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garanties. Les appréciations formulées reflètent notre opinion à la date de publication et sont donc susceptibles d’être révisées ultérieurement.
Flash économique
mercredi 28 mai 2008
Flash économique
États-Unis
Bruno Cavalier
+33 (0)1.44.51.81.35
bcavalier@oddo.fr
Flash économique#
Comprendre les prix du pétrole
"Comprendre les prix du pétrole"… Dans la période présente, ce titre a tout
pour attirer l’attention. Et c’est d’ailleurs ce qui a retenu la nôtre dès que nous
avons vu circuler hier, sous ce titre, une étude du professeur James
Hamilton1. Enfin nous allions y comprendre quelque chose !
Sur ces sujets, en effet, Hamilton n’est pas ce qu’on appellerait un novice.
C’est lui qui, il y a vingt-cinq ans, a démontré l’impact crucial des chocs
pétroliers sur le cycle des affaires aux États-Unis2. À ce jour, cela reste l’une
des explications les plus robustes que l’on connaisse des récessions
américaines. Il a aussi précisé ce qu’il fallait entendre précisément par choc
pétrolier ("transformation de Hamilton"). Il a enfin souligné l’importance des
non-linéarités entre variation des prix du pétrole et croissance économique.
Les baisses de prix du pétrole n’ont pas des effets symétriques aux
hausses de prix, et toutes les hausses de prix ne se valent pas. Outre
des différences d’amplitude et de durée, il importe de considérer si ces
hausses de prix représentent un changement de régime par rapport au
passé récent et si elles reflètent des évolutions du côté de l’offre ou de
la demande. Par le passé, les chocs pétroliers ont ainsi souvent été causés
par des ruptures brutales de l’offre liées à des événements géopolitiques.
PRIX DU PETROLE
La transformation de Hamilton consiste à calculer la variation en pourcentage de la valeur courante
du prix réel du pétrole par rapport à son maximum des trois années antérieures. Si cette variation
est négative, elle est fixée à zéro. Pour le T2 2008, on fait l’hypothèse d’un WTI à 130 $ le baril. Les
zones grisées représentent les récessions de l’économie américaine
Sources : Thomson Financial, Oddo Securities
Après presque dix ans de hausse, le cours du pétrole a désormais
dépassé le pic (en dollars constants) atteint après le second choc
pétrolier. Mais ce qui est le plus frappant est l’accélération récente de la
hausse des prix, tout à fait typique d’un choc pétrolier.
L’étude de J. Hamilton envisage la question des prix du pétrole à la fois sous
l’angle de l’analyse statistique, de la théorie économique et de l’économie
appliquée. C’est ce dernier point qui retient ici notre attention, car on y trouve
un éclairage – à défaut d’une conclusion définitive – sur les questions
suivantes :
La spéculation a-t-elle joué un rôle décisif dans la flambée des cours ?
La demande de pétrole est-elle devenue insensible au prix ?
L’offre peut-elle surmonter le défi de l’épuisement des réserves ?
1 “Understanding Crude Oil Prices”, University of California SD Working Paper, Mai 2008.
2 L’article de référence de Hamilton est “Oil and the Macroeconomy since World War II”, Journal of
Political Economy, 1983. De nombreuses autres publications sur le sujet ont suivi, consultables à
l’adresse suivante: http://weber.ucsd.edu/~jhamilto/.
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%Hausse du prix réel du pétrole (transformation de Hamilton)
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Flash économique
mercredi 28 mai 2008
La spéculation a-t-elle joué un rôle décisif dans la flambée des
cours du pétrole ?
Il y a quelques jours, un comité du Sénat américain a auditionné plusieurs
spécialistes au sujet du rôle des investisseurs institutionnels dans l’inflation
alimentaire et énergétique3. L’un des intervenants, Michael Masters, a fait
valoir que ce rôle était considérable et sa conclusion a été largement reprise
dans la presse. Concernant le pétrole, il estime en effet que, de 2003 à 2007,
la demande de pétrole résultant des investissements sur les marchés de
futures (ce qu’il appelle la "spéculation") a représenté l’équivalent de
848 millions de barils. Sur la même période, la demande chinoise de pétrole
s’est accrue de 920 millions de barils. En somme, si l’on en croit certaines
estimations, la "spéculation" sur les marchés à terme de pétrole
équivaudrait à l’émergence d’une deuxième Chine.
À cela, Hamilton répond deux choses. Tout d’abord, il fait remarquer que les
deux chiffres ne sont pas comparables. Le surcroît de la demande de pétrole
chinoise est exprimé en millions de barils par an, tandis que la demande
spéculative n’est elle rapportée à aucune période de temps. Cela invite à
relativiser l’importance du facteur spéculatif.
Par ailleurs, il est probable qu’une forte hausse de prix aura à terme un
impact négatif sur la demande. Si la demande physique baisse et que l’offre
est inchangée, le surcroît de demande spéculative ne fait qu’accroître les
stocks, ce qui n’est pas extrapolable à l’infini et peut provoquer une forte
correction des prix. Il est plus probable que l’offre se réduise, peut-être avec
des délais et, au bout du compte, c’est bien la confrontation des quantités
physiques offertes et demandées qui fait le prix, non la spéculation. La
demande spéculative de pétrole-papier a certainement joué un rôle
dans l’envolée des cours du pétrole, mais il paraît exagéré de lui
imputer toute la responsabilité de la flambée récente. Son rôle n’est
peut-être que d’avoir accéléré la transition vers un nouveau prix
d’équilibre, correspondant à des fondamentaux bien différents de ceux
d’il y a cinq ou a fortiori dix ans.
La demande de pétrole est-elle devenue insensible au prix ?
L’estimation de l’élasticité-prix (le pourcentage de variation de la demande de
pétrole résultant d’un pourcent de variation du prix réel) n’est pas simple car
la fonction de demande est influencée par bien d’autres facteurs que le prix.
Cette élasticité (négative) a, de plus, toutes raisons d’être plus faible à court
terme qu’à long terme, car on ne change pas du jour au lendemain ses
habitudes de consommation d’énergie (transport, chauffage).
Hamilton rend compte des travaux les plus récents effectués sur ce sujet.
Dans le cas américain, il en ressort que l’élasticité-prix de la demande
de pétrole aurait fortement chuté. Elle était estimée dans une fourchette
0.21-0.34 sur la période 1975-1980, mais serait tombée à 0.034-0.077 sur la
période 2001-2006. Si la demande est devenue moins élastique – du
moins, à court terme – la hausse des prix peut durer longtemps avant
que l’ajustement des quantités ne vienne se répercuter sur le prix. Dans
de nombreux pays asiatiques, on sait aussi que cette sensibilité au prix est
altérée puisque le prix effectivement supporté par le consommateur final est
subventionné par l’État.
Par ailleurs, il faut aussi tenir compte de l’élasticité-revenu (le pourcentage
de variation de la demande résultant d’un pourcent de variation du PIB réel).
Là encore, Hamilton montre que cette élasticité (positive) s’est réduite au
cours du temps. Aux États-Unis, dans les années 1960 et jusqu’au premier
choc pétrolier, cette élasticité était à peu près unitaire. Elle aurait fortement
baissé ensuite, pour s’établir à 0.47 sur la période 1985-1997. Une moindre
élasticité au revenu implique que la part du pétrole dans la dépense se réduit
avec la croissance du PIB.
3 Les textes sont disponibles à l’adresse suivante: http://hsgac.senate.gov/public/.
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mercredi 28 mai 2008
C’est le reflet sans doute d’une meilleure efficacité énergétique. De fait, aux
États-Unis, la part de la dépense de pétrole dans le PIB qui avoisinait 10% à
son pic lors du second choc pétrolier était tombée à 1% en 1998. Avec ces
données en tête, on comprend mieux pourquoi, jusque récemment, la hausse
des prix du pétrole n’avait pas (ou peu) d’impact macroéconomique négatif.
Pendant plusieurs années, aux États-Unis, la faible part de la dépense
consacrée à la consommation de pétrole a permis d’absorber les
hausses de prix sans trop entamer les budgets. Mais on peut estimer
que cette part dépasse désormais 6% du PIB, à comparer avec une
moyenne historique longue d’un peu moins de 3%. La demande a déjà
commencé de s’effriter et cette tendance devrait donc se prolonger. On
retrouve alors la question des non-linéarités. Une hausse supplémentaire
d’un dollar peut avoir des effets négatifs visibles sur la consommation, du
simple fait qu’elle s’ajoute aux hausses antérieures durant les mois et années
qui ont précédé.
US : CONSOMMATION DE PETROLE BRUT
Pour estimer la part des dépenses de pétrole dans le PIB au T2 2008, on fait l’hypothèse d’un WTI
à 130 $ le baril et d’un PIB nominal stable.
Sources : EIA, Thomson Financial, Oddo Securities
L’offre de pétrole peut-elle surmonter le défi de l’épuisement des
réserves ?
Même si la demande de pétrole tend à plafonner, voire baisser, aux États-
Unis et dans les autres pays de l’OCDE, on sait qu’une demande vigoureuse
vient de Chine et des autres pays émergents. La demande chinoise a
progressé d’environ 8% par an depuis 2003, et sa part dans le total mondial
est ainsi passée de 7% à près de 9% (la part des États-Unis passant de
25.2% à 24.2%). La capacité d’offre ne s’est pas accrue à due proportion, et
la production mondiale de pétrole a même stagné entre 2005 et 2007.
Hamilton envisage plusieurs pistes pour comprendre l’absence de réaction
de l’offre. L’une d’elle serait d’envisager que l’OPEP, ou seulement l’Arabie
Saoudite, contraindrait délibérément l’offre pour maximiser leur rente. Mais, à
supposer que la discipline de cartel joue vraiment, il y aurait alors une
incitation pour certains producteurs non-OPEP (60% du total) à répondre au
surcroît de la demande. Cela n’a pas été le cas, soit que ce sursaut de la
demande n’ait pas été jugé soutenable, soit parce que la mise en œuvre de
nouvelles capacités productives prend plusieurs années. Hamilton cite des
estimations du CERA (Cambridge Energy Research Associates) présageant
que des capacités nouvelles pourraient entrer en activité dès 2008 du fait des
investissements réalisées ces dernières années.
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%Part des dépenses de pétrole brut dans le PIB
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Quoi qu’il en soit, même avec la perspective de nouvelles capacités
productives, il faut tenir compte du fait que la production pétrolière des
champs existants tend à décliner en de nombreux endroits. Il est établi
que la production de pétrole baisse non seulement aux États-Unis mais aussi
dans les champs de la mer du Nord, du Mexique et de Chine. Cela pose des
problèmes au-delà du champ économique. Certains géologiques concernent
l’exploitation des réserves existantes et le potentiel de découverte de
réserves nouvelles. D’autres, de nature géopolitique, ont trait au colossal
transfert de richesse qu’implique le déséquilibre entre lieu de production et
lieu de consommation.
En conclusion, deux points cruciaux sont bien documentés : l’un est la baisse
de l’élasticité-prix de la demande de pétrole dans les pays développés,
l’autre est la forte croissance de la demande dans les pays émergents. Leur
combinaison a modifié en profondeur l’équilibre pétrolier en renforçant la
perspective de raréfaction de l’offre. La forte hausse des prix qui en a résulté
a sans doute pu être exacerbée par d’autres facteurs, d’importance moindre :
la spéculation, la recherche de rente, les délais d’extension d’une offre
nouvelle, et plus récemment, les contrecoups de la crise financière (baisse
du dollar, report de liquidité sur les actifs réels).
Depuis des années, le marché pétrolier est à la recherche d’un nouveau
prix d’équilibre. Est-il à 50 dollars le baril, à 100 $, ou bien au-delà ? Sur
la base des coûts de production connus et des nouvelles tendances de
la demande, beaucoup d’experts fondamentalistes avancent une
fourchette entre 70 et 100 $. Si c’est le cas, cela signifie qu’il y a un
potentiel de repli des prix significatif, d’autant plus fort que le cours actuel
pèse sur le budget du consommateur final et crée des incitations à chercher
des substituts au pétrole. Le marché des futures, comme souvent, extrapole
peu ou prou le dernier cours connu. N’est-ce pas reconnaître que, si l’on peut
mieux comprendre les prix du pétrole, on ne sait pas mieux les prévoir ?
PRIX DU PETROLE : SPOT ET FUTURE
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$/b spot WTI future
Sources : Bloomberg, Oddo Securities
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