Prise en charge clinique de l`infection humaine par le virus A(H5N1

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Prise en charge clinique de l'infection humaine par le virus
A(H5N1) de la grippe aviaire
Avis actualisé au 15 août 2007
Introduction
Depuis la fin de l'année 2003, la fréquence des cas d'infection de volailles et d'oiseaux sur
plusieurs continents par le virus A(H5N1) hautement pathogène de la grippe aviaire a accru le
risque d'exposition de l'homme à ce virus et a entraîné un nombre croissant de cas de personnes
infectées par celui-ci (1). En juin 2006, l'OMS a publié des recommandations sur la prise en
charge pharmacologique des infections à virus A(H5N1) (2, 3). Dans le présent document, nous
allons passer en revue les modalités des traitements pharmacologiques et symptomatiques
couramment utilisés et donner des conseils sur la prise en charge des cas, sur la base des
connaissances actuelles des infections à virus grippal A(H5N1) chez l'homme. Ces orientations
reposent sur les informations recueillies dans diverses publications, ainsi que dans les rapports sur
les cas d'infection à virus A(H5N1) dans les pays affectés qui ont été présentés à la première
Consultation OMS sur les infections humaines à virus H5N1, à Hanoï (Viet Nam), en mai 2005
(4) et à la deuxième consultation OMS sur les aspects cliniques de l'infection humaine par le
virus (H5N1) de la grippe aviaire à Antalya (Turquie), en mars 2007 (5).
Le présent document remplace les Lignes directrices provisoires de l'OMS pour la prise en
charge clinique des personnes infectées par la grippe A(H5N1), publiées en 2004, et constitue un
supplément aux lignes directrices de l'OMS pour la prise en charge pharmacologique (2, 3).
Un groupe de travail s'est réuni dans le cadre de la deuxième consultation de l'OMS afin de
donner des avis et d'établir des normes pour la prise en charge clinique des personnes infectées
par le virus A(H5N1). Il a rassemblé des experts des soins intensifs, de la médecine pulmonaire,
des maladies infectieuses, de la pédiatrie, de la santé publique, ainsi que des cliniciens ayant eu
directement l'expérience de traiter des patients infectés par le virus A(H5N1). À cause du
manque de données sur les infections humaines par le virus A(H5N1), ils ont utilisé des données
supplémentaires tirées de l'expérience des grippes saisonnières, de modèles animaux adaptés,
d'autres infections respiratoires virales comme le SRAS et les syndromes associés, notamment le
syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) imputables à d'autres causes pour compléter la
base des recommandations.
Le présent avis s'applique à la situation actuelle de cas sporadiques d'infection humaine par le
virus A(H5N1). Il sera modifié en fonction des nouvelles données qui seront connues ou si le
profil épidémiologique devait évoluer.1
1 Veuillez consulter la page des publications OMS/EPR sur Internet pour y trouver les versions actualisées et de
nouvelles publications : http://www.who.int/csr/resources/publications/en/index.html
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Considérations générales
Jusqu'au mois d'août 2007 inclus, il y a eu dans le monde plus de 300 cas confirmés d'infection
par le virus A(H5N1) de la grippe aviaire. Pourtant, on sait relativement peu de choses sur cette
maladie. L'insuffisance respiratoire est la principale complication chez les patients hospitalisés
avec cette infection. Il n'existe pas de méthode standardisée de prise en charge clinique des
personnes infectées par ce virus et, dans de nombreux cas, l'état des patients évolue rapidement
vers un SDRA et une insuffisance polyviscérale. Le taux de létalité cumulé s'établit à 60 %
environ (1).
Il est fondamental de standardiser les soins cliniques et la prise en charge antivirale pour
améliorer notre compréhension de l'évolution de la maladie et pour déterminer le traitement
adapté. L'élaboration de recommandations fondées uniquement sur les rapports cliniques des cas
d'infection humaine par le virus grippal A(H5N1) se heurte au problème de l'insuffisance des
données actuellement dans le domaine public et à l'irrégularité de la collecte de ces données sur
les personnes infectées.
Il est essentiel de collaborer et d'échanger les données cliniques et thérapeutiques sur les patients
infectés dans les différentes régions et pays pour améliorer nos connaissances sur cette maladie et
peaufiner une prise en charge optimale des cas. On devrait dans toute la mesure du possible
collecter par anticipation des données cliniques et des séries d'échantillons pour faire un suivi
virologique afin de déterminer les effets des schémas thérapeutiques administrés. L'OMS peut
contribuer à ces efforts. La notification à l'OMS des constatations cliniques et des issues des
traitements l'aidera grandement dans son travail d'évaluation du risque et d'élaboration de lignes
directrices pour la prise en charge. Nous joignons au présent document des projets de formulaires
de notification élaborés pour aider les cliniciens (disponibles aussi sur
www.who.int/csr/disease/avian_influenza/guidelines/clinicalmanage07/en/index.html), ainsi que
les coordonnées pour les transmettre à l'OMS.
Récapitulatif des conseils de prise en charge clinique
L'oseltamivir reste le traitement antiviral de premier choix. Les données obtenues par
l'observation des traitements à l'oseltamivir dans les premiers stades de la maladie donnent à
penser qu'il est utile pour faire baisser la mortalité associée à l'infection par le virus A(H5N1).
De plus, les informations établissant que le virus continue de se répliquer pendant une période
prolongée impliquent que le traitement à l'oseltamivir se justifie aussi lorsque le patient se
présente à un stade plus tardif.
On peut envisager au cas par cas une posologie modifiée, jusqu'au double de la dose
habituelle1, une plus longue durée du traitement et éventuellement une association avec
l'amantadine ou la rimantadine (dans les pays où les virus A(H5N1) sont probablement
sensibles aux adamantanes), notamment chez les patients ayant une pneumonie ou dont la
maladie progresse. De préférence, cela doit être fait dans le cadre d'une collecte prospective
des données.
1 C'est-à-dire 150 mg deux fois par jour pour les adultes.
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Il ne faut pas utiliser systématiquement les corticoïdes, mais on peut les envisager pour le
choc septique avec insuffisance surrénalienne imposant l'administration de vasoconstricteurs1.
En administration prolongée ou à forte dose, ils peuvent entraîner des effets indésirables
graves chez les patients infectés par le virus A(H5N1), y compris des infections opportunistes.
L'antibioprophylaxie n'est pas indiquée. Toutefois, en cas de pneumonie, il convient de
donner une antibiothérapie initiale pour les pneumonies contractées dans la collectivité selon
les directives publiées à ce sujet et en s'appuyant sur les bases factuelles. Quand la possibilité
existe, on s'appuiera sur les résultats des analyses microbiologiques pour orienter l'utilisation
des antibiotiques en cas de suspicion de co-infection bactérienne chez des patients infectés
par le virus A(H5N1).
Dans toute la mesure du possible, il faut contrôler la saturation en oxygène lorsque le malade
se présente, puis régulièrement pendant toute la période des soins (oxymétrie de pouls, gaz du
sang artériel par exemple) et l'on administrera de l'oxygène pour corriger une hypoxémie.
Le traitement du SDRA associé au virus A(H5N1) doit s'appuyer sur les lignes directrices
publiées à partir de bases factuelles pour les SDRA associés au syndrome septique et, plus
spécifiquement, appliquer des stratégies de ventilation artificielle préservant la fonction
pulmonaire.
Tableau 1. Récapitulatif des modalités thérapeutiques de la prise en charge clinique des
infections humaines par le virus A(H5N1).
Recommandations Stratégies
Antiviraux L'oseltamivir est le traitement de choix. Envisager une
modification de la posologie (se reporter au texte).
Antibiotique Traitement empirique2 pour les pneumonies contractées dans la
communauté selon les directives publiées et en attendant les
résultats de la microbiologie (2-3 jours par exemple) ;
Oxygénothérapie Contrôle de la saturation en oxygène et maintien au-dessus de
90 % à l'aide d'une canule nasale ou d'un masque.
Ventilation en pression
positive Intervention précoce recommandée pour le SDRA. Utiliser une
ventilation à faible pression, à faible courant pour protéger les
poumons et éviter un barotraumatisme ; stratégie prudente
d'apports liquidiens.
Corticoïdes à faible dose
par voie générale
En cas de choc septique réfractaire compliquant un SDRA
(ex. : 200 mg/jour d'hydrocortisone par voie intraveineuse en
quatre doses (50 mg tous les 6 heures chez l'adulte).
1 Agent provoquant une vasoconstriction et qui maintient ou accroît la pression sanguine, ex. : norépinéphrine,
epinephrine ou dopamine.
2 Antibiothérapie sur des bases factuelles contre l'agent pathogène le plus probable.
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AINS (anti-inflammatoires
non stéroïdiens),
antipyrétiques
Le paracétamol par voie orale ou rectale suffit en général dans
la plupart des cas pour le traitement antipyrétique.
Précautions anti-
infectieuses Dès qu'il y a un risque d'aérosols infectieux, utiliser un appareil
de protection respiratoire particulier (N95, FFP2 ou
équivalent), une protection oculaire, des blouses, des gants et
une salle assurant la protection contre les contaminations
aériennes ou une salle à ventilation par aspiration.
Interventions
DÉCONSEILLÉES Stratégies
Monothérapie aux
adamantanes Lorsqu'on dispose d'inhibiteurs de la neuramidinase, la
monothérapie à l'amantadine ou à la rimantadine n'est pas
recommandée. On envisagera leur emploi en association dans
les régions où il est probable que le virus A(H5N1) est sensible
(voir texte).
Antibioprophylaxie1 Déconseillée
Ventilation non invasive
en pression positive Déconseillée en général (voir texte).
Corticoïdes par voie
générale
Les doses modérées à élevées n'offrent aucun avantage avéré et
sont potentiellement nocives : ils sont déconseillés ;
Salicylés Éviter l'administration de salicylés (comme l'aspirine ou les
produits en contenant) chez les enfants et les jeunes (< 18 ans)
à cause du risque de syndrome de Reye.
Prise en charge des cas
1. Diagnostic
Le diagnostic de l'infection par le virus grippal A(H5N1) doit entrer dans le diagnostic
différentiel pour toute personne présentant une affection respiratoire fébrile aiguë dans les pays
ou territoires où l'on a détecté que des virus grippaux A(H5N1) étaient à l'origine d'infections
dans les populations animales. Il devrait être aussi évoqué pour toute personne ayant pu être
exposée à des cas suspects ou confirmés d'infections par le virus A(H5N1) ou à des échantillons
en contenant. Habituellement, les premiers signes ou symptômes ne sont pas spécifiques et il faut
obtenir des antécédents détaillés d'exposition éventuelle : contact direct ou rapproché avec des
volailles malades ou mortes, des oiseaux sauvages, d'autres personnes gravement malades,
voyage dans une zone où le virus A(H5N1) est actif ou travail dans un laboratoire manipulant des
échantillons pouvant contenir des virus A(H5N1) (6).
1 Administration d'antibiotiques pour éviter l'apparition d'une infection.
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En général, on ne recommande pas l'utilisation des tests rapides de dépistage de la grippe à faire
sur place et disponibles dans le commerce pour le diagnostic individuel des patients. Les tests
actuels sont peu sensibles en cas d'infection par un virus A(H5N1) : une réaction négative ne
permet pas d'exclure la possibilité d'une infection humaine par des virus de la grippe aviaire (7) et
un test positif ne fait pas la distinction avec d'autres virus grippaux. Les échantillons pour le
diagnostic du virus H5N1 doivent être prélevés en suivant les recommandations de l'OMS (8) et
testés dans un laboratoire reconnu qui a les moyens de diagnostiquer ces virus, comme les centres
collaborateurs de l'OMS ou les laboratoires de référence pour les virus H5 (9). La collecte de
plusieurs échantillons respiratoires (aspirations nasales, pharyngées, endotrachéales pour les
patients intubés) sur un cas suspect d'infection à virus A(H5N1) doit être faite de préférence avant
le début du traitement antiviral, mais elle ne doit pas retarder celui-ci. On peut aussi recueillir des
échantillons respiratoires supplémentaires après le début du traitement. Il faut alerter
immédiatement les autorités de la santé publique et les directions hospitalières.
2. Lieu des soins
L'infection humaine par un virus A(H5N1) se manifeste souvent par une évolution rapide vers
une pneumonie suivie d'insuffisance respiratoire pendant plusieurs jours. Dans tous les cas où elle
est possible, l'hospitalisation au stade initial de la maladie est indiquée pour contrôler l'état
clinique du patient, notamment son oxygénation. Lorsqu'il n'a plus besoin d'être hospitalisé, la
poursuite des soins à domicile est une mesure raisonnable. On donnera alors à l'entourage toutes
les instructions nécessaires sur les mesures d'hygiène personnelle et de lutte contre l'infection à
prendre par la famille (pour plus de précisions, voir : Avian Influenza, Including Influenza
A(H5N1), in Humans: WHO Interim Infection Control Guideline for Health Care Facilities et
Infection prevention and control of epidemic- and pandemic-prone acute respiratory diseases in
health care, WHO interim guidelines) (10, 11). On a détecté des virus infectieux dans les
sécrétions respiratoires, mais aussi parfois dans le sang, les selles et d'autres liquides biologiques.
Le suivi des malades sortis de l'hôpital sera assuré par des visites à domicile ou par téléphone afin
de vérifier que l'état du patient ne se dégrade pas de nouveau et que les personnes à son contact
restent en bonne santé. Il semble que la durée de réplication du virus A(H5N1) soit prolongée
chez l'homme et l'on a établi qu'elle pouvait se poursuivre pendant 15 à 17 jours après l'apparition
de la maladie (4, 12, 13). En l'absence de corticoïdes, l'excrétion de virus infectieux chez le sujet
immunocompétent infecté par le virus A(H5N1) cesse probablement trois semaines après
l'apparition de la maladie, mais il faudra de nouvelles données sur l'excrétion des virus pour le
vérifier.
3. Traitement antiviral
3.1 Oseltamivir
L'oseltamivir, disponible uniquement par voie orale, reste l'antiviral de choix pour le traitement
des infections à virus A(H5N1) (2, 3). On n'a pas pour l'instant de données provenant d'essais
cliniques contrôlés sur l'oseltamivir ou d'autres antiviraux pour le traitement des patients infectés
par le virus A(H5N1). D'après quelques observations, il semblerait qu'on puisse associer une
diminution de la mortalité à l'administration précoce d'oseltamivir (A Abdel-Ghafar,
communication personnelle 2007) (14). En cas de suspicion d'infection par un virus A(H5N1), il
est important que le patient reçoive le traitement le plus vite possible, sur la base de cette
suspicion et avant la confirmation de l'étiologie. Une fois que l'on a commencé le traitement d'un
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