d’une manière critique les thèses philosophiques, parfois contradictoires, que
la biologie moderne a engendrées.
Si donc je m’associe de tout cœur à vos débats et à vos préoccupations, je
n’en reste pas moins embarrassé par le choix d’un thème susceptible de
s’inscrire dans le cadre général que vous vous êtes donné. En eet, si je devais
caractériser son évolution personnelle, je serais tenté de dire: Du DNA à
Darwin et au-delà, plutôt que le contraire. Dans mon œuvre scientique, en
eet, j’appartiens indiscutablement au camp dit réductionniste. Devant la
complexité de la cellule vivante, je me suis toujours eorcé de suivre le second
précepte de Descartes « de diviser chacune des dicultés que j’examinerais en
autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les mieux résoudre »,
suivant en cela les recommandations du fondateur, trop souvent ignoré, de
l’expérimentation biologique moderne, Claude Bernard, qui écrivait en :
« Pour arriver à résoudre ces divers problèmes, il faut en quelque sorte décomposer
successivement l’organisme, comme on démonte une machine pour en connaître et
en étudier tous les rouages. » « Il faut donc », conclut-il, « recourir à une étude
analytique successive des phénomènes de la vie. »
Cela étant, je m’empresse d’ajouter que le réductionnisme est une mé-
thode, non une théorie philosophique. Réduire un problème à une dimension
accessible pour l’étudier n’est pas l’équivalent d’en sous-estimer l’ampleur. Ici
encore, je ne puis mieux faire que de citer à nouveau Claude Bernard: « Il faut
donc bien savoir », écrit-il, « que, si l’on décompose l’organisme vivant en isolant
ses diverses parties, ce nest que pour la facilité de l’analyse expérimentale, et non
point pour les concevoir séparément ». Et il ajoute ; « Il faudra donc toujours, après
avoir pratiqué l’analyse des phénomènes, refaire la synthèse physiologique, an de
voir l’action réunie de toutes les parties que l’on avait isolées. » C’est clair.
Dans un sens, je soupçonne que Charles Darwin lui-même ne désavoue-
rait pas l’appellation de réductionniste. De son voyage sur le Beagle il a ra-
mené nombre d’études minutieuses et essentiellement ponctuelles. Et ce n’est
qu’en , ans après son retour, qu’il publie sa grande synthèse. Je ne
doute pas qu’il eût été en même temps émerveillé et profondément satisfait
par les découvertes de la biologie cellulaire et moléculaire moderne. Celles-ci
sont autant de triomphes de la démarche analytique, ce qui ne les empêche
pas de déboucher sur une synthèse encore plus grandiose que celle de Darwin.
Cette synthèse est encore en pleine élaboration. À côté de certaines données
que j’oserais qualier de certitudes, malgré le danger d’utiliser ce mot en