no. 4, p. 652, 1984. [3] K. Liu and E. Garmire, “Understanding the formation of the SRS Stokes spectrum in fused silica fibers,” Quantum Electronics, IEEE Journal of, vol. 27, no. 4, pp. 1022–1030, 1991. [4] R. Hellwarth, J. Cherlow, and T.-T. Yang, “Origin and frequency dependence of nonlinear optical susceptibilities of glasses,” Phys. Rev. B, vol. 11, no. 2, pp. 964–967, Jan 1975. [5] R. Stolen, “Polarization effects in fiber Raman and Brillouin lasers,” Quantum Electronics, IEEE Journal of, vol. 15, no. 10, pp. 1157–1160, 1979.