Septembre 2016 - N°436
PERSPECTIVES AGRICOLES
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L’OBSERVATOIRE
BILAN CLIMATIQUE 2015-2016
UNE EXCEPTION
qui pourrait devenir la règle
Les aléas météorologiques de
l’automne et de l’hiver n’étaient pas
de nature à impacter les cultures
et les tendances restaient bonnes.
Le printemps a déjoué tous les
pronostics avec des conséquences
agronomiques préoccupantes.
La variabilité des événements
extrêmes caractériserait le
changement climatique.
Le début de l’automne 2015 a mis fi n à six
mois de températures au-dessus des nor-
males, faisant suite à un été très chaud.
Septembre et octobre ont été frais sur la
quasi-totalité du territoire, plus particu-
lièrement sur la façade Atlantique et la moitié Est.
Le fait le plus notable de l’automne dernier est
intervenu en novembre avec des températures lar-
gement au-dessus des valeurs saisonnières (de
l’ordre de 2,7 °C), en particulier lors des deux pre-
mières décades. Ce mois de novembre se classe à
la troisième place des mois les plus chauds depuis
1900, juste derrière 1994 et 2014. Ramené dans sa
globalité, la température moyenne de l’automne 2015
dépasse en France la normale de seulement 0,3 °C.
Les précipitations restent très contrastées d’un
mois et d’une région à l’autre (encadré). Les défi cits
les plus marqués concernent la façade Atlantique,
la Bretagne, le Cotentin et le Languedoc-Roussillon.
Octobre fut particulièrement sec, avec moins de
10 jours de précipitations et un déficit global de
l’ordre de 30 %. Le déficit pluviométrique s’est
maintenu en novembre sur une grande moitié Sud.
Le Sud-Est a subi plusieurs phénomènes orageux
importants, les 12 et 13 septembre et le 3 octobre
sur les Alpes maritimes, où des records absolus de
précipitations en 24 heures ont été battus.
Les semis d’automne ont pu être réalisés dans de
bonnes conditions avec une bonne implantation
des cultures et une levée homogène, mais aussi le
maintien durable des ravageurs dans les parcelles.
Une douceur exceptionnelle
Les conditions hivernales ont été particulière-
ment clémentes avec un nombre de jours de gel
très faible et l’absence de vague de froid. Sur l’en-
semble de la saison, les températures moyennes
sont supérieures de 2,6 °C aux normales. L’hiver
2016 se range au premier rang des hivers les plus
chauds depuis 1900, devant 1990, 2007 et 2014.
Décembre a été particulièrement chaud avec un
excédent thermique de 3,9 °C (le mois le plus
chaud depuis 1900). Janvier et février affichent
également des températures clémentes, avec
quelques épisodes de gel de faible intensité.
Du côté des précipitations, une grande disparité
existe entre décembre, où pluie ou neige ont été
très faibles, et les mois de janvier et février avec des
L’OBSERVATOIRE
Si décembre 2015 se classe parmi les mois de
décembre les plus secs depuis 1959, janvier
et février 2016 ont connu des excédents de
pluie de l’ordre de 50 %, suivis au printemps
de précipitations aussi excédentaires.
© N. Cornec - ARVALIS-Institut du végétal
N°436 - Septembre 2016
PERSPECTIVES AGRICOLES
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L’OBSERVATOIRE
Rapport (%)
01/09/2015 au 30/11/2015 01/12/2015 au 29/02/2016 01/03/2016 au 30/06/2016
38 - 60
61 - 80
81 - 100
101 - 120
121 - 140
141 - 160
161 - 180
181 - 200
201 - 220
PLUVIOMÉTRIE 2015-2016 : une campagne singulière à toutes les périodes
Figure 1 : Précipitations observées en 2015-2016 en pourcentage de la moyenne pluriannuelle (1995-2014). Source Météo France, ARVALIS.
excédents de l’ordre de 50 %. En moyenne, les pluies
hivernales 2015-2016 sont supérieures de 10 % aux
valeurs saisonnières, avec des épisodes de neige en
plaine rares et peu importants. Les zones les plus
arrosées s’étendent de la Bretagne à l’Aquitaine
en passant par le Massif Central, le long des côtes
de la Manche et de la Mer du Nord et de l’Alsace à
la Bourgogne. Une situation plus habituelle a été
retrouvée avec les pluies des premiers mois de 2016.
Début mai, 75 % des
réservoirs se situent au
niveau des valeurs nor-
males ou supérieures
à la normale (source
BRGM).
Sur l’ensemble de l’hi-
ver dernier, l’ensoleillement est défi citaire de 10 à
20 % sur la pointe bretonne et le pourtour méditer-
ranéen. Il est excédentaire dans le Sud-Ouest et du
Poitou à l’Île-de-France. La conséquence directe sur
les cultures se traduit par un développement accé-
léré et une précocité des stades en sortie d’hiver.
Un printemps « automnal »
La douceur récurrente présente depuis novembre
a brutalement pris fi n avec l’arrivée du printemps.
Mars affiche des températures en retrait (princi-
palement les températures maximales) sur tout le
Les conditions météo du printemps
ont été particulièrement favorables
au développement des maladies.
© S. Porrez - ARVALIS-Institut du végétal
territoire, à l’exception de la Côte d’Azur. Après des tem-
pératures plus clémentes fi n mars et début avril, la fi n
du mois d’avril et le début du mois de mai ont connu un
net rafraîchissement avec le retour de fréquentes gelées
dans la moitié Nord (localement 8 à 10 jours de gel).
Globalement, la température moyenne de mai apparaît
déficitaire de 0,1 °C, ce qui ne reflète pas l’alternance
des périodes de fraîcheur et de douceur. Les contrastes
sont plus marqués sur les températures maximales
avec un défi cit de 1 °C en Bourgogne, Franche-Comté,
Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon. À l’opposé, elles
ont été supérieures de 1 à 2 °C aux valeurs saisonnières
en Bretagne, Normandie, Hauts-de-France et au nord du
Grand-Est.
Les précipitations, le plus souvent sous forme orageuse,
sont excédentaires de plus de 25 %. Avec des valeurs bien
supérieures à la normale en Bourgogne, en Picardie,
dans le Centre et l’Île-de-France. Dans ces deux der-
nières régions, le printemps 2016 s’affiche comme le
plus pluvieux depuis 150 ans. Mars et avril avaient déjà
enregistré des pluviométries excédentaires avec des
orages de grêles dans le
Sud-Ouest. Les conditions
se sont brutalement dégra-
dées en mai avec de vio-
lents orages entre le 10 et
le 13 mai et une dernière
décade particulièrement
arrosée des Hauts-de-France au Centre-Val de Loire en
passant par l’Ile-de-France. Des records de précipitations
sont battus dans de nombreuses villes : Paris, Beauvais,
Orléans, Auxerre, Blois. La combinaison de fortes pluies
et de sols déjà proches de la capacité du champ a provo-
qué de graves inondations. Dans ces régions, le mois de
mai apparaît comme le plus pluvieux depuis 1959.
Des effets cumulés
Le défi cit de rayonnement est proche de 8 % à l’échelle
nationale, plus particulièrement dans les régions du
Centre-Est et du Bassin parisien où il atteint 10 à 30 %.
En mai, la combinaison de fortes
pluies et de sols déjà proches de
la capacité du champ a provoqué
de graves inondations. »
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PERSPECTIVES AGRICOLES
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L’OBSERVATOIRE
Au niveau mondial, une augmentation des
précipitations extrêmes toucherait à la fois
les zones arides et les zones humides (1).
© 123RF - M. KNIT
L’ensoleillement, excédentaire sur la Côte d’Azur,
reste proche des normales sur la côte atlantique et
les côtes de la Manche.
Début juin n’a pas vu la situation s’améliorer avec,
à nouveau, de fréquents événements orageux. Sur
les treize premiers jours du mois, les précipitations
sont en excédent de 23 %, avec des cumuls impor-
tants dans le Nord-Est. Les températures affi chent
des valeurs largement inférieures aux moyennes de
saison (défi cit de -2 à -1 °C selon les régions).
Ces conditions humides et fraîches ont impacté
négativement les cultures d’hiver. Plusieurs fac-
teurs sont intervenus : pression des maladies,
hydromorphie, stérilité des épis par défaut de rayon-
nement ou destruction des cultures du fait de par-
celles inondées. Les cultures d’été et les fourrages
ont également souffert de ces mauvaises conditions,
avec une offre défi citaire en températures.
Fortes pluies et changement
climatique
D’un point de vue physique, un air plus chaud est
capable de stocker davantage de vapeur d’eau,
de l’ordre de 7 % par degré Celsius (relation de
Clausius-Clapeyron). De plus, la vapeur d’eau ampli-
e le phénomène du réchauffement climatique, qui
modifie également la circulation atmosphérique.
En moyenne, l’évolution annuelle des précipitations
mondiales n’augmente que de 2 % car d’autres fac-
teurs interviennent. Les simulations climatiques
montrent une augmentation des pluies aux latitudes
moyennes. À l’opposé, les zones arides tropicales
et subtropicales, et certaines régions comme la
Méditerranée, verront leurs précipitations diminuer.
L’analyse des records de précipitations entre 1901
et 2010 (2) montre globalement une augmentation
de 12 % de ceux-ci, comparativement à un climat
stationnaire. La variabilité naturelle du climat
ne peut à elle seule expliquer cette progression.
À une échelle régionale, les résultats sont plus
contrastés. En Europe, l’augmentation est de
31 %, alors qu’en zone méditerranéenne, la ten-
dance est de l’ordre de -27 %, avec une baisse
encore plus marquée en automne et en hiver.
En Australie, les chercheurs ont constaté qu’une
atmosphère plus chaude est associée à des préci-
pitations plus intenses, se produisant sur une zone
géographique plus petite (3).
Un consensus se dégage sur l’augmentation en fré-
quence des précipitations extrêmes à l’échelle jour-
nalière sur la plupart des zones terrestres. Même
s’il est encore trop tôt pour tirer toutes les consé-
quences de ces conditions climatiques, le poten-
tiel des cultures sera sans doute affecté, autant du
point de vue des rendements que de la qualité des
récoltes, dans des proportions qui restent à préciser.
(1) Donat, M. G., Lowry, A. L, Alexander, L. V., O’Gorman, P. A. &
Maher, N. Nature Clim. Change http://dx.doi.org/10.1038/ncli-
mate2941 (2016).
(2) Lehmann, J., Coumou, D. & Frieler, K. Clim. Change 132, 501-515
(2015).
(3) Wasko C, Sharma A, Westra S, 2016, Geophysical Research
Letters, doi : 10.1002/2016GL068509.
Olivier Deudon - [email protected]
ARVALIS - Institut du végétal
La France n’a pas été le seul pays touché
Du 26 mai au 6 juin, de fortes pluies ont affecté le sud
des Pays-Bas, le nord-ouest de l’Autriche et le sud de
l’Allemagne, en particulier dans le Bade Wurtemberg,
la Rhénanie-Palatinat, le sud de la Hesse et la Bavière,
où les cumuls du 27 au 29 mai dépassent localement
125 mm, provoquant comme en France de fortes inon-
dations et des dégâts sur les cultures.
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