Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 Introduction Depuis la fin de l'année 2003, la fréquence des cas d'infection de volailles et d'oiseaux sur plusieurs continents par le virus A(H5N1) hautement pathogène de la grippe aviaire a accru le risque d'exposition de l'homme à ce virus et a entraîné un nombre croissant de cas de personnes infectées par celui-ci (1). En juin 2006, l'OMS a publié des recommandations sur la prise en charge pharmacologique des infections à virus A(H5N1) (2, 3). Dans le présent document, nous allons passer en revue les modalités des traitements pharmacologiques et symptomatiques couramment utilisés et donner des conseils sur la prise en charge des cas, sur la base des connaissances actuelles des infections à virus grippal A(H5N1) chez l'homme. Ces orientations reposent sur les informations recueillies dans diverses publications, ainsi que dans les rapports sur les cas d'infection à virus A(H5N1) dans les pays affectés qui ont été présentés à la première Consultation OMS sur les infections humaines à virus H5N1, à Hanoï (Viet Nam), en mai 2005 (4) et à la deuxième consultation OMS sur les aspects cliniques de l'infection humaine par le virus (H5N1) de la grippe aviaire à Antalya (Turquie), en mars 2007 (5). Le présent document remplace les Lignes directrices provisoires de l'OMS pour la prise en charge clinique des personnes infectées par la grippe A(H5N1), publiées en 2004, et constitue un supplément aux lignes directrices de l'OMS pour la prise en charge pharmacologique (2, 3). Un groupe de travail s'est réuni dans le cadre de la deuxième consultation de l'OMS afin de donner des avis et d'établir des normes pour la prise en charge clinique des personnes infectées par le virus A(H5N1). Il a rassemblé des experts des soins intensifs, de la médecine pulmonaire, des maladies infectieuses, de la pédiatrie, de la santé publique, ainsi que des cliniciens ayant eu directement l'expérience de traiter des patients infectés par le virus A(H5N1). À cause du manque de données sur les infections humaines par le virus A(H5N1), ils ont utilisé des données supplémentaires tirées de l'expérience des grippes saisonnières, de modèles animaux adaptés, d'autres infections respiratoires virales comme le SRAS et les syndromes associés, notamment le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) imputables à d'autres causes pour compléter la base des recommandations. Le présent avis s'applique à la situation actuelle de cas sporadiques d'infection humaine par le virus A(H5N1). Il sera modifié en fonction des nouvelles données qui seront connues ou si le profil épidémiologique devait évoluer.1 1 Veuillez consulter la page des publications OMS/EPR sur Internet pour y trouver les versions actualisées et de nouvelles publications : http://www.who.int/csr/resources/publications/en/index.html -1- Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 Considérations générales Jusqu'au mois d'août 2007 inclus, il y a eu dans le monde plus de 300 cas confirmés d'infection par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire. Pourtant, on sait relativement peu de choses sur cette maladie. L'insuffisance respiratoire est la principale complication chez les patients hospitalisés avec cette infection. Il n'existe pas de méthode standardisée de prise en charge clinique des personnes infectées par ce virus et, dans de nombreux cas, l'état des patients évolue rapidement vers un SDRA et une insuffisance polyviscérale. Le taux de létalité cumulé s'établit à 60 % environ (1). Il est fondamental de standardiser les soins cliniques et la prise en charge antivirale pour améliorer notre compréhension de l'évolution de la maladie et pour déterminer le traitement adapté. L'élaboration de recommandations fondées uniquement sur les rapports cliniques des cas d'infection humaine par le virus grippal A(H5N1) se heurte au problème de l'insuffisance des données actuellement dans le domaine public et à l'irrégularité de la collecte de ces données sur les personnes infectées. Il est essentiel de collaborer et d'échanger les données cliniques et thérapeutiques sur les patients infectés dans les différentes régions et pays pour améliorer nos connaissances sur cette maladie et peaufiner une prise en charge optimale des cas. On devrait dans toute la mesure du possible collecter par anticipation des données cliniques et des séries d'échantillons pour faire un suivi virologique afin de déterminer les effets des schémas thérapeutiques administrés. L'OMS peut contribuer à ces efforts. La notification à l'OMS des constatations cliniques et des issues des traitements l'aidera grandement dans son travail d'évaluation du risque et d'élaboration de lignes directrices pour la prise en charge. Nous joignons au présent document des projets de formulaires de notification élaborés pour aider les cliniciens (disponibles aussi sur www.who.int/csr/disease/avian_influenza/guidelines/clinicalmanage07/en/index.html), ainsi que les coordonnées pour les transmettre à l'OMS. Récapitulatif des conseils de prise en charge clinique L'oseltamivir reste le traitement antiviral de premier choix. Les données obtenues par l'observation des traitements à l'oseltamivir dans les premiers stades de la maladie donnent à penser qu'il est utile pour faire baisser la mortalité associée à l'infection par le virus A(H5N1). De plus, les informations établissant que le virus continue de se répliquer pendant une période prolongée impliquent que le traitement à l'oseltamivir se justifie aussi lorsque le patient se présente à un stade plus tardif. On peut envisager au cas par cas une posologie modifiée, jusqu'au double de la dose habituelle 1 , une plus longue durée du traitement et éventuellement une association avec l'amantadine ou la rimantadine (dans les pays où les virus A(H5N1) sont probablement sensibles aux adamantanes), notamment chez les patients ayant une pneumonie ou dont la maladie progresse. De préférence, cela doit être fait dans le cadre d'une collecte prospective des données. 1 C'est-à-dire 150 mg deux fois par jour pour les adultes. -2- Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 Il ne faut pas utiliser systématiquement les corticoïdes, mais on peut les envisager pour le choc septique avec insuffisance surrénalienne imposant l'administration de vasoconstricteurs1. En administration prolongée ou à forte dose, ils peuvent entraîner des effets indésirables graves chez les patients infectés par le virus A(H5N1), y compris des infections opportunistes. L'antibioprophylaxie n'est pas indiquée. Toutefois, en cas de pneumonie, il convient de donner une antibiothérapie initiale pour les pneumonies contractées dans la collectivité selon les directives publiées à ce sujet et en s'appuyant sur les bases factuelles. Quand la possibilité existe, on s'appuiera sur les résultats des analyses microbiologiques pour orienter l'utilisation des antibiotiques en cas de suspicion de co-infection bactérienne chez des patients infectés par le virus A(H5N1). Dans toute la mesure du possible, il faut contrôler la saturation en oxygène lorsque le malade se présente, puis régulièrement pendant toute la période des soins (oxymétrie de pouls, gaz du sang artériel par exemple) et l'on administrera de l'oxygène pour corriger une hypoxémie. Le traitement du SDRA associé au virus A(H5N1) doit s'appuyer sur les lignes directrices publiées à partir de bases factuelles pour les SDRA associés au syndrome septique et, plus spécifiquement, appliquer des stratégies de ventilation artificielle préservant la fonction pulmonaire. Tableau 1. Récapitulatif des modalités thérapeutiques de la prise en charge clinique des infections humaines par le virus A(H5N1). Recommandations Stratégies Antiviraux L'oseltamivir est le traitement de choix. Envisager une modification de la posologie (se reporter au texte). Antibiotique Traitement empirique2 pour les pneumonies contractées dans la communauté selon les directives publiées et en attendant les résultats de la microbiologie (2-3 jours par exemple) ; Oxygénothérapie Contrôle de la saturation en oxygène et maintien au-dessus de 90 % à l'aide d'une canule nasale ou d'un masque. Ventilation positive en pression Intervention précoce recommandée pour le SDRA. Utiliser une ventilation à faible pression, à faible courant pour protéger les poumons et éviter un barotraumatisme ; stratégie prudente d'apports liquidiens. Corticoïdes à faible dose En cas de choc septique réfractaire compliquant un SDRA par voie générale (ex. : 200 mg/jour d'hydrocortisone par voie intraveineuse en quatre doses (50 mg tous les 6 heures chez l'adulte). 1 Agent provoquant une vasoconstriction et qui maintient ou accroît la pression sanguine, ex. : norépinéphrine, epinephrine ou dopamine. 2 Antibiothérapie sur des bases factuelles contre l'agent pathogène le plus probable. -3- Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens), antipyrétiques Précautions antiinfectieuses Le paracétamol par voie orale ou rectale suffit en général dans la plupart des cas pour le traitement antipyrétique. Interventions DÉCONSEILLÉES Stratégies Monothérapie aux adamantanes Lorsqu'on dispose d'inhibiteurs de la neuramidinase, la monothérapie à l'amantadine ou à la rimantadine n'est pas recommandée. On envisagera leur emploi en association dans les régions où il est probable que le virus A(H5N1) est sensible (voir texte). Antibioprophylaxie1 Déconseillée Dès qu'il y a un risque d'aérosols infectieux, utiliser un appareil de protection respiratoire particulier (N95, FFP2 ou équivalent), une protection oculaire, des blouses, des gants et une salle assurant la protection contre les contaminations aériennes ou une salle à ventilation par aspiration. Ventilation non invasive Déconseillée en général (voir texte). en pression positive Corticoïdes par voie Les doses modérées à élevées n'offrent aucun avantage avéré et générale sont potentiellement nocives : ils sont déconseillés ; Salicylés Éviter l'administration de salicylés (comme l'aspirine ou les produits en contenant) chez les enfants et les jeunes (< 18 ans) à cause du risque de syndrome de Reye. Prise en charge des cas 1. Diagnostic Le diagnostic de l'infection par le virus grippal A(H5N1) doit entrer dans le diagnostic différentiel pour toute personne présentant une affection respiratoire fébrile aiguë dans les pays ou territoires où l'on a détecté que des virus grippaux A(H5N1) étaient à l'origine d'infections dans les populations animales. Il devrait être aussi évoqué pour toute personne ayant pu être exposée à des cas suspects ou confirmés d'infections par le virus A(H5N1) ou à des échantillons en contenant. Habituellement, les premiers signes ou symptômes ne sont pas spécifiques et il faut obtenir des antécédents détaillés d'exposition éventuelle : contact direct ou rapproché avec des volailles malades ou mortes, des oiseaux sauvages, d'autres personnes gravement malades, voyage dans une zone où le virus A(H5N1) est actif ou travail dans un laboratoire manipulant des échantillons pouvant contenir des virus A(H5N1) (6). 1 Administration d'antibiotiques pour éviter l'apparition d'une infection. -4- Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 En général, on ne recommande pas l'utilisation des tests rapides de dépistage de la grippe à faire sur place et disponibles dans le commerce pour le diagnostic individuel des patients. Les tests actuels sont peu sensibles en cas d'infection par un virus A(H5N1) : une réaction négative ne permet pas d'exclure la possibilité d'une infection humaine par des virus de la grippe aviaire (7) et un test positif ne fait pas la distinction avec d'autres virus grippaux. Les échantillons pour le diagnostic du virus H5N1 doivent être prélevés en suivant les recommandations de l'OMS (8) et testés dans un laboratoire reconnu qui a les moyens de diagnostiquer ces virus, comme les centres collaborateurs de l'OMS ou les laboratoires de référence pour les virus H5 (9). La collecte de plusieurs échantillons respiratoires (aspirations nasales, pharyngées, endotrachéales pour les patients intubés) sur un cas suspect d'infection à virus A(H5N1) doit être faite de préférence avant le début du traitement antiviral, mais elle ne doit pas retarder celui-ci. On peut aussi recueillir des échantillons respiratoires supplémentaires après le début du traitement. Il faut alerter immédiatement les autorités de la santé publique et les directions hospitalières. 2. Lieu des soins L'infection humaine par un virus A(H5N1) se manifeste souvent par une évolution rapide vers une pneumonie suivie d'insuffisance respiratoire pendant plusieurs jours. Dans tous les cas où elle est possible, l'hospitalisation au stade initial de la maladie est indiquée pour contrôler l'état clinique du patient, notamment son oxygénation. Lorsqu'il n'a plus besoin d'être hospitalisé, la poursuite des soins à domicile est une mesure raisonnable. On donnera alors à l'entourage toutes les instructions nécessaires sur les mesures d'hygiène personnelle et de lutte contre l'infection à prendre par la famille (pour plus de précisions, voir : Avian Influenza, Including Influenza A(H5N1), in Humans: WHO Interim Infection Control Guideline for Health Care Facilities et Infection prevention and control of epidemic- and pandemic-prone acute respiratory diseases in health care, WHO interim guidelines) (10, 11). On a détecté des virus infectieux dans les sécrétions respiratoires, mais aussi parfois dans le sang, les selles et d'autres liquides biologiques. Le suivi des malades sortis de l'hôpital sera assuré par des visites à domicile ou par téléphone afin de vérifier que l'état du patient ne se dégrade pas de nouveau et que les personnes à son contact restent en bonne santé. Il semble que la durée de réplication du virus A(H5N1) soit prolongée chez l'homme et l'on a établi qu'elle pouvait se poursuivre pendant 15 à 17 jours après l'apparition de la maladie (4, 12, 13). En l'absence de corticoïdes, l'excrétion de virus infectieux chez le sujet immunocompétent infecté par le virus A(H5N1) cesse probablement trois semaines après l'apparition de la maladie, mais il faudra de nouvelles données sur l'excrétion des virus pour le vérifier. 3. Traitement antiviral 3.1 Oseltamivir L'oseltamivir, disponible uniquement par voie orale, reste l'antiviral de choix pour le traitement des infections à virus A(H5N1) (2, 3). On n'a pas pour l'instant de données provenant d'essais cliniques contrôlés sur l'oseltamivir ou d'autres antiviraux pour le traitement des patients infectés par le virus A(H5N1). D'après quelques observations, il semblerait qu'on puisse associer une diminution de la mortalité à l'administration précoce d'oseltamivir (A Abdel-Ghafar, communication personnelle 2007) (14). En cas de suspicion d'infection par un virus A(H5N1), il est important que le patient reçoive le traitement le plus vite possible, sur la base de cette suspicion et avant la confirmation de l'étiologie. Une fois que l'on a commencé le traitement d'un -5- Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 cas suspect, on administrera le traitement complet de 5 jours, à moins qu'un autre diagnostic ne soit posé. Deux patients dont les tests initiaux avaient été négatifs pour le virus A(H5N1) et dont l'état avait semblé satisfaisant après seulement 3 jours de traitement à l'oseltamivir, ont développé plusieurs jours après l'arrêt du traitement une pneumonie associée au virus A(H5N1) confirmé en laboratoire (A Naghdaliyev, communication personnelle, 2007). Contrairement à la grippe saisonnière simple, le traitement à l'oseltamivir est indiqué aussi pour les patients se présentant à un stade tardif de l'infection à virus A(H5N1) en raison d'une durée de réplication plus longue (15). On observe avec l'infection à virus A(H5N1) une réplication virale plus élevée et plus longue qu'avec la grippe saisonnière (12,15) et l'on ne connaît pas encore le schéma thérapeutique optimal de l'oseltamivir à prescrire pour ce type d'infection. La posologie et la durée standardisées proviennent des études sur le traitement des patients ambulatoires atteint de grippe saisonnière simple. Chez l'adulte souffrant de ce type d'affection, une posologie augmentée (150 mg deux fois par jour) a été aussi bien tolérée que la posologie homologuée mais n'a apporté aucun avantage supplémentaire sur le plan clinique ou virologique (16, 17). Sur des modèles animaux d'infection à virus A(H5N1), on a établi que des posologies plus élevées et une administration plus longue d'oseltamivir (8 à 10 jours au lieu de 5) donnaient un meilleur contrôle de la réplication virale et amélioraient les résultats (18, 19). Toutefois, en l'absence de données provenant d'essais cliniques contrôlés, il est impossible de faire des recommandations définitives s'écartant du schéma classique d'administration de l'oseltamivir pour la grippe saisonnière et la durée du traitement antiviral devra donc se fonder sur l'évolution clinique du patient. Le maintien de la fièvre et une dégradation de l'état clinique pourraient indiquer une poursuite de la réplication virale, bien qu'il faille aussi évaluer les possibilités de surinfection bactérienne ou d'autres complications nosocomiales. Si l'on n'observe aucune amélioration de l'état clinique après un traitement standard de 5 jours, on peut prolonger de 5 jours l'administration d'oseltamivir. On a observé une évolution fatale de la maladie chez certains patients infectés par le virus A(H5N1) malgré une administration précoce de la posologie standard d'oseltamivir (de 1 à 3 jours après l'apparition de la maladie) et des virus résistants à l'oseltamivir sont apparus au moins chez un patient ayant reçu rapidement ce traitement (communications personnelles de N Duc Hien et A Abdel-Ghafar, 2007) (12). De plus, il y a des incertitudes sur la capacité des patients gravement atteints à absorber efficacement l'oseltamivir. Selon les informations limitées dont on dispose, il semblerait que l'apparition d'une résistance à l'oseltamivir au cours du traitement serait liée à la persistance de la réplication virale et le pronostic vital serait alors engagé (12). On ne sait pas actuellement si des doses plus élevées pourraient diminuer l'apparition des résistances. On envisagera d'augmenter la posologie au cas par cas, notamment si le patient se présente avec une pneumonie ou si la maladie s'aggrave sur le plan clinique. L'innocuité des doses plus élevées n'a pas été examinée chez l'enfant. Il faut étudier les risques éventuels et les avantages potentiels de ces doses chez l'enfant et l'on n'a pas encore clairement déterminé si l'oseltamivir pouvait avoir, même rarement, des effets neuropsychiatriques sévères chez l'adolescent (20, 21). Il semble que, chez l'adulte en bonne santé, l'oseltamivir soit absorbé efficacement au niveau de l'estomac ou de l'intestin grèle (22). Bien que son absorption et sa transformation en dérivé actif ne soient pas affectées en cas de grippe saisonnière simple, il y a des incertitudes sur sa biodisponibilité chez le patient gravement malade, qui présente souvent une stase gastrique, ou en cas de diarrhée et de dysfonctionnements digestifs associés à l'infection à virus A(H5N1). On ne dispose en particulier d'aucune donnée sur l'absorption des préparations orales d'oseltamivir administrées par sonde gastrique mise en place par le nez. Chez les patients à un stade critique et ayant une stase gastrique, on envisage de poser par voie nasale une sonde dans le jéjunum, mais -6- Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 cette procédure de haute technicité reste invasive et son utilité est incertaine. La collecte de plusieurs échantillons plasmatiques dans le temps1 (ou des résidus de plasma utilisé pour le suivi clinique de routine) pour un dosage ultérieur du carboxylate d'oseltamivir serait utile pour évaluer si l'absorption d'oseltamivir est suffisante chez les patients infectés par le virus A(H5N1) chez qui on suspecte un dysfonctionnement de l'appareil digestif2. 3.2 Autres agents antiviraux Inhibiteurs de la neuraminidase. On a peu d'informations sur l'utilité d'autres antiviraux pour le traitement de l'infection à virus A(H5N1). Bien que très actif in vitro sur des modèles d'infection chez l'animal, y compris en cas de virus A(H5N1) résistant à l'oseltamivir (23), l'application locale (par inhalation) de zanamivir n'a pas été étudiée pour cette infection chez l'homme. L'opportunité d'administrer des inhalations de zanamivir chez des patients ayant des atteintes sérieuses des voies respiratoires profondes ou des atteintes extra-pulmonaires soulève des questions majeures. On a utilisé des nébulisations de zanamivir sur un petit nombre de patients hospitalisés pour la grippe saisonnière. La tolérance a été correcte mais le bénéfice de ce geste reste incertain (24). Il faut respecter les précautions rigoureuses de lutte anti-infectieuse à l'hôpital pour administrer tout médicament en nébulisation à des patients infectés par le virus A(H5N1), afin d'éviter la transmission éventuelle du virus par le biais d'aérosols (10, 11). Des inhibiteurs expérimentaux, administrés par voie parentérale, en cours de développement clinique (par exemple le zanamivir ou le péramivir par voie intraveineuse) donnent des concentrations élevées en principe actif avec un système fiable d'administration. Au vu de leur activité sur les modèles d'infection à virus A(H5N1) chez l'animal, des effets inhibiteurs sur certaines variantes du virus résistantes à l'oseltamivir (25) et de leur bonne tolérance dans les études initiales chez l'homme (26, 27), le zanamivir et le péramivir par voie parentérale pourraient être une solution raisonnable de remplacement de l'oseltamivir par voie orale pour traiter l'infection humaine à A(H5N1), si ces médicaments sont disponibles et si ils sont homologués par les autorités nationales de réglementation. Adamantanes (amantadine et rimantadine). On a pu observer des effets cliniques bénéfiques avec les traitements précoces des patients à l'amantadine pour des infections à virus A(H5N1) sensible aux adamantanes à Hong Kong (RAS de Chine) en 1997 (2, 28). Toutefois, la monothérapie des grippes saisonnières avec ce médicament a été corrélée avec une fréquence élevée de résistances apparaissant rapidement et, au niveau mondial, la majorité des virus grippaux A(H3N2) et, désormais, certains virus A(H1N1) s'avèrent actuellement résistants aux adamantanes (29, 30). De plus, on a établi des résistances primaires pour de nombreux virus A(H5N1) isolés. Lorsqu'on dispose des inhibiteurs de la neuramidinase, la monothérapie à l'amantadine ou à la rimantadine est déconseillée. Traitement associé. Des études précliniques ont montré que l'association de l'oseltamivir aux adamantanes (amantadine or rimantadine) a renforcé l'activité antivirale, diminué l'apparition des résistances (31) dans un modèle d'infection par un virus A(H5N1) sensible à l'amantadine chez la souris, amélioré les effets antiviraux et augmenté la survie par rapport aux monothérapies (32), mais pas quand le virus contaminant est résistant aux adamantanes. Sur la base de ces 1 Il faut utiliser des tubes fluorure/oxalate (glycémie) pour les dosages du carboxylate d'oseltamivir (Lindegardh N et al. Importance of collection tube during clinical studies of oseltamivir. Antimicrobial Agents Chemotherapy, 2007, 5:1835–1836). 2 L'OMS peut aider à prendre les dispositions nécessaires pour les analyses de ces échantillons. -7- Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 observations et des zones où il est probable que les virus A(H5N1) sont sensibles aux adamantanes, on pourra envisager un traitement associant l'oseltamivir et un adamantane à la posologie standardisée, si le malade présente une pneumonie ou si la maladie progresse. Les isolats de virus appartenant au clade 1 (Cambodge, Thaïlande, Viet Nam) et la majorité de ceux du clade 2.1 (Indonésie) sont résistants à l'adamantane (A Klimov, communication personnelle, 2007). Le traitement associé sera donc envisagé quand il est probable que les souches en circulation (clade 2.2 and 2.3) sont sensibles aux adamantanes et, dans toute la mesure du possible, en collectant des séries d'échantillons respiratoires pour le suivi virologique. Immunothérapie. L'administration d'anticorps anti-H5N1 spécifiques sous la forme d'anticorps monoclonaux ou d'un sérum polyclonal (sérum de convalescent ou après vaccination) s'est avéré efficace sur les modèles d'infection chez l'animal (33, 34, 35). L'administration précoce de dérivés sanguins prélevés chez des convalescents pourrait avoir eu une certaine utilité thérapeutique chez les patients présentant une pneumonie au cours de la pandémie de 1918 (36). Deux patients infectés par le virus A(H5N1) ont été traités à la fois à l'oseltamivir et avec du plasma de convalescent extrait de patients ayant survécu (Z. Gao, communications personnelle 2007)(37). Si l'on y a recours, les interventions de ce type devraient être entreprises de préférence dans le cadre d'essais cliniques contrôlés, avec un suivi clinique et virologique rigoureux. 3.3 Suivi virologique On a établi un lien entre la diminution rapide de la charge en ARN viral A(H5N1) dans les voies respiratoires supérieures au cours du traitement et l'amélioration du pronostic, alors que la persistance de la réplication, parfois liée à l'apparition de résistances a été corrélée à des issues fatales (12). Il serait souhaitable d'avoir un suivi thérapeutique en temps réel de la réaction virologique par RT-PCR pour orienter le traitement mais, actuellement cette possibilité n'existe pas en routine. Lorsque c'est possible, on envisagera le prélèvement d'une série d'échantillons respiratoires (écouvillons pharyngés et, si possible, aspirations trachéales) pour la détection du virus A(H5N1) (avant le traitement, au jour 4–5 et au jour 7–8 après le début du traitement) pour analyser l'élimination ou la persistance du virus et la résistance aux antiviraux. S'il n'y a pas de laboratoire local pouvant faire ces analyses, les échantillons cliniques peuvent alors être envoyés à un laboratoire national agréé ou conservés pour une étude ultérieure par ce type de laboratoire ou dans un laboratoire de référence de l'OMS pour les virus H5. L'OMS peut apporter son aide1 au transport des échantillons et à leur identification dans un laboratoire compétent. Ces échantillons seront également utiles pour évaluer ultérieurement la sensibilité initiale aux antiviraux et l'apparition éventuelle de résistances. 4. Autres interventions pharmacologiques 4.1 Antibiotiques On trouve d'entrée des signes radiologiques de pneumonie chez la plupart des patients hospitalisés pour une infection à virus A(H5N1) mais, souvent, l'étiologie n'est pas évidente à ce moment-là. Le travail pour trouver l'étiologie des pneumonies contractées dans la communauté 1 Voir : http://www.who.int/csr/disease/avian_influenza/guidelines/labtestsMarch07web.pdf. -8- Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 pouvant prendre du temps, il est important de commencer un traitement empirique à l'aide d'antibiotiques et en suivant les dernières directives thérapeutiques nationales, internationales ou publiées par un groupe d'experts sur ce type d'affection (ex. : 38). Pour les patients devant être admis en soins intensifs, le traitement comprend en général l'association d'une bêta-lactamine (céfotaxime, ceftriaxone ou ampicilline-sulbactame) avec soit de l'azithromycine, soit une fluoroquinolone (38). On déconseille la monothérapie avec une fluoroquinolone pour ce type de patients. Le traitement doit être adapté en tenant compte des agents pathogènes probables et des profils locaux de sensibilité. Le diagnostic de ces pneumonies fait appel en général à l'hémoculture, la coloration de Gram et la culture des expectorations. D'autres analyses peuvent s'avérer nécessaires en fonction des étiologies locales et des antécédents d'exposition. Si les analyses de laboratoires ne révèlent pas de cause bactériologique à la pneumopathie et si le diagnostic d'infection à virus A(H5N1) est confirmé, on peut interrompre l'antibiothérapie empirique. Toutefois, l'administration préalable d'antibiotiques peut faire échouer les analyses microbiologiques et peser sur cette décision. Pour les patients chez qui on suspecte une infection à virus A(H5N1) sur la base d'éléments épidémiologiques et/ou cliniques, mais qui ont eu une recherche négative du virus A(H5N1) et des agents pathogènes de la pneumonie, on recommande de poursuivre le traitement pour ces deux éventualités en attendant de nouvelles analyses microbiologiques sur de nouveaux échantillons provenant des voies respiratoires supérieures et, si possible, inférieures (ex. : aspiration trachéale, expectorations ou, s'il est indiqué, lavage bronchoalvéolaire) (8). Les antibiotiques ne sont pas indiqués pour les cas atypiques présentant initialement de la fièvre et, de manière prédominante, des symptômes digestifs ou une encéphalopathie, avec manifestation ultérieure de pneumonie (39, 40) ou ceux qui ne présentent pas de pneumonie dans les premiers jours. L'antibioprophylaxie n'est pas indiquée chez les patients infectés par le virus A(H5N1) car elle n'a aucun effet bénéfique avéré, pourrait entraîner la sélection de bactéries résistantes et avoir des effets secondaires. Néanmoins, les infections par des virus grippaux, y compris le A(H5N1), et la respiration assistée peuvent prédisposer les patients à des complications bactériennes se manifestant par une dégradation de l'état clinique après une amélioration transitoire initiale, une fièvre prolongée et une évolution clinique réfractaire ou la modification des sécrétions respiratoires. L'état clinique doit tout d'abord faire suspecter ces complications et celles-ci doivent ensuite être confirmées après une coloration de Gram et une culture bactérienne des sécrétions respiratoires. Les antibiotiques choisis doivent couvrir les agents pathogènes probables, sur la base du profil étiologique local et de celui des sensibilités en incluant Staphylococcus, Streptococcus et les bactéries nosocomiales Gram-négatives. 4.2 Immunomodulateurs Corticoïdes par voie générale. On les a souvent utilisés pour traiter les atteintes pulmonaires aiguës et le SDRA dus à l'infection à virus A(H5N1), sans doute en raison de leur action antiinflammatoire et préventive de la fibrose (4, 41, 42, 43). Aucun avantage clinique n'a été cependant clairement observé et la plupart des patients infectés par ce virus et sous corticoïdes sont morts, malgré une notification incomplète, des variations dans les modalités d'administration (posologie et moment du traitement) et d'autres facteurs d'incertitude qui limitent l'interprétation de ces observations. Une petite étude randomisée sur quatre patients ayant reçu des corticoïdes au Viet Nam a établi qu'ils étaient tous morts (4). Aucune étude de ces principes actifs sur des -9- Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 modèles valables d'infection par le virus H5N1 chez l'animal n'a été publiée à ce jour. Par conséquent, les recommandations sur leur usage ne peuvent être que déduites des données et publications décrivant leur utilisation dans des syndromes voisins, comme le SDRA, le syndrome septique ou le SRAS. On a utilisé les corticoïdes dans le traitement d'autres maladies respiratoires virales. Malgré leur utilisation considérable, aucune information n'a fait apparaître clairement un effet bénéfique pour les patients atteints du SRAS (44) et une étude a montré que les patients ayant reçu de l'hydrocortisone en intraveineuse avaient des concentrations en ARN SARS-CoV plasmatique plus élevée à la deuxième et à la troisième semaine de la maladie que ceux à qui on avait administré un placebo pendant la première semaine (45). D'autres essais contrôlés randomisés ont associé aux corticoïdes un retard dans l'élimination des virus dans les cas d'infections à VRS1 ou à rhinovirus (46, 47, 48, 49). Ces études donnent à penser que l'utilisation prématurée des corticoïdes pourrait prolonger la réplication virale pour certaines maladies respiratoires. De plus, leur administration en cas de SRAS et d'autres affections a eu des effets indésirables comme des nécroses osseuses avasculaires et des psychoses (50, 51). De nombreux essais cliniques ont examiné l'efficacité des corticoïdes en prévention des atteintes pulmonaires aiguës et du SDRA indépendamment de l'infection à virus A(H5N1) (52, 53) et pour leur traitement au stade précoce et tardif (fibrose). On n'a constaté à ce jour aucun effet bénéfique pour la survie (54, 55). À haute dose, les corticoïdes accroissent les risques de surinfection (56, 57) et la mortalité qui en découle (52). Selon un essai récent mais réduit, un traitement à la méthylprednisolone à faible dose pourrait être bénéfique au début du SDRA, bien qu'on n'ait pas observé d'augmentation sensible de la survie sur le long terme (58). Toutes ces observations requièrent néanmoins d'être confirmées par des études sur un grand nombre de patients. Le Réseau SDRA du National Heart, Lung and Blood Institute (NHLBI)2 des Etats-Unis d'Amérique s'est penché récemment sur le rôle de la méthylprednisolone (MP) dans le traitement du SDRA pendant au moins 7 jours dans le cadre d'un essai randomisé contre placebo. Ce traitement a augmenté le nombre de journées passées sans respirateur, sans choc et en dehors du service des soins intensifs au cours du premier mois, mais on y a associé une augmentation de la mortalité à 60 et 180 jours chez les patients participant à l'essai pendant plus de 13 jours après le début du SDRA. Les patients sous MP ont eu une plus grande probabilité de revenir à la respiration assistée après extubation que ceux sous placebo et ils ont présenté une faiblesse neuromusculaire. Globalement, les informations disponibles ne plaident pas pour l'administration de la méthylprednisolone au stade précoce ou tardif du traitement des atteintes pulmonaires aiguës ou du SDRA (59). On a signalé des hypotensions et des chocs septiques chez les patients infectés par le virus A(H5N1) (42, 43). On a montré que les corticoïdes à haute dose n'avaient pas d'action bénéfique sur le choc septique sans relation avec l'infection à virus A(H5N1) (52, 60). Plusieurs études cependant ont signalé des insuffisances surrénaliennes relatives avec le choc septique, se définissant par une PSS3 < 90 mmHg malgré une réanimation liquidienne suffisante et l'apport de médicaments inotropes ou de vasoconstricteurs (61, 62, 63). Une analyse rétrospective d'une étude prospective a montré que des corticoïdes administrés à faible dose pendant 7 jours étaient corrélés à une diminution de la mortalité à 28 jours dans la sous-population des patients ayant un choc septique en début de SDRA et ne réagissant pas au test de stimulation par la corticotrophine, mais il n'y avait aucune différence pour ceux réagissant au test (61, 64). On envisagera donc des 1 Virus respiratoire syncytial Voir http://www.nhlbi.nih.gov/ 3 Pression sanguine systolique 2 - 10 - Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 doses de remplacement de corticoïdes (200 à 300 mg/jour d'équivalent hydrocortisone en plusieurs doses, souvent associée à 50 µg de fludrocortisone par jour chez l'adulte) pour le traitement du choc septique persistant chez les patients infectés par le virus A(H5N1). En résumé, l'administration de corticoïdes à haute dose dans le cas de pneumonies ou de SDRA liés au virus A(H5N1) n'offre aucun avantage particulier et risque même d'avoir des effets néfastes importants, notamment en terme d'immunosuppression entraînant un renforcement de la réplication du virus A(H5N1), de surinfections et d'effets secondaires au niveau de l'appareil locomoteur. Les stéroïdes à haute dose sont donc déconseillés pour le traitement de l'infection à virus A(H5N1). On peut envisager ce type de traitement à plus faible dose pour le choc septique réfractaire en suivant les principes actuels des meilleurs pratiques, mais on ignore s'il y a un effet bénéfique à attendre pour cette indication en pédiatrie. (65). Autres immunomodulateurs. On a associé l'infection à virus A(H5N1) à des taux plasmatiques élevés en cytokines pro-inflammatoires et en chémokines en corrélation avec les teneurs en virus dans les voies respiratoires supérieures (15). On a émis l'hypothèse que les lésions organiques, ainsi que la morbidité et la mortalité élevées observées avec cette maladie, seraient dues à ces réactions exagérées et déréglées de l'hôte. On a également invoqué le dérèglement des cytokines pour la pathogénie du syndrome septique et du choc septique (66, 67). Toutefois de nombreux immunomodulateurs, parmi lesquels les AINS1, l'hormone de croissance ou des principes anti TNF 2 , n'ont eu aucun effet bénéfique avéré dans le traitement du syndrome septique. Actuellement, aucune donnée chez l'homme ou sur des modèles animaux valables ne confirme l'utilité de ces agents pour traiter les infections à virus A(H5N1). Les statines sont en cours d'évaluation pour le traitement du syndrome septique mais on n'a obtenu actuellement aucune donnée convaincante d'une action bénéfique dans le traitement des pneumonies contractées dans la communauté (68). Il n'existe pas de données obtenues avec des essais cliniques contrôlés des immunomodulateurs dans le traitement de l'infection à virus A(H5N1). On déconseille donc l'administration des immunomodulateurs dont l'utilité n'a pas été prouvée. Il faudra par conséquent étudier l'efficacité de ces interventions après que des études précliniques aient clairement établi leur utilité potentielle et leur innocuité dans le cadre d'essais cliniques menés avec rigueur. On utilise souvent les antipyrétiques et les antalgiques pour réduire la fièvre, les myalgies et les arthralgies chez les patients infectés par le virus A(H5N1). L'aspirine (acide acétylsalicylique) ou les produits contenant des salicylés ne doivent pas être administrés en cas de suspicion de grippe ou d'infection à virus A(H5N1) à des patients de moins de 18 ans à cause du risque de syndrome de Reye (voir le tableau 1). 4.3 Hémophagocytose et immunoglobulines par voie intraveineuse Plusieurs autopsies ont révélé des hémophagocytoses réactionnelles dans les cas mortels d'infection à virus A(H5N1) (69, 70) et l'on a proposé l'étoposide, un agent cytotoxique, pour traiter ces infections en cas de complication par une lymphohistiocytose hémophagocytaire (71). On ne connaît pas encore très bien l'importance de l'hémophagocytose pour le pronostic des patients infectés par le virus A(H5N1). Les critères de diagnostic sont la fièvre, une splénomégalie, une bicytopénie, une hypertriglycéridémie, une hypofibrinogénémie, une hémophagocytose dans la moelle osseuse, la rate ou les ganglions lymphatiques, une activité 1 2 Anti-inflammatoire non stéroïdien comme le paracétamol ou l'ibuprofène. Facteur de nécrose tumoral - 11 - Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 faible ou inexistante des cellules NK, une hyperferritinémie et un accroissement de la concentration en CD25 solubles (72). Il faut retrouver tous ces critères avant d'entreprendre un traitement empirique. Dans le cas d'une infection à virus A(H5N1) compliquée par une hémophagocytose objectivée, on envisagera dans les options thérapeutiques l'administration d'immunoglobulines par voie intraveineuse (ivIG) (si disponibles). Il est toutefois important d'envisager et de surveiller d'éventuelles complications de cette intervention, comme un dysfonctionnement rénal et des thromboses vasculaires (73, 74, 75). Au vu des risques potentiels, il ne faudra avoir recours à des immunosuppresseurs plus énergiques pour l'hémophagocytose liée au virus A(H5N1) qu'après consultation approfondie avec des spécialistes de l'hématologie. 5. Traitement de soutien pour les patients dans un état critique Les infections à virus grippal A(H5N1) entraînent souvent une insuffisance respiratoire sévère évoluant rapidement et il est donc important d'instaurer un traitement de soutien pour ceux qui ont une atteinte pulmonaire aiguë ou un SDRA. Une insuffisance polyviscérale apparaît aussi chez de nombreux patients et une grande proportion d'entre eux a besoin d'interventions énergiques pour soutenir les fonctions organiques. Le traitement de soutien comprend une oxygénation efficace en temps opportun, tout en réduisant le plus possible les risque de barotraumatisme, une alimentation entérale suffisante, la prévention et le traitement rapide des infections nosocomiales, la prévention des thromboses veineuses profondes et des hémorragies digestives et de bons soins infirmiers. Nombre de ces aspects ont été récapitulés dans les lignes directrices qui ont été publiées pour la prise en charge des patients présentant un syndrome septique ou un choc septique (ex. : Surviving Sepsis Campaign (76) ; principes publiés en 2004 (65) et en cours de réactualisation). 5.1 Oxygénothérapie L'apport en oxygène est essentiel pour prendre en charge avec succès les cas modérés à graves d'infections à virus A(H5N1). Il est important de reconnaître et de traiter rapidement l'hypoxémie afin d'en éviter les conséquences et d'améliorer l'issue clinique. Dans toute la mesure du possible, on utilisera l'oxymétrie de pouls pour l'évaluation initiale des patients lorsqu'ils se présentent, suivie ensuite de mesures en série de la saturation en oxygène. Lorsque le contrôle de la saturation en oxygène n'est pas possible, on instaurera l'oxygénothérapie pour les patients infectés par le virus A(H5N1) qui présentent des signes cliniques de détresse respiratoire, parmi lesquels une augmentation de la fréquence respiratoire (en fonction de l'âge) ou une altération de la conscience (ex. : somnolence ou agitation). Il faut faire particulièrement attention aux signes précoces d'hypoxie chez l'enfant. Lorsqu'on peut contrôler la saturation en oxygène, celle-ci doit être maintenue au-dessus de 90 %. Les canules nasales ne permettent pas des débits élevés d'oxygène et ne sont efficaces que pour la prise en charge d'hypoxémies modérées. En cas d'hypoxémie grave, le débit élevé d'oxygène nécessaire (par ex. 10 litres par minute) est délivré par des masques. Il arrive pour certains patients que l'observance soit difficile, ce qui impose au personnel infirmier (et aux parents des enfants) d'être très attentifs. Le rendement des générateurs d'oxygène peut varier en concentration et en débit et ne pas être suffisant pour corriger une hypoxémie sévère. Lorsqu'il n'y a pas d'alimentation directe en oxygène dans les salles de soins, il faut prévoir l'approvisionnement en grandes bouteilles. L'OMS a inscrit l'oxygène dans la liste des médicaments essentiels depuis 1979 mais il reste rare dans certains pays. À défaut d'oxygène médical, on peut avoir recours à de - 12 - Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 l'oxygène industriel (délivré par des masques), dans la mesure où il est conforme aux directives nationales (77) . 5.2 Ventilation assistée Ventilation non invasive en pression positive (VNIPP). C'est une option validée actuellement en cas d'exacerbation aiguë d'une BPCO1 et d'œdème cardiopulmonaire et on la propose comme stratégie de relais pour les patients présentant une atteinte pulmonaire aiguë sans instabilité hémodynamique. Toutefois on ne peut pas recommander en routine l'instauration de la VNIPP par voie nasale ou par masque chez les patients présentant une insuffisance respiratoire due à l'infection à virus A(H5N1) en raison de la fréquence élevée des SDRA et du fait que l'instabilité hémodynamique et l'insuffisance polyviscérale sont des contre-indications. De plus, cette stratégie entraîne un risque accru de générer des aérosols potentiellement infectieux (voir section 7.1). On a instauré la VNIPP pour deux cas d'infection humaine par le virus A(H5N1), à titre de mesure temporaire pour des insuffisances respiratoires. Elle n'a pas provoqué d'infections nosocomiales, mais il a fallu ensuite passer à une procédure invasive de ventilation mécanique assistée (70, 78). Si les cliniciens décident d'instaurer une VNIPP et si l'état clinique ne s'améliore pas dans les deux heures ou si l'on n'arrive pas à obtenir un niveau d'oxygénation satisfaisant, il faut alors passer à une procédure invasive de ventilation en pression positive dès que possible (voir ci-dessous). Ventilation invasive en pression positive. C'est la procédure retenue de préférence pour la ventilation assistée des patients infectés par le virus A(H5N1) et présentant la complication du SDRA. Dans ce cas, les indications sont les mêmes que pour les autres causes de pneumopathie. Les patients dans un état critique requérant une ventilation invasive en pression positive doivent être transférés dans un établissement pouvant assurer les soins en rapport avec leur état. Il est important de dispenser au personnel soignant une formation suffisante pour la prise en charge des patients présentant une insuffisance respiratoire et polyviscérale, ainsi que pour l'application des techniques de protection individuelle du personnel et des parents des malades. On a montré qu'une ventilation à faible débit et à faible pression dans les cas d'infections virales autres que le A(H5N1) associées à un SDRA diminuait la mortalité (79). Une ventilation préservant la fonction pulmonaire suppose de réduire autant que possible le volume courant (objectif d'un maximum de 6 ml/kg, en fonction du poids corporel estimé) pour maintenir la pression de plateau en dessous de 30 cm H2O. La fréquence respiratoire doit être ajustée pour limiter la gravité de l'acidose respiratoire et ne pas viser une pression partielle spécifique en dioxyde de carbone artériel (PaCO2). L'oxygénation artérielle pourrait avoir pour objectif valable de parvenir à une saturation (SaO2 établie par oxymétrie de pouls) > 88 % ou une pression partielle de l'oxygène artériel (PaO2) > 55 mmHg (7,3 kPa), obtenue à l'aide de la fraction inspirée en oxygène (FiO2) nécessaire, quelle que soit sa valeur et une pression positive en fin d'expiration (PEEP) suffisante pour mobiliser les alvéoles atélectasiques. Rien n'indique que l'inspiration d'oxygène à forte concentration ait eu des effets toxiques pour ces patients. Il semble qu'on observe une forte incidence du pneumothorax chez les patients infectés par le virus A(H5N1) à un stade critique (80) et le barotraumatisme est une source particulière d'inquiétude lorsqu'on instaure une procédure de ventilation invasive en pression positive et à volume élevé. Il n'a pas été prouvé que la mobilisation des poumons et le niveau de la pression 1 Bronchopneumopathie chronique obstructive - 13 - Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 positive en fin d'expiration altéraient l'issue clinique en cas de SDRA associé à une infection par un virus autre que le A(H5N1) (81, 82, 83). De même qu'il n'y a pas de méthode standardisée de mobilisation des poumons pour la prise en charge du SDRA, on ne peut pas faire non plus de recommandations générales pour ce type d'intervention dans le cas des patients présentant un SDRA en rapport avec le virus grippal A(H5N1). Si ces stratégies peuvent jouer un rôle au niveau individuel pour les patients, le médecin traitant devra juger de la situation au cas par cas, en gardant à l'esprit l'hétérogénéité de l'évolution de la maladie dans les différentes parties des poumons. 5.3 Autres traitements pour les atteintes pulmonaires aiguës et pour les SDRA Dans les premières phases du syndrome septique sévère ou du choc septique, les meilleures pratiques actuelles (64,75) consistent à instaurer une réanimation liquidienne active et un traitement de soutien précoce des fonctions organiques en ciblant les mesures sur une apport suffisant en oxygène (84). Toutefois, chez les patients développant des atteintes pulmonaires aiguës ou des SDRA, une stratégie prudente pour les apports liquidiens pourrait augmenter le nombre de jours sans respiration assistée et améliorer l'oxygénation, par rapport à une stratégie plus libérale bien que, dans le cadre d'un vaste essai, la mortalité moyenne n'ait pas changé (85). Le traitement par l'albumine et le furosémide pourrait améliorer les dosages physiologiques de la fonction pulmonaire dans le sous-groupe des patients en hypoprotéinémie ayant une atteinte pulmonaire, mais nous manquons de données sur l'issue clinique (86). Plusieurs traitements pharmacologiques, comme les surfactants (sauf peut-être chez les enfants ayant une atteinte pulmonaire aiguë (87)), les inhibiteurs de la phosphodiestérase et l'oxyde nitrique, se sont révélés inefficaces pour améliorer l'issue des SDRA (88). Des études sur d'autres traitements potentiels novateurs, protéine C activée et élimination du liquide alvéolaire à l'aide de bêta-agonistes, sont en cours (88), de même que des études sur des traitements à but précis pour le syndrome septique. Même s'il n'est pas certain que les résultats de ces études puissent s'appliquer directement à l'infection à virus A(H5N1), ils peuvent faire penser à des interventions susceptibles d'avoir des effets bénéfiques et permettre de déterminer celles dont l'utilité est improbable. En attendant d'avoir ces données, on recommande de s'abstenir d'administrer des principes actifs dont l'utilité n'a pas été prouvée pour traiter l'infection à virus A(H5N1). 6. Considérations particulières On a une expérience limitée du traitement des patients infectés par le virus A(H5N1) et immunodéficients, en cas d'infection par le VIH ou de grossesse par exemple. Sur six femmes enceintes dont l'infection par le virus A(H5N1) a été confirmée, quatre sont mortes. L'une d'entre elles a reçu des corticoïdes mais pas d'antiviraux et les deux survivantes ont fait des fausses couches (J Gu, A Abdel-Ghafar, et J Farrar, communications personnelles, 2007) (78). Il faut administrer le traitement antiviral aux femmes enceintes (2, 3) et le traitement symptomatique qui convient. - 14 - Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 7. Lutte anti-infectieuse/unités d'isolement Tous les soignants en contact direct ou rapproché1 avec un cas suspect ou confirmé d'infection à virus A(H5N1) doivent prendre les mesures de précaution nécessaires2. Pour les procédures sur ces patients susceptibles de produire des aérosols, les soignants doivent porter une protection oculaire, des blouses, des gants et des appareils respiratoires à particules au moins aussi efficace que le N95 certifié par le NIOSH ou le FFP2 certifié par l'UE. De plus, ces gestes doivent être effectués dans une salle où les précautions contre les infections véhiculées par l'air sont prises (ventilation mécanique ou naturelle, avec au moins 12 renouvellements par heure de l'air ambiant et une circulation d'air sécurisée), dans une salle simple bien aérée ou dans une salle ventilée par aspiration si ce dispositif existe. 7.1 Précautions spéciales à prendre pour la ventilation assistée Des études antérieures ont donné à penser que l'intubation endotrachéale et peut-être aussi la VNIPP et l'oxygénothérapie étaient des facteurs de risque pour la transmission nosocomiale du SRAS bien que l'utilisation non systématique des équipements de protection individuels soit une variable de confusion dans ces études (89, 90, 91). L'administration d'oxygène par un masque peut également contribuer à la dispersion d'aérosols potentiellement infectieux (92, 93). Les masques à oxygène avec un orifice expiratoire et un filtre HEPA permettent de réduire la production d'aérosol (94). On peut modifier un appareil respiratoire N95 en lui ajoutant un distributeur d'oxygène constitué d'une soupape d'inspiration à sens unique, d'une arrivée et d'un réservoir d'oxygène. L'appareil ainsi modifié peut délivrer à l'inspiration de fortes concentrations d'oxygène équivalentes pour le patient à un masque sans ré-inspiration, tout en maintenant les capacités de filtration et d'isolement (95). Lorsqu'ils sont disponibles, il faudrait fixer des filtres HEPA sur les orifices expiratoires des respirateurs et un système fermé d'aspiration trachéale pour aspirer les sécrétions respiratoires et réduire la production et la propagation d'aérosols infectieux. Pour réduire le plus possible le risque d'infections nosocomiales, il est important de maintenir une aération suffisante des locaux pendant l'oxygénothérapie ou la VNIPP. Pour cette dernière, on recommande dans toute la mesure du possible un système fermé avec casque et orifice respiratoire muni d'un filtre HEPA. 1 À moins d'un mètre de distance Pour plus d'informations voir : Avian Influenza, Including Influenza A(H5N1), in Humans: WHO Interim Infection Control Guideline for Health care Facilities. (http://www.who.int/csr/disease/avian_influenza/guidelines/infectioncontrol1/en/index.html) 2 - 15 - Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire Avis actualisé au 15 août 2007 Références 1. Organisation mondiale de la Santé. Le point sur la grippe aviaire A(H5N1) chez l’homme : cas confirmés par l’OMS, 25 novembre 2003 – 24 novembre 2006. Relevé épidémiologique hebdomadaire, 2007, 82:41–48. 2. Organisation mondiale de la Santé. WHO Rapid Advice Guidelines on pharmacological management of humans infected with avian influenza A (H5N1) virus. 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Simon Mardel Leicester Royal Infirmary, Leicester, United Royaume-Uni Nikki Shindo Programme mondial OMS de lutte contre la grippe, Genève (Suisse) (Secrétariat de la Consultation) Herbert Wiedemann Cleveland Clinic, Ohio, Etats-Unis d'Amérique Critiques externes Abdel-Nasser AbdelGhafar Menno de Jong Ministère de la Santé et de la Population, Le Caire (Égypte) Jeremy Farrar Oxford University Clinical Research Unit, Ho Chi Minh Ville (Viet Nam) Elena Govorkova St. Jude Children’s Research Hospital, Tennessee (Etats-Unis d'Amérique) Peter Horby Oxford University Clinical Research Unit, National Institute for Infectious and Tropical Diseases, Hanoï (Viet Nam) Arnold Monto University of Michigan School of Public Health, Michigan (Etats-Unis d'Amérique) Angus Nicoll Centre européen de lutte contre la maladie, Stockholm (Suède) Hitoshi Oshitani Université Tohoku, Sendai (Japon) Masato Tashiro Institut national des Maladies infectieuses, Tokyo (Japon) Tim Uyeki Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta (Etats-Unis d'Amérique) Robert Webster St. Jude Children’s Research Hospital, Tennessee (Etats-Unis d'Amérique) KY Yuen University of Hong Kong, Hong Kong SAR (Chine) Oxford University Clinical Research Unit, Ho Chi Minh Ville (Viet Nam) - 23 -