LE MAL DE DOS
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La kinésithérapie
La kisithérapie joue un rôle clé dans la prise en charge de nombreux pro-
blèmes de dos. Parallèlement à son rôle de thérapeute, le kinésithérapeute
peut aussi coacher et accompagner son patient dans un processus de modi-
cation du comportement.
Comme le médecin généraliste, le kinésithérapeute rencontre énormément
de personnes sourant du dos. Dans le système belge, les soins de kinésit-
rapie sont accessibles uniquement sur prescription médicale (ce n’est pas le
cas dans tous les pays). Le patient est donc toujours envoyé par son méde-
cin. Ce système implique un premier tri médical (dans lequel on distingue
les douleurs spéciques et non spéciques). Ce premier tri est essentiel car
l’approche dière en fonction des symptômes.
Le Professeur Danneels, kinésithérapeute à l’UZ Gent, nous explique que la
kisithérapie peut être utile pour les maux de dos non spéciques qui ont
besoin d’une prise en charge plus fonctionnelle.
érapeute et coach
Notre spécialiste insiste sur la mission très complète du kisithérapeute :
«Nos connaissances médicales nous permettent d’accompagner et de coa-
cher le patient qui souhaite adopter un mode de vie plus actif. Nous sommes
particulièrement bien placés pour observer la résistance du corps et mettre
en place une stratégie visant à l’optimiser. Notre rôle dépasse donc celui du
simple prestataire de soins qui réalise des manipulations thérapeutiques
ts spéciques. Nous sommes là aussi pour accompagner et coacher les per-
sonnes qui veulent adopter un nouveau mode de vie.»
Une douleur non spécifique ? Vraiment ?
Dans la vaste catégorie des maux de dos non spéciques, on constate que le
problème n’est pas toujours aussi aspécique qu’il n’y paraît. La douleur est
un domaine qui a beaucoup évolué ces dernières anes.
Le Professeur Danneels propose de replacer le mal de dos dans un contexte
plus large et de raisonner d’un point de vue clinique : «Si on regarde les dié-
rentes composantes du système locomoteur (articulations, nerfs, muscles),
on remarque que beaucoup de douleurs ne sont pas aspéciques, contrai-
rement à ce que l’on pensait. Cest encore plus vrai lorsqu’on tente d’établir
un diagnostic fonctionnel. Autrement dit, on constate que très souvent, les
douleurs sont probablement déclenchées ou entretenues par une série de
dysfonctionnements du dos
LA KINÉSITHÉRAPIE
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Adopter une posture parfaite
Le dos n’est pas une droite
rectiligne de la nuque au rachis
lombaire. Il présente des courbes
naturelles indispensables à sa
résistance et à sa capacité de
récupération. Des muscles dorsaux
en bonne condition soutiennent la
posture de manière optimale et les
fines structures du dos sont moins
sollicitées. Le plus souvent, nous
avons tendance à relâcher nos
muscles sans en avoir conscience,
ce qui entraîne une courbure
excessive du dos, principalement
au niveau lombaire (hyperlordose
lombaire). Pourtant, se tenir bien
droit est également bénéfique
pour la nuque et pour le rachis
thoracique. Garder le dos droit
est préférable dans de multiples
situations du quotidien. Optez ainsi
pour un plan de travail adapté à
votre taille. S’il est trop bas, vous
aurez souvent tendance, peut-être
inconsciemment, à vous pencher
en avant, ce qui est très néfaste
pour le dos. Pour faire le ménage,
choisissez un balai ou un aspirateur
équipé d’un manche suffisamment
long. Cela vous évitera de vous
pencher. En résumé, soyez
attentif à votre posture et pensez
gulièrement à vous redresser !
VOUS
POUVEZ
TIRER
PLUS ?
C’EST BON
POUR
MA COLONNE
LE MAL DE DOS
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Ces vingt dernières années, l’équipe de recherche du Professeur gantois s’est
intéressée aux muscles qui interviennent dans le fonctionnement du dos. Elle
a principalement observé la manière dont les muscles dorsaux sont comman-
dés par toutes sortes de stimuli sensoriels provenant de notre activité quoti-
dienne. Dans le jargon médical, on parle de contrôle sensorimoteur du dos.
«Nous avons constaté, chez des personnes qui sourent de mal de dos non
spécique, des problèmes d’interaction entre les stimuli sensoriels et le fonc-
tionnement des muscles dorsaux. Mais ce n’est pas tout, lorsqu’un patient est
libéré de toute douleur, on constate que le fonctionnement des muscles ne se
rétablit pas toujours parfaitement. En réalité, après un premier épisode de
mal de dos, le risque d’un nouvel épisode est plus élevé.» Selon le Professeur
Danneels, cette constatation peut avoir un impact sur la prise en charge du
mal de dos spécique : «Les directives actuelles tiennent compte d’un proces-
sus naturel de guérison et d’une évolution favorable qui libère le sujet de toute
douleur, spontanément ou grâce aux médicaments. Les recommandations
préconisent par conquent de combattre la douleur et de maintenir, dans la
mesure du possible ses activités quotidiennes. Ces conseils sont importants,
mais à la lumière de nos découvertes, la prise en charge kiné devrait davan-
tage tenir compte du risque accru de récidive.»
Il est essentiel de conserver dans la mesure
du possible ses activités quotidiennes.
Les muscles profonds
Les muscles jouent un rôle essentiel dans l’ensemble du corps. Ils nous pro-
tègent et nous permettent de fonctionner. Dans les grandes lignes, on peut
établir, pour les muscles dorsaux, une subdivision fonctionnelle entre les
muscles superciels, situés en surface, et les muscles plus profonds. Les
muscles plus volumineux, en surface, interviennent dans nos mouvements.
Plus petits, les muscles profonds, également appelés muscles segmentaires,
sont très proches de la colonne vertébrale. Ils protègent les diérents seg-
ments et ont un rôle stabilisateur.
Il a été démontré par l’Université de Gand que chez les personnes sourant
ponctuellement d’un épisode de mal de dos non spécique, il y a souvent
un dysfonctionnement au niveau des muscles profonds. Selon le Professeur
Danneels, la kiné peut aider : «Nous constatons que la qualité de ces muscles
a diminué et qu’ils fonctionnent moins bien. Heureusement, des solutions
existent. Grâce à une rééducation musculaire spécique, la perte de qualité
est réversible. On peut donc aider les patients présentant une douleur non
spécique en interagissant spéciquement avec ces muscles. Cest important
car nous espérons ainsi réduire le risque de récidive et éviter le passage à la
chronicité.»
LA KINÉSITHÉRAPIE
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Les maux de dos récurrents
La classication classique «douleur aiguë, subaiguë ou chronique» n’est
pas toujours optimale. Le Professeur Danneels, par exemple, est souvent
confronté à des cas inclassables : «Nous rencontrons régulièrement des pa-
tients qui présentent de temps en temps un épisode de mal de dos, en alter-
nance avec des périodes sans douleur. Ces patients n’appartiennent à aucun
groupe. S’agit-il d’une douleur subaig? Non, il s’agit plutôt d’une douleur
aigüe épisodique. Est-elle chronique ? Non, pas vraiment car ces patients
ne connaissent pas de périodes plus longues de douleur persistante. Ils pré-
sentent plutôt un épisode de temps en temps. En d’autres termes, ils font
partie du groupe des maux de dos répétés ou récurrents. Lexpérience nous
montre que ce schéma de douleur ne connaît généralement pas d’évolution
favorable, que les épisodes deviennent plus nombreux au l du temps et que
les périodes sans douleur se raccourcissent. On assiste souvent à un passage
vers la chronicité qui nécessite une autre prise en charge.»
La douleur est-elle un guide fiable ?
Actuellement, un groupe de recherche gantois dont fait partie le Professeur
Danneels s’intéresse à la diérence entre la récurrence et la chronicité du
mal de dos : «Nous nous focalisons surtout sur les diérences d’aspect des
muscles, mais aussi sur les aspects cérébraux et sur la perception de la dou-
leur. Une des principales diérences entre récurrence et chronicité est que
chez les personnes atteintes de douleur récurrente (et c’est valable aussi pour
le mal de dos aigu et subaigu), la douleur est un bon guide, tandis qu’en cas
de douleur chronique, elle ne l’est plus. Chez les patients qui sourent de
La vitamine D
Les vitamines sont des
substances indispensables au bon
fonctionnement de l’organisme.
Cependant, elles ne peuvent, à
elles seules, le faire fonctionner.
La vitamine D est essentielle à
la régulation du taux de calcium
et de phosphore ainsi qu’à la
croissance osseuse. La vitamine D
est liposoluble. Elle n’acquiert sa
forme active qu’après son passage
dans le foie et les reins. La lumière
du soleil joue un rôle important
dans l’activation de la vitamine D.
Une carence en vitamine D peut
résulter d’un apport insuffisant,
d’un manque d’exposition à la
lumière solaire, de pathologies
qui entravent l’assimilation ou
l’activation de la vitamine D
(affections du foie ou des reins).
Le médecin peut prescrire de
la vitamine D sous forme de
compléments. Cest d’ailleurs
souvent le cas chez les personnes
âgées.
LE MAL DE DOS
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douleurs chroniques, ce lien est souvent totalement perturbé car la douleur
n’est plus en lien direct avec une cause scique. Elle n’est donc plus un
guide able. Cette découverte est très importante.» Le Professeur Danneels
constate que par le passé, l’objectivité de la douleur a été mise en doute et
n’a pas toujours été prise très sérieusement en compte chez les patients aux
douleurs chroniques : «Certains ont même suggéré que la douleur était ‘dans
la tête’. Avec nos connaissances actuelles, nous pouvons conclure que cette
douleur n’est pas purement psychologique. Elle est le à une surstimula-
tion du centre de la douleur dans le cerveau, ce qui entraîne un trouble à ce
niveau. Il en résulte une perception anormale de la douleur.» Par conséquent,
la prise en charge d’un problème de dos chronique dière totalement de celle
d’un mal de dos aigu, subaigu ou récurrent. La prise en charge des douleurs
chroniques sera, dans la plupart des cas, idéalement multidisciplinaire d’
la prescription de séances de kiné.
«En réalité, nous devons tenir compte du fait qu’au stade chronique, la dou-
leur n’est plus un bon guide. Nous ne devons donc plus nous laisser guider
par la douleur pour élaborer la prise en charge de ces patients. Le traitement
va s’orienter, indépendamment de la douleur, vers la récupération fonction-
nelle. Nous essayons de coacher les patients aux maux de dos chroniques an
qu’ils reprennent une activité physique graduellement et de façon adaptée. Si
nous voulons traiter cette douleur chronique, elle ne doit pas nous paralyser.
Cela nous enfermerait dans un cercle vicieux où la douleur ne ferait qu’aug-
menter. Lobjectif de l’éducation à la douleur est de sensibiliser les gens aux
mécanismes d’apparition de la douleur chronique. Ensuite, nous essayons de
les emmener progressivement vers une thérapie bae sur des exercices sur
mesure dans laquelle l’aspect cognitif, avec compréhension des mécanismes
de la douleur, est très présent.»
Contrairement à la douleur chronique, la douleur
récurrente est un bon guide.
Le pouvoir de l’esprit
Laspect cognitif est très important. Le Professeur Danneels travaille beau-
coup par rapport à ça : «Imaginez une personne qui soure de mal de dos
chronique depuis dix ans et qui, pendant tout ce temps, a évité de se pen-
cher en avant par peur d’avoir mal. Dans une telle situation, nous essayons
d’inventorier les mouvements et activités qui stressent le patient. A l’étape
suivante, pour vaincre cette peur, le patient n’eectue pas encore le mou-
vement, mais nous lui demandons d’imaginer qu’il le fait. Ces techniques
sont également utilies dans le sport de haut niveau. Nous savons qu’elles
permettent d’installer, au niveau cérébral et au niveau de la coordination,
certaines choses qui préparent le terrain avant d’eectuer réellement le mou-
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