La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. III - février 2000 31
à l’origine peu abondante, ou sans retentissement hémo-
dynamique majeur, et pour laquelle une surveillance initiale est
programmée après traitement endoscopique de l’ulcère. L’indica-
tion opératoire est posée devant la récidive hémorragique, qui, si
elle survient de manière abondante, impose une nouvelle endo-
scopie avec nouvelle tentative de traitement endoscopique. En cas
d’impossibilité de réalisation de cette endoscopie ou de geste ne
contrôlant pas l’hémorragie, l’indication opératoire est formelle.
•Enfin, et c’est le cas probablement le plus difficile, il faut dis-
cuter la chirurgie après échec de deux traitements endoscopiques,
en cas de déglobulisation non massive, mais progressive et conti-
nue, le retard à la chirurgie augmentant alors de manière impor-
tante la mortalité opératoire, comme cela a été démontré par une
étude contrôlée comparant la chirurgie d’emblée (avec peu de cri-
tères de sélection) à une chirurgie retardée en fonction de critères
plus sélectifs (signes manifestes d’hémorragie active ou récidi-
vante) : la mortalité passait de 4 à 10 % en cas de chirurgie retar-
dée (2). Cette étude ancienne a néanmoins le défaut d’avoir été
faite à une époque où le geste thérapeutique endoscopique était
peu développé.
Une étude contrôlée récente a précisé la place respective de la chi-
rurgie et du deuxième geste endoscopique pour récidive hémor-
ragique (3). Il ressort de cette étude contrôlée que chez la plupart
des patients, une deuxième tentative endoscopique est licite, sans
mortalité ni morbidité surajoutée. La mortalité globale était de
14 % sans différence significative entre chirurgie et deuxième
endoscopie. En revanche, ce deuxième geste endoscopique, qui
avait un taux d’échec global de 24 %, était inefficace, nécessitant
la chirurgie chez 50 % des patients avec ulcère supérieur à 2 cm,
et chez 43 % des patients avec choc hémorragique associé, deux
situations ressorties d’une analyse multivariée comme facteur
indépendant d’échec de cette deuxième endoscopie, qui pousse-
raient alors à choisir dans ces cas, en première intention, la chi-
rurgie, après échec d’un premier geste endoscopique.
Le geste chirurgical
Si l’heure de la chirurgie est souvent discutée, il semble actuel-
lement bien démontré, principalement par une étude contrôlée
française, que le meilleur traitement chirurgical de l’ulcère duo-
dénal hémorragique est représenté par la vagotomie tronculaire-
antrectomie enlevant l’ulcère, suivie d’une anastomose gastro-
jéjunale type Finsterer (4).
L’alternative est représentée par la simple suture-excision de l’ul-
cère, avec vagotomie-pyloroplastie qui exposait dans cette étude
à un risque significativement plus élevé de récidive hémorragique
(17 % versus 3 % après antrectomie). Si la vagotomie-antrecto-
mie peut être jugée par certains, à l’heure des IPP, comme un
geste trop agressif, il faut bien avoir à l’esprit qu’il s’agit d’une
urgence vitale, associée à une mortalité allant jusqu’à 23 % dans
des séries chirurgicales récentes (4),pour laquelle il faut se mettre
au mieux à l’abri d’une récidive hémorragique, un geste chirur-
gical plus limité ne diminuant pas cette mortalité opératoire.
Plus rarement, l’hémorragie est due à un ulcère gastrique. L’in-
dication dépend alors du siège de l’ulcère, la meilleure solution
étant néanmoins d’éviter une gastrectomie étendue non justifiée.
Si c’est possible, il est donc préférable de faire une petite résec-
tion atypique enlevant simplement l’ulcère, afin d’avoir un exa-
men anatomopathologique, qui pourra retrouver un adénocarci-
nome dans 10 % des cas, justifiant alors une gastrectomie
complémentaire à distance.
LES PERFORATIONS ULCÉREUSES
Il s’agit dans l’immense majorité des cas d’une perforation anté-
rieure, dans la région pylorique ou du bulbe duodénal. Sa gravité
est liée à la péritonite qui en est la conséquence. Néanmoins, du
fait des progrès de la réanimation chirurgicale, la mortalité est
faible et touche essentiellement les terrains débilités, les sujets
très âgés, ou bien sûr les retards au diagnostic et au traitement.
Des études ont montré la forte prévalence de la prise d’AINS (jus-
qu’à 50 % environ) chez les patients présentant une perforation
ulcéreuse.
Le traitement conservateur, ou méthode de Taylor
Dans la grande majorité des cas, le traitement est chirurgical.
Néanmoins, un petit pourcentage de patients est une bonne indi-
cation à un traitement conservateur (ou “méthode de Taylor”).
Pour la plupart de ces patients, il s’agit d’être :
– à jeun au moment de la perforation ;
– apyrétiques, sans signes d’irritation péritonéale à l’examen cli-
nique ;
– avec une maladie ulcéreuse récente, et sans corticothérapie au
long cours.
Chez ces patients sélectionnés, une surveillance stricte en milieu
chirurgical, avec sonde d’aspiration gastrique, perfusion intra-
veineuse et IPP à fortes doses (avec ou sans antibiothérapie en
fonction des équipes), est licite.
Une étude contrôlée (5) comparant cette méthode à la chirur-
gie a montré que la mortalité était similaire dans les deux
groupes (5 %), avec une morbidité égale. La seule différence
était une durée d’hospitalisation plus longue en cas de traite-
ment médical (35 % de plus). De plus, le taux d’échec du trai-
tement médical (28 % au total) était significativement plus
élevé chez les sujets âgés de plus de 70 ans. Pour certains
auteurs, plus de 80 % des patients peuvent être traités initiale-
ment médicalement, mais avec un taux de chirurgie secondaire
assez élevé (43 %).
Actuellement, la plupart des équipes considèrent en fait que
la méthode de Taylor doit être réservée à des cas très sélec-
tionnés, plus de 90 % des patients devant être opérés en
urgence.
Ce choix pour la chirurgie a deux justifications principales :
– grâce à l’efficacité des IPP, le traitement chirurgical aura comme
fonction essentielle de laver la cavité péritonéale et de suturer
l’ulcère, sans y associer de geste potentiellement morbide, à type