Ce diagnostic d’une « inflation importée » est juste mais il n’explique toujours pas le
différentiel de prix des produits alimentaires entre la France et un pays comme l’Allemagne.
De plus, l’inflation sur les matières premières – notamment agricoles – a parfois servi de
prétexte, d’alibi à certains industriels pour répercuter aux consommateurs des hausses de
tarifs sans commune mesure.
A supposer que la flambée des cours mondiaux soit la cause principale du dérapage des prix,
que pouvons-nous faire ? Les racines de l’inflation sont à chercher dans notre réglementation
sur le commerce de détail, l’une des plus pléthoriques et malthusiennes qui soit. Interdiction
de la revente à perte (loi Galland), interdiction pour les producteurs de faire de la
discrimination tarifaire entre distributeurs, autorisation préalable pour toute ouverture d’une
surface commerciale de plus de 300 m² (lois Royer Raffarin) : autant de règles qui ont eu pour
principal effet de limiter la concurrence en amont et en aval, sur le dos des consommateurs.
Le constat n’est plus à faire sur ce sujet, tant les expertises sont nombreuses et convergentes :
rapports Cahuc-Kramarz, Canivet, Camdessus, Beigbeder, Attali, Hagelsteen…
A la fin 2007, le gouvernement a entrepris de réformer la loi Galland, en instaurant le « triple
net ». Il s’apprête aujourd’hui, dans le cadre de la Loi de modernisation de l’économie
soumise au Parlement en avril 2008, à autoriser la négociabilité tarifaire et à assouplir les lois
sur l’urbanisme commercial. Toutes ces mesures vont dans le bon sens, celui d’une
concurrence restaurée dans la grande distribution, notamment en favorisant l’arrivée de
nouveaux distributeurs (tels que le hard discount) et en incitant les producteurs à se faire
concurrence par les prix.
Mais nous devons également nous tourner vers une troisième cause d’inflation, peu visible par
nature mais qui ronge notre pays depuis des décennies : les ententes sur les prix entre
concurrents, notamment dans la grande distribution. Plusieurs affaires récentes sont venues
nous rappeler que ces pratiques se portent bien, y compris de la part d’opérateurs se vantant
d’afficher des prix bas : affaire des jouets en décembre 2007, après celle des parfums en 2006,
de la téléphonie mobile en 2005, etc.
Les cartels touchent tous les secteurs de notre économie, y compris les services (banque). Ces
pratiques, toujours secrètes, prennent des formes variées : on fixe les prix ensemble ; on se
répartit les clients en concluant une sorte de « pacte de non agression » ou un « Yalta des
parts de marché » (pour reprendre l’expression d’un membre du cartel de la téléphonie
mobile) ; on désigne à l’avance le vainqueur dans un appel d’offre tout en déposant des offres
« bidon » (ou « offres de couverture ») pour laisser croire à une concurrence ; on se concerte
pour boycotter l’arrivée d’un nouveau concurrent sur le marché ; on fixe ensemble des quotas
de production, etc.
Quelle qu’en soit la forme, le but d’un cartel est toujours le même : faire monter
artificiellement les prix. A défaut de supprimer ses concurrents, on supprime la concurrence.
Ces pratiques sont injustifiables économiquement et elles sont contraires à l’esprit de
l’économie de marché. Elles ne génèrent aucune contrepartie positive pour les consommateurs
mais conduisent à des augmentations de prix substantielles : de l’ordre de 20% en moyenne,
sur une durée de vie de l’ordre de 6 à 7 ans… pour celles qui se font prendre.
Elles ne transfèrent pas seulement de la richesse des consommateurs aux entreprises mais,
plus grave, elles conduisent certains consommateurs à renoncent à consommer.
Elles trahissent la logique de l’économie de marché, qui est fondée sur la conquête
permanente de nouveaux clients, et notamment de ceux de son concurrent. En économie de