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Les ententes :
Le cas Carrefour
Document 1. Consommateurs, les ententes vous spolient 1
Document 2. Communiqué de 2007 Conseil de la concurrence 4
Document 3. Présentation du programme de Clémence Site Commission européenne 6
Document 4 – Pénalités imposées par lAutorité de la Concurrence 7
Document 5 – Pénalités imposées par la Commission Européenne 7
Document 6. La lettre de lAutorité de la Concurrence Août 2010 8
Pour ce cas il est recommandé de lire l’avis rendu par le Conseil de la concurrence concernant des
pratiques anticoncurrentielles observées dans le secteur des jouets
http://www.conseil-concurrence.fr/user/avis.php?avis=07-D-50
Questions à traiter et/ou à soulever lors de l’exposé
A travers le cas Carrefour vous vous interrogerez sur
1/ La capacité des entreprises à mettre en place des ententes. Ces ententes sont-elles limitées
aux marchés fortement concentrés ?
2/ La capacité des autorités de la concurrence à détecter les ententes
3/ La capacité des autorités de la concurrence à sanctionner les ententes
4/ La capacité des entreprises concernées à faire respecter les ententes
Document 1. Consommateurs, les ententes vous spolient
Emmanuel Combe (Economiste – Autorité de la Concurrence) 14 Avril 2008, TELOS
La question du pouvoir d’achat occupe aujourd’hui en France le devant de la scène au point
de constituer situation inédite la première préoccupation des Français. Plutôt que de se
focaliser sur le niveau des rémunérations, l’attention s’est rapidement centrée sur la dérive des
prix : pourquoi le panier de la ménagère est-il si cher dans notre pays ?
Première réponse, qui emporte l’unanimité : c’est la faute à la Chine, à l’Inde et aux pays
émergents, qui rattrapage économique oblige découvrent les délices de la consommation
de masse et viennent alimenter la demande mondiale. On s’est ainsi alarmé de la flambée
générale du cours des matières premières, qui vient mécaniquement renchérir le prix du pain,
de l’essence, bref de toutes ces marchandises que nous consommons chaque jour et qui
constituent pour nous des dépenses devenues « incompressibles ».
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Ce diagnostic d’une « inflation importée » est juste mais il n’explique toujours pas le
différentiel de prix des produits alimentaires entre la France et un pays comme l’Allemagne.
De plus, l’inflation sur les matières premières notamment agricoles a parfois servi de
prétexte, d’alibi à certains industriels pour répercuter aux consommateurs des hausses de
tarifs sans commune mesure.
A supposer que la flambée des cours mondiaux soit la cause principale du dérapage des prix,
que pouvons-nous faire ? Les racines de l’inflation sont à chercher dans notre réglementation
sur le commerce de détail, l’une des plus pléthoriques et malthusiennes qui soit. Interdiction
de la revente à perte (loi Galland), interdiction pour les producteurs de faire de la
discrimination tarifaire entre distributeurs, autorisation préalable pour toute ouverture d’une
surface commerciale de plus de 300 m² (lois Royer Raffarin) : autant de règles qui ont eu pour
principal effet de limiter la concurrence en amont et en aval, sur le dos des consommateurs.
Le constat n’est plus à faire sur ce sujet, tant les expertises sont nombreuses et convergentes :
rapports Cahuc-Kramarz, Canivet, Camdessus, Beigbeder, Attali, Hagelsteen…
A la fin 2007, le gouvernement a entrepris de réformer la loi Galland, en instaurant le « triple
net ». Il s’apprête aujourd’hui, dans le cadre de la Loi de modernisation de l’économie
soumise au Parlement en avril 2008, à autoriser la négociabilité tarifaire et à assouplir les lois
sur l’urbanisme commercial. Toutes ces mesures vont dans le bon sens, celui d’une
concurrence restaurée dans la grande distribution, notamment en favorisant l’arrivée de
nouveaux distributeurs (tels que le hard discount) et en incitant les producteurs à se faire
concurrence par les prix.
Mais nous devons également nous tourner vers une troisième cause d’inflation, peu visible par
nature mais qui ronge notre pays depuis des décennies : les ententes sur les prix entre
concurrents, notamment dans la grande distribution. Plusieurs affaires récentes sont venues
nous rappeler que ces pratiques se portent bien, y compris de la part d’opérateurs se vantant
d’afficher des prix bas : affaire des jouets en décembre 2007, après celle des parfums en 2006,
de la téléphonie mobile en 2005, etc.
Les cartels touchent tous les secteurs de notre économie, y compris les services (banque). Ces
pratiques, toujours secrètes, prennent des formes variées : on fixe les prix ensemble ; on se
répartit les clients en concluant une sorte de « pacte de non agression » ou un « Yalta des
parts de marché » (pour reprendre l’expression d’un membre du cartel de la téléphonie
mobile) ; on désigne à l’avance le vainqueur dans un appel d’offre tout en déposant des offres
« bidon » (ou « offres de couverture ») pour laisser croire à une concurrence ; on se concerte
pour boycotter l’arrivée d’un nouveau concurrent sur le marché ; on fixe ensemble des quotas
de production, etc.
Quelle qu’en soit la forme, le but d’un cartel est toujours le même : faire monter
artificiellement les prix. A défaut de supprimer ses concurrents, on supprime la concurrence.
Ces pratiques sont injustifiables économiquement et elles sont contraires à l’esprit de
l’économie de marché. Elles ne génèrent aucune contrepartie positive pour les consommateurs
mais conduisent à des augmentations de prix substantielles : de l’ordre de 20% en moyenne,
sur une durée de vie de l’ordre de 6 à 7 ans… pour celles qui se font prendre.
Elles ne transfèrent pas seulement de la richesse des consommateurs aux entreprises mais,
plus grave, elles conduisent certains consommateurs à renoncent à consommer.
Elles trahissent la logique de l’économie de marché, qui est fondée sur la conquête
permanente de nouveaux clients, et notamment de ceux de son concurrent. En économie de
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marché, le client doit être roi et le concurrent l’adversaire naturel. Les cartels reposent sur un
principe inversé, parfaitement résumé (malgré lui) par un membre du cartel de la lysine, dont
la formule a connu un grand succès médiatique : « nos concurrents sont nos amis, nos clients
nos ennemis ».
Face à un comportement aujourd’hui considéré comme un « cancer de l’économie » (Mario
Monti), que doit-on faire ? Une seule chose : renforcer les sanctions.
Une sanction, quelle qu’elle soit, vise à dissuader les agents d’enfreindre la loi. Un agent
rationnel ne commettra pas d’infraction, si son profit illicite reste inférieur à ce qu’il lui en
coûtera en cas de sanction, tenant compte de la probabilité de détection. Pour qu’une sanction
exerce un effet dissuasif il faut que son montant soit d’autant plus élevé que la probabilité de
détection est faible.
Appliquons cette règle générale au cas des cartels, en faisant abstraction de la nature juridique
des sanctions (amende, sanctions pénales, réparations). Concernant la probabilité de détection
d’un cartel, peu d’études empiriques sont disponibles mais une probabilité de 15% constitue
la borne supérieure la plus réaliste.
Cela revient à dire que les sanctions, pour être vraiment dissuasives, devraient atteindre au
moins 6 fois le gain illicite ! Autant dire que l’on en est loin et que les amendes, dans le
meilleur des cas, viennent confisquer le profit illicite mais sans aller au delà : la fonction
dissuasive des sanctions est délaissée, au profit de sa seule fonction restitutive. Dans ces
conditions, on ne sera pas étonné par les comportements de récidives de certaines entreprises,
notamment au niveau communautaire.
Si l’on veut vraiment faire de la lutte contre les cartels une priorité, il faut s’en donner les
moyens.
On ne peut que se réjouir, à la suite du rapport Attali, de la réforme institutionnelle annoncée,
qui devrait consacrer la naissance d’une autorité antitrust aux pouvoirs renforcés, notamment
dans l’articulation entre l’enquête et l’instruction.
A l’heure la Commission Européenne insiste sur le rôle des actions civiles dans la pleine
effectivité des règles de concurrence, la France pourrait aussi adopter une véritable procédure
d’action de groupe, étendue aux pratiques anti-concurrentielles. En effet, les consommateurs
victimes d’un cartel ne demandent jamais réparation : si le dommage global peut être
considérable, celui causé à chaque consommateur reste trop faible pour qu’il engage une
action individuelle à lui seul. Si l’on prend le cas de l’entente dans la téléphonie mobile entre
2000 et 2002, le dommage global a été estimé à plus d’un milliard d’euros, mais la perte pour
chaque abonné se chiffre à quelques dizaines d’euros. Qui ira individuellement en justice pour
si peu ? D’ailleurs, seulement 12000 plaintes ont été déposées dans le cadre de l’action
conjointe engagée par une association de consommateurs … sur un parc d’abonnés qui
avoisinait les 30 millions de clients à l’époque des faits.
L’action collective permettra de renforcer l’effet dissuasif de l’action publique, la crainte de
réparations contribuant à accroître le coût pour une entreprise d’une violation des règles de
concurrence.
A l’heure où la France s’engage sur la voie de la dépénalisation partielle du droit des affaires,
il faut sans doute exclure de ce mouvement des pratiques aussi graves que les cartels. La
pénalisation des pratiques anti-concurrentielles envoie en effet un signal fort à tous les
managers qui seraient tentés par de tels agissements.
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Document 2. Communiqué de 2007 Conseil de la
concurrence1
20 décembre 2007 : Ententes de prix dans le secteur de la distribution des jouets
Le Conseil de la concurrence sanctionne à hauteur de 37
millions d'euros 5 fabricants de jouets et 3 distributeurs
Saisi par le ministre de l'économie, le Conseil de la concurrence
vient de rendre une décision dans laquelle il sanctionne 5
fournisseurs pour s'être entendus avec leurs distributeurs sur le
prix de vente des jouets de Noël, au détriment des
consommateurs. Il a également sanctionné trois distributeurs pour les mêmes faits.
Le montant total des amendes s'élève à 37 millions d'euros et se décompose comme suit:
Fournisseurs: Chicco Puériculture de France : 600 000 euros ; Goliath France: 25 000
euros ; Hasbro France: 5,1 millions d'euros ; Lego SAS: 1,6 million d'euros ; MegaBrands
Europe NV : 240 000 euros
Distributeurs : Carrefour France : 27,4 millions d'euros ; Maxi Toys France : 1,8 million
d'euros ; EPSE-JouéClub : 300 000 euros
Le Conseil a considéré que les éléments au dossier - notamment en matière de police des prix
- étaient insuffisants pour établir la participation à l'entente des autres entreprises auxquelles
des griefs avaient été notifiés. La plupart de celles-ci n'ont pas, en effet, fait l'objet de visites
et saisies dans le cadre de l'enquête menée par la DGCCRF, qui a précédé la saisine
ministérielle.
Les fournisseurs en cause se sont entendus avec l'ensemble de leurs distributeurs afin que
leurs produits soient vendus au même prix dans tous les points de vente. Ils ont parallèlement
mis en place des actions de surveillance du marché et de police des prix, auxquelles ont
activement participé les distributeurs
Durant les périodes de Noël des années 2001 à 2003, les fournisseurs en cause se sont
respectivement entendus avec leurs distributeurs pour faire cesser toute concurrence entre
points de vente et obtenir un prix de détail unique pour chacune de leur référence.
Ces ententes verticales se sont accompagnées d'actions de "police des prix" de leur part,
auprès des distributeurs « déviants » afin de faire remonter le prix des jouets « posant
problème » et obtenir un réalignement rapide. Les nombreux errata publiés par les
distributeurs pour rectifier a posteriori - et toujours à la hausse - les prix indiqués dans leur
catalogue de Noël en témoignent.
Les trois distributeurs sanctionnés ont également participé activement à ces actions de police :
C'est notamment le cas de Carrefour, qui a mis en place, pendant plusieurs années
successives, une opération intitulée « Carrefour rembourse 10 fois la différence »,
incitant les consommateurs à effectuer une veille des prix pour son compte. Utilisant
les remontées d'informations relatives aux demandes de remboursement des
1 L’Autorité de la Concurrence était auparavant le Conseil de la Concurrence
5
consommateurs, Carrefour est intervenu systématiquement auprès des fournisseurs
concernés pour qu'ils « règlent le problème » du produit moins cher constaté chez ses
concurrents.
C'est également le cas de MaxiToys, qui a accepté à de nombreuses reprises de
remonter ses prix à la demande de ses fournisseurs, alors que - se fournissant au
Bénélux à des prix d'achat inférieurs - il est en mesure de proposer des prix de détail
plus avantageux pour le consommateur. A cet égard, le dirigeant de MaxiToys a
indiqué lors de l'instruction que « Afin que MaxiToys ne perturbe pas le marché
français, les fabricants de jouets français nous présentent les tarifs d'achat en France et
nous demandent de nous aligner sur le SRP [seuil de revente à perte] français. Cela
évite de perturber le marché et nous permet d'obtenir des marges supérieures et par
conséquent de gagner de l'argent »
C'est enfin le cas de EPSE, tête du réseau JouéClub, qui a participé à la police des prix
conduite par Goliath et par MegaBrands en 2002
Le Conseil a considéré que les distributeurs sanctionnés ne pouvaient justifier leurs
interventions auprès des fournisseurs, en vue de faire remonter les prix de leurs concurrents,
par l'obligation de respecter la législation sur la revente à perte et cela d'autant plus que le
dossier a réuni pour la généralité du secteur de nombreux indices démontrant que le seuil
de revente à perte avait été artificiellement rehaussé (identité du seuil de revente à perte pour
tous les points de vente, quel que soit le distributeur, imprécision des services de coopération
commerciale, qui ne sont pas spécifiés ni individualisés, rendant ainsi impossible la
vérification de la réalité de la prestation offerte, intégration dans la coopération commerciale
de services qui relèvent à l'évidence de l'acte d'achat-vente, présentation faussement
conditionnelle de ristournes).
Ces constatations ont d'ailleurs conduit le Conseil à transmettre le dossier aux tribunaux de
commerce compétents.
Ces ententes de prix constatées ont abouti à l'élimination de toute concurrence entre
distributeurs pour les jouets de chaque marque concernée, au détriment du consommateur
L'observation des prix relevés dans les catalogues de treize distributeurs (Toys'R'Us,
JouéClub, KingJouet, LaGrandeRécré, PicWic, MaxiToys, Auchan, Cora, Casino,
Intermarché, Leclerc, HyperU et Carrefour) et les déclarations des distributeurs sanctionnés
montrent que ces ententes ont bien fonctionné et que les prix souhaités par les fournisseurs
ont été significativement appliqués par les distributeurs.
Les consommateurs en ont été les principales victimes, l'achat des jouets de Noël étant
incontournable en fin d'année.
Le Conseil de la concurrence considère que ces pratiques sont graves
Les pratiques ayant pour objet et pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre
jeu du marché constituent, en droit national et communautaire, des "restrictions caractérisées"
de concurrence.
En l'espèce, elles sont d'autant plus graves qu'elles ont été en partie mises en œuvre par des
entreprises ou groupes détenant des marques à très forte renommée, comme c'est le cas pour
Hasbro, Lego ou Chicco.
S'agissant de Carrefour, le Conseil a relevé que « L'utilisation des consommateurs qui sont
ainsi amenés à contribuer, à leur insu et à leur détriment, à l'alignement des prix des jouets sur
le prix plus élevé de Carrefour, alors que l'opération publicitaire [«Carrefour rembourse 10
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