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Fils d’un facteur de pianos et beau-père de Charles Gounod (1818-1893),
Pierre-Joseph-Guillaume Zimmerman (1785-1853) virtuose, pédagogue, compositeur et
homme du monde, trouve naturellement sa place au sein d’une pléiade prestigieuse de
promoteurs du piano et de la littérature pianistique. Son originalité profonde réside dans la
dualité que l’on distingue entre, d’un côté, sa conscience de compositeur académique héritée
de Cherubini et, de l’autre, cet esprit novateur que lui inspira la modernisation de la facture
instrumentale, dont il suivit et entérina l’évolution. Notre thèse (une monographie divisée en
trois grandes parties totalisant neuf chapitres) envisage, par ordre chronologique, les activités
nombreuses et variées dans lesquelles le musicien s’illustra aux différentes époques de sa vie.
Zimmerman fut en effet professeur de piano au Conservatoire, mais aussi professeur de
composition, organisateur de concerts (il tenait salon à Paris), compositeur d’œuvres
pianistiques, lyriques et religieuses, cofondateur de l’Association des artistes musiciens. Dans
ces multiples sphères de l’art, Zimmerman incarne la création et la nouveauté en tant que chef
de file des jeunes pianistes-compositeurs et pédagogues français tels que Charles-Valentin
Alkan (1813-1888), Antoine-François Marmontel (1816-1898), Émile Prudent (1817-1863)
ou Henri Ravina (1818-1816), César Franck (1822-1890), etc. Par ailleurs, il voulut demeurer
un musicien classique, dont la maîtrise est manifeste dans ses morceaux classiques pour piano
comme la Sonate
1
ou ses deux Concertos
2
, ses pièces vocales contrapuntiques ainsi que ses
deux messes. En outre, en 1821, il fut nommé au poste de professeur de contrepoint et fugue
au Conservatoire, mais il préféra y renoncer au profit de la classe d’enseignement du piano.
Son double regard, à la fois prospectif et rétrospectif (i. e. porté tant sur la musique du passé
que sur la littérature pianistique de son temps) résulte de plusieurs facteurs qui devaient le
conduire à adopter une attitude éclectique dans le domaine de l’enseignement autant que dans
celui de la composition. Dans le présent argumentaire, nous résumerons les points les plus
importants qui contribuèrent à former cette tendance personnelle en nous conformant au plan
énoncé dès notre titre : l’homme, le pédagogue, le musicien.
L’homme : origine, amitié, sociabilité
Démontrés tout au long de sa vie, son respect des modèles musicaux du passé et sa
passion pour le courant pianistique neuf ou contemporain ont été déterminés par des
circonstances données, ce à chaque période de son existence. Nous citerons en premier lieu
les quatre conditions ayant abouti au développement de cette dualité dans sa vie d’homme. La
première touche à son origine. Dès son enfance, Zimmerman était destiné à s’élever en
suivant l’évolution de la fabrication des pianos : il vit ainsi son père travailler dans son atelier
3
.
Comme son père Pierre-Joseph, son oncle Guillaume était un facteur de pianos : lui aussi
originaire de Brühl, il s’était pareillement installé dans la capitale française en suivant ce
courant général d’émigration qui poussa nombre d’Allemands vers la France vers le milieu du
1
Pierre-Joseph-Guillaume Z
IMMERMAN
, Sonate composée pour le piano op. 5, Paris, Auguste Leduc, 1819 ou
1820, 25 p.
2
Idem., Premier concerto pour le pianoforte arrangé en sextuor, Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1823, 28 p.
Cotage : 3546. ; Idem., Grand concerto pour le piano-forte, Paris, A la lyre moderne, 1823, 32 p.
3
Cf. Chapitre 1.2.