Université Paris I - UFR d’économie - L1 - Septembre 2010
INTRODUCTION GENERALE A L’ECONOMIE
Cours d’Antoine d’Autume, Nicolas Canry et Jean-Pierre Laffargue
Mercredi 1er septembre 2010, de 15 h 00 à 17 h 00.
Durée : deux heures. Aucun document autorisé.
Commentaire de texte (10 points)
La concurrence doit-elle s’adapter à la crise ? Extraits de Entrée libre n° 4, avril 2009, la lettre de
l’Autorité de la concurrence. (Cette Autorité est une nouvelle institution française qui a remplacé le Conseil
de la concurrence.)
À n’en pas douter, les temps de crise comme celui que nous vivons actuellement bousculent tout, y compris
l’application des règles de concurrence. faut-il tendre vers un assouplissement ou au contraire maintenir le
cap ?
Les règles de concurrence sont prévues pour tous les temps : périodes de croissance, d’embellie, mais aussi
de crise comme aujourd’hui. Elles offrent donc suffisamment de marge de manœuvre pour s’adapter aux
situations nouvelles créées par une crise économique et financière, tout en maintenant clairement le cap
d’une économie concurrentielle sans laquelle il n’y a pas d’innovation, de croissance et en fin de compte,
pas de pouvoir d’achat.
En matière de concentrations, on peut tout à fait tenir compte de l’urgence, en permettant aux entreprises en
proie à des difficultés compromettant leur survie d’être reprises sans attendre. [L’Autorité décidera plus tard
si elle autorise finalement cette fusion, en privilégiant l’intérêt des consommateurs].
En matière de pratiques anticoncurrentielles, le contexte est différent puisqu’on l’on est face à des
infractions. Sauf circonstances exceptionnelles, c’est donc surtout au stade du calcul et du paiement de la
sanction qu’une crise structurelle ou une situation de grave difficulté peut être prise en compte. Une
possibilité qui s’entend bien sûr au cas par cas, en fonction des problèmes concrets démontrés par les
entreprises. Le ralentissement de l’activité créé par la crise est un argument qui a déjà été invoqué par les
entreprises devant l’Autorité pour arguer qu’une sanction trop forte à leur encontre serait susceptible de les
mettre dans une situation financière critique .
La crise ne doit pourtant pas être un prétexte pour relâcher les efforts. Le cartel n’est pas la bonne réponse à
la crise : il aboutit à créer temporairement une illusion de sécurité pour quelques entreprises et en plonge
beaucoup d’autres (distributeurs, consommateurs, etc.) dans des difficultés plus graves encore.
Il est vrai que, dans les années 70 à 90, des “cartels de crise” ont parfois été mis en place en Europe. Mais
les circonstances étaient très différentes : ces cas de figure ont surtout concerné des industries en proie à une
crise structurelle extrêmement lourde et durable (sidérurgie notamment) qui a conduit à des fermetures ou à
des réductions de capacité coordonnées, bien souvent en dialogue avec les services concernés de la
Commission européenne, et toujours dans le respect de l’intérêt général communautaire.
La crise actuelle appelle plutôt à rebondir et à innover, afin de retrouver le chemin de la croissance pour nos
entreprises et nos concitoyens.
Extraits de l’interview de l’économiste David Spector
Dans certains pays, l’application du droit de la concurrence a pu connaître des périodes de relâchement en
temps de crise. Quelles en ont été les conséquences ?
L’exemple le plus spectaculaire est la suspension des règles antitrust aux États-Unis au début du New Deal.
Le National Industrial Recovery Act (NIRA) de 1933 encourageait chaque secteur industriel à définir des
“codes” qui incluaient notamment des prix obligatoires et des amendes pour les entreprises récalcitrantes.
L’échec de cette politique est bien connu : l’opinion publique a été rapidement excédée par les prix élevés et
la Cour Suprême a annulé ces dispositions en 1935. Cela a ouvert la voie à la relance de la politique de la
concurrence dès 1936. Quant au bilan économique de cette réforme législative, longtemps controversé, il a
été éclairé par une étude récente [qui estime que ] le NIRA a eu pour effet de diminuer la production
d’environ 1 % dans les industries concernées et donc d’aggraver la dépression.